PREMIÈRE PARTIE : DES ACCORDS BILATÉRAUX CONFORMES AUX NORMES INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES RÉGISSANT LE SECTEUR AÉRIEN

Les trois accords examinés mettent en place un cadre juridique bilatéral conforme, d'une part aux normes internationales régissant le secteur aérien , et, d'autre part, au droit européen , qui s'est développé en la matière depuis les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes de 2002, dits arrêts de « Ciel ouvert ».

Ils reprennent pour l'essentiel les dispositions contenues dans le modèle d'accord aérien proposé par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

I. DES ACCORDS BILATÉRAUX À LA NÉGOCIATION TRÈS ENCADRÉE

1. Les normes de l'OACI

Cette organisation, institution spécialisée des Nations unies, a été créée par la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944. L'OACI a pour mission principale d'établir le cadre réglementaire mondial de la sécurité de l'aviation civile internationale mais a aussi un rôle d'organisation économique des services aériens, qui doivent être établis sur les bases d'une saine concurrence.

En outre, l'OACI établit également des normes et des pratiques recommandées (SARP 1 ( * ) ) visant à promouvoir le développement sûr et ordonné de l'aviation civile internationale. À ce jour, l'OACI gère plus de 12 000 SARP ventilées dans les 19 Annexes à la Convention de Chicago.

Au fil du temps, des objectifs sont venus compléter les activités de l'OACI qui poursuit cinq « objectifs stratégiques » :

- sécurité ;

- capacité et efficacité de la navigation aérienne ;

- sûreté et facilitation ;

- développement économique du transport aérien ;

- protection de l'environnement.

Il faut rappeler que si la sécurité relève du respect des règles d'exploitation des aéronefs et des installations par les personnels qui en ont la charge, la sûreté se rapporte à la protection des personnes, fret, installations et matériels contre les actes malveillants, criminels ou terroristes.

Les principes généraux définis par la Convention de Chicago constituent les principes directeurs qui régissent les travaux de l'OACI.

La convention de Chicago pose, à l'article 1 er , le principe d'une souveraineté complète et exclusive de chaque Etat sur l'espace aérien au-dessus de son territoire . Toutefois la conclusion d'accords bilatéraux au profit des transporteurs aériens désignés par chacune des parties contractantes est rendue possible par l'article 6 qui précise qu'« aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus ou à l'intérieur du territoire d'un État contractant, sauf permission spéciale ou toute autre autorisation dudit État conformément aux conditions de cette permission ou autorisation ».

L'OACI définit également neuf « libertés de l'air » , dont seules les cinq premières bénéficient d'une reconnaissance internationale, les quatre autres pouvant faire l'objet d'accords particuliers.

Les deux premières libertés ont un caractère technique. Il s'agit du droit de survol ( 1 ère liberté ) et du droit d'escale technique ( 2 ème liberté ).

Les autres libertés comportent une dimension commerciale : droit de débarquer/embarquer des passagers en provenance/à destination de l'État dont l'aéronef a la nationalité ( 3 ème et 4 ème libertés ), droit de débarquer/embarquer dans un État tiers des passagers en provenance/à destination de tout autre État contractant ( 5 ème liberté ), droit d'assurer un service entre deux autres États en passant par l'État ( hub ) où le transporteur est enregistré ( 6 ème liberté ), droit d'assurer un service entre deux États entièrement hors de son territoire ( 7 ème liberté ), droit d'effectuer des dessertes nationales ou d'assurer un service entre deux points situés à l'intérieur d'un État étranger, ce qui correspond au droit de « cabotage » ( 8 ème et 9 ème libertés).

En référence à ces principes, l'OACI propose un modèle d'accord sur les services aériens qui reflète l'essentiel des usages les plus répandus et les plus récents des États en la matière et qui est constamment mis à jour afin de répondre aux exigences de l'aviation civile moderne.

2. Le droit européen

Les arrêts 2 ( * ) de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 5 novembre 2002 ,dits de « Ciel ouvert », rendus à propos d'accords conclus par certains États membres avec les États-Unis, consacrent la non-conformité au droit de l'Union des dispositions limitant la désignation des transporteurs aériens par un État membre aux entreprises détenues et effectivement contrôlées par des intérêts de cet État membre, cette limitation ayant été jugée contraire au principe de liberté d'établissement , garanti par les traités européens.

La clause de désignation des transporteurs aériens est l'élément central du dispositif. Elle permet à un État membre de désigner tout transporteur européen, dès lors qu'il est établi sur le territoire de cet État membre, pour effectuer des services aériens autorisés par l'accord bilatéral concerné.

Les dispositions des accords bilatéraux qui entravent la concurrence , comme les ententes interentreprises sur la fixation des tarifs, ou la détermination des capacités, auxquelles les compagnies aériennes avaient couramment recours pour développer leurs services aériens entre les deux pays signataires d'un accord aérien, ont également été jugées contraires au droit de l'Union.

Par ailleurs, ces arrêts reconnaissent une compétence exclusive de l'Union pour les questions relatives aux systèmes informatisés de réservation de billets d'avion, à l'attribution des créneaux horaires, aux services d'assistance en escale et à la fixation des tarifs pour les services aériens intra-européens .

Tirant les conséquences de cette jurisprudence européenne, un règlement (CE) 847/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la négociation et la mise en oeuvre d'accords relatifs à des services aériens entre les États membres et les pays tiers est venu encadrer les négociations d'accords de services aériens par les États membres.

En application de ce règlement, un État membre est autorisé à négocier un accord de services aériens avec un pays tiers ou à amender un accord existant, dès lors que ledit accord est conforme au droit européen et que l'État membre respecte la procédure de notification instaurée par le règlement.

La procédure de notification à la Commission vise, d'une part, à assurer la transparence des négociations conduites par les États membres et, d'autre part, à assurer la conformité des accords bilatéraux avec le droit de l'Union. Un État membre qui planifie une négociation bilatérale avec un pays tiers doit en informer la Commission au plus tard un mois avant la rencontre en accompagnant sa notification des documents pertinents. Cette notification est portée à la connaissance des autres États membres qui, comme la Commission, peuvent formuler des observations. Les parties intéressées, notamment les transporteurs aériens établis sur le territoire de l'État membre, sont associées aux discussions. Le résultat des négociations est transmis à la Commission, qui autorise la signature de l'accord bilatéral ou son application provisoire.

En application de cette procédure de notification, la Commission européenne a jugé que les accords négociés par la France avec, respectivement, l'Ouzbékistan, le Kazakhstan et la Côte d'Ivoire, étaient tous conformes au droit européen et a autorisé par conséquent la France à conclure les accords en question.

La clause de désignation des transporteurs aériens est l'élément central du dispositif. Elle permet à un État membre de désigner tout transporteur européen, dès lors qu'il est établi sur le territoire de cet État membre, pour effectuer des services aériens autorisés par l'accord bilatéral concerné.

D'une manière générale, le respect du droit européen est assuré par l'inclusion de clauses types, développées conjointement par la Commission et les États membres. Elles sont relatives à la désignation et à la révocation des transporteurs, aux tarifs, à l'assistance en escale, à la sécurité et à la taxation du carburant sur les liaisons intracommunautaires ou domestiques.


* 1 Standards And Recommended Practices.

* 2 Cour de justice de l'Union européenne : affaires C-466/98, C-467/98, C-468/98, C-469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98 et C-476/98 concernant le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Allemagne.

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