Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 24/04/2025

M. Hervé Maurey rappelle à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur les termes de sa question n° 02929 sous le titre « Augmentation du nombre de vols de véhicules et fiabilité des dispositifs anti-vol », qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 06/11/2025

Sur le plan national, le nombre de vols de véhicules, après avoir baissé en 2020 et 2021 pendant l'épidémie de SARS-CoV-2, avait augmenté de 9 % en 2022 et de 5 % en 2023. Il est désormais stabilisé et a même diminué très légèrement en 2024 (138 100 faits, soit - 1 %) selon les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Il est désormais inférieur à celui observé avant la crise sanitaire (140 000 faits en 2019). Les véhicules automobiles peuvent disposer nativement de dispositifs anti-vol, tels que des systèmes d'alarme, anti-intrusion, anti-soulèvement ou encore de détection de mouvement. Toutefois, ces fonctions sont principalement assurées par deux systèmes distincts : le système de verrouillage, qui permet ou empêche l'accès à l'habitacle, et la chaîne d'antidémarrage, qui conditionne la mise en route du moteur. Pour pénétrer dans un véhicule, les voleurs procèdent le plus souvent par effraction, en brisant une vitre. Cette méthode est rapide, nécessite peu de matériel, et reste la plus utilisée. Toutefois, certaines équipes se sont spécialisées dans des vols sans effraction, grâce à des techniques variées : reproduction de clé mécanique, utilisation d'un coussin d'air pour écarter une portière, ou encore emploi d'un crocheteur mécanique capable de forcer la serrure. Parmi les méthodes plus évoluées, certaines impliquent l'usage d'un "turbodécodeur", qui permet d'obtenir une clé mécanique par reconnaissance automatisée de la serrure. D'autres dispositifs tels que le "jammer" bloquent le signal entre la clé et le véhicule, empêchant le verrouillage. L'attaque par relais est également répandue : elle consiste à relayer le signal de la clé, souvent laissée dans l'habitation du propriétaire, jusqu'au véhicule à l'aide d'une antenne relais. Pour contourner la chaîne d'antidémarrage, d'autres techniques sont employées. La première est l'utilisation d'un dispositif de neutralisation de type "immo-off" ("immobilizer off"), qui permet, via un boîtier connecté à la prise de diagnostic embarquée (OBD - "On Board Diagnostics"), de désactiver l'antidémarrage. Une autre méthode largement répandue consiste à reproduire une clé électronique. Des clés vierges, détournées ou contrefaites, peuvent être programmées à l'aide d'un boîtier encodeur branché sur la prise OBD. Cette méthode représente la majorité des cas de vols recensés. Une autre possibilité consiste à connecter un émulateur de clé électronique directement au réseau multiplexé du véhicule, simulant ainsi la présence d'une véritable clé. Enfin, certains voleurs utilisent des valises de diagnostic électronique destinées aux professionnels pour reprogrammer des clés via la prise OBD. Tout le matériel nécessaire à ces techniques est accessible en vente libre, notamment sur Internet. De nombreux tutoriels et vidéos détaillent les protocoles à suivre, parfois mis à jour en fonction des contre-mesures mises en place par les constructeurs. Dans la majorité des cas, aucune information technique sensible n'est requise. Toutefois, certaines exceptions subsistent. La reproduction de clé mécanique, par exemple, nécessite d'obtenir les codes de taillage du constructeur, parfois obtenus par compromission interne ou piratage informatique. En ce qui concerne l'accès sans effraction par copie de signal, la majorité des véhicules récents sont équipés de clés utilisant des "rolling codes"(codes tournants), qui changent à chaque usage. Cette technologie empêche toute duplication simple ou relecture du signal capté. Ainsi, le vol par duplication directe est extrêmement difficile, même avec des outils de test d'intrusion comme le"Flipper Zero". Ce dernier a récemment fait l'objet d'une interdiction à l'importation au Canada, en raison de soupçons d'usage frauduleux dans des vols de véhicules. Cette décision semble toutefois reposer sur une méconnaissance technique de ses capacités réelles : il ne peut interagir qu'avec des signaux radio non cryptés, tels que ceux de télécommandes domestiques (climatisation, télévision, etc.), mais ne permet ni le clonage, ni le contournement des systèmes modernes protégés par "rolling code". Malgré une montée en puissance des vols de véhicules, le parc roulant devient de plus en plus difficile