C. UNE PRISE EN CHARGE PAR L'ETAT DES FRAIS D'HÉBERGEMENT QUI NE DOIT PAS EXCLURE UNE PARTICIPATION FINANCIÈRE DES DEMANDEURS
À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à préciser, au sein de l'article L. 744-2, que les frais d'accueil et d'hébergement dans les lieux d'hébergement destinés aux demandeurs d'asile sont pris en charge par l'État . En effet, l'article 16, en supprimant le caractère d'aide sociale de l'État de l'hébergement en CADA pouvait laisser entendre que l'hébergement des demandeurs d'asile ne relèverait plus de la compétence de l'État.
Toutefois, cette insertion peut laisser penser, a contrario , que les lieux d'hébergement ne pourraient solliciter aucune participation financière des personnes hébergées. Or, aujourd'hui, un certain nombre de CADA demandent une participation financière, en fonction des ressources des demandeurs. Votre commission des finances a en conséquence adopté un amendement visant à préciser que le principe selon lequel les frais d'hébergement sont pris en charge par l'État n'exclut pas la participation des demandeurs d'asile hébergés, en fonction de leurs ressources . Il s'agit en particulier de faire en sorte que les demandeurs d'asile qui bénéficient d'une autorisation de travail et qui ont un emploi, ainsi que les réfugiés accueillis en CADA, et qui bénéficient du RSA, participent financièrement aux frais d'hébergement.
D. UN DROIT AU MAINTIEN DES RÉFUGIÉS ET DES DEMANDEURS D'ASILE DÉBOUTÉS DANS LES LIEUX D'HÉBERGEMENT À DIFFÉRENCIER
1. L'hébergement des déboutés en CADA : une dépense indue estimée à 15,5 millions d'euros en 2014
L'article 15 du présent projet de loi créé un nouvel article L. 744-5 du CESEDA, qui prévoit en particulier les conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile qui ont fait l'objet d'une décision définitive, favorable ou défavorable, peuvent se maintenir dans un lieu d'hébergement et peuvent en être évacués .
En effet, le maintien indu de certaines personnes, en particulier les déboutés du droit d'asile, contribue fortement à la saturation du dispositif d'hébergement, déjà en situation de sous-capacité. Au 31 décembre 2014, les déboutés en présence indue en CADA représentent ainsi 7 % des places en CADA. Sur la base d'un coût total de 220,8 millions d'euros prévus en 2015 pour les CADA, la présence des déboutés représenterait ainsi une dépense « indue » d'environ 15,5 millions d'euros.
Le délai de maintien après décision définitive sur la demande d'asile constitue donc un enjeu majeur d'un point de vue budgétaire aussi bien que du point de vue de l'efficacité générale du système d'hébergement.
2. La nécessité de différencier le traitement des réfugiés de celui des déboutés
L'article L. 744-5 reprend les dispositions de l'article existant L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles. Il prévoit que les demandeurs d'asile se maintiennent dans les lieux d'hébergement jusqu'à ce que la décision de l'OFPRA ou de la CNDA soit rendue définitive, ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre État membre (pour les demandeurs d'asile « dublinés »).
A l'instar des dispositions aujourd'hui en vigueur, le nouvel article L. 744-5 s'applique dans les mêmes conditions aux réfugiés et aux déboutés, s'agissant de la possibilité de maintien dans les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile après décision définitive de l'OFPRA ou de la CNDA. Certes, l'article R. 348-3 du code de l'action sociale et des familles distingue les deux situations, en prévoyant que les réfugiés peuvent se maintenir pendant un délai de trois mois renouvelable, tandis que les déboutés ne peuvent se maintenir que pendant un délai d'un mois.
Comme il l'a souligné dans son précédent rapport sur les centres provisoires d'hébergement, votre rapporteur pour avis souhaite que cette distinction soit reprise et affirmée au niveau législatif , afin de renforcer la possibilité de maintien des réfugiés en CADA et de poser le principe du départ des déboutés.
Votre commission des finances a ainsi, à l'initiative de votre rapporteur pour avis, adopté un amendement visant à différencier la situation des réfugiés et celle des déboutés s'agissant du maintien dans les lieux d'hébergement . Cet amendement prévoit que :
- les personnes réfugiées ou bénéficiaires de la protection subsidiaire puissent ainsi se maintenir, à titre subsidiaire et temporaire, dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile ;
- sauf cas exceptionnel, les personnes déboutées ne puissent pas se maintenir dans un tel lieu d'hébergement.
3. La nécessité de faciliter l'exercice par le tribunal administratif de la possibilité d'ordonner l'évacuation des déboutés des places qu'ils occupent
Par ailleurs, cet article L. 744-5 précise les conditions dans lesquelles un débouté peut être évacué, sur décision de justice . Il prévoit ainsi que, après l'éventuel délai de maintien accordé, « l'autorité administrative compétente peut, après mise en demeure restée infructueuse, demander en justice qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer le lieu ». Ainsi, l'OFII peut saisir le juge administratif en procédure de référé conservatoire dit « référé mesures utiles » , sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.
Il s'agit d'une clarification utile de la procédure, alors que les gestionnaires étaient parfois engagés dans des procédures contentieuses longues auprès des tribunaux d'instance en cas de refus de sortie de résidents en présence indue. La compétence du juge administratif se justifie pleinement, au regard de la mission de service public assuré par le centre.
Cependant, le texte initial du Gouvernement précisait que cette procédure pouvait être enclenchée même si la condition d'urgence, normalement requise par l'article L. 521-3 précité, n'était pas réunie afin, selon l'étude d'impact annexée au présent article « d'éviter tout contentieux dilatoire ou annexe sur l'urgence ». En outre, il ajoutait que le président du tribunal administratif pouvait assortir la décision d'évacuation d'une astreinte financière .
A l'Assemblée nationale, ces deux éléments, qui allaient dans le sens d'une plus grande efficacité de la procédure, ont été supprimés . À l'initiative de nos collègues députés Sergio Coronado et Paul Molac, la condition d'urgence a été rétablie, en s'appuyant sur l'idée qu'il serait « absurde de demander une procédure d'urgence sans condition d'urgence ». À l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure, qui soulignait qu'il n'était pas « utile et opportun, compte tenu de la situation des personnes », le mécanisme d'astreinte a été supprimé.
Ces deux éléments semblent pourtant utiles pour garantir que la procédure puisse être utilisée de façon systématique . En particulier, il n'est pas certain que la condition d'urgence soit considérée comme réunie du simple fait qu'est occupé de façon indue un établissement chargé d'une mission de service public 11 ( * ) . Afin de sécuriser la procédure, votre commission a adopté un amendement visant à rétablir la précision selon laquelle la condition d'urgence n'est pas nécessaire.
De la même manière, elle a adopté un amendement visant à rétablir la possibilité de prononcer une peine sous astreinte , afin d'inciter les personnes concernées à appliquer la décision du tribunal et à quitter les lieux avant le recours éventuel à la force publique.
* 11 La condition d'urgence n'est en effet satisfaite que lorsqu'il s'agit d'une occupation illégale du domaine public qui présente une atteinte à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques.