Rapport n° 311 (2014-2015) de Mme Catherine TROENDLÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 mars 2015

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N° 311

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mars 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire ,

Par Mme Catherine TROENDLÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 355 (2011-2012), 122 , 123 et T.A. 105 (2013-2014)

Deuxième lecture : 620 (2013-2014) et 312 (2014-2015)

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

Première lecture : 1917 , 2001 et T.A. 353

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois, réunie le mercredi 4 mars 2015, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois, vice-président, a examiné, en deuxième lecture, le rapport de Mme Catherine Troendlé sur la proposition de loi n° 620 (2013-2014), modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire .

En première lecture, à l'initiative de la commission des lois, le Sénat avait maintenu le principe d'une formation obligatoire aux premiers secours pour les candidats au permis de conduire, mais il avait supprimé l'épreuve supplémentaire dédiée à cette formation que se proposait d'instaurer le texte initial de la proposition de loi. En effet, les difficultés pratiques liées à l'instauration d'une nouvelle épreuve à l'examen du permis de conduire auraient été insurmontables. En outre, le Sénat avait renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir le contenu de cette formation.

Votre rapporteur a constaté que l'Assemblée nationale n'avait apporté que de légères modifications de forme, ne remettant pas en cause le texte adopté par le Sénat en première lecture.

C'est pourquoi la commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après son adoption le 12 juin 2014 par l'Assemblée nationale, le Sénat est appelé à se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Déposée au Sénat le 13 février 2012 par MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf et plusieurs de leurs collègues, la proposition de loi avait initialement pour objet d'ajouter une troisième épreuve, visant à sanctionner la connaissance des gestes de premiers secours, aux deux épreuves actuelles du permis de conduire que sont l'épreuve théorique et l'épreuve pratique.

En première lecture, votre commission a conservé le principe d'une formation obligatoire aux premiers secours mais elle a modifié les modalités de vérification de l'acquisition des connaissances en supprimant l'épreuve supplémentaire que se proposait d'instituer la proposition de loi. En effet, celle-ci aurait été très compliquée à mettre en oeuvre.

Le Sénat a voté le texte ainsi modifié par votre commission, le 30 avril 2014.

Lors de son examen par l'Assemblée nationale, la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire a été modifiée à l'initiative du Gouvernement, qui a déposé trois amendements lors de l'examen du texte en commission.

Après l'adoption de ces amendements par la commission des lois de l'Assemblée nationale, contre l'avis de son rapporteur - notre collègue député Bernard Gérard - qui préconisait une adoption conforme du texte voté par le Sénat, les députés ont voté la proposition de loi ainsi modifiée.

Votre rapporteur constate que la proposition de loi initiale, largement modifiée par le Sénat en première lecture, n'a subi que des évolutions limitées à l'Assemblée nationale.

I. UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE, AUX MODALITÉS PRÉCISÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

A. UN CONSTAT : LA NÉCESSITÉ D'UNE FORMATION DES CONDUCTEURS AUX GESTES DE PREMIERS SECOURS

1. Une faible proportion de la population française formée aux gestes de premiers secours

Diverses enquêtes font état d'un faible niveau de connaissance des gestes de premiers secours par la population française.

Lors de l'examen en première lecture de cette proposition de loi, votre rapporteur s'était fait notamment l'écho de l'enquête menée en 2013 par la Croix-Rouge française qui a évalué à 46 % la proportion des Français formés aux premiers secours 1 ( * ) .

Le seul dispositif général imposant une formation obligatoire aux gestes de premiers secours résulte des articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l'éducation. Ces articles imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et Secours civique de niveau 1 (PSC1).

Toutefois, votre rapporteur a souligné à plusieurs reprises le manque d'effectivité de cette obligation : 20 % seulement des élèves sont formés chaque année 2 ( * ) .

2. Les effets particulièrement négatifs de cette méconnaissance pour le secours des blessés de la route

Les bons résultats des dernières années en matière de lutte contre la mortalité routière ne doivent pas être tenus pour acquis : d'après les premières estimations de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) pour l'année 2014, la mortalité routière est estimée en hausse de 3,7 % par rapport à l'année 2013.

Par ailleurs, en janvier 2015, la mortalité routière a également connu une hausse assez forte, de près de 12 % par rapport à janvier 2014, même si le nombre des blessés est en baisse de près de 10 %.

