Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 20/02/2025

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement sur l'application de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale dans les territoires de montagne.

En effet, cette loi du 19 novembre 2024 prévoit d'appliquer le diagnostic de performance énergétique (DPE) aux meublés de tourisme. Ainsi, pour les nouveaux logements faisant l'objet d'un changement d'usage, un DPE classé à minima E s'appliquera dès 2025, le maire pouvant exiger un DPE avant l'autorisation de changement d'usage. Concernant les meublés de tourisme qui sont actuellement déjà sur le marché, ils devront, à partir de 2034, être classés entre A et D.

Or, ce calendrier ne tient pas compte des spécificités des territoires de montagne, où près d'un logement sur deux n'atteint pas un DPE classé D. Ce mauvais classement s'explique par les défauts que présente le calcul du DPE.

D'une part, le calcul du DPE pénalise les petites surfaces, puisque les consommations d'énergie du logement sont exprimées par unité de surface (m2). De ce fait, les consommations d'eau chaude sanitaire au m² sont plus élevées pour une petite surface relativement à une plus grande surface, les besoins en eau chaude étant par exemple sensiblement les mêmes pour des logements de 20 et 30 m2. Or, la plupart des meublés de tourisme en montagne ont une surface relativement petite.

D'autre part, le calcul du DPE pénalise les logements chauffés à l'électricité face à ceux chauffés au gaz, au fioul ou au bois qui sont pourtant des énergies largement plus polluantes que l'électricité. En effet, un coefficient de conversion des consommations en énergie finale de 2,3 est appliqué à l'électricité. Ceci au motif qu'il s'agit d'une énergie qui doit être transformée avant de pouvoir être utilisée, ce qui entraînerait une perte énergétique. Ainsi, cela signifie que pour consommer 1 kWh d'électricité, il a fallu en produire 2,3 en amont. Cette pénalité due aux pertes énergétiques ferait sens si l'électricité était produite via des énergies fossiles. Or, elle est en France décarbonnée à 92 % grâce au nucléaire. La plupart des meublés en montagne étant chauffés à l'électricité, l'application de ce coefficient leur est donc pénalisante.

Enfin, le DPE ne tient pas compte du fait qu'en montagne, puisque l'altitude est plus élevée, les températures sont plus basses, ce qui nécessite alors de chauffer davantage le logement pour maintenir une température suffisante.

Pour toutes ces raisons, les logements en territoire de montagne seront donc extrêmement pénalisés par cette nouvelle réglementation. De nombreux logements risquent de sortir du parc locatif dès 2025, créant davantage de lits froids quand les politiques publiques ont tenté ces dernières années de lutter contre ce phénomène. De surcroît, une baisse du stock de logements en montagne sera extrêmement problématique au regard de l'accueil des jeux olympiques et paralympiques d'hiver en 2030.

Aussi, et en vertu de l'article 1er de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (loi Montagne I) qui prévoit que « L'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettent en oeuvre des politiques publiques articulées au sein d'une politique nationale répondant aux spécificités du développement équitable et durable de la montagne », il lui demande s'il serait envisageable de prévoir des adaptations spécifiques aux territoires de montagne afin que le stock de meublés de tourisme dans ces territoires ne soit pas excessivement réduit. Il serait en particulier bienvenu de revenir sur l'application du coefficient de conversion des consommations en énergie finale, et de prendre en compte l'altitude pour le calcul du DPE. De même, il apparaît important de modifier le calcul du DPE afin que celui-ci ne pénalise plus les petites surfaces.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ville publiée le 19/03/2025

Réponse apportée en séance publique le 18/03/2025

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 335, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

M. Cyril Pellevat. Ma question porte sur l'application de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, en particulier dans les territoires de montagne.

Cette loi introduit l'obligation d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les meublés de tourisme. Dès 2025, un DPE compris entre les classes A et E est exigé pour toute nouvelle mise en location d'un logement faisant l'objet d'un changement d'usage, et les logements déjà sur le marché devront atteindre au minimum la classe D d'ici à 2034.