à compromettre grâce aux avancées technologiques. L'arrivée de nouvelles solutions embarquées peut néanmoins créer de nouvelles vulnérabilités, comme c'est le cas pour certains modèles récents, déjà identifiés comme sensibles. Là où auparavant les outils nécessaires pour compromettre un modèle neuf circulaient dans les jours suivant sa commercialisation, les enquêteurs constatent désormais un allongement significatif de ces délais. Cela témoigne d'une complexité croissante pour les délinquants à s'adapter. Conscients des enjeux, les constructeurs automobiles intègrent désormais des principes de cybersécurité dès la conception des véhicules, selon une logique dite "safety by design". Deux règlements adoptés par les Nations Unies ("UN R155"sur la cybersécurité, et"UN R156"sur les mises à jour logicielles) encadrent ce processus. En complément, à l'échelle européenne, le"Cyber Resilience Act" du 23 octobre 2024 introduit des exigences de sécurité numérique pour tous les produits comportant des composants digitaux, y compris les véhicules conçus depuis 2022 et mis en production à compter de 2024. À ce jour, il n'existe toutefois aucun référentiel de comparaison ou de cotation pour évaluer le niveau de cybersécurité des véhicules. La localisation des véhicules volés s'inscrit dans un cadre judiciaire strict, notamment en lien avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD). En cas de vol, une réquisition judiciaire doit être adressée au constructeur pour obtenir les données de localisation. Le Plateau d'Investigations sur les Véhicules (PIV) du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale a structuré un réseau opérationnel couvrant l'ensemble de l'écosystème automobile, y compris les constructeurs. Il a également conclu des partenariats avec des sociétés privées pour renforcer ses capacités de géolocalisation. Les géolocalisations transmises peuvent être de deux types : une localisation approximative via le boîtier télématique connecté au réseau téléphonique (avec carte SIM via la Plateforme nationale des interceptions judiciaires ; PNIJ), ou une localisation exacte, directement issue des capteurs embarqués du véhicule. Une difficulté importante réside dans la gestion juridique des données de localisation. En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) élabore actuellement une recommandation relative à l'utilisation des données issues des véhicules connectés. Ces données doivent, en principe, être collectées avec le consentement explicite du propriétaire, ce qui peut ralentir leur mise à disposition pour les forces de l'ordre. À l'échelle européenne, les interprétations juridiques du RGPD varient selon les États membres, compliquant l'harmonisation des procédures, notamment avec certains constructeurs étrangers. La géolocalisation est devenue un acte d'enquête crucial dans les affaires de vol de véhicules, au même titre que la vidéoprotection, les actes de police technique et scientifique ou les enquêtes de voisinage. La majorité des véhicules récents étant équipés de dispositifs de localisation, ces données constituent souvent le seul moyen efficace de retrouver un véhicule volé. En 2024, le PIV a traité plus de 27 000 demandes de géolocalisation, un volume en constante augmentation. Il est essentiel que cette localisation intervienne le plus tôt possible, avant que le véhicule ne quitte le territoire ou ne soit vidé de ses éléments traçables. Dans ce contexte d'adaptation permanente des pratiques délinquantes sophistiquées, les forces de police et de gendarmerie agissent dans le respect des lois et règlements. Le Gouvernement travaille sur plusieurs évolutions utiles pour pénaliser plus sévèrement la conception, la détention et la diffusion de matériel de reprogrammation de clés utilisé hors du marché légal et renforcer les normes. Enfin, le ministre de l'intérieur mobilise pleinement les forces de gendarmerie et de police pour offrir une meilleure protection des biens. Par exemple, l'expertise de la gendarmerie sur les possibilités de vol par les nouvelles technologies et sur la localisation des véhicules volés (complétée par des travaux sur la lutte contre la fraude à l'immatriculation) est conjuguée à une action directe et quotidienne sur le volet dissuasif et répressif. La gendarmerie se mobilise pour le renforcement de son maillage territorial et la présence de voie publique (+11,7 % en 2024), ainsi que le renforcement de ses capacités judiciaires, intégrant notamment la lutte contre la criminalité organisée.

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