La faiblesse des connaissances en matière de gestes de premiers secours est particulièrement préjudiciable en cas d'accidents de la route, dans la mesure où 50 % des victimes décèdent dans les premières minutes suivant l'accident et que les blessés peuvent être victimes de lésions irréversibles si aucune action n'est entreprise 4 à 6 minutes après l'accident, comme l'a rappelé votre rapporteur.

Votre rapporteur avait constaté, lors de son rapport en première lecture, qu'une grande majorité de conducteurs ignore les réflexes, même les plus simples, qu'un conducteur doit avoir lorsqu'il est témoin d'un accident de la route.

Ainsi, dans le cadre de l'enquête précitée menée en 2013 par la Croix-Rouge française 3 ( * ) , seules 55 % des personnes interrogées indiquent que la première action qu'elles feraient, si elles étaient témoins d'un accident, serait d'alerter les secours. Dans 70 % des cas, les personnes interrogées déclarent qu'elles utiliseraient dans ce cas leur téléphone portable plutôt que la borne d'appel, alors que cette dernière permet de localiser immédiatement l'appel et améliore significativement le temps de réaction des secours.

Dans certains cas, les conducteurs interrogés ont des réflexes qui les mettraient eux-mêmes en danger : seules 7 % des personnes interrogées savent qu'il ne faut pas utiliser un triangle de signalisation sur autoroute, par exemple.

Le législateur a tenté d'améliorer le niveau de formation aux gestes de premiers secours des conducteurs. Ainsi, l'article 16 de loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière 4 ( * ) a imposé une « sensibilisation » des futurs conducteurs aux « notions élémentaires de premiers secours », renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de préciser le contenu de cette initiation. Toutefois, le décret d'application de cet article n'a jamais été pris ; il est donc resté lettre morte.

Actuellement, seuls quelques dispositifs épars, à l'effectivité variable, imposent une formation aux premiers secours à certaines catégories de conducteurs.

Ainsi, pour les conducteurs de véhicules de transport de voyageurs ou de marchandises, les questions de secourisme sont abordées au cours de la formation professionnelle initiale et continue mais de manière très générale, comme avait pu le relever votre rapporteur dans son rapport de première lecture 5 ( * ) . En tout état de cause, aucun examen ne vient évaluer le niveau de connaissance de ces conducteurs.

Le seul dispositif a priori effectif semble être celui qui est actuellement prévu pour les conducteurs de taxis 6 ( * ) , puisqu'une attestation de formation aux premiers secours est exigée lors de l'inscription à l'examen.

En définitive, votre rapporteur observe que dans les faits, le constat partagé de l'importance d'une bonne connaissance des gestes de premiers secours par la population, et en particulier par les conducteurs, n'est pas suivi d'effets.

Ainsi, le temps est venu d'imposer une obligation de formation aux premiers secours pour les candidats au permis de conduire.

Toutefois, le Sénat a modifié les modalités de contrôle de cette obligation prévues dans la proposition de loi initiale, tout en conservant le principe d'une formation obligatoire aux premiers secours.

B. DES MODALITÉS PRÉCISÉES PAR LE SÉNAT

1. Le refus d'une épreuve spécifique

La proposition de loi initiale prévoyait d'instituer une épreuve supplémentaire à l'examen du permis de conduire : à l'épreuve théorique et pratique aurait été ajoutée une troisième épreuve, « sanctionnant la connaissance des notions élémentaires de premiers secours ».

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission avait constaté que l'instauration d'une épreuve supplémentaire se serait heurtée à d'importantes difficultés.

En premier lieu, cette nouvelle épreuve aurait eu des conséquences financières non négligeables pour les candidats au permis de conduire, alors même que le coût moyen du permis de conduire est de 1 500 euros. Ce montant, qui se situe dans la moyenne des pays de l'Union européenne, est cependant assez élevé.

En outre, la nouvelle épreuve aurait conduit à allonger les délais pour pouvoir passer le permis de conduire, alors même qu'ils sont aujourd'hui élevés, puisque le délai moyen pour passer le permis de conduire était de 86 jours d'attente en 2012 et de 90 à 95 jours pour l'année 2013.

S'ajoutent à ces délais des inégalités géographiques : dans certains territoires, le délai est beaucoup plus long que trois mois.

