CHAPITRE IV
DISPOSITIONS
CONCERNANT LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
119. SECTION 1
Dispositions relatives à la
répression des discriminations
et des atteintes aux personnes ou aux
biens
présentant un caractère raciste
120. Article 15 bis (nouveau)
(art. 131-3, 131-5-1
nouveau, 132-45, 131-6, 131-7, 131-8, 131-9, 131-11,
222-45, 225-19, 311-4,
312-13, 322-15, 434-41 du code pénal,
art. 20-4-1 nouveau de
l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945)
Création d'une peine de stage de citoyenneté
Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à l'initiative du gouvernement, tend à créer ne peine de stage de citoyenneté. Il s'agit de la reprise d'une proposition qui figurait dans l'avant-projet de loi pénitentiaire élaboré par le précédent gouvernement et jamais déposé au Parlement.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Dominique Perben, ministre de la justice, a ainsi présenté cette proposition : « Il s'agit d'un amendement important qui a pour objet de prévoir une nouvelle sanction pénale, le stage de citoyenneté. Cette peine consistera dans l'obligation pour le condamné de suivre un stage de sensibilisation aux valeurs de la République et notamment aux valeurs de tolérance et de respect de la dignité de la personne. Cette sanction présentera un intérêt tout particulier à l'encontre des auteurs d'infractions racistes ou antisémites » 65 ( * ) .
Le texte adopté par l'Assemblée nationale comporte quinze paragraphes.
Le paragraphe I tend à prévoir la peine de stage de citoyenneté dans l'article 131-3 du code pénal, qui énumère les peines encourues par les personnes physiques lorsqu'elles ont commis un délit.
Le paragraphe II tend à insérer dans le code pénal un nouvel article 131-5-1, afin de définir la nouvelle peine. Le texte proposé pour l'article 131-5-1 prévoit que le stage de citoyenneté pourra être prononcé à la place de l'emprisonnement, lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement. Le stage aurait pour objet de rappeler au condamné les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. Les modalités, la durée et le contenu du stage seraient fixés par décret en Conseil d'Etat. Le texte proposé prévoit que la juridiction doit préciser si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe (450 euros), doit être effectué aux frais du condamné.
Conformément à la solution retenue pour le travail d'intérêt général, la peine de stage de citoyenneté ne pourrait être prononcée contre le prévenu qui la refuserait ou ne serait pas présent à l'audience.
Ainsi, le stage de citoyenneté pourrait être prononcé en tant que peine principale.
Après le paragraphe II, votre commission vous propose, par un amendement , de compléter l'article 131-16 du code pénal relatif aux peines complémentaires en matière contraventionnelle, afin de mentionner le stage de citoyenneté parmi ces peines. Une telle peine pourrait être particulièrement utile en matière de violences ou de destructions contraventionnelles.
Le paragraphe III tend à compléter l'article 132-45 du code pénal pour faire figurer le stage de citoyenneté parmi les obligations qui peuvent être imposées à un condamné dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve.
Le paragraphe IV tend à apporter plusieurs modifications à l'article 131-6 du code pénal. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, une ou plusieurs peines privatives ou restrictives de droits limitativement énumérées peuvent être prononcées.
Le présent paragraphe tend tout d'abord à préciser que ces peines privatives ou restrictives de droits sont prononcées à la place de l'emprisonnement. En pratique, cette modification ne change rien au droit actuel, dès lors que l'article 131-9 du code pénal prévoit déjà que l'emprisonnement ne peut être prononcé cumulativement avec une des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6.
Le présent paragraphe tend par ailleurs à mentionner trois nouvelles peines dans la liste de celles mentionnées à l'article 131-6 :
- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;
- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;
- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction.
Jusqu'à présent, ces mesures constituaient des obligations de sursis avec mise à l'épreuve ou du contrôle judiciaire. Dans certains cas, il pourrait effectivement être très opportun de les prononcer en tant que peines alternatives à l'incarcération.
Le paragraphe V tend à apporter une clarification rédactionnelle à l'article 131-7 du code pénal. Dans sa rédaction actuelle, cet article dispose que les peines privatives ou restrictives de droits énumérées à l'article 131-6 peuvent également être prononcées pour les délits punis seulement d'une peine d'amende. Le présent paragraphe tend à préciser explicitement que, dans un tel cas, les peines privatives ou restrictives de droits sont prononcées à la place de l'amende. Il s'agit d'une simple clarification, l'article 131-9 du code pénal prévoyant déjà que l'amende ou le jour-amende ne peuvent être prononcés cumulativement avec une des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6.
Le paragraphe VI tend également à opérer une clarification dans le code pénal, en modifiant l'article 131-8, relatif au travail d'intérêt général, afin de préciser que cette peine ne peut être prononcée qu'à la place de l'emprisonnement.
Le paragraphe VII tend à compléter l'article 131-9 du code pénal, qui énumère les peines ne pouvant être prononcées cumulativement, afin d'opérer une importante novation. Actuellement, lorsqu'une personne est condamnée à une peine de travail d'intérêt général ou à l'une des peines privatives ou restrictives de droits mentionnées à l'article 131-6, elle peut être poursuivie, en cas de non-respect de ces peines, sur le fondement des articles 434-41 et 434-42 du code pénal qui punissent de deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende ce comportement.
