Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 01/05/2025
M. Bruno Belin attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'importance stratégique de l'eau pour les cultures agricoles.
Le modèle agricole français, fondé sur des exploitations familiales à taille humaine, est reconnu comme l'un des plus vertueux au monde. Dans un contexte de changement climatique et de raréfaction progressive de la ressource en eau, plusieurs études territoriales ont été engagées afin d'établir un diagnostic partagé de la situation hydrologique. Les résultats de ces études constituent un préalable indispensable à l'élaboration des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), et conditionnent les aides financières accordées par les agences de l'eau pour la mise en place des outils définis localement par les élus.
Cependant, sur le terrain, les agriculteurs expriment une vive inquiétude face à la perspective d'une réduction trop forte, voire d'une suppression, des possibilités d'irrigation, y compris en agriculture biologique. Les rendements en grandes cultures sont déjà plus faibles en bio qu'en conventionnel, et varient sensiblement d'une région à l'autre. Dans ce contexte, de nombreux exploitants s'interrogent sur la pérennité de leur activité et sur la transmission de leurs fermes. Sans possibilité d'irrigation adaptée, tenant compte des cultures en place, des exigences du marché et des aléas climatiques, les exploitations, qu'elles soient en agriculture conventionnelle ou biologique, ne pourront plus faire face durablement.
Si la préservation de la ressource en eau est une nécessité largement partagée, elle ne doit pas entrer en conflit frontal avec l'exigence tout aussi essentielle de garantir notre souveraineté alimentaire. À force de réglementer de manière sectorielle ou idéologique, on risque de perdre de vue les effets globaux à long terme sur l'équilibre agricole national.
Par conséquent, il demande au Gouvernement quelles actions concrètes il entend engager pour concilier la préservation de la ressource en eau avec la sécurisation de l'irrigation des cultures, indispensable à la résilience de notre agriculture.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 18/09/2025
L'eau est le premier marqueur du changement climatique qui fragilise et menace l'agriculture française. C'est l'un des secteurs économiques particulièrement exposés aux modifications climatiques et hydrologiques, et ce sur l'ensemble du territoire national. Rendre l'agriculture plus résiliente vis-à-vis de la ressource en eau oblige à considérer tout l'éventail des leviers disponibles et à mobiliser des combinaisons de solutions adaptées à l'échelle locale, compte-tenu des enjeux spécifiques de chaque territoire. Ces solutions allient évolutions des pratiques agricoles relatives notamment au travail des sols, aux choix des productions, des variétés culturales, et des infrastructures agroécologiques avec des investissements dans l'hydraulique portant sur du matériel à la parcelle plus efficient en eau et de la rénovation et création d'infrastructures hydrauliques lorsque la ressource en eau est suffisamment disponible. L'ambition du Gouvernement est ainsi de concilier l'accès à l'eau des exploitations agricoles avec le respect des équilibres des milieux et des autres usages, dans le cadre d'une gestion durable de la ressource en eau, afin de garantir la souveraineté alimentaire et l'équilibre des territoires. Pour adapter l'agriculture aux enjeux de raréfaction de la ressource en eau, le plan d'actions pour une gestion résiliente et concertée de l'eau dit « plan eau » annoncé par le Président de la République le 30 mars 2023 s'inscrit dans la continuité du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, et de ses deux piliers : adapter les systèmes agricoles au climat et garantir un accès raisonné à l'eau à l'agriculture. À ce titre, pour soutenir les efforts d'adaptation demandés aux agriculteurs, l'année 2024 a été marquée par le lancement d'un fonds d'investissement en hydraulique agricole prévu par la mesure n° 21 du plan Eau. Ce fonds vise à accompagner les projets permettant de remobiliser et moderniser les ouvrages hydrauliques existants et développer de nouveaux projets dans le respect des équilibres des usages et des écosystèmes. De plus, l'article 44 de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture vise, à titre principal, à accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d'ouvrages hydrauliques agricoles. Le plan eau soutient également des pratiques économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d'eau, irrigation au goutte-à-goutte, etc.) et prévoit de massifier la valorisation des eaux non conventionnelles notamment permise par la levée de freins règlementaires en 2024. L'année 2024 a également été marquée par le lancement du plan agriculture climat Méditerranée dans le cadre de la planification écologique. Ce plan accompagne les acteurs territoriaux dans l'élaboration de projets de territoire par les filières qui souffrent particulièrement du changement climatique sur l'arc méditerranéen. De manière très opérationnelle, ce plan s'appuie sur la labellisation d'aires agricoles de résilience climatique (AARC) dont les préfets de régions concernés ont été chargés de lancer les appels à manifestation d'intérêt (AMI). Les porteurs de projets s'inscrivant dans les AARC labellisées disposent d'un accès à des financements propres ainsi qu'à une priorité sur les autres aides de la planification écologique, pour la résilience et la structuration de filières. Enfin, les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), soutenus par le Gouvernement et introduits par l'instruction du 7 mai 2019 complétée le 17 janvier 2023, offrent un cadre de concertation pertinent pour assurer un équilibre entre les usages de l'eau et la ressource en eau disponible d'un territoire en impliquant les usagers de l'eau (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs, etc.) dans un projet global.
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