Ainsi, dans l'étude d'impact du projet de loi pour la croissance et l'activité, actuellement en discussion, le Gouvernement constate que de « de 98 jours (trois mois en moyenne en 2013 au niveau national), l'attente peut atteindre une moyenne de 5 mois dans certains départements, notamment en Île-de-France » 7 ( * ) .

Cette étude d'impact précise par ailleurs que la moyenne de ce délai dans les autres pays européens est d'un mois et demi.

Enfin, votre rapporteur avait constaté que l'organisation pratique d'une telle épreuve aurait posé également d'importantes difficultés, notamment pour que les candidats se rendent dans les locaux de l'association qui aurait dispensé la formation aux premiers secours.

2. Une vérification des connaissances dans le cadre des deux épreuves actuelles du permis de conduire

Dans son rapport en première lecture, votre rapporteur avait présenté la mise en oeuvre de l'obligation de la manière suivante : « La formation à ces notions s'effectuerait dans le cadre des cours théoriques, et serait sanctionnée à l'examen par un nombre défini de questions, portant spécifiquement sur les gestes à effectuer. Lors de l'examen pratique, une question posée sur ce sujet, dans le cadre d'une mise en situation, pourrait être utilement incluse, sans entraîner une modification profonde du déroulement de cet examen » 8 ( * ) .

Cette approche concorderait avec celle retenue actuellement par le Gouvernement : votre rapporteur observe que l'arrêté du 13 mai 2013 relatif au référentiel pour l'éducation à une mobilité citoyenne (REMC) précise que l'une des compétences devant être maîtrisée par les conducteurs a pour objet de « prendre en compte les facteurs entraînant une dégradation du système homme-véhicule-environnement, prendre les décisions qui permettent d'y faire face, mettre en oeuvre les mesures préventives ». Dans le cadre de cette compétence, il est précisé que le candidat doit savoir « comment réagir face à un accident » et « connaître les comportements à adopter face à une victime d'accident », étant précisé que le candidat doit savoir comment protéger les victimes et comment donner l'alerte.

Votre rapporteur constate qu'un appel d'offres a été lancé le 13 février 2015, pour une date de remise des plis fixée au 9 mars, afin de remplacer les questions de l'examen théorique 9 ( * ) . L'appel d'offres porte sur la fourniture de 1 000 questions, dont 100 demandées au sein de la famille n° 5 relative à la réglementation générale, qui compte notamment les questions liées aux gestes de premiers secours.

Ainsi, alors que le système actuel rend très aléatoire la probabilité qu'une question concernant la formation aux premiers secours soit posée à l'examen théorique, cette probabilité devrait être fortement accrue à l'avenir.

Votre rapporteur insiste toutefois sur le fait qu'il est essentiel qu'au moins une question relative aux gestes de premiers secours soit systématiquement posée à l'occasion de l'examen théorique du permis de conduire : sans cela, les candidats aux permis de conduire ne s'investiront pas dans la formation aux premiers secours.

3. Le renvoi au pouvoir réglementaire pour la définition des modalités pratiques de cette obligation

La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, précisait le contenu de la formation pratique aux premiers secours. Celle-ci aurait dû porter sur les « cinq gestes qui sauvent ».

Votre rapporteur rappelle que ces cinq gestes consistent à « alerter les secours, baliser les lieux, ventiler, comprimer et sauvegarder la vie des blessés. »

Or, si ces gestes ont longtemps fait consensus, certains d'entre eux sont aujourd'hui contestés . Ainsi, la ventilation des blessés est à la fois un geste relativement compliqué à effectuer, même lorsqu'il est bien maîtrisé par la personne, et un geste qui n'est pas recommandé dans certaines situations, justement lorsque l'arrêt cardiaque est consécutif à un accident de la route.

De plus, fixer dans la loi le contenu de la formation aux gestes de premiers secours aurait eu pour effet d'entraîner une grande rigidité du dispositif, difficilement compatible avec les évolutions éventuelles des techniques ou des méthodes.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a donc renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir le contenu technique de la formation aux premiers secours.

II. DES MODIFICATIONS OPÉRÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DANS L'ESPRIT DE LA PROPOSITION DE LOI VOTÉE PAR LE SÉNAT

A. DES MODIFICATIONS À LA PORTÉE LIMITÉE

1. La confirmation de la position du Sénat : une formation obligatoire aux premiers secours sans épreuve spécifique supplémentaire

Lors de l'examen du texte voté par le Sénat, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels , à l'initiative du Gouvernement.