Désormais, la juridiction pourrait, au moment de prononcer, à la place de l'emprisonnement ou de l'amende, une peine de stage de citoyenneté, des peines privatives ou restrictives de droits ou un travail d'intérêt général, fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge de l'application des peines pourrait ordonner la mise à exécution en tout ou partie, si le condamné ne respectait pas les obligations ou interdictions résultant de la ou des peines prononcées. Le président de la juridiction devrait en avertir le condamné après le prononcé de la décision. L'emprisonnement ou l'amende fixé par la juridiction ne pourrait excéder les peines encourues pour le délit pour lequel la condamnation est prononcée ni celles prévues par l'article 434-41 du code pénal (qui réprime la non-exécution de certaines peines).
Le paragraphe VIII tend à modifier l'article 131-11 du code pénal, qui définit les conditions dans lesquelles une peine complémentaire peut être prononcée en matière correctionnelle. Rappelons que les peines complémentaires ne peuvent être prononcées que si elles sont prévues par la loi qui définit l'incrimination. Désormais, en prononçant des peines complémentaires, le juge pourrait fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge de l'application des peines pourrait ordonner la mise à exécution en cas de violation des obligations résultant de ces peines complémentaires. Il s'agit d'un dispositif identique à celui prévu par le paragraphe VII, mais applicable aux peines complémentaires et non plus aux peines principales.
Les paragraphes IX à XIII ont pour objet de prévoir la possibilité de prononcer la peine de stage de citoyenneté en tant que peine complémentaire pour les infractions suivantes :
- discriminations et conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne (articles 225-19 du code pénal) ;
- vols (article 312-13 du code pénal) ;
- destructions, dégradations et détériorations (article 322-15 du code pénal).
Le paragraphe XIV tend à opérer une coordination à l'article 434-41 du code pénal, qui réprime la non-exécution de certaines peines, pour tenir compte de la création de la peine de stage de citoyenneté. Par un amendement , votre commission vous propose d'insérer avant ce paragraphe un paragraphe additionnel pour prendre également en compte la création des nouvelles peines d'interdiction de paraître dans certains lieux et d'interdiction de rencontrer certaines personnes.
Le paragraphe XV tend à insérer, dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante un article 20-4-1 pour prévoir l'application aux mineurs de treize à dix-huit ans de la peine de stage de citoyenneté. La peine de stage de citoyenneté pourrait s'avérer tout à fait adaptée dans le traitement de la délinquance des mineurs. Des stages de ce type sont d'ailleurs d'ores et déjà organisés dans certaines juridictions en l'absence de tout texte. En cas d'application de la peine de stage de citoyenneté à un mineur, la juridiction ne pourrait ordonner que ce stage soit effectué aux frais du mineur.
La seule réserve que peut susciter l'application aux mineurs de cette nouvelle peine réside dans la confusion qui pourrait se créer entre cette nouvelle peine et la sanction éducative de « stage de formation civique » créée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2003 d'orientation et de programmation pour la justice.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 bis ainsi modifié .
121. SECTION 2
Dispositions relatives à la
répression
des messages racistes ou xénophobes
122. Article 16
(art. 65-3 nouveau de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse)
Modification du
délai de prescription pour les messages racistes ou xénophobes
publiés par voie de presse
Le présent article tend à insérer dans la loi du 29 juillet 1881 un article 65-3 pour porter de trois mois à un an le délai de prescription prévu par cette loi pour les infractions suivantes commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication :
- la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;
- la contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité ;
- la diffamation à raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ;
- l'injure à raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion.
En première lecture, le Sénat, à l'initiative de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste, le Sénat a adopté une rédaction différente de cet article. Il a donc maintenu à trois mois le délai de prescription pour l'ensemble des infractions à la loi sur la presse, tout en prévoyant un délai de prescription d'un an une fois l'action engagée par la victime.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale s'est opposée à cette proposition et a rétabli le texte du projet de loi initial.
Dans son intervention devant le Sénat en première lecture, Monsieur Dominique Perben, garde des Sceaux a ainsi présenté cette mesure : « Les messages de discrimination, qu'ils soient antisémites, racistes ou xénophobes, doivent faire l'objet d'une répression sans faille. Or leur poursuite et leur répression se trouvent parfois entravées par la brièveté du délai de prescription prévu par la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
« Ce délai est de trois mois. Trois mois, c'est très court, surtout quand les infractions ont été commises dans le cyber-espace - ce qui est de plus en plus fréquent - et qu'il faut retrouver l'internaute ou les internautes qui sont les auteurs des messages d'intolérance » 66 ( * ) .
Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de prévoir un allongement du délai de prescription dans le seul cas où les infractions sont commises par l'intermédiaire d'un réseau de télécommunications à destination d'un public non déterminé. Il semble cependant que l'allongement du délai de prescription soit également nécessaire pour combattre des publications contenant des messages racistes ou antisémites qui sont diffusées dans certains quartiers.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 16 sans modification .
* 65 JOAN, 2 ème séance du 26 novembre 2003, p. 11306.
* 66 JOS, Séance du 1 er octobre 2003, p. 6097.