- L'ESSENTIEL
- I. LA PRESSION MIGRATOIRE INTENSE OBSERVÉE
À MAYOTTE A JUSTIFIÉ LA MISE EN PLACE, SUR L'ARCHIPEL,
D'UNE RESTRICTION DU « DROIT DU SOL » EN
2018
- II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : FACE UNE
PRESSION MIGRATOIRE QUI RESTE MAJEURE, RESTREINDRE À NOUVEAU
LE « DROIT DU SOL » À MAYOTTE
- A. LA PROPOSITION DE LOI TEND À RESTREINDRE
DAVANTAGE À MAYOTTE LES POSSIBILITÉS D'ACQUISITION DE LA
NATIONALITÉ FRANÇAISE À RAISON DE LA NAISSANCE ET DE LA
RÉSIDENCE EN FRANCE
- B. L'EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI À
L'ASSEMBLÉE NATIONALE A DONNÉ LIEU À UNE RESTRICTION
SUPPLÉMENTAIRE DU « DROIT DU SOL »
À MAYOTTE
- A. LA PROPOSITION DE LOI TEND À RESTREINDRE
DAVANTAGE À MAYOTTE LES POSSIBILITÉS D'ACQUISITION DE LA
NATIONALITÉ FRANÇAISE À RAISON DE LA NAISSANCE ET DE LA
RÉSIDENCE EN FRANCE
- III. LA POSITION DE LA COMMISSION :
SÉCURISER JURIDIQUEMENT UN DISPOSITIF DE NATURE À RÉDUIRE
L'IMMIGRATION CLANDESTINE À MAYOTTE
- A. RÉDUIRE LA DURÉE MINIMALE DE
RÉSIDENCE RÉGULIÈRE EN FRANCE EXIGÉE À LA
DATE DE NAISSANCE DE L'ENFANT
- B. SUPPRIMER L'APPLICATION AUX DEUX PARENTS DE
L'EXIGENCE DE RÉSIDENCE RÉGULIÈRE EN FRANCE À LA
NAISSANCE DE L'ENFANT
- C. SUPPRIMER L'OBLIGATION DE PRÉSENTATION
D'UN PASSEPORT BIOMÉTRIQUE POUR APPOSER, SUR L'ACTE DE NAISSANCE, UNE
MENTION RELATIVE À LA DURÉE DE SÉJOUR RÉGULIER EN
FRANCE DU PARENT
- A. RÉDUIRE LA DURÉE MINIMALE DE
RÉSIDENCE RÉGULIÈRE EN FRANCE EXIGÉE À LA
DATE DE NAISSANCE DE L'ENFANT
- I. LA PRESSION MIGRATOIRE INTENSE OBSERVÉE
À MAYOTTE A JUSTIFIÉ LA MISE EN PLACE, SUR L'ARCHIPEL,
D'UNE RESTRICTION DU « DROIT DU SOL » EN
2018
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 466
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mars 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte,
Par M. Stéphane LE RUDULIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
693, 864 et T.A. 43 |
|
Sénat : |
315 et 467 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
L'archipel de Mayotte est confronté, de longue date, à des flux migratoires intenses, en provenance notamment des Comores. Cette pression migratoire engendre de nombreuses difficultés pour ce territoire, en matière de santé publique ou encore d'accès aux services publics et donne lieu, par exemple, à la mise en place d'un système de rotation dans les écoles primaires, celles-ci ne pouvant accueillir l'ensemble des enfants en âge d'être scolarisés.
Face à cette situation problématique, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a adapté les règles d'accès à la nationalité française à Mayotte, afin d'y restreindre le « droit du sol », en prévoyant qu'un enfant né à Mayotte ne peut obtenir la nationalité française à ce titre que si, à sa naissance, l'un de ses parents résidait en France régulièrement depuis au moins trois mois.
Si cette réforme a permis de diminuer le nombre d'acquisitions de la nationalité française au titre du « droit du sol » à Mayotte, force est de constater que la pression migratoire n'a pas été pour autant endiguée. Dans ce contexte, la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte tend à durcir à nouveau, à Mayotte, les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. Elle vise ainsi à prévoir qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourra accéder à la nationalité française que si, à sa naissance, ses deux parents résidaient régulièrement en France depuis au moins trois ans.
Si la commission souscrit à l'objectif de ce texte, qui permettra de rendre Mayotte moins attractive, elle a néanmoins réécrit le dispositif, à l'initiative du rapporteur, afin de le sécuriser juridiquement et ainsi d'écarter le risque de censure de la part du Conseil constitutionnel. Elle a ainsi réduit la durée minimale de résidence régulière exigée à la date de naissance de l'enfant de trois ans à un an et supprimé l'application aux deux parents de cette exigence. Elle a également supprimé l'obligation de présentation d'un passeport biométrique pour apposer, sur l'acte de naissance, une mention relative à la durée de séjour régulier en France du parent et a ensuite adopté la proposition de loi.
I. LA PRESSION MIGRATOIRE INTENSE OBSERVÉE À MAYOTTE A JUSTIFIÉ LA MISE EN PLACE, SUR L'ARCHIPEL, D'UNE RESTRICTION DU « DROIT DU SOL » EN 2018
A. MAYOTTE EST CONFRONTÉE À DES FLUX MIGRATOIRES INTENSES
Mayotte est affectée de longue date par des flux migratoires majeurs, régulièrement mis en lumière par les travaux de la commission des lois du Sénat. Ainsi, en octobre 2021, François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi faisaient état d'une « situation migratoire structurellement problématique1(*) » dans l'archipel.
Illustrant cette situation, 26 855 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés à terre à Mayotte en 2023, selon les informations transmises au rapporteur par le préfet de Mayotte. Ces chiffres sont en augmentation, puisqu'en 2020, 13 608 personnes avaient été interpellées à terre.
Deux flux migratoires distincts peuvent plus particulièrement être identifiés :
· le premier flux migratoire à destination de Mayotte, en provenance d'Afrique2(*), en nette augmentation, donne lieu à environ 5 000 interpellations à terre chaque année ;
· le second flux migratoire et le plus important, en provenance des Comores, a entraîné 23 887 interpellations à terre en 2023.
À l'heure actuelle, sur une population totale de 320 000 habitants, les estimations font état de 160 000 étrangers établis à Mayotte, parmi lesquels 80 000 étrangers en situation irrégulière.
B. LA PRESSION MIGRATOIRE À MAYOTTE EST SOURCE DE GRAVES DIFFICULTÉS POUR LE TERRITOIRE
La situation migratoire observée à Mayotte apparaît aujourd'hui problématique, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, les flux migratoires à Mayotte pèsent lourdement sur l'accès aux services publics, qui ne sont pas en capacité d'absorber l'arrivée continue de migrants. Cette difficulté est particulièrement visible dans les écoles, qui ne peuvent accueillir l'ensemble des enfants en âge d'être scolarisés, donnant lieu à la mise en place d'un système de rotation, ou encore en matière d'accès à l'eau potable, les infrastructures n'étant pas en mesure de faire face à la hausse des besoins en eau.
En deuxième lieu, la pression migratoire pèse sur l'économie locale. De nombreux étrangers établis à Mayotte envoient en effet de l'argent à leur famille restée aux Comores, qui ne profite pas au territoire. Ces flux financiers représenteraient environ 100 millions d'euros chaque année, qui manquent à la demande intérieure de l'archipel.
En troisième lieu, la présence de nombreux étrangers en situation irrégulière pose des risques en matière de santé publique. De nombreux enfants en situation irrégulière ne sont par exemple pas vaccinés, donnant lieu à la résurgence de maladies graves, qui avaient disparues.
En quatrième lieu, l'immigration clandestine participe à l'augmentation de la délinquance et de l'insécurité à Mayotte, comme mis en lumière par la commission des lois du Sénat en 20213(*).
C. CETTE SITUATION PROBLÉMATIQUE A JUSTIFIÉ L'INTRODUCTION D'UNE RESTRICTION DU « DROIT DU SOL » À MAYOTTE EN 2018
Face à cette situation et afin de lutter contre l'immigration clandestine à Mayotte, le législateur a adapté, sur le fondement de l'article 73 de la Constitution, les règles relatives à l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France, afin de restreindre l'accès à la nationalité française par le biais du « droit du sol » à Mayotte.