Or cette réglementation ne prend pas en compte les spécificités des territoires de montagne, où près d'un logement sur deux n'atteint pas un DPE classé D. Cette situation est principalement due aux failles du mode de calcul du DPE.

D'une part, il pénalise les petites surfaces, très nombreuses en montagne, en raison de la méthode de calcul retenue, fondée sur la consommation d'énergie au mètre carré.

D'autre part, il défavorise les logements chauffés à l'électricité par rapport à ceux qui le sont au fioul, au gaz ou au bois, alors même que l'électricité, en France, est décarbonée à 92 %.

Enfin, il ne tient pas compte de l'altitude et des conditions climatiques spécifiques, qui nécessitent un chauffage plus soutenu.

Ces éléments risquent d'avoir des conséquences dramatiques sur le parc locatif en montagne : des logements pourraient massivement sortir du marché dès 2025, ce qui aggraverait le phénomène des « lits froids », alors que la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2030 exige au contraire une capacité d'accueil renforcée.

Aussi, au regard de l'article 1er de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne, qui impose de prendre en compte les spécificités des territoires de montagne dans l'élaboration des politiques publiques, envisagez-vous, madame la ministre, des ajustements spécifiques ? Je citerai, pêle-mêle, quelques propositions : révision du mode de calcul du DPE pour les petites surfaces ; prise en compte de l'altitude et du climat montagnard dans les critères d'évaluation ; aménagement du coefficient de conversion de l'électricité visant à mieux refléter son impact environnemental réel.

Je précise que, avec ma collègue Sylviane Noël, j'ai déposé une proposition de loi visant à rationaliser en ce sens la méthode de calcul du DPE.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pellevat, le calcul du diagnostic de performance énergétique prend déjà en compte plusieurs spécificités des territoires que vous évoquez, ce dont bénéficient directement les petits logements en zone de montagne.

En effet, afin d'adapter les calculs aux réalités locales, les consommations énergétiques sont évaluées à partir de fichiers météorologiques différenciés selon huit zones climatiques. De surcroît, pour les logements situés au-dessus de 800 mètres d'altitude, les seuils des étiquettes E, F et G sont adaptés. Enfin, une réforme du DPE applicable aux petites surfaces est entrée en vigueur le 1er juillet 2024.

Quant au coefficient de conversion de l'électricité entre énergie primaire et énergie finale, il a été revu en 2021, passant de 2,58 à 2,3. Cette valeur a été établie à partir d'une modélisation du mix électrique français sur les cinquante prochaines années. Elle reflète donc à la fois le mix actuel et le mix projeté à long terme et s'applique de manière homogène sur tout le territoire.

Par ailleurs, plusieurs types de travaux peuvent améliorer significativement la performance énergétique globale d'un logement, même en zone de montagne. Au-delà des travaux d'isolation du bâtiment, l'installation d'une pompe à chaleur conduit ainsi à un meilleur DPE que les systèmes gaz, fioul et bois ou que les radiateurs électriques à effet Joule.

Enfin, si la loi du 19 novembre 2024 étend aux meublés de tourisme les obligations de décence énergétique applicables aux locations de longue durée, elle le fait de manière progressive. Elle prévoit une période de neuf ans pour la rénovation des meublés de tourisme actuellement en location. Ce délai laisse aux propriétaires le temps d'engager les rénovations nécessaires : celles-ci sont indispensables pour que la France respecte ses engagements en matière de réduction des consommations d'énergie et d'adaptation au changement climatique.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, vous avez donné certaines précisions utiles, mais il faudra que nous allions un petit peu plus loin. À Avoriaz, par exemple, compte tenu des contraintes que connaissent les stations de ce type, le parc de logements risque de se retrouver à 70 % non louable !

En 2030, j'y insiste, nous accueillerons les jeux Olympiques et Paralympiques : nous avons besoin d'une flexibilité particulière sur ces sujets.

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