Question de Mme VÉRIEN Dominique (Yonne - UC) publiée le 31/10/2024
Mme Dominique Vérien attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la nécessité de prévoir pour les victimes de violences sexuelles la possibilité de réaliser des prélèvements au sein des unités médico-judiciaires (UMJ) sans dépôt de plainte préalable.
Les UMJ sont des lieux où le médical collabore avec l'autorité judiciaire. Elles ont un rôle d'analyse et de prise en charge des victimes, en vue de déterminer et chiffrer les conséquences physiques et psychologiques liées aux infractions subies au regard de l'incapacité temporaire de travail (ITT), ce qui permet d'analyser les faits comme criminels ou délictuels par exemple. Actuellement, pour pouvoir se rendre dans une unité médico-judiciaire, la règle suppose qu'une plainte soit déposée et que le procureur ait émis une réquisition. Or certaines victimes, sans avoir porté plainte, se présentent directement dans une UMJ ou dans un établissement hospitalier à la suite d'une agression, en vue d'un examen médical et de la réalisation de prélèvements. Certains établissements tels que la cellule d'accueil d'urgences des victimes d'agressions (CAUVA) de Bordeaux accueillent ces victimes sans exiger de dépôt de plainte et il faut s'en féliciter.
Lorsque aucune procédure judiciaire n'est en cours, ces examens ne sont pas pris en charge au titre des frais de justice. Certaines victimes peuvent même être renvoyées chez elles, les services de santé refusant d'effectuer les prélèvements au motif qu'ils ne donneront lieu à aucune contrepartie financière.
À Paris, on estime qu'entre soixante-dix et quatre-vingt victimes de viol se présentent chaque année directement aux UMJ ou à l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) pour un examen médical et pour la réalisation de prélèvements, sans avoir préalablement déposé plainte.
Des réflexions sur la mise en place d'une procédure pour permettre la réalisation de ces examens et prélèvements indépendamment du dépôt de plainte sont actuellement en cours au sein du parquet de Paris et il faut saluer cette initiative.
Alors que dans son discours du 25 novembre 2017, le président de la République s'était engagé à prévoir la mise en place, dans les unités médico-judiciaires, d'un système de recueil de preuves indépendant du dépôt de plainte, elle lui demande donc si des avancées sont prévues dans ce domaine sur l'ensemble du territoire.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 19/06/2025
La lutte contre toutes les formes de violences notamment conjugales constitue une priorité du Gouvernement. La protection de ces victimes commande en effet la mise en place d'un continuum de prise en charge, complet et pluridisciplinaire afin de favoriser leur dépôt de plainte et à défaut, de préserver leurs droits en vue d'une révélation ultérieure des faits et d'une éventuelle exploitation judiciaire. Dans le prolongement du Grenelle des violences conjugales de 2019, le ministère de la Justice a piloté un groupe de travail interministériel en lien avec les ministères de l'Intérieur et de la Santé aux fins de généraliser des dispositifs d'accueil et d'accompagnement des victimes majeures de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles au sein des établissements de santé. La circulaire interministérielle du 25 novembre 2021 relative au déploiement de ces dispositifs prévoit ainsi leur généralisation sur l'ensemble du territoire national. Elle diffuse plusieurs outils à visée opérationnelle afin de favoriser ce déploiement. Ces dispositifs d'accueil et d'accompagnement visent notamment à permettre à la victime de déposer une plainte de manière simplifiée en remplissant un formulaire au sein de l'établissement de santé, de prévoir la prise d'un rendez-vous aux fins de dépôt de plainte directement par le personnel hospitalier avec les services enquêteurs ou encore d'organiser le dépôt de plainte in situ, y compris hors le cas d'urgence lié à l'état de santé de la victime. Si la victime ne souhaite pas déposer plainte, un recueil de preuves sans plainte doit être mis en place afin de préserver ses droits en vue d'une éventuelle exploitation judiciaire ultérieure. Ce recueil de preuves sans plainte constitue une réponse aux besoins des victimes qui peuvent appréhender la révélation immédiate des faits et doivent ainsi pouvoir bénéficier d'un temps de réflexion. Le modèle de protocole national annexé à la circulaire détaille précisément le processus et le cadre juridique applicable à ce dispositif. Ce protocole prévoit expressément que si la victime refuse de déposer plainte et qu'aucun signalement ne peut être réalisé, l'établissement de santé s'engage à proposer une démarche conservatoire en amont de toute procédure judiciaire. L'établissement de santé doit accomplir, avec l'accord de la victime, certains actes conservatoires de même nature que ceux accomplis sur réquisitions judiciaires. Ces éléments sont remis aux services enquêteurs en cas d'ouverture d'une enquête. Les services du Premier ministre ont diffusé le 8 mars 2023 le plan interministériel 2023-2027 pour l'égalité entre les femmes et les hommes intitulé « Toutes et tous égaux » comprenant quatre axes, dont le premier est celui de la lutte contre les violences faites aux femmes. L'un de ses objectifs stratégiques est d'assurer une protection intégrale et immédiate des femmes sur l'ensemble du territoire, notamment en généralisant le recueil des plaintes en établissement de santé, et en permettant le recueil de preuve sans plainte dans chaque département. Ces mesures sont pilotées par le ministère de l'Intérieur, copilotées par le ministère de la Justice et le ministère de la Santé. Au 1er janvier 2025, 236 protocoles avaient été signés entre parquets, établissements de santé, commissariats et gendarmeries en lien avec les agences régionales de santé. Sur les 236 protocoles signés, 61 prévoient la possibilité de procéder à un recueil de preuve sans plainte. Afin de poursuivre cette dynamique, il est désormais nécessaire que les ministères chargés de la justice et de la santé expertisent plus avant le déploiement des protocoles et analysent les freins, notamment financiers, qui pourraient porter préjudice au déploiement effectif du recueil de preuve sans plainte.
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