Par dérogation au droit commun, les articles 16 et 17 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ont ainsi prévu qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourrait acquérir la nationalité française par le biais du « droit du sol » que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents résidait en France de manière régulière depuis au moins trois mois.
Ces dispositions ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 6 septembre 20184(*).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : FACE UNE PRESSION MIGRATOIRE QUI RESTE MAJEURE, RESTREINDRE À NOUVEAU LE « DROIT DU SOL » À MAYOTTE
A. LA PROPOSITION DE LOI TEND À RESTREINDRE DAVANTAGE À MAYOTTE LES POSSIBILITÉS D'ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE À RAISON DE LA NAISSANCE ET DE LA RÉSIDENCE EN FRANCE
Déposée à l'Assemblée nationale le 3 décembre 2024 par Philippe Gosselin et cosignée par la quasi-totalité des membres du groupe « Droite Républicaine », la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française tend à restreindre encore davantage les possibilités d'acquisition de la nationalité française par le biais du « droit du sol » à Mayotte.
L'objectif est, selon l'exposé des motifs, de « stopper l'attractivité de Mayotte pour les flux migratoires ». En effet, si le dispositif introduit par le législateur en 2018 a permis, d'ores et déjà, de diminuer de 72 % le nombre d'acquisitions de la nationalité française5(*), on observe encore « une persistance de la dynamique migratoire » sur l'archipel, selon le préfet de Mayotte.
À cet effet, la proposition de loi, dans sa version initiale, visait à durcir le dispositif introduit en 2018, en prévoyant qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourrait acquérir la nationalité française ultérieurement que si, à la date de sa naissance, ses deux parents résidaient régulièrement en France depuis au moins un an.
B. L'EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI À L'ASSEMBLÉE NATIONALE A DONNÉ LIEU À UNE RESTRICTION SUPPLÉMENTAIRE DU « DROIT DU SOL » À MAYOTTE
Le dispositif prévu par la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte a été modifié durant son examen à l'Assemblée nationale, pour restreindre encore davantage le « droit du sol » à Mayotte.
Ainsi, à la suite de l'adoption d'un amendement du groupe « Union des droites républicaines », le dispositif prévoit désormais qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourra accéder à la nationalité française que si, à sa naissance, ses deux parents résidaient en France régulièrement depuis au moins trois ans.
Par ailleurs, un amendement adopté à l'initiative de la députée Estelle Youssouffa est venu préciser que, pour qu'une mention relative à la durée de séjour régulier en France des deux parents soit apposée, à leur demande, sur l'acte de naissance de l'enfant afin de simplifier les démarches ultérieures, il serait nécessaire aux parents de fournir un passeport biométrique à l'officier d'état civil. L'objectif poursuivi par cette modification est de « limiter la fraude documentaire à Mayotte ».
III. LA POSITION DE LA COMMISSION : SÉCURISER JURIDIQUEMENT UN DISPOSITIF DE NATURE À RÉDUIRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE À MAYOTTE
La commission des lois a accueilli favorablement le dispositif prévu par la proposition de loi. Elle a en effet considéré qu'il était urgent d'agir pour réduire la pression migratoire à Mayotte, celle-ci ne cessant de s'accroître et pesant de plus en plus lourdement sur les services publics et l'économie locale.
Si la réponse à cette situation problématique ne peut se limiter à la seule restriction du « droit du sol » à Mayotte, et doit mobiliser d'autres leviers, elle a estimé qu'il s'agissait néanmoins d'une première réponse utile, susceptible de réduire l'attractivité du territoire pour les personnes souhaitant entrer irrégulièrement sur le sol mahorais.
La commission a donc adopté l'article unique de la proposition de loi, après l'avoir réécrit, à l'initiative du rapporteur, afin de sécuriser juridiquement le dispositif proposé (amendement COM-6).
A. RÉDUIRE LA DURÉE MINIMALE DE RÉSIDENCE RÉGULIÈRE EN FRANCE EXIGÉE À LA DATE DE NAISSANCE DE L'ENFANT
La commission a en premier lieu réduit de trois ans à un an la durée minimale de résidence régulière exigée des deux parents à la date de naissance de l'enfant pour que celui-ci puisse, par la suite, acquérir la nationalité française par le biais du « droit du sol ».
La durée de trois ans prévue par la proposition de loi, telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale, lui est en effet apparue disproportionnée, compte tenu des exigences constitutionnelles. Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel avait en effet précisé que le législateur, pour lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, pouvait adapter les règles en matière d'acquisition de la nationalité française, seulement « dans une certaine mesure ».
Or, les auditions conduites par le rapporteur ont montré qu'une durée de trois ans pourrait être jugée excessive par le Conseil constitutionnel. Il est ainsi probable que « la différence de situation résultant du délai de trois ans ne saurait être justifiée par l'objectif poursuivi et que la mesure est disproportionnée », selon Anne Levade, professeur de droit public.
Par ailleurs, le choix d'une durée d'un an correspond à la proposition déjà formulée par la commission des lois du Sénat en 20216(*).
B. SUPPRIMER L'APPLICATION AUX DEUX PARENTS DE L'EXIGENCE DE RÉSIDENCE RÉGULIÈRE EN FRANCE À LA NAISSANCE DE L'ENFANT
Par l'adoption du même amendement, la commission est revenue sur l'extension aux deux parents de l'exigence de résidence régulière en France à la date de naissance de l'enfant souhaitant ultérieurement acquérir la nationalité française.
En effet, s'il est louable de vouloir lutter contre le phénomène des reconnaissances frauduleuses de paternité, qui permettent de contourner le dispositif introduit par le législateur en 2018, une extension aux deux parents de cette exigence ne paraît pas souhaitable pour trois raisons.
D'abord, cette mesure pourrait amplifier le nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité, à rebours de l'objectif poursuivi. En effet, dans le cas d'une mère en situation régulière, « il existe de nouveaux risques de contournement du dispositif » dans le cas où la mère serait en situation régulière, selon la direction des affaires civiles et du sceau. Ainsi, « le père pourrait ne pas reconnaitre son enfant, et une personne en situation régulière ou de nationalité française, qui n'est pas le père biologique de l'enfant, pourrait reconnaître ce dernier », pour qu'il puisse par la suite acquérir la nationalité française.
Ensuite, l'application de cette exigence aux deux parents apparaît inconstitutionnelle en ce qu'elle créerait une rupture d'égalité. En effet, un enfant issu d'une famille monoparentale se verrait privé de toute possibilité d'acquérir la nationalité française par le biais du « droit du sol ».
Enfin, une telle mesure pourrait être jugée inconventionnelle, en ce qu'elle porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
C. SUPPRIMER L'OBLIGATION DE PRÉSENTATION D'UN PASSEPORT BIOMÉTRIQUE POUR APPOSER, SUR L'ACTE DE NAISSANCE, UNE MENTION RELATIVE À LA DURÉE DE SÉJOUR RÉGULIER EN FRANCE DU PARENT
Enfin, à l'initiative du rapporteur, la commission a supprimé l'obligation de présentation d'un passeport biométrique à l'officier d'état civil par le parent étranger d'un enfant né à Mayotte, pour apposer, sur l'acte de naissance de cet enfant, une mention relative à la durée de séjour régulier en France du parent.
Elle a d'une part considéré que cette exigence était contraire aux exigences constitutionnelles, puisque tous les pays ne délivrent pas de passeport biométrique. Ces dispositions auraient ainsi créé une rupture d'égalité et procédé à une discrimination selon l'origine ou la nationalité, contraire à la Constitution.
D'autre part, elle a relevé que cette précision avait un caractère réglementaire. La liste des justificatifs devant être présentés à l'officier d'état civil est en effet, à l'heure actuelle, fixée par l'article 9-1 du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article unique
Restriction des possibilités d'acquisition de la
nationalité française au titre du « droit du
sol » à Mayotte
Pour tenter de limiter la hausse des flux migratoires à Mayotte, l'article unique de la proposition de loi tend à restreindre les possibilités d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. À cet effet, il prévoit qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourrait obtenir la nationalité française au titre du « droit du sol » que si, à la date de sa naissance, ses deux parents résidaient en France régulièrement, sous couvert d'un titre de séjour, depuis au moins trois ans.
Si cette mesure ne permettra pas, à elle seule, d'enrayer la totalité des arrivées de personnes en situation irrégulière à Mayotte, la commission a néanmoins considéré que le dispositif prévu était de nature à décourager certains potentiels migrants. Souscrivant à l'objectif poursuivi, elle a par conséquent adopté cet article, après s'être attachée, à l'initiative du rapporteur, à sécuriser juridiquement le dispositif et à en garantir la proportionnalité, en prévoyant notamment que l'obligation de résidence régulière en France ne s'appliquerait qu'à l'un des deux parents et en réduisant à un an la durée minimale de résidence régulière qui serait exigée de l'un des deux parents.
1. Dès 2018, la pression migratoire observée à Mayotte a justifié la mise en place de règles dérogatoires en matière d'acquisition de la nationalité française au titre du « droit du sol »
1.1. Les règles de droit commun relatives à l'acquisition et à l'attribution de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France
Un enfant né en France de parents étrangers peut, sous certaines conditions, accéder à la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France, c'est-à-dire au titre du « droit du sol ». Selon les cas, il peut acquérir ou se voir attribuer automatiquement la nationalité française.
Les voies d'accès à la nationalité française
Le code civil distingue deux voies d'accès à la nationalité française.
D'une part, la nationalité française peut être attribuée automatiquement, dès la naissance. Cela s'applique notamment aux enfants dont l'un des parents au moins est Français7(*) (« droit du sang »), aux enfants nés en France de deux parents inconnus8(*), apatrides9(*), ou issus d'un pays dont la loi n'autorise pas la transmission de la nationalité à l'enfant10(*), et aux enfants nés en France de parents étrangers dont au moins l'un des deux parents est né en France11(*) (« double droit du sol »).
D'autre part, si la nationalité n'est pas attribuée dès la naissance, elle peut être acquise ultérieurement, soit :
- automatiquement, ce qui concerne notamment, sous certaines conditions, les enfants nés en France de parents étrangers, à leur majorité12(*) ;
- par déclaration, pour les étrangers se mariant avec un Français par exemple13(*) ;
- par naturalisation, la nationalité étant alors conférée par décret, ce qui peut par exemple bénéficier aux étrangers ayant effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française14(*).
a) L'attribution de la nationalité française à des enfants nés en France de parents étrangers
En premier lieu, la nationalité française peut être attribuée, dès la naissance, à des enfants nés en France de parents étrangers.
D'une part, l'article 19-1 du code civil prévoit qu'est Français :
- l'enfant né en France de parents apatrides ;
- l'enfant né en France de parents étrangers « pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents ».
D'autre part, l'article 19-3 du code civil, relatif au « double droit du sol », dispose qu'est « français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né ».
b) L'acquisition de la nationalité française par des enfants nés en France de parents étrangers
En second lieu, un enfant né en France de parents étrangers peut également acquérir la nationalité française, sous certaines conditions.
Un enfant né en France de parents étrangers acquiert automatiquement la nationalité française à sa majorité « si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle15(*) en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans16(*) ». L'intéressé peut décliner la qualité de Français dans les six mois qui précèdent sa majorité ou dans les douze mois qui la suivent17(*).
De plus, un enfant né en France de parents étrangers peut également acquérir la nationalité française de façon anticipée - c'est-à-dire avant ses dix-huit ans - sur déclaration, dans les conditions fixées par l'article 21-11 du code civil, qui prévoit :
- d'une part, qu'un enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l'âge de seize ans, réclamer la nationalité française par déclaration, si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans ;
- d'autre part, qu'un enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l'âge de treize ans, réclamer la nationalité française par déclaration, si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de huit ans.
1.2. La nécessité de lutter contre l'immigration clandestine a justifié l'introduction à Mayotte d'une dérogation visant à restreindre les possibilités d'acquisition de la nationalité française à Mayotte
a) L'archipel de Mayotte est confronté à une intense pression migratoire, qui suscite des difficultés multiples
· Une pression migratoire intense à Mayotte
Comme régulièrement mis en lumière par les travaux de la commission des lois du Sénat18(*), Mayotte fait face à une intense pression migratoire. Sur une population totale de 320 000 habitants environ, la moitié serait de nationalité étrangère. Parmi ces 160 000 étrangers, la moitié serait en situation irrégulière. 80 000 étrangers en situation irrégulière seraient ainsi établis à Mayotte.
Ces flux migratoires apparaissent par ailleurs en augmentation. Ainsi, 26 855 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés à terre à Mayotte en 2023, en hausse par rapport à l'année 2020, durant laquelle 13 508 personnes avaient été interpellées à terre. Ces flux semblent encore augmenter depuis le début de l'année 2025. Ainsi, comme l'a indiqué au rapporteur la direction générale des étrangers en France (DGEF), « la période du 1er janvier au 16 février 2025 est quant à elle marquée par une forte croissance du nombre d'interpellations (2 873), soit une progression de 573 interpellations par rapport à la même période en 2024. Les arrivées d'étrangers en situation irrégulière depuis le passage du cyclone [Chido] n'ont pas non plus cessé avec l'interception de 25 kwassas à date en 2025 ».
Cette pression migratoire est caractérisée par l'arrivée à Mayotte de deux flux migratoires distincts, comme indiqué au rapporteur par le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville.
Le premier flux migratoire à destination de Mayotte, en provenance d'Afrique19(*), donne lieu à l'interpellation à terre d'environ 5 000 migrants chaque année. L'objectif de ces migrants est, selon le préfet de Mayotte, d'obtenir le statut de réfugié. Bien que secondaires, les flux observés en provenance de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de la Somalie sont en nette augmentation. À titre d'exemple, si 9 étrangers originaires de République démocratique du Congo avaient été interpellés à terre en 2022, ce nombre est passé à 396 en 2024 - soit une augmentation de 281 %.
Le second flux migratoire observé à Mayotte, en provenance des Comores et notamment d'Anjouan20(*), est le plus important. Ainsi, en 2023, 23 887 migrants en provenance des Comores ont été interpellés à terre. Cette immigration en provenance des Comores est qualifiée par le préfet « d'immigration circulaire, familiale et vivrière ».
Il s'agit en premier lieu d'une immigration familiale, en raison de l'histoire de l'archipel des Comores et de Mayotte. De nombreuses personnes devenues françaises, mais d'origine comorienne, sont ainsi établies à Mayotte et conservent des liens familiaux avec les Comores, alimentant les flux migratoires. La DGEF notait à cet égard que « la permanence de liens familiaux, linguistiques et culturels [facilite] les conditions pratiques de l'émigration vers Mayotte ». De nombreux Comoriens tentent donc de venir à Mayotte rejoindre leur famille, et font ensuite des aller-retours avec le reste de leur famille, restée sur l'archipel des Comores.
L'histoire de l'archipel des Comores
Jusqu'en 1974, l'archipel des Comores, composé d'Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli, faisait partie intégrante de la République française. Comme l'ont mis en lumière les travaux du rapporteur, les liens étaient nombreux entre ces différentes îles, les familles étant parfois établies sur plusieurs d'entre elles.
Face au développement d'un mouvement indépendantiste dans les Comores, une consultation sur l'indépendance des Comores est organisée le 22 décembre 1974 dans chaque île des Comores - entraînant l'organisation de quatre consultations indépendantes.
Ces consultations ont donné lieu au vote en faveur de l'indépendance, à plus de 99 % dans trois des îles composant l'archipel des Comores, à savoir Anjouan, Mohéli et la Grande Comore. A contrario, le vote en faveur du maintien dans la République française l'a emporté à Mayotte, à plus de 67 %.
Faisant suite à cette consultation, les Comores accèdent finalement à l'indépendance le 6 juillet 1975, tandis que Mayotte est demeurée dans la République, devenant un département le 31 mars 2011.
