Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 07/11/2024

M. Michel Canévet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice quant à l'avenir du dispositif de placement éducatif à domicile (PEAD).

Considéré par les professionnels de la protection de l'enfance comme une solution alternative aux placements en établissements, le PEAD permet de combiner un placement au sein des services de l'aide Sociale à l'enfance (ASE) avec un droit d'hébergement permanent chez les parents.
Concrètement, il s'agit de permettre à l'enfant de rester dans son environnement familial, tout en garantissant un soutien éducatif ciblé et intensif pour renforcer les compétences parentales. Le juge confie ainsi l'enfant à l'ASE tout en permettant qu'il reste dans sa famille. L'enfant est en quelque sorte « placé » chez ses parents. Sa famille accepte une intrusion maximale et personnalisée dans leur vie quotidienne (interventions de l'ASE en journée, en soirée, voire en week-end si nécessaire) pour renforcer les capacités parentales.

Originale et « contrintuitive », cette mesure repose sur trois principes : le maintien auprès des parents dans le cadre d'un dispositif mis en oeuvre par les services de l'ASE ; la mise à l'abri à tout moment en cas de risque pour la sécurité de l'enfant ; l'intervention intensive, adaptée et multiforme des professionnels.

Or, ce dispositif est aujourd'hui remis en cause. Le 2 octobre 2024, la cour de cassation a ainsi confirmé la fin des pratiques du PEAD, car étant, selon elle, en contradiction avec la législation actuelle. Faute en effet d'un cadre clair et précis, notamment en ce qui concerne les droits d'exercice des attributs de l'autorité parentale et la responsabilité civile de l'enfant en cas de PEAD, la cour de cassation considère que le cadre juridique de ce dispositif -bien que déjà mis en oeuvre dans de nombreux département et sans remettre fondamentalement en cause son principe-, est, à ce jour, insuffisant, incomplet et insécurisant.

Aussi, au regard des conséquences qu'induirait la disparition de ce dispositif, il lui demande donc si des mesures législatives visant à sécuriser le PEAD sont envisagées à court ou moyen terme.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025

Le dispositif de placement éducatif à domicile est une pratique qui s'est développée dans différents territoires, à l'initiative du secteur associatif habilité (SAH) ou des conseils départementaux, chefs de file en matière de protection de l'enfance. Cependant le développement de ce dispositif s'est fait alors même qu'aucune disposition du code civil ne le prévoit. En outre, le PEAD pose des difficultés d'articulation avec les dispositions relatives aux conditions du placement institutionnel (évaluation systématique préalable, sauf urgence, des possibilités d'un placement au sein de la famille ou chez un tiers digne de confiance), aux actes usuels (exercés par la personne à qui l'enfant a été confié soit l'aide sociale à l'enfance et non les parents), aux droits de visite des parents (en particulier en cas de séparation parentale), aux frais de placement et à la responsabilité civile de l'enfant Aussi, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré dans l'arrêt du 2 octobre 2024 (pourvoi n° 21-25.974), et dans la continuité de son avis du 14 février 2024 (pourvoi n° 23-70.015), sur les fondements des articles 375, 375-2, 375-3,3° et 375-7 du code civil, que lorsque le juge des enfants décide de confier le mineur à l'aide sociale à l'enfance (ASE) un droit d'hébergement à temps complet ne peut pas être accordé cumulativement à l'un ou aux deux parents. Le PEAD repose sur trois principes : maintien de l'enfant à son domicile, une mise à l'abri possible à tout moment en cas de risque pour l'enfant et une intervention intensive, adaptée et multiforme des professionnels. Ces principes d'intervention sont ceux applicables à une mesure d'AEMO-R (article 375-2 du code civil). En effet, l'AEMO-R se caractérise par une intervention éducative plus soutenue, pouvant aller jusqu'à plusieurs visites par semaine dans les cas qui le nécessitent. Malgré des variations d'un territoire à l'autre, les services compétents offrent généralement une grande disponibilité, avec des amplitudes élargies d'ouverture en semaine et des dispositifs d'astreinte permettant de solliciter un éducateur à tout moment, y compris la nuit ou le week-end. Elle peut également s'accompagner d'une autorisation d'hébergement exceptionnel ou périodique, répondant ainsi aux besoins de l'enfant et de sa famille avec la même efficience que la mesure de PEAD. C'est d'ailleurs, dans ce sens, que l'avis de la Cour de cassation a été rendu. Aussi, dans l'état actuel du droit, la transformation de la structure juridique des dispositifs de PEAD en mesure d'AEMO-R est une réponse aux évolutions induites par la décision de la haute juridiction. Une note à l'attention des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse est en cours de rédaction, leur présentant les solutions possibles pour accompagner cette période de transition et les invitant à favoriser les échanges avec les départements, en lien avec les préfets et les juridictions. Enfin, si une modification législative devait intervenir, elle nécessiterait préalablement une étude approfondie du dispositif pour mieux cerner ce qui, dans le droit en vigueur, empêche l'atteinte des principes énoncés.

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