c) La tutelle
La tutelle est ouverte quand le majeur a besoin , du fait d'une altération de ses facultés mentales par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge ou d'une altération de ses facultés physiques empêchant l'expression de la volonté, d'être représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile .
Le majeur s'efface alors devant son représentant. Sa situation est identique à celle du mineur : tous ses actes postérieurs à sa mise sous tutelle sont déclarés nuls de droit.
Pour préserver tant que faire se peut la liberté individuelle et le respect de la personne humaine, la loi a exclu de cette incapacité générale les actes les plus personnels : le majeur peut ainsi donner son consentement au mariage , après accord du conseil de famille ou de ses père et mère et sur avis du médecin traitant, et reconnaître valablement un enfant naturel . Le divorce est également possible mais pas par consentement mutuel ; si la personne protégée en a pris l'initiative, elle doit y être autorisée comme pour un mariage. Par ailleurs, le tuteur ne peut introduire la procédure sans son accord.
La personne sous tutelle ne peut voter ou faire de testament que si le juge lui restitue cette capacité 3 ( * ) ; elle ne peut non plus être juré. Son tuteur ne peut agir à sa place. En revanche, il peut consentir des donations, sous réserve de l'autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles, exclusivement en faveur des descendants ou du conjoint.
La loi donne la priorité à la famille dans l'exercice de la tutelle des majeurs. Toutefois, lorsque le recours à cette dernière s'avère impossible, le juge des tutelles doit s'adresser à des tiers : l'État ou un gérant de tutelle privé ou hospitalier.
Il existe ainsi quatre formes de tutelle : la tutelle avec conseil de famille, l'administration légale sous contrôle judiciaire, la gérance de tutelle et la tutelle d'État.
En cas de tutelle avec conseil de famille , le juge nomme, pour la durée de la tutelle, un conseil de famille composé de quatre à six personnes choisies parmi les parents du majeur protégé ou, à défaut, parmi ses proches. Le conseil de famille est l'organe de décision pour la prise en charge de la personne protégée. Il désigne un tuteur et un subrogé tuteur, c'est-à-dire une personne dont le rôle est d'assister, de contrôler et, dans certains cas, de remplacer le tuteur.
Le conjoint est en principe le tuteur de la personne à protéger. Toutefois, la tutelle légale du conjoint ne peut s'ouvrir que si la communauté de vie n'a pas cessé entre les époux. Si cette condition n'est pas remplie ou si le juge estime que l'époux n'est pas capable de gérer les biens du majeur de façon satisfaisante, le tuteur peut être choisi parmi les parents, alliés, proches ou amis du majeur.
Chargé d'assurer la continuité de la gestion du patrimoine, le tuteur dispose de pouvoirs étendus. Il représente le majeur, qui est domicilié chez lui, et accomplit seul tous les actes d'administration intéressant la gestion de ses biens. Il n'en est pas moins soumis à diverses obligations légales et doit passer un certain nombre d'actes avec le consentement du conseil de famille. L'autorisation de ce dernier est notamment requise pour tous les actes de disposition, touchant au patrimoine, que le tuteur accomplit au nom du majeur. Si la valeur en capital n'excède pas une somme fixée par décret, l'accord du juge des tutelles peut remplacer celui du conseil de famille. Un contrat d'assurance décès ne peut être souscrit sur la tête du majeur.
Le juge des tutelles a la possibilité, lorsque le majeur a des proches parents (conjoint, ascendants, descendants, frères ou soeurs), de confier à l'un d'eux la gestion des biens en qualité d' administrateur légal sous contrôle judiciaire .
Ce régime fonctionne sans subrogé tuteur, ni conseil de famille -l'intervention du conseil de famille n'est nécessaire que pour autoriser le mariage de la personne protégée. Pour accomplir les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec une autorisation, l'administrateur doit se pourvoir d'une autorisation du juge des tutelles. Il peut faire seul les autres actes.
Si les biens sont simples à gérer, le juge peut se borner à désigner un gérant de la tutelle , sans subrogé tuteur ni conseil de famille. Ce gérant peut être :
- un membre du personnel administratif de l'établissement où la personne protégée est hébergée ;
- un administrateur spécial choisi sur une liste établie chaque année par le procureur de la République. L'administrateur est soit un particulier qualifié qui accepte d'être désigné pour exercer la tutelle en gérance, soit une personne morale (association reconnue d'utilité publique, association déclarée ou fondation ayant une vocation sociale).
Les pouvoirs du gérant sont limités : il perçoit les revenus de la personne protégée et les utilise pour l'entretien et le traitement de celle-ci ainsi que pour l'acquittement des obligations alimentaires dont elle pourrait être tenue. Le cas échéant, il verse les excédents des revenus sur un compte ouvert chez un dépositaire agréé. Si, au cours de sa gestion, il estime devoir faire certains actes autres que la perception des revenus (notamment des actes de disposition qui touchent au patrimoine), il doit saisir le juge qui pourra soit l'y autoriser, soit décider l'ouverture d'une tutelle complète.
S'il n'existe aucun parent ou allié du majeur en état d'exercer la tutelle, si aucune autre personne n'accepte d'en assumer la charge et si le juge des tutelles hésite à imposer la charge de tuteur à un parent dans la crainte que ce dernier ne remplisse pas ou mal sa mission, la tutelle peut être confiée à l'État. Cette tutelle d'État peut être exercée par :
- le préfet qui la délègue au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ;
- tout notaire compétent pour instrumenter dans le ressort du tribunal d'instance ;
- les personnes morales ou physiques qualifiées figurant sur une liste établie par le procureur de la République.
Le tuteur d'État, quel qu'il soit, dispose des mêmes pouvoirs et devoirs qu'un administrateur légal sous contrôle judiciaire.
Les personnes désignées sont responsables de leur gestion et leurs comptes sont contrôlés par le juge. Dès leur désignation, les tuteurs doivent faire un inventaire des biens et, le cas échéant, convertir les bons aux porteurs en titres nominatifs. Chaque année, ils doivent rendre des comptes de gestion récapitulant les ressources et les dépenses de la personne protégée.
* 3 La possibilité, pour le juge des tutelles, d'autoriser un majeur sous tutelle à voter résulte de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.