Il s'agit en deuxième lieu d'une immigration circulaire et vivrière. En raison des écarts de niveau de vie entre les Comores et Mayotte21(*), de nombreuses personnes viennent à Mayotte travailler, pour envoyer ensuite de l'argent à leur famille restée sur l'archipel des Comores, et repartent par la suite y rejoindre leur famille. Lors de son audition, le préfet de Mayotte a indiqué qu'environ 100 millions d'euros circulent chaque année entre Mayotte et les Comores.
· Une situation migratoire problématique
La forte pression migratoire à laquelle est confrontée Mayotte apparaît aujourd'hui problématique à plusieurs égards.
En premier lieu, les flux migratoires observés à Mayotte pèsent lourdement sur les services publics, qui ne sont pas en capacité d'absorber l'arrivée continue de migrants sur le territoire mahorais. Cette difficulté est particulièrement visible dans les écoles, qui ne peuvent pas accueillir l'ensemble des enfants en âge d'être scolarisés, en raison du nombre particulièrement élevé de naissances sur le territoire mahorais22(*), donnant lieu à la mise en place d'un système de rotation.
La situation scolaire à Mayotte
Les capacités d'accueil dans les établissements scolaires mahorais23(*) sont insuffisantes pour permettre l'accueil de l'ensemble des élèves, en raison de la forte croissance démographique que connaît l'archipel, sous l'influence des flux migratoires et du nombre de naissances, en forte hausse. Le nombre d'élèves, qui s'établissait à 63 766 dans le premier degré en 202424(*), a ainsi augmenté de plus de 17 % depuis 202025(*). Ainsi, en raison de hausse continue du nombre d'élèves scolarisés dans l'académie de Mayotte et bien que les estimations varient, il manquerait environ 300 classes26(*), en temps normal, pour accueillir l'ensemble des élèves dans les écoles primaires.
Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour faire face à cette situation et permettre au plus grand nombre de suivre un nombre minimal d'enseignements.
En premier lieu, un système de rotation a été instauré dans certaines écoles primaires. Comme indiqué dans l'avis de la commission des lois sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte27(*), « aujourd'hui, la majorité des 221 écoles fonctionnent en rotation avec une scolarisation pour une part des élèves de 7 h à 12 h et pour une autre part de 12 h 30 à 17 h 30. (...) Dans une commune comme Koungou, deuxième commune de Mayotte en termes de population, toutes les écoles sont en rotation avec deux classes accueillies dans chaque salle et même quatre classes pour les CP et les CE1, dans le cadre des dédoublements prévus pour ces niveaux ». Ce système permet d'accueillir davantage d'élèves, même si le nombre d'heures d'enseignement est réduit.
En second lieu, a également été institué un système de classes itinérantes, dotées chacune d'un enseignant, qui permet d'accueillir des enfants sur une partie du temps scolaire. Implantées dans une école ou dans un lieu tiers, ces classes itinérantes permettent d'accueillir des enfants n'ayant pas pu obtenir de place dans une école, au moins dix heures par semaine, en rotation. En 2021, douze classes itinérantes avaient été mises en place et avaient permis d'accueillir 1 355 élèves.
En dépit de ces mécanismes, entre 6 000 et 10 000 enfants seraient déscolarisés à Mayotte28(*) faute de places suffisantes dans les écoles.
Cette problématique est également visible en matière d'accès à l'eau. Comme indiqué au rapporteur par le préfet, les besoins en eau augmentent de plus de 2 000 mètres cubes par jour chaque année, en raison de l'immigration, alors que Mayotte ne dispose pas de capacités de production d'eau et dépend, pour son approvisionnement en eau, de la saison des pluies.
En deuxième lieu, cette pression migratoire pénalise l'économie de Mayotte. Comme l'a souligné le préfet de Mayotte, les flux financiers envoyés à destination des Comores depuis Mayotte ne permettent pas de soutenir la demande intérieure de l'île. De plus, ces sommes sont majoritairement issues de l'économie informelle (vente à la sauvette, taxis informels, par exemple), au détriment de l'économie formelle mahoraise.
En troisième lieu, la pression migratoire engendre des risques en matière sanitaire. De nombreux enfants arrivant à Mayotte de manière irrégulière ne sont ainsi pas vaccinés, donnant lieu à la résurgence de maladies qui avaient disparu. Aussi, dans le domaine de l'agriculture, selon le préfet de Mayotte, de nombreux migrants s'approprient des terres pour cultiver des fruits et légumes en utilisant des pesticides interdits dans l'Union européenne, avant de les revendre, ce qui pourrait, à terme, avoir des conséquences sanitaires graves.
En quatrième lieu, l'immigration irrégulière à Mayotte participe à l'augmentation de la délinquance et de l'insécurité sur l'archipel.
Comme mis en avant dans le rapport d'information de la commission des lois du Sénat consacré à l'insécurité à Mayotte29(*), « imparfaitement intégrés au sein de la société mahoraise, les étrangers en situation irrégulière sont particulièrement concernés par les facteurs de développement de la délinquance ».
De plus, « la présence d'une part importante d'étrangers en situation irrégulière, en particulier mineurs, contribue plus généralement, selon les acteurs judiciaires ainsi que ceux des forces de sécurité rencontrés par les rapporteurs, au développement d'affrontements entre bandes rivales. D'une part, spécifiquement lorsqu'ils sont mineurs, les étrangers en situation irrégulière ne disposent pas nécessairement de perspectives d'avenir encourageantes. Il en résulte un phénomène de « désoeuvrement », propice à la commission de faits de violence. D'autre part, le différend persistant opposant la population mahoraise à la population étrangère nourrit un vif ressentiment, sur lequel peut prospérer un climat de tension générateur de violence, qui peut susciter des affrontements intercommunautaires ».
Enfin, la hausse des flux migratoires à Mayotte donne lieu, selon le président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, à l'aggravation de la déforestation pour développer des filières de charbon de bois illégales ainsi qu'à des occupations illégales de terrains, pour établir des habitats informels. Plus globalement, selon lui, « une telle situation ne peut que provoquer une déstabilisation profonde de la société mahoraise, tant d'un point de vue social, sanitaire, économique qu'éducatif ».
b) Face à la nécessité de diminuer la pression migratoire dans l'archipel, les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ont été durcies à Mayotte en 2018
· La restriction du « droit du sol » introduite à Mayotte en 2018
Afin de lutter contre l'immigration clandestine à Mayotte, en augmentation constante, le législateur a adapté les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France, sur le fondement de l'article 73 de la Constitution, afin de restreindre l'accès à la nationalité française par le biais du « droit du sol » à Mayotte.
Les adaptations sur le fondement de l'article 73 de la Constitution
Les départements et les régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution obéissent au principe de l'identité législative. Il en découle que les lois et règlements y sont applicables de plein droit.
Toutefois, pour prendre en compte les spécificités locales, les lois et règlements peuvent y faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être directement prévues par la loi ou le règlement. Elles peuvent également être directement décidées par les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, dans les matières où s'exercent leurs compétences, et à condition qu'elles y aient été habilitées au préalable, selon le cas, par la loi ou le règlement.
Ainsi, les articles 16 et 17 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ont introduit, à Mayotte, une dérogation aux règles de droit commun en matière de nationalité afin de restreindre le « droit du sol » à Mayotte.
Ces dispositions ont en premier lieu rétabli l'article 2493 du code civil pour prévoir que les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France, régies par les articles 21-7 et 21-11 du code civil, ne seraient applicables à un enfant né à Mayotte que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
Pour faciliter l'obtention de la nationalité française lorsque les conditions sont remplies, la loi précitée a également prévu qu'à « la demande de l'un des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu'au jour de la naissance de l'enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois est portée sur l'acte de naissance de l'enfant30(*) ».
La liste des justificatifs devant être présentés à l'officier d'état civil est précisée par le décret n° 2017-790 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil, et inclut :
- un justificatif d'identité ;
- le titre de séjour sous couvert duquel le parent séjournait en France à la date de naissance de l'enfant ;
- tous documents permettant de justifier de la résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois à la date de naissance de l'enfant ;
- un extrait d'acte de naissance de l'enfant, avec indication de la filiation, datant de moins de trois mois.