Adopté contre l'avis du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le premier a pour objet de supprimer la référence aux accidents de la circulation dans l'obligation de formation aux premiers secours des candidats au permis de conduire, au motif qu'il est erroné de considérer que les gestes de premiers secours en cas d'accident de la route peuvent être différents de ceux applicables dans n'importe quelle autre situation.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé qu'il était injustifié de vouloir former les candidats aux permis de conduire aux gestes de premiers secours en général plutôt qu'aux gestes requis en cas d'accident de la circulation.

Votre rapporteur observe qu'il est envisagé de ne former les futurs conducteurs qu'aux gestes les plus simples, c'est-à-dire protéger les lieux de l'accident et alerter les secours.

D'autre part, dans le cadre du passage de l'épreuve du permis de conduire et au regard du temps nécessairement limité qui y sera consacré, la formation aux premiers secours portera de fait nécessairement sur les gestes à observer dans le contexte d'un accident de la circulation.

La suppression de la disposition initiale n'a donc pas de réelle portée.

Le second amendement rédactionnel adopté par la commission des lois, également contre l'avis de son rapporteur, a pour objet de préciser que les connaissances relatives à la formation pratique aux premiers secours ne seraient pas « sanctionnées », comme le prévoyait la rédaction du Sénat, mais « évaluées ».

Le rapporteur de la commission de l'Assemblée nationale a estimé que le verbe « évaluer » était moins précis que le terme initial de « sanctionner ». Le Gouvernement a justifié cette modification par la nécessité de lever une ambiguïté, ce dernier terme semblant trop fort.

Votre rapporteur constate que le terme « évaluer » est utilisé dans les arrêtés relatifs au permis de conduire définissant la nature et le contenu des épreuves, dans le sens de sanctionner : si le candidat ne maîtrise pas les éléments cités par l'arrêté définissant les épreuves, il est ajourné.

Dès lors, les verbes évaluer et sanctionner sont synonymes . Ce changement de terme n'a donc pas de véritable conséquence.

2. La suppression d'une disposition devenant inutile

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un troisième amendement, à l'initiative du Gouvernement, ayant pour objet de supprimer l'article 16 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière 10 ( * ) .

Cet article dispose que les candidats au permis de conduire sont « sensibilisés dans le cadre de leur formation aux notions élémentaires de premiers secours ».

Les modalités de cette sensibilisation sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, qui n'a jamais été pris. Dès lors, l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 est resté lettre morte.

La présente proposition de loi tend à instituer une formation obligatoire aux gestes de premiers secours, effectivement contrôlée, là où le dispositif de la loi de 2003 ne prévoit qu'une « sensibilisation », qui implique au contraire l'absence de toute évaluation.

En conséquence, votre rapporteur estime que la suppression de l'article 16 de la loi précitée est justifiée : cet article devient inutile et il serait même contradictoire de conserver les deux dispositifs.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : L'ADOPTION CONFORME DE LA PROPOSITION DE LOI

Les modifications effectuées par les députés ne remettent pas en cause les éléments fondamentaux de la proposition de loi, telle que le Sénat l'a adoptée en première lecture.

Le principe resterait celui d'une formation obligatoire à des gestes simples de premiers secours, dont le contenu serait déterminé par décret. Les connaissances seraient évaluées dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire, c'est-à-dire aussi bien lors de l'épreuve théorique qu'à l'occasion de l'épreuve pratique.

Dès lors, et au regard de l'importance de tous les dispositifs permettant de contribuer à sauver des vies sur les routes, votre rapporteur a proposé que le texte voté par l'Assemblée nationale soit adopté sans modification supplémentaire, afin qu'il entre en vigueur le plus rapidement possible.

La commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

Mercredi 4 mars 2015

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Le Sénat doit se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 12 juin 2014, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire. Déposée au Sénat le 13 février 2012 par MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf et plusieurs de leurs collègues, la proposition de loi avait pour objet d'ajouter une troisième épreuve, sanctionnant la connaissance des gestes de premiers secours, aux deux épreuves actuelles du permis de conduire. En première lecture, le Sénat a conservé le principe d'une formation obligatoire mais il a supprimé l'épreuve supplémentaire correspondante. La proposition de loi ainsi modifiée par le Sénat n'a subi que peu d'évolutions à l'Assemblée nationale.

