Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 22/05/2025

M. Bruno Belin attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les difficultés rencontrées par les communes rurales qui possèdent un monument historique.
De nombreuses communes rurales abritent des bâtiments classés monuments historiques, ce qui entraîne l'instauration d'un périmètre de protection de 500 mètres touchant directement les règles d'urbanisme. Si la préservation du patrimoine est essentielle, elle ne doit pas pour autant bloquer les dynamiques locales. Dans ces périmètres, de nombreux projets déposés par les administrés sont rejetés, ce qui freine la rénovation de l'habitat.
Le rôle de l'Architecte des bâtiments de France (ABF) est perçu comme trop rigide par les élus locaux. Les cahiers des charges imposés ne laissent que peu de marges de manoeuvre aux maires pour accompagner efficacement les habitants dans leurs démarches de restauration. La conséquence en est que certains travaux ne sont jamais réalisés, des bâtiments se dégradent et des maisons sont abandonnées, alors même que le zéro artificialisation nette, défini par les lois n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, incite à utiliser le bâti existant plutôt que de consommer du foncier.
Par ailleurs, les procédures pour engager des travaux sur un bâtiment classé sont particulièrement complexes et chronophages, ce qui décourage bon nombre d'élus, souvent dépourvus d'une ingénierie administrative suffisante. Face à ces freins certaines communes vont jusqu'à envisager le déclassement de leurs monuments historiques, à la fois pour retrouver une capacité d'action et pour protester contre des décisions jugées trop contraignantes.
Il cite notamment l'exemple de la commune de Curzay-sur-Vonne, dont l'église et le château sont classés. Entre 2023 et début 2025, un quart des dossiers d'urbanisme (9 sur 36) ont été rejetés en raison d'avis défavorables de l'ABF. Le propriétaire du château avait un projet de rénovation structurant, mais l'impossibilité d'obtenir les permis nécessaires a conduit à l'abandon du projet. Le château est désormais en vente et le village a perdu une opportunité de valorisation et de dynamisation.
Par conséquent, il demande au Gouvernement quelles mesures il entend mettre en place pour assouplir et clarifier les règles encadrant les monuments historiques en milieu rural. Il alerte sur les effets contre-productifs d'une réglementation excessive, qui fragilise les petites communes, décourage les administrés et compromet la préservation du patrimoine en la rendant inatteignable.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 04/09/2025

La protection au titre des abords de monuments historiques est définie à l'article L. 621-30 du code du patrimoine. Cette protection concerne les immeubles, bâtis ou non bâtis, situés en « covisibilité » avec le monument historique, c'est-à-dire visible depuis le monument historique ou visible en même temps que lui, à moins de 500 mètres de celui-ci. La protection au titre des abords peut également s'appliquer au sein d'un périmètre délimité des abords, c'est-à-dire un périmètre adapté à la réalité et aux enjeux du terrain, créé sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France (ABF) ou de la collectivité territoriale. Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine, les travaux susceptibles de modifier l'aspect des immeubles bâtis ou non bâtis situés en abords de monuments historiques font l'objet d'une autorisation préalable soumise à l'accord (« avis conforme ») de l'ABF, qui s'assure que le projet présenté s'insère harmonieusement dans l'environnement du monument. Dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux, l'ABF peut émettre des prescriptions, notamment en matière d'insertion du projet, au cas par cas, en fonction du dossier déposé et de son impact sur le site protégé concerné. Les refus d'autorisation de travaux, quand ils sont fondés sur un avis défavorable de l'ABF, doivent être motivés et sont souvent accompagnés de propositions, qui permettent de réexaminer plus positivement un futur projet. Au demeurant, ces refus d'autorisation sont limités, puisque, en moyenne annuelle, sur un peu plus de 500 000 dossiers instruits à divers titres, seuls 7 % font l'objet d'un avis défavorable de l'ABF. Concernant les sites protégés pour leur intérêt patrimonial situés dans la commune de Curzay-sur-Vonne (Vienne), on dénombre deux monuments historiques, l'église Saint-Martin et le château de Curzay. La majorité des avis rendus par l'ABF sur des autorisations de travaux concerne les abords de l'église Saint-Martin, classée au titre des monuments historiques et située dans le bourg. Sur la période allant de 2023 à juin 2025, l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (UDAP) de la Vienne a instruit 42 dossiers de demandes d'autorisation de travaux, dont sept ont fait l'objet d'un refus. Parmi ces avis défavorables, quatre concernaient l'intégration de dispositifs de production d'énergie renouvelable (pompes à chaleur, panneaux solaires) ou la rénovation thermique (isolation par l'extérieur). Ces refus ont systématiquement été accompagnés de recommandations permettant aux pétitionnaires d'améliorer leur projet en vue d'un nouveau dépôt d'autorisation. S'agissant de la question des travaux de réhabilitation liée à la performance énergétique des bâtiments, le ministère de la culture travaille activement à permettre la conciliation des enjeux de la transition énergétique et de la protection du patrimoine, objectif qui est inscrit dans la « Feuille de route pour la Transition écologique de la Culture ». À cet égard, l'ABF peut émettre des prescriptions privilégiant notamment les matériaux traditionnels, renouvelables et respectueux du patrimoine et de l'environnement. Le bon entretien et la mise aux normes d'habitabilité du bâti ancien concourent in fine à la préservation de ce patrimoine. Ils renforcent en outre l'attractivité des logements, une des clés de la revitalisation des centres anciens, dans l'objectif du zéro artificialisation nette des sols. Concernant le château de Curzay, il est partiellement inscrit au titre des monuments historiques, et a fait l'objet d'un projet de transformation en établissement de luxe par un investisseur. Les services patrimoniaux de la direction régionale des affaires culturelles (UDAP, conservation régionale des monuments historiques et service régional de l'archéologie), associés en amont par le porteur de projet et son architecte du patrimoine, ont pu accorder sans difficulté les autorisations nécessaires à ce projet de réaménagement. Il semble toutefois qu'une partie des aménagements prévus dans le parc (construction de cottages) n'étaient pas autorisés dans le document d'urbanisme de la commune et auraient conduit les investisseurs à renoncer à leur projet, dont l'insuccès ne peut donc pas être imputé aux services de la DRAC. Enfin, l'UDAP de la Vienne assure des permanences mensuelles dans la plupart des communes du département, dont celle de Curzay-sur-Vonne, et se tient à la disposition des pétitionnaires, particuliers et collectivités, pour les aider à améliorer l'intégration de leurs projets.

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