Enfin, concernant l'entrée en vigueur de ces dispositions, l'article 2494 du code civil, rétabli par la même loi de 2018, précise que ces règles dérogatoires sont applicables dans les conditions prévues par l'article 17-2 du code civil, c'est-à-dire dès leur publication, y compris aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi.
Toutefois, comme l'explique le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie31(*), l'article 2494 du code civil « a instauré une condition alternative de régularité du séjour des parents pendant une période de cinq ans, afin de tenir compte des difficultés, pour ceux proches d'accéder à l'âge permettant la réclamation ou l'acquisition de la nationalité française, de fournir la preuve de la situation régulière de leurs parents au moment de leur naissance ».
Ainsi, pour les enfants nés à Mayotte avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, s'il ne leur est pas possible de prouver que l'un de leurs parents résidait régulièrement en France depuis plus de trois mois à la date de leur naissance, ils peuvent malgré tout obtenir la nationalité française par le biais du « droit du sol », à la condition que l'un de leurs parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux articles 21-7 et 21-11 du code civil.
Ces dispositions reprennent le dispositif prévu par la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, déposée par Thani Mohamed Soilihi, alors sénateur, le 25 avril 2018, qui avait au préalable été soumise pour avis au Conseil d'État32(*) par le président du Sénat, Gérard Larcher.
Selon l'exposé des motifs, cette proposition de loi avait pour ambition de faire face à l'arrivée de « milliers de femmes enceintes qui, souvent au péril de leur vie, abordent les rivages de Mayotte avec l'espoir de donner naissance à un enfant né sur le territoire national afin qu'il puisse y être élevé et ainsi bénéficier d'une naturalisation par le droit du sol. La France a beau ne pas reconnaître un droit du sol « sec », en ce que la naissance sur son territoire ne suffit pas à conférer la nationalité française, cette chimère agit sur ces personnes comme un redoutable chant des sirènes, à la fois terriblement attractif et cruellement trompeur ».
· Une adaptation du droit de la nationalité à Mayotte jugée conforme à la Constitution
Les dispositions de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, adaptant à Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Le contrôle des adaptations sur le fondement de l'article 73 de la Constitution par le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle en deux temps sur les adaptations prises par le législateur sur le fondement de l'article 73 de la Constitution.
Comme indiqué au rapporteur par Anne Levade, professeur des universités en droit public, le Conseil constitutionnel vérifie en premier lieu que l'adaptation est justifiée par des caractéristiques et contraintes particulières propres à la collectivité concernée. Selon elle, ces caractéristiques et contraintes particulières doivent être « factuelles et objectivement constatables ». Elles doivent également être « précisément identifiées par le législateur, que ce soit dans l'exposé des motifs du projet ou de la proposition de loi, le cas échéant dans son étude d'impact ou dans le corps même de ses dispositions ». Le Conseil constitutionnel apprécie ensuite leur réalité et leur pertinence et peut « déclarer contraire à la Constitution une loi d'adaptation qui n'y ferait pas référence ».
À titre d'exemple, le Conseil constitutionnel a censuré, en 201733(*), des dispositions instituant un délai d'appel des jugements des juridictions du travail, applicable uniquement dans certains territoires ultramarins, dont Mayotte, au motif que l'exclusion du délai de droit commun ne trouvait sa justification « ni dans une différence de situation des justiciables dans ce territoire par rapport à ceux des autres territoires, ni dans l'organisation juridictionnelle, les caractéristiques ou les contraintes particulières propres au département de Mayotte ».
Une fois ces caractéristiques et contraintes particulières identifiées, le Conseil constitutionnel contrôle dans un second temps l'adaptation prévue par le législateur et vérifie notamment qu'elle respecte le principe constitutionnel d'égalité ainsi que les droits et libertés que la Constitution garantit. Dans une décision rendue en 201634(*), le Conseil constitutionnel a par exemple censuré des dispositions d'adaptation du code de procédure pénale à Mayotte. Si les adaptations étaient justifiées par des caractéristiques et contraintes particulières propres à Mayotte, il a considéré que la différence de traitement instituée par les adaptations prévues était sans rapport avec l'objet de la loi, entraînant de fait une rupture d'égalité contraire à la Constitution.
S'agissant des « lois de souveraineté », le Conseil constitutionnel exerce un contrôle de constitutionnalité resserré35(*). Les lois de souveraineté correspondent aux lois qui, « en raison de leur objet, sont nécessairement destinées à régir l'ensemble du territoire de la République36(*) » et incluent notamment les lois de nationalité37(*). Selon Anne Levade, entendue par le rapporteur, ce contrôle de constitutionnalité resserré conduit le Conseil constitutionnel à vérifier que « les dispositions figurant dans la loi n'excèdent pas la "mesure" des adaptations susceptibles d'être justifiées par les "caractéristiques et contraintes particulières" » de la collectivité. Les adaptations doivent ainsi, dans le cas des lois de souveraineté, être limitées, adaptées et proportionnées à la situation de la collectivité38(*). Ce contrôle resserré des adaptations en matière de lois de souveraineté a par exemple conduit le Conseil constitutionnel à censurer des dispositions instituant en Guyane une différence de traitement pour l'obtention du revenu de solidarité active au motif que celle-ci dépassait « la mesure des adaptations susceptibles d'être justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité de Guyane39(*) ».
Dans une décision du 6 septembre 201840(*), le Conseil constitutionnel a dans un premier temps vérifié que les conditions prévues par l'article 73 de la Constitution, permettant l'adaptation des lois et règlements dans les départements et régions d'outre-mer, étaient remplies. En l'espèce, il a constaté que la situation de Mayotte était caractérisée par « une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers ». Il a estimé que ces circonstances constituaient, au sens de l'article 73 de la Constitution, « des "caractéristiques et contraintes particulières" de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France », en prenant en compte le fait que l'immigration irrégulière à Mayotte pouvait être favorisée par la perspective d'obtention de la nationalité par un enfant né en France et par les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de sa famille.
Dans un second temps, le Conseil constitutionnel a contrôlé la constitutionnalité et la proportionnalité de l'adaptation au droit de la nationalité prévue par ces dispositions.
Il a d'abord relevé le caractère circonscrit de l'adaptation, puisque celle-ci porte « sur les seules règles d'acquisition de la nationalité française par un enfant né à Mayotte de parents étrangers et sans que l'un d'eux ne soit lui-même né en France » et laisse inchangés les critères d'âge et de résidence applicables à un enfant né à Mayotte de parents étrangers. Ainsi, ces dispositions « se bornent (...) à modifier certaines conditions d'exercice du droit à l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ».
Il a ensuite jugé que ces mesures n'instituaient aucune mesure discriminatoire, puisqu'elles s'appliquent à l'ensemble des enfants nés à Mayotte de parents étrangers, quelle que soit la nationalité de ces derniers ou leur origine géographique.
Il a enfin relevé que l'article 2495 du code civil permettrait de faciliter la mise en oeuvre de la nouvelle obligation instaurée.
Pour toutes ces raisons, le Conseil constitutionnel a jugé que la différence de traitement introduite par l'article 2493 du code civil « tient compte des caractéristiques et contraintes particulières propres à Mayotte et (...) est en rapport avec l'objet de la loi », et qu'elle ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle. Il en a par conséquent conclu que ces dispositions étaient conformes à la Constitution.
2. Le dispositif proposé : face à l'accroissement de la pression migratoire, restreindre encore davantage les possibilités d'accès à la nationalité française au titre du « droit du sol » à Mayotte
2.1. Face à la situation migratoire problématique à laquelle est confrontée Mayotte, la proposition de loi vise à restreindre l'accès à la nationalité française au titre du « droit du sol » sur l'archipel
Déposée à l'Assemblée nationale le 3 décembre 2024 par le député Philippe Gosselin et cosignée par la quasi-totalité des membres du groupe « Droite Républicaine », la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française a pour objectif de « stopper l'attractivité de Mayotte pour les flux migratoires41(*) », alors que l'archipel demeure confronté à une forte pression migratoire.
Pour atteindre cet objectif, elle tend à limiter encore davantage les possibilités d'acquisition de la nationalité française au titre du « droit du sol » à Mayotte, ce dernier jouant « un rôle d'aimant en attirant des populations en situation irrégulière, contribuant à la pression sur les services publics, tout en affaiblissant l'intégration des Français de Mayotte42(*) ».