La proposition de loi part du constat de l'insuffisante formation de la population française aux gestes de premiers secours : selon l'enquête menée par la Croix Rouge en 2013, seuls 46 % des Français les connaissent. Si des dispositifs de formation obligatoires existent, comme les articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l'éducation qui imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et secours civique de niveau 1 (PSC1), ils sont peu mis en oeuvre puisqu'en pratique 20 % des élèves sont formés chaque année. Je l'ai régulièrement dénoncé. C'est d'autant plus préjudiciable en cas d'accidents de la route. Ce constat prend un relief particulier aujourd'hui puisque la mortalité routière a augmenté de 3,7 % en 2014.

En première lecture au Sénat, le principe de l'épreuve spécifique prévu par la proposition de loi a été supprimé à mon initiative : la nouvelle épreuve aurait eu des conséquences financières non négligeables - étant observé que le coût d'une première présentation du permis de conduire est au minimum de 1 200 euros -, elle aurait allongé des délais déjà très longs - trois à cinq mois en moyenne - et elle aurait été enfin compliquée à organiser. La sanction des connaissances devrait donc être effectuée à l'occasion des épreuves actuelles, notamment de l'épreuve théorique, dans la mesure où seule la pression d'un questionnement systématique forcera les élèves à apprendre ces notions.

Un appel d'offres a été lancé le 13 février 2015, afin de modifier les questions de l'examen théorique. Il porte sur la fourniture de 1 000 questions, dont 100 demandées au sein de la famille n° 5 relative à la réglementation générale, qui inclut les questions liées aux gestes de premiers secours. Cela augmentera la probabilité - jusqu'alors très faible - d'une question portant sur la formation aux premiers secours, ce que je salue. Il est essentiel qu'au moins une question soit systématiquement posée sur ce sujet à l'occasion de l'examen théorique du permis de conduire, faute de quoi les candidats ne s'investiront pas dans la formation aux premiers secours.

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ne remettent pas en cause le texte : la référence aux accidents de la circulation dans l'obligation de formation aux premiers secours des candidats au permis de conduire a été supprimée, le terme « sanctionner » a été remplacé par « évaluer » et enfin, à juste titre, l'obligation de « sensibilisation » prévue par l'article 16 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a été supprimée car elle serait contradictoire avec le texte proposé dont la teneur est beaucoup plus forte.

En conclusion, le principe resterait celui d'une formation obligatoire à des gestes simples de premiers secours, dont le contenu serait déterminé par décret. Les connaissances seraient évaluées dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire, c'est-à-dire aussi bien lors de l'épreuve théorique qu'à l'occasion de l'épreuve pratique. Au regard de l'importance de tous les dispositifs permettant de contribuer à sauver des vies sur les routes, je propose que le texte soit adopté sans modification supplémentaire, afin qu'il entre en vigueur le plus vite possible. Compte tenu de l'importance de cette question, je demanderai en séance l'engagement du Gouvernement d'évaluer systématiquement cette formation, aussi bien au cours de l'examen pratique qu'au cours de l'examen théorique, cette dernière condition étant la plus importante pour que le texte proposé soit effectif.

Mme Esther Benbassa . - Je vous remercie pour ce rapport, mais je ne désire pas être secourue par un jeune conducteur en cas d'accident ! Il est impossible d'être correctement formé aux premiers secours en trois ou quatre cours.

M. Jean-Jacques Hyest . - Ce n'est pas une raison pour ne rien faire...

Mme Esther Benbassa . - Il est préférable de prévoir une formation pendant le service civique.

M. Pierre-Yves Collombat . - Comme on ne fait rien, il faut donner l'impression qu'on fait...

M. Michel Mercier . - Depuis plusieurs années, nous votons des dispositions pour faciliter l'obtention du permis de conduire - incluses notamment dans les lois sur la politique de la ville - et maintenant nous renchéririons le coût du permis sans raison ! Les accidents de mobylette conduites sans permis sont souvent plus dangereux que les accidents de voiture. Si nous estimons que tous les Français doivent être formés aux premiers secours, la formation devrait être organisée par l'Éducation nationale.

Mme Esther Benbassa . - Aujourd'hui, on enseigne tout à l'école...

