Question de M. BOUAD Denis (Gard - SER) publiée le 03/10/2024

M. Denis Bouad attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences préoccupantes du marché parallèle du tabac en France. Les données recueillies dans divers rapports parlementaires et articles de presse soulignent une réalité inquiétante : malgré les politiques de santé publique visant à réduire la consommation de tabac par le biais de l'augmentation des taxes, le marché parallèle s'est développé de manière significative, entraînant des pertes fiscales considérables pour l'État.
Selon le rapport de députés relatif à l'évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, le marché parallèle du tabac en France est estimé entre 14 % et 17 % de la consommation totale, ce qui représente des pertes fiscales annuelles comprises entre 2,5 et 3 milliards d'euros. Ces pertes ont des répercussions importantes sur les recettes de l'État, comme en témoignent les chiffres de la sécurité sociale, qui ont enregistré une diminution des recettes liées aux taxes sur le tabac malgré les augmentations de fiscalité.
De plus, on peut facilement observer la prolifération des points de vente clandestins de tabac sur internet, proposant des prix jusqu'à trois fois moins élevés que ceux des bureaux de tabac traditionnels. Cette situation contribue non seulement à la perte de clients pour les buralistes légitimes, mais également à une augmentation du marché parallèle, alimentant ainsi le commerce illégal de tabac.
Compte tenu de ces éléments, il lui demande comment le Gouvernement compte prendre en compte la réalité du marché parallèle et des pertes fiscales pour l'État dans l'élaboration de nouvelles stratégies de lutte contre le tabagisme et de préservation des recettes fiscales.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 11/09/2025

Les hausses de fiscalité ont montré un impact notable sur la consommation de tabac, agissant comme un élément dissuasif. C'est pour cette raison que plusieurs hausses de l'accise sur les tabacs ont été votées au cours de la dernière décennie. Pour autant, le Gouvernement est favorable à une approche équilibrée sur ce sujet : pour cette raison, il n'a pas proposé de hausse de fiscalité lors du dernier débat budgétaire. Toutefois, cette politique fiscale a entraîné un écart de prix avec nos voisins européens. Cette distorsion génère d'importantes pertes de recettes fiscales, alors que les accises collectées sur les ventes de tabac en France continentale sont intégralement reversées aux organismes de protection sociale. Une réponse européenne est indispensable pour lutter contre ce phénomène qui pénalise notre politique de lutte contre le tabagisme et favorise les trafics. La lutte contre les trafics illicites de tabacs constitue une priorité majeure du Gouvernement, mise en oeuvre notamment par la direction générale des droits et douanes indirects (DGDDI) dans le cadre du plan d'action national de lutte contre les trafics illicites de tabacs 2023-2025. La mobilisation des services douaniers sur ce sujet est totale. La Douane intervient d'ailleurs comme administration cheffe de file dans la lutte contre ces trafics. À ce titre, elle pilote, aux côtés de la Mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF), le groupe opérationnel national antifraude (GONAF) dédié à la lutte contre les trafics de tabacs. Cette instance réunit les forces de sécurité intérieure ainsi que le ministère de la Justice. Les opérations interministérielles nationales « COLBERT » sont organisées depuis 2023 au sein de ce groupe. L'opération COLBERT III s'est déroulée du 4 au 11 juin 2025 et a permis la constatation de 3 046 infractions et la saisie de 25,8 tonnes sur le territoire national. Deux axes de contrôles ont porté sur l'entrave des modes de distribution en zone urbaine avec des contrôles renforcés sur les points de vente de rue dit « à la sauvette » et dans les commerces susceptibles de vendre illégalement des produits du tabac. Par ailleurs, des initiatives locales sont régulièrement menées au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF), ou encore sous l'impulsion des services douaniers, comme le démontrent les dernières opérations « STOP TRAFICS TABAC » et « PICAROS VI ». Ensuite, des groupes de lutte anti-trafics (GLAT) ont été créés afin de répondre au besoin d'adapter les méthodes de travail des services douaniers pour faire face aux évolutions des modes d'action des trafiquants. Créés en 2023, ces groupes opérationnels permettent de faire travailler, de façon plus coordonnée, l'ensemble des services douaniers concernés, en coopération avec des services partenaires. Ils exploitent, notamment, les fiches Stop Trafic Tabac émises par les buralistes pour signaler des ventes illicites de produits du tabac. Ces groupes peuvent désormais s'appuyer, dans certaines directions régionales, sur un réseau douanier cyber régional pour lutter contre les trafics sur internet. La douane a également investi dans des capacités de détection permettant de lutter contre les trafics, dont ceux liés aux tabacs. En effet, différents équipements de détection non intrusive sont déployés et continueront à l'être d'ici la fin de l'année 2025. Il s'agit notamment de caméras endoscopes, de scanners et d'équipes maître de chien anti-tabac supplémentaires, d'ici fin 2025. Enfin, dans le cadre du plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025, la DGDDI a entamé des travaux, en coopération avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière, et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Les premiers résultats de ces recherches seront publiés dans le courant de l'année 2025.

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