Question de Mme MARGATÉ Marianne (Seine-et-Marne - CRCE-K) publiée le 05/12/2024
Mme Marianne Margaté attire l'attention de Mme la ministre du travail et de l'emploi sur les risques que font peser les fusions d'entreprises sur les droits démocratiques et sociaux des salariés.
Ces fusions d'entreprises servent trop souvent à anéantir des accords d'entreprises obtenus après des négociations ardues et contenant des conquêtes sociales comme la garantie des primes, les jours de réduction du temps de travail (RTT) ainsi que le télétravail. Elles peuvent servir de levier aux directions pour supprimer des instances démocratiques comme le comité social et économique (CSE), organe pourtant essentiel pour la représentation et la protection des salariés, ce qui ne peut que dégrader significativement la qualité de vie au travail.
Cet enchaînement de faits préjudiciable risque de devenir réalité dans le processus de fusion de l'entreprise d'intérim GI Automotive, l'entreprise Kelly Services et l'entreprise ONEPI.
Les salariés dénoncent cet état de fait et souhaitent engager un dialogue social avec la direction en vue d'aller à l'encontre d'une dégradation de leurs droits sociaux et démocratiques. Parmi les propositions qu'ils portent il y a le déclenchement d'élections professionnelles regroupant tous les salariés issus de la fusion de GI Automotive, Kelly Services et ONEPI.
Elle lui demande ce qu'elle compte faire en vue de mener une réflexion globale pour prendre des mesures allant à l'encontre de la dégradation des droits démocratiques et sociaux des salariés en cas de fusions d'entreprises et dans l'immédiat d'agir en faveur d'une reprise d'un dialogue entre la direction et les représentants des salariés des entreprises GI Automotive, Kelly Services et ONEPI.
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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi
Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 11/09/2025
La loi, éclairée par la jurisprudence, instaure un socle de protections destinées à sécuriser la situation des salariés concernés par une fusion d'entreprises au regard de leurs droits individuels et collectifs. En effet, la garantie légale du maintien de tous les contrats individuels en cours en cas de modification dans la situation juridique de l'entreprise a pour équivalent collectif le maintien, notamment en cas de fusion d'entreprises, du cadre institutionnel du dialogue social des entreprises ainsi fusionnées. La loi impose que les Comités sociaux et économiques (CSE), les élus qui y siègent, les représentants syndicaux aux CSE, les délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales conservent leurs mandats. La loi conditionne cependant le maintien de tous ces mandats au maintien de l'autonomie juridique de l'entreprise transférée. La jurisprudence de la Cour de cassation a une approche pragmatique de la notion d'autonomie juridique dans ces cas. Ainsi, même si l'entité fusionnée n'a pas conservé sa personnalité morale et n'a pu constituer à proprement parler une entité juridique autonome, il suffit que celle-ci conserve son identité et que l'activité se poursuive. C'est ce qui ressort de deux décisions du 28 juin 1995 (Cass. soc., 28 juin 1995, n° 94-40.362) et du 18 décembre 2000 (Cass. soc., 18 déc. 2000, no 99-60.381). La Cour a pu se prononcer dans le cas d'une fusion-absorption dans la mesure où l'entreprise, en l'espèce devenue établissement, maintient ses activités dans les mêmes locaux (Cass. soc. 15 mai 2002, n° 00-42.989). Néanmoins, pour qu'il y ait autonomie, deux conditions doivent être réunies : - l'entité transférée doit correspondre au périmètre de l'établissement distinct de l'instance de dialogue social considérée (CSE, dialogue social, représentant de la section syndicale). La Cour de cassation a par ailleurs précisé que l'audience syndicale est conservée sur la durée du cycle électoral, peu importe la modification du périmètre dans lequel la représentativité a été initialement mesurée (Cass.soc. 19 févr. 2014, n° 12-29.354) ; - l'entité transférée doit conserver son autonomie, c'est-à-dire que les conditions permettant de définir l'établissement distinct doivent toujours être réunies une fois l'entité transférée au sein de la nouvelle entreprise. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne considère que l'autonomie est conservée dès lors que les pouvoirs accordés aux responsables, au sein des structures d'organisation du cédant, demeurent au sein des structures d'organisation du cessionnaire, étant entendu que, selon la Cour, un simple changement des supérieurs hiérarchiques les plus élevés ne saurait être en soi préjudiciable à l'autonomie de l'entité transférée (CJUE, 29 juill. 2010, aff. C-151/09). En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le cadre institutionnel du dialogue social des entreprises fusionnées ne peut perdurer et l'organisation de nouvelles élections regroupant tous les salariés issus du transfert s'impose. S'agissant des accords précédemment conclus au sein d'une entreprise avant la fusion, ceux-ci peuvent être mis en cause selon la procédure prévue par le code du travail. Cela implique la survie du texte conventionnel pendant 15 mois, l'engagement obligatoire d'une négociation pour la conclusion d'un accord de substitution et le maintien de la rémunération est obligatoirement garanti. Des négociations « d'anticipation » sont alors menées : - soit par un accord de transition négocié par les employeurs des entreprises concernées et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise qui emploie les salariés transférés. L'accord ne doit porter que sur la situation des salariés dont les contrats de travail sont susceptibles d'être transférés et a une durée de 3 ans. À son expiration, les accords applicables dans l'entreprise d'accueil s'appliquent à ces salariés. - soit par un accord d'adaptation qui a pour objet d'assurer l'adaptation des accords de l'entreprise cédée tout en révisant, par anticipation, les accords collectifs de l'entreprise d'accueil. L'accord est négocié par les employeurs des entreprises concernées et les organisations syndicales de salariés représentatives dans les deux entreprises. Sa validité s'apprécie entreprise par entreprise et il n'y a pas de condition de durée. Ces dispositifs permettent de garantir un cadre juridique sécurisé de nature à protéger les droits démocratiques et sociaux des salariés dans les situations de fusion d'entreprises.
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