Question de Mme BROSSEL Colombe (Paris - SER) publiée le 01/05/2025
Mme Colombe Brossel attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les violences sexuelles dont sont victimes les jeunes filles et les femmes soudanaises, de la part des Forces d'appui rapide, parties au conflit.
Depuis avril 2023, le Soudan est en effet touché par une guerre qui oppose les forces armées soudanaises (SAF) et les forces de soutien rapide (RSF). Un récent rapport publié par l'organisation non gouvernementale Amnesty International dénonce le viol ou le viol en réunion de 36 femmes et filles, dont certaines n'avaient que 15 ans, ainsi que d'autres violences sexuelles dont se sont rendus responsables des soldats des Forces d'appui rapide dans quatre États du Soudan, entre avril 2023 et octobre 2024. Ces faits, dont certains s'apparentent à des crimes de guerre en violation du droit international humanitaire, s'ajoutent à une situation complexe depuis deux ans : des dizaines de milliers de morts, 11 millions de personnes déplacées, dont de nombreuses femmes avec leurs enfants... Les nombreux témoignages recueillis dans des camps de personnes réfugiées en Ouganda, sur lesquels s'appuie le rapport publié, mettent en évidence la responsabilité des combattants des Forces d'appui rapide, dans ces exactions. Le recours des Forces d'appui rapide aux violences sexuelles depuis le début du conflit et dans l'ensemble du Soudan, associé au fait que de nombreuses attaques ont eu lieu en présence d'autres soldats, victimes et civils, démontre la totale impunité avec laquelle agissent les responsables de ces horribles crimes.
Dans ce contexte, elle souhaite que lui soient indiquées les lignes directrices défendues par le Gouvernement en matière de protection des femmes et des jeunes filles. Au-delà, alors que la guerre civile au Soudan est désormais une réalité depuis deux ans, elle souhaite rappeler son attachement à la mise en oeuvre d'une action coordonnée et forte de la part de la France et de l'Union européenne, en faveur d'une issue durable au conflit, aux fins de paix et de stabilité au Soudan et dans la région.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/09/2025
Le conflit dévastateur entre les forces armées soudanaises (FAS), les paramilitaires des forces de soutien rapide (FSR) et les groupes armés qui leur sont alliés a entraîné une recrudescence des violences fondée sur le genre, y compris des violences sexuelles. Les FAS, les FSR, le Justice and Equality Movement (JEM) et la Sudan Liberation Army - Abdul Wahid figurent sur « la liste des parties soupçonnées de manière crédible d'avoir commis ou d'être responsables de viols systématiques ou d'autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé inscrites à l'ordre du jour du Conseil de sécurité », en annexe du dernier rapport du Secrétaire général des Nations unies sur les violences sexuelles liées aux conflits, de mai 2024. Le dernier rapport de la Mission internationale indépendante d'établissement des faits des Nations unies pour le Soudan (octobre 2024) met en lumière qu'« une grande majorité des cas de viols et d'autres formes de violence sexuelle documentés dans le rapport ont été attribués à des hommes portant l'uniforme des FSR ». Il indique également que « quelques cas de violences sexuelles attribuées aux FAS, y compris les services de renseignement militaire des FAS » ont été documentés. La France met les droits des femmes et des filles au coeur de tous ses efforts pour la paix, la sécurité et la réponse humanitaire. La France s'est engagée dans la Stratégie Humanitaire de la République Française (SHRF) à atteindre d'ici 2027 au moins 85 % des financements humanitaires intégrant les enjeux liés à l'égalité de genre et les droits des femmes et des filles, et de consacrer au moins 20 % des financements humanitaires intégrant ces enjeux à titre principal. Fidèle à ses engagements pris dans le cadre de l'agenda « Femmes, paix et sécurité » du Conseil de sécurité des Nations unies, la France mène, avec ses partenaires, les actions suivantes pour répondre à ces atrocités : - lutter contre les violences sexuelles et fondées sur le genre, en mettant un accent sur la protection des femmes et des enfants. La France, l'Allemagne et l'Union européenne ont organisé le 15 avril 2024 à Paris une conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins. A cette occasion, la France a rappelé aux parties leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et a condamné les violences perpétrées contre les civils, en particulier les violences sexuelles et sexistes. Sept mois plus tard, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est rendu auprès des réfugiés soudanais, à la frontière entre le Tchad et le Soudan, où il a annoncé des financements supplémentaires pour soutenir l'action du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et des ONG dans l'accompagnement des femmes et des enfants en bas âge. Depuis 2023, la France a mobilisé plus de 200 millions d'euros pour appuyer les populations civiles au Soudan et dans les pays voisins, comme l'a présenté le ministre de l'Europe et des affaires étrangères lors de la conférence de Londres sur le Soudan le 15 avril 2025, qu'il a co-présidée aux côtés du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Union africaine et de l'Union européenne. Ces financements permettent par exemple au HCR de mettre en place des dispositifs de protection contre les violences y compris sexuelles, en accordant une attention particulière aux femmes et aux enfants. Grâce aux Nations unies et à la contribution de la France, 167 000 femmes et 155 000 enfants ont ainsi bénéficié de la protection via le HCR. La France, à travers des ONG humanitaires au Soudan, soutient également la fourniture de services spécialisés dans la lutte contre les violences sexuelles liées au conflit, la gestion des cas de violence basées sur le genre et le soutien psychologique pour les survivantes. L'approche centrée sur les victimes et survivants constitue un enjeu prioritaire pour la France. Elle soutient un accès pérenne et facilité aux institutions juridiques et judiciaires pour toutes les personnes victimes et survivantes de violences dans les contextes de crise. A ce titre, la France soutient le Fonds mondial pour les survivants de violences sexuelles liées aux conflits, lancé lors de sa présidence du G7 en 2019 et cofondé par Nadia Murad et le docteur Denis Mukwege, corécipiendaires du Prix Nobel de la Paix en 2018. Entre 2020 et 2024, GSF a apporté un soutien direct à près de 6 000 survivants dans 9 pays, avec plus de 2 200 survivants ayant reçu une indemnisation financière mensuelle. D'ici 2030, le Fonds prévoit de soutenir 50 000 survivants de violences sexuelles dans le monde, y compris au Soudan. - lutter contre l'impunité des auteurs de violences sexuelles et basées sur le genre dans une approche globale de justice transitionnelle. La France soutient les travaux de la Cour pénale internationale (CPI) et de la Mission internationale indépendante d'établissement des faits des Nations unies pour le Soudan. Au sein de l'Union européenne, la France a appuyé la création d'un régime de sanctions à l'encontre des responsables d'activités compromettant la stabilité et la transition politique du Soudan, en octobre 2023. Il s'agit notamment « des personnes physiques qui planifient, dirigent ou commettent des actes au Soudan qui constituent de graves violations des droits de l'Homme, ou de graves atteintes à ces droits, ou des violations du droit international humanitaire, y compris des meurtres et des mutilations, des viols et d'autres formes graves de violence sexuelle et sexiste, des enlèvements et des déplacements forcés ». Trois paquets de mesures restrictives ont été adoptés en janvier, juin et décembre 2024 contre dix personnes et six entités. De nouvelles discussions sont en cours à Bruxelles et toutes les options restent sur la table. Au Conseil de sécurité des Nations unies, la France a également appuyé la mise sous sanctions de deux généraux des FSR par le Conseil en novembre 2024. - soutenir la participation des femmes et des organisations de la société civile féministes. La France s'engage à renforcer la participation pleine, égale et significative des femmes à toutes les étapes des processus de paix et des efforts de prévention du conflit au Soudan. Elle reconnait les femmes comme actrices de paix et porte une attention particulière à la participation et l'appui des organisations de la société civile locales et féministes à ces mécanismes. Conformément à l'engagement français de localisation de l'aide et aux priorités de la diplomatie féministe, la France veille enfin à promouvoir la participation de la société civile aux programmes de coopération et humanitaire.
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