Dans cette optique, l'article unique de la proposition de loi, dans sa version telle que déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, modifie l'article 2493 du code civil, afin de renforcer à Mayotte les conditions requises pour acquérir la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France.
À cet effet, le dispositif prévoit d'une part d'étendre aux deux parents l'exigence de résidence régulière en France à la date de naissance de l'enfant, pour que celui-ci puisse par la suite acquérir la nationalité française par le biais du « droit du sol ». Entendu par le rapporteur, l'auteur de la proposition de loi, Philippe Gosselin, a indiqué que l'objectif de cette extension était d'éviter les reconnaissances frauduleuses de paternité, de plus en plus nombreuses, qui constituent un moyen de contourner les exigences spécifiques à Mayotte introduites par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
D'autre part, la durée minimale de résidence régulière en France exigée des deux parents serait allongée à un an, afin de renforcer l'effet dissuasif du dispositif sur les personnes qui souhaiteraient entrer irrégulièrement sur le territoire mahorais dans le but que leur enfant puisse par la suite acquérir la nationalité française.
Il résulte de ces modifications qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourrait acquérir la nationalité française, au titre du « droit du sol », que si, à la date de sa naissance, ses deux parents résidaient en France, de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis au moins un an.
L'article unique de la proposition de loi procède par ailleurs à une coordination à l'article 2495 du code civil, pour tenir compte du renforcement des conditions d'acquisition de la nationalité française.
2.2. L'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale a donné lieu à un nouveau renforcement des conditions d'accès à la nationalité française par le biais du « droit du sol » à Mayotte
Examinée en séance publique à l'Assemblée nationale le 6 février 2025, la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte a été modifiée afin de restreindre encore davantage les possibilités d'acquisition de la nationalité française.
Si au stade de l'examen en commission, un seul amendement rédactionnel43(*) a été adopté à l'initiative du rapporteur, Philippe Gosselin, deux amendements supplémentaires ont été adoptés durant l'examen en séance publique de la proposition de loi.
D'une part, un amendement du groupe « Union des droites pour la République »44(*) a été adopté afin d'allonger à trois ans minimum la durée de résidence régulière en France qui serait exigée des deux parents, au moment de la naissance de leur enfant, pour que celui-ci puisse par la suite acquérir la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France.
D'autre part, un amendement a été adopté, à l'initiative de la députée Estelle Youssouffa et de plusieurs de ses collègues45(*), pour préciser que pour qu'une mention relative à la durée de résidence régulière en France des deux parents soit apposée sur les actes de naissance des enfants nés à Mayotte de parents étrangers, ces derniers devraient présenter un titre de séjour accompagné d'un passeport biométrique, afin de « limiter la fraude documentaire à Mayotte ».
3. La position de la commission : accepter un dispositif qui permettra de réduire la pression migratoire à Mayotte tout en le sécurisant juridiquement
3.1. Un dispositif de nature à réduire l'immigration irrégulière à Mayotte
De façon générale, la commission a accueilli favorablement le dispositif prévu par la proposition de loi.
Alors que la pression migratoire à Mayotte ne cesse de s'accroître, elle a considéré qu'une restriction supplémentaire du « droit du sol » à Mayotte permettrait de limiter, dans une certaine mesure, l'immigration irrégulière dans l'archipel.
Comme l'avait relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018 précitée, les perspectives d'obtention de la nationalité française par un enfant né sur le sol français et ses conséquences sur le droit au séjour de la famille favorisent l'arrivée de migrants en situation irrégulière à Mayotte.
En effet, une fois qu'un enfant né à Mayotte acquiert la nationalité française au titre du « droit du sol », parfois dès l'âge de 13 ans, les parents étrangers, même en situation irrégulière, peuvent obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an renouvelable46(*). Ainsi, en 2024, la préfecture de Mayotte a délivré 19 621 titres de séjour, dont 9 952 concernaient des parents d'enfants français, soit 51 % des titres de séjour délivrés. De plus, selon les informations transmises au rapporteur par la DGEF, « presque 85 % des titres de séjour délivrés à Mayotte et en cours de validité pour des "parents d'enfant français" concernent des étrangers en situation irrégulière ». Cette possibilité constitue ainsi « un facteur d'attractivité migratoire évident47(*) », selon Gérald Darmanin et Marie Guévenoux.
Si la restriction du « droit du sol » introduite en 2018 a permis de diminuer le nombre d'acquisitions de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France48(*), la commission considère néanmoins qu'il faut désormais aller plus loin. En effet, en dépit de cette réforme, on observe « une persistance de la dynamique migratoire à Mayotte », selon les mots du préfet de Mayotte.
Le renforcement des conditions d'accès à la nationalité française par le biais du « droit du sol » exercera donc un effet dissuasif sur les personnes prévoyant d'entrer irrégulièrement à Mayotte dans le seul but d'accéder à la nationalité française, et participera donc de la lutte contre l'immigration clandestine.
3.2. Un dispositif qui doit être sécurisé juridiquement, pour écarter le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel
Si la commission souscrit à l'objectif poursuivi par la proposition de loi ainsi qu'à l'économie générale du dispositif proposé, elle a néanmoins souhaité réécrire le dispositif proposé, par l'adoption d'un amendement COM-6 du rapporteur, afin de sécuriser juridiquement le dispositif.
a) Réduire la durée minimale de résidence régulière exigée à la date de naissance de l'enfant
Par l'adoption de l'amendement du rapporteur, la commission a en premier lieu réduit de trois ans à un an la durée minimale de résidence régulière qui serait exigée des parents à la date de naissance de l'enfant, pour que ce dernier puisse, par la suite, acquérir la nationalité française par le biais du « droit du sol ».
S'il apparaît nécessaire d'allonger la durée exigée de résidence régulière en France, pour exercer véritablement un effet dissuasif sur les personnes susceptibles d'arriver clandestinement à Mayotte afin que leurs enfants puissent obtenir la nationalité française, la durée de trois ans figurant dans la proposition de loi, dans sa version telle que transmise au Sénat, apparaît toutefois disproportionnée et, de ce fait, de nature à créer des doutes sérieux sur sa constitutionnalité.
Ce risque avait d'ores et déjà été soulevé durant l'examen de la proposition de loi en séance publique à l'Assemblée nationale. En effet, comme souligné au cours des débats par le garde des sceaux, Gérald Darmanin, « si le délai est porté à trois ans, la disposition sera sans doute considérée comme inconstitutionnelle ».
S'agissant d'une loi de souveraineté et comme évoqué supra, le Conseil constitutionnel exerce sur les adaptations prévues en la matière un contrôle de constitutionnalité resserré. Ainsi, comme indiqué par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, le législateur est autorisé à adapter les règles en matière d'accès à la nationalité à Mayotte, sur le fondement de l'article 73 de la Constitution et afin de lutter contre l'immigration irrégulière, « dans une certaine mesure » seulement. Le commentaire de cette décision précise à cet égard que « les termes "dans une certaine mesure" retenus par le Conseil soulignent que, par sa nature même, la notion d'adaptation présente des limites : elle ne saurait conduire à l'adoption de dispositions qui, par leur nature ou leur ampleur, seraient par trop différentes des dispositions de droit commun applicables sur le reste du territoire de la République ».
Autrement dit, comme l'avait indiqué le Conseil d'État dans son avis sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers49(*), déposée par Thani Mohamed Soilihi, la loi ne peut apporter qu'une « adaptation limitée, adaptée et proportionnée à la situation de Mayotte ».
En l'espèce, les professeurs de droit public entendus par le rapporteur ont unanimement estimé qu'une durée de trois ans paraissait excessive et, selon le professeur Guillaume Drago, entraînerait « une censure quasi certaine ».
Ainsi, Anne Levade a souligné que si « l'extension de trois mois à un an de la période minimale de résidence régulière ne semble pas poser de problème majeur de constitutionnalité », il était en revanche fort probable que « le Conseil considérerait que la différence de situation résultant du délai de trois ans ne saurait être justifiée par l'objectif poursuivi et que la mesure est disproportionnée ».
