Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 03/10/2024

M. Guillaume Gontard interroge M. le Premier ministre sur les risques causés par le projet du Lyon-Turin pour l'eau potable des habitants de la Maurienne (Savoie).

Dans le cadre du projet de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, un immense tunnel de 57,5 kilomètres de long doit être creusé entre Saint-Jean de Maurienne (Savoie) et le Val de Suse (Italie). Ce projet soulève depuis sa création de nombreuses questions quant à son utilité, au regard de son coût financier exorbitant, des prévisions surévaluées de marchandises transportées et de la sous-utilisation de la ligne ferroviaire actuelle.

Par ailleurs, de nombreuses communes de la vallée de la Maurienne s'inquiètent de l'impact du chantier du tunnel sur la quantité et la qualité de l'eau potable pour leurs 4.400 habitants, forée dans les nappes phréatiques situées proches du tracé du tunnel. Afin de préserver la qualité des masses d'eau souterraines et les captages d'eau potable, plusieurs arrêtés définissant des périmètres de protection des captages d'eau potable interdisent toute excavation au droit de ces périmètres. Le tracé du tunnel entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse montre que des creusements sont prévus sous les périmètres de protection des captages d'eau. En 2020, les travaux étaient donc suspendus par des arrêtés d'utilité publique, afin de préserver les 17 points de captage concernés.

Pour sortir de ce blocage, le préfet de Savoie a organisé une enquête d'utilité publique visant à autoriser les creusements au droit des périmètres de captages. Malgré les risques avérés de tarissement, le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable.

Alors que la préfecture considère que les travaux du tunnel ne représente aucun problème pour les ressources en eau, TELT, la société de maîtrise d'ouvrage du Lyon-Turin, vient pourtant de lancer discrètement un appel d'offres qui interroge sur sa sincérité. Le 23 septembre 2024, elle a en effet ouvert un appel d'offres de 2,5 millions d'euros pour la fourniture d'eau potable via des camions citernes et des bouteilles d'eau et l'installation d'unités mobiles de traitement de l'eau pour les communes de la Maurienne !

Un scénario de manque d'eau potable semble donc de plus en plus sérieux, malgré les annonces rassurantes des autorités. Le principe de précaution, à la fois pour la protection de l'environnement et la santé humaine, nous impose pourtant la plus grande précaution quant à nos ressources en eau potable. L'approvisionnement en eau potable aux stations de ski de la Maurienne en pleine saison touristique interroge aussi : un ballet continu de camions-citernes sera-t-il nécessaire pour approvisionner les touristes en plein hiver ?

Au vu de l'appel d'offres lancé par TELT, qui reconnaît tacitement que cet approvisionnement en eau potable est menacé par les travaux du tunnel, il souhaite savoir comment le Gouvernement entend assurer la sécurité de cet approvisionnement pour les habitants de la Maurienne. Plus spécifiquement, alors que les travaux du tunnel peuvent encore être stoppés, il lui demande s'il envisage d'interdire les forages sous les périmètres de protection des captages d'eau potable et de demander des études complémentaires pour éviter une catastrophe écologique et sanitaire.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports publiée le 08/05/2025

Le Gouvernement est attentif à toutes les dimensions du chantier du projet de Lyon-Turin et assure un suivi rigoureux des travaux afin de préserver les ressources en eau et de garantir la sécurité des habitants de la Maurienne, dans le respect des exigences environnementales et sanitaires. Le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin constitue le maillon central du corridor méditerranéen, lui-même élément prioritaire du réseau transeuropéen de transport. Ce projet vise notamment à transférer une part significative du trafic de marchandises de la route vers le rail, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l'amélioration des liaisons entre les agglomérations alpines. Il s'inscrit par ailleurs dans une logique de sécurisation des déplacements entre la France et l'Italie. Le préfet de Savoie a pris des arrêtés visant à adapter les périmètres de protection des captages d'eau potable : ces mesures permettent la réalisation des travaux du tunnel tout en garantissant la préservation de la qualité des eaux souterraines, le creusement du tunnel transfrontalier étant prévu à des profondeurs telles qu'il n'impacte pas ces ressources précieuses. Dans une logique de précaution, la société publique maître d'ouvrage du projet, la société Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), a lancé un appel d'offres relatif à la mise en place éventuelle de solutions d'approvisionnement en eau potable par camions-citernes et unités mobiles de traitement de l'eau. Cette démarche répond à la nécessité d'anticiper toute situation exceptionnelle susceptible d'affecter temporairement l'alimentation en eau de certaines communes. Il convient de noter que des infrastructures similaires, comme les tunnels de base du Gothard ou du Brenner, ont été réalisées ou sont en cours de construction en Europe sans que des impacts notables liés aux ressources en eau n'aient été constatés. Par ailleurs, le projet Lyon-Turin a fait l'objet d'études environnementales approfondies, menées de manière rigoureuse par TELT et instruites par les services de l'État. Ces études ont abouti à la délivrance des autorisations environnementales nécessaires, notamment un décret de déclaration d'utilité publique en 2007, prorogé en 2017 après avis du Conseil d'État, ainsi qu'un arrêté d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Le suivi des impacts du chantier repose sur un dispositif de surveillance établi avec les services de l'État et couvre l'ensemble des composantes environnementales et dépasse les obligations réglementaires. En particulier, près de 140 indicateurs sont contrôlés afin de garantir que les effets des travaux restent dans des seuils acceptables. Depuis 1995, TELT assure un suivi des eaux souterraines et superficielles, en concertation avec les services techniques des communes concernées : les données collectées sont consignées en mairies, et les services de l'État en charge de la police de l'eau veillent à l'application stricte de la réglementation.

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