M. Pierre-Yves Collombat . - Sauf à lire, à écrire et à compter !

M. Jean-Jacques Hyest . - La proposition de loi émane du Sénat ; elle a été peu modifiée par l'Assemblée nationale ; les amendements de notre collègue Jean-Pierre Leleux précisent que la formation consiste à savoir baliser un accident, alerter le bon service, savoir effectuer les gestes pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes. Il y a quinze jours, des adolescents de mon département de Seine-et-Marne, formés aux premiers secours dans leur collège, ont sauvé un automobiliste coincé dans une voiture en feu. Le texte de la proposition de loi va moins loin que les amendements de M. Leleux mais tout ce qui concourt à la connaissance des gestes de premier secours doit être encouragé. Cela ne compliquera pas beaucoup les épreuves du permis de conduire. Je pense qu'il faut soutenir la position du rapporteur.

M. Yves Détraigne . - Michel Mercier ouvre une piste. La formation aux premiers secours pourrait être réalisée pendant les temps d'activités péri-scolaires. Les enfants de neuf-dix ans sont très réceptifs.

M. Roger Madec . - Je ne suis pas d'accord avec Michel Mercier. Sensibiliser aux premiers secours à l'occasion du permis de conduire est une bonne chose et la formation prévue n'augmentera pas le coût du permis de conduire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Initialement, le texte proposé préconisait une formation lourde et couteuse - de l'ordre de vingt-cinq euros - sanctionnée par une épreuve spécifique. Le texte adopté par le Sénat est plus modeste. Les notions évaluées porteraient seulement sur les services à alerter, car les sondages montrent que 50 % des Français ne les connaissent pas, la sécurisation du lieu d'accident et les indications à apporter pour être localisé par les secours. Jean-Pierre Leleux a toutefois déposé deux amendements pour élargir cette formation à des gestes quasi médicaux destinés à faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes. Mais il faudrait alors prévoir un renouvellement de la formation à intervalles réguliers. Le texte que je vous propose d'adopter est certes une version minimaliste, mais il a pour principal objet de systématiser la formation sur les trois points essentiels que je viens d'énumérer.

Même si je comprends la démarche suivie, je suis personnellement défavorable aux amendements de M. Leleux.

Enfin, le Gouvernement doit absolument progresser sur la mise en oeuvre de ces formations au collège car des dispositions législatives imposent des formations aux premiers secours obligatoires mais elles ne sont pas appliquées.

Les amendements COM-1 et COM-2 ne sont pas adoptés.

Le texte est adopté dans la rédaction votée par l'Assemblée nationale.


* 1 Étude réalisée les 4 et 5 septembre 2013, sur un échantillon de 1 020 personnes, âgées de plus de 18 ans et résidant en France (http://www.opinion-way.com/pdf/opinionway_-_croix-rouge_francaise_-_les_gestes_qui_sauvent_adaptes_aux_accidents_de_la_route-septembre_2013.pdf).

* 2 Cf. rapport n° 122 (2013-2014) au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, p. 9 (http://www.senat.fr/rap/l13-122/l13-122.html). Voir également le rapport pour avis n° 116 (2010-2011) au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2011 « sécurité civile », p. 32 (http://www.senat.fr/rap/a10-116-10/a10-116-10.html).

* 3 Étude réalisée les 4 et 5 septembre 2013, sur un échantillon de 1 020 personnes, âgées de plus de 18 ans et résidant en France (http://www.opinion-way.com/pdf/opinionway_-_croix-rouge_francaise_-_les_gestes_qui_sauvent_adaptes_aux_accidents_de_la_route-septembre_2013.pdf).

* 4 Consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl02-223.html.

* 5 Rapport n° 122 (2013-2014) au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, p. 11 (http://www.senat.fr/rap/l13-122/l13-122.html).

* 6 Art. 3 de l'arrêté du 3 mars 2009 relatif aux conditions d'organisation de l'examen du certificat de capacité professionnelle de taxi.

* 7 Projet de loi pour la croissance et l'activité, étude d'impact, p. 48 (http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl14-300.html).

* 8 Rapport n° 122 (2013-2014) au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, p. 17 (http://www.senat.fr/rap/l13-122/l13-122.html).

* 9 Référence : DSCR-ER-001-15.

* 10 Consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl02-223.html.

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