Cet avis est partagé par Julien Bonnet, pour qui, « l'allongement d'un an pourrait entrer dans la marge que le Conseil constitutionnel semble avoir accordé au législateur dans la décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 ». En revanche, « passer de 3 mois à 3 ans est un saut important et une dérogation notable par rapport au régime de base. Pris isolément, le délai de trois ans semble excéder le cadre constitutionnel ».
De même, Marie-Laure Basilien-Gainche juge qu'une durée de trois ans « ne semble pas respecter l'exigence d'adéquation et de proportionnalité, que les dispositions constitutionnelles exigent dans l'application de l'article 73 de la Constitution, à la lumière de l'article 1er du même texte » et porterait « atteinte à la substance du droit du sol ».
Enfin, pour le professeur Jules Lepoutre, s'il est difficile de savoir où fixer la limite, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle-ci laisse toutefois apparaître clairement « sa préoccupation pour les restrictions temporelles sous forme d'aggravation ». À cet égard, dans une décision rendue récemment50(*) en matière d'accès aux prestations sociales des étrangers, le Conseil constitutionnel a précisé que « si les exigences constitutionnelles (...) ne s'opposent pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d'activité, cette durée ne saurait être telle qu'elle prive de garanties légales ces exigences » - ce qui pourrait selon lui être le cas en l'espèce.
Le choix d'une durée d'un an, qui semble plus proportionné, correspond par ailleurs à une proposition formulée par la commission des lois du Sénat en 2021. En effet, dans un rapport d'information de 2021 consacré à l'insécurité à Mayotte51(*), la commission des lois du Sénat notait que « la durée de trois mois de séjour régulier, imposée par la loi du 10 septembre 2018 n'était pas suffisante pour dissuader les candidats à l'immigration. L'ancien préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, a ainsi estimé qu'une durée de trois mois « laisse des marges de manoeuvre à ceux qui veulent détourner l'esprit de la loi » ; à l'inverse, une durée rallongée à un an permettrait de mieux encadrer le phénomène des allers et retours, souvent risqués, de certaines femmes comoriennes vers Mayotte afin de pouvoir faire bénéficier leur enfant de l'octroi de la nationalité française. Le renforcement de la conditionnalité de l'accès à la nationalité par le droit du sol pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers doit donc être étudié. En particulier, sous réserve d'une rédaction garantissant sa constitutionnalité52(*), l'allongement à un an de la durée de résidence régulière et ininterrompue d'un parent permettant à l'enfant de bénéficier de la reconnaissance du droit du sol pourrait être étudié ».
Cette mesure avait d'ailleurs été introduite par amendement53(*) lors de l'examen au Sénat de la loi dite « Immigration54(*) » en décembre 2023, avant d'être censurée par le Conseil constitutionnel55(*), au motif que ces dispositions constituaient un cavalier législatif - sans que cela préjuge donc de la constitutionnalité du dispositif sur le fond.
b) Supprimer l'application aux deux parents de l'exigence de résidence régulière en France à la date de naissance de l'enfant
Par l'adoption du même amendement COM-6 du rapporteur, la commission a souhaité revenir sur l'extension aux deux parents de l'exigence de résidence régulière en France à la date de naissance de l'enfant souhaitant acquérir la nationalité française.
Les auditions conduites par le rapporteur ont mis en lumière une augmentation du nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité afin de contourner les dispositions de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie - bien qu'il soit difficile d'objectiver ce phénomène, compte tenu du faible nombre de saisines du parquet par l'officier de l'état civil et des difficultés pour détecter ces fraudes.
Comme indiqué au rapporteur par le préfet de Mayotte, « l'esprit de la loi est détourné par les reconnaissances de paternité des enfants nés à Mayotte par un étranger qui y est lui-même né. L'enfant né à Mayotte reconnu par un parent né à Mayotte est français à la naissance, quelle que soit la nationalité du parent et sans condition d'ancienneté de présence régulière du parent sur le territoire (...) Certaines femmes sont prêtes à dépenser plusieurs milliers d'euros pour atteindre cet objectif ».
Face à ce phénomène en pleine expansion, l'application aux deux parents de l'exigence de résidence régulière en France à la date de naissance de l'enfant vise précisément à y mettre fin. En effet, si une mère en situation irrégulière faisait reconnaître son enfant par une personne en situation régulière, les conditions ne seraient plus remplies pour permettre à l'enfant d'accéder plus tard à la nationalité française.
Si le rapporteur entend ces arguments et considère qu'il est louable de vouloir lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, il relève toutefois que le dispositif prévu par la proposition de loi risquerait d'amplifier ce phénomène, à rebours de l'objectif poursuivi.
Comme indiqué au rapporteur par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), « si la mère est en situation régulière, il existe de nouveaux risques de contournement du dispositif. Le père pourrait ne pas reconnaître son enfant et une personne en situation irrégulière ou de nationalité française, qui n'est pas le père biologique de l'enfant, pourrait reconnaître ce dernier ». Cet avis est partagé par le professeur de droit public Jules Lepoutre, pour qui « la naissance sur le sol mahorais d'une mère en séjour régulier mais d'un père en séjour irrégulier pourrait conduire ce dernier, dans l'intérêt futur de son enfant à acquérir la nationalité française, à ne pas reconnaître de filiation à son égard ».
L'application de cette exigence aux deux parents apparaît en outre inconstitutionnelle, puisqu'un enfant issu d'une famille monoparentale se verrait privé de toute possibilité d'accéder à la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. Cette différence de traitement, sans rapport avec l'objectif poursuivi par la loi, pourrait entraîner également la censure du texte en ce qu'il conduirait à une rupture d'égalité.
Julien Bonnet, président de l'Association française de droit constitutionnel, a précisé à cet égard que « la condition tenant à la résidence régulière des deux parents présente un risque particulièrement élevé de censure de la part du Conseil constitutionnel en raison du niveau d'atteinte au principe d'égalité qui ne serait vraisemblablement pas couvert par les possibilités de dérogation ouvertes par l'article 73 de la Constitution ».
De plus, « l'instauration d'une telle condition réduirait substantiellement les possibilités d'acquérir la nationalité par le droit du sol. Ainsi, le droit du sol à Mayotte serait une sorte de "coquille vide", dont les conditions ne seraient remplies que par un nombre particulièrement restreint de familles, ce qui pourrait inciter le Conseil constitutionnel à y voir une atteinte aux fondements constitutionnels du droit du sol ».
Cette application de l'exigence de résidence régulière en France aux deux parents pourrait enfin être jugée inconventionnelle, comme l'a souligné le professeur de droit public Anne Levade, en ce qu'elle porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
c) Supprimer l'obligation de présentation d'un passeport biométrique pour apposer, sur l'acte de naissance, une mention relative à la durée de séjour régulier en France du parent
Enfin, à l'initiative du rapporteur et par l'adoption du même amendement COM-6, la commission a supprimé l'obligation pour le parent de présenter un passeport biométrique à l'officier d'état civil, pour que celui-ci appose, sur l'acte de naissance de l'enfant, une mention relative à la durée de séjour régulier en France du parent.
D'une part, la commission a considéré que cette exigence était contraire aux exigences constitutionnelles, puisque tous les pays ne délivrent pas de passeport biométrique. Les personnes originaires de ces pays se verraient donc privées de cette possibilité, ce qui provoquerait une rupture d'égalité injustifiée. De plus, « en imposant un passeport biométrique à des ressortissants dont le pays d'origine ne prévoit pas de tels mécanismes, la loi opérerait de fait une discrimination selon l'origine ou la nationalité que l'article 1er de la Constitution prohibe », selon le professeur de droit public Julien Bonnet.
Par ailleurs, la commission a considéré que cette précision avait un caractère réglementaire. La liste des justificatifs devant être produits devant l'officier d'état civil par le parent étranger d'un enfant né à Mayotte est en effet déjà fixée, à l'heure actuelle, par l'article 9-1 du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil. Il n'apparaît donc pas pertinent de maintenir ces dispositions dans la présente proposition de loi.
3.3. Une mesure qui ne suffira pas, à elle seule, à résoudre la crise migratoire à Mayotte
La restriction du « droit du sol » à Mayotte pourrait, dans une certaine mesure, réduire les flux migratoires clandestins à destination de l'archipel, mais elle ne permettra pas à elle seule de résoudre la crise migratoire à laquelle est confrontée Mayotte. Si les perspectives d'accès à la nationalité française expliquent en effet une partie des flux migratoires à destination de Mayotte, il ne s'agit pas du seul facteur d'attractivité de l'archipel.
Ainsi, comme l'a indiqué au rapporteur le préfet de Mayotte, une réponse globale au problème de l'immigration clandestine est indispensable pour diminuer la pression migratoire à Mayotte. Cette réponse pourrait passer, selon lui, par :
- une augmentation des moyens pour permettre d'interpeller et de reconduire les étrangers en situation irrégulière à la frontière ;
- un durcissement de l'accès aux titres de séjour et à la nationalité française, pour que Mayotte soit moins attractive ;
- l'accroissement de la coopération et du développement des Comores, pour rehausser le niveau de vie sur l'archipel.
Pour le président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, cette réponse globale pourrait également passer par un renforcement des contrôles aux frontières et par la mise en place effective d'un « rideau de fer », annoncé en février 2024 par Gérald Darmanin, alors ministre de l'intérieur, afin d'empêcher « le passage des kwassa-kwassa et des bateaux », grâce à la mise en place de radars et de moyens d'interception.
Au-delà du dispositif porté par la présente proposition de loi, la commission appelle donc à la mise en place rapide d'une réponse globale pour lutter contre l'immigration clandestine à Mayotte.
La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous procédons à présent à l'examen du rapport de Stéphane Le Rudulier sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - La proposition de loi que nous examinons, issue de l'Assemblée nationale, vise à durcir les conditions d'acquisition de la nationalité française sur le territoire mahorais.
Permettez-moi, d'abord, un rappel du contexte migratoire de ce territoire.
La situation actuelle de Mayotte s'explique, avant tout, par son histoire et sa géographie.
Sur le plan de la géographie, l'archipel des Comores est composé de quatre îles, dont Mayotte, qui est située à 70 kilomètres de l'île la plus proche : Anjouan. Cette proximité détermine assez précisément les flux migratoires entre Mayotte et le reste de l'archipel des Comores.
Sur le plan historique, quand, en 1974, Valéry Giscard d'Estaing décide de consulter les habitants des Comores sur leur indépendance par référendum, la question se pose de savoir s'il faut organiser ce vote en considérant un résultat île par île ou un résultat global. Le choix d'organiser une consultation par île est retenu, ce qui a donné lieu à un résultat contrasté : trois îles de l'archipel ont demandé leur indépendance de manière nette - à plus de 99 % de voix pour - tandis que Mayotte s'est prononcée en faveur d'un rattachement à la France par un vote plus nuancé - 67 % de voix pour.
S'agissant de la nature des flux migratoires, il existe deux flux distincts : le premier, le plus important, en provenance de l'île d'Anjouan ; le second, qui n'est pas le plus volumineux - on parle de 5 000 migrants par an environ -, en provenance de l'Afrique de l'Est, soit directement depuis la Tanzanie, la République démocratique du Congo ou encore la Somalie, soit via Madagascar. Cette filière dite « africaine » n'a qu'un seul objectif : l'obtention du statut de réfugié ou de l'asile politique ; il n'y a pas de logique d'acquisition de la nationalité française.
Un point sur le flux en provenance d'Anjouan. Il ressort des auditions que j'ai conduites que cette immigration est circulaire, familiale, domestique et vivrière. Elle s'accompagne du développement d'une économie informelle, qui donne lieu à l'envoi aux Comores, depuis Mayotte, de plus de 100 millions d'euros par an, ce qui a des impacts sur l'économie formelle.
J'en viens à la proposition de loi et à la question de sa constitutionnalité. Le territoire de Mayotte est déjà soumis à un régime dérogatoire concernant l'acquisition de la nationalité au titre du « droit du sol », précisément depuis l'adoption de la loi du 10 septembre 2018, laquelle exige un séjour régulier d'une durée minimale de trois mois pour l'un des deux parents sur le territoire mahorais afin qu'un enfant né à Mayotte puisse par la suite acquérir la nationalité française. Ce texte a été déclaré conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 6 septembre 2018. Celui-ci a considéré que le régime dérogatoire prévu par le législateur constituait une adaptation, au sens de l'article 73 de la Constitution, permettant de tenir compte des spécificités et contraintes de ce département d'outre-mer.
Cette adaptation suppose néanmoins de ne pas porter une atteinte excessive à l'essence même du droit à la nationalité. Or le texte issu des débats de l'Assemblée nationale introduit une condition de trois ans de résidence en situation régulière sur le territoire mahorais pour les deux parents, à la date de naissance de l'enfant souhaitant accéder à la nationalité française. Je crains fort que ces exigences ne viennent entamer par trop le droit de la nationalité et soulèvent des problèmes de proportionnalité.
Le droit de la nationalité, je le rappelle, fait partie intégrante de notre histoire républicaine, depuis l'Ancien Régime en passant par la Révolution française, jusqu'aux républiques, y compris le régime de Vichy. Les professeurs de droit constitutionnel que j'ai entendus au cours des travaux préparatoires considèrent que ce droit pourrait être reconnu comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Notons en outre que nous évoluons dans un brouillard assez manifeste, le lien entre droit du sol, acquisition de la nationalité et attractivité du territoire en termes d'immigration, notamment irrégulière, n'ayant pas été totalement établi en 2018. D'ailleurs, un récent rapport d'information de Philippe Bas et Victorin Lurel, élaboré au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, a recommandé de « réaliser une étude d'impact sérieuse de la réforme adoptée en 2018 », avant de faire évoluer le droit en vigueur, reconnaissant par là même l'absence d'étude d'impact.
La décision du Conseil constitutionnel de 2018 repose pour l'essentiel sur la notion de « certaine mesure ». Autrement dit, nous sommes invités, sur ce sujet, à être raisonnables dans l'adaptation. Si un certain inconfort se manifeste à la lecture de la présente proposition de loi, c'est bien autour de la distinction entre adaptation et abrogation : priver d'effet un droit garanti sur le reste du territoire, c'est prendre le risque d'une censure du Conseil constitutionnel. Dans le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel, il est précisé que « la notion d'adaptation présente des limites : elle ne saurait conduire à l'adoption de dispositions qui, par leur nature ou leur ampleur, seraient par trop différentes des dispositions de droit commun applicables sur le reste du territoire de la République ».
J'ajoute que le Conseil d'État, dans son avis rendu en 2018 sur la proposition de loi déposée par notre ancien collègue, Thani Mohamed Soilihi, affirmait qu'il fallait une adaptation limitée et proportionnée.
Au regard de ce cadre constitutionnel et du dispositif déjà introduit par le législateur sur le fondement de l'article 73 de la Constitution, la version actuelle du texte me semble donc présenter un haut risque de censure. C'est pourquoi je vous proposerai une réécriture de son article unique, afin de revenir à la rédaction initialement proposée : un délai d'un an, au lieu de trois mois, en situation régulière pour au moins un des deux parents.
Pour conclure, je tenais à souligner que ce texte n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique migratoire et de la lutte contre l'immigration irrégulière à Mayotte. Nous sommes en présence, comme je l'ai indiqué, d'une immigration dynamique en provenance de l'Afrique de l'Est et d'une immigration systémique en provenance du reste de l'archipel. Le préfet, dont l'analyse m'a semblé pertinente, a insisté sur trois axes de travail, : donner les moyens à l'État d'interpeller les personnes entrantes, mais aussi les personnes en situation irrégulière ; durcir les conditions d'acquisition de titres de séjour ou de la nationalité ; réfléchir à une politique de développement et de coopération avec le reste de l'archipel des Comores.
Mme Salama Ramia. - Merci à notre collègue, le député Philippe Gosselin, d'avoir repris le flambeau qui avait été celui de Thani Mohamed Soilihi et de Ramlati Ali lors de l'examen de la loi de 2018. Mayotte avait alors arraché une première victoire ! Entre le droit du sol et les titres de séjour territorialisés, les Mahorais avaient en effet l'impression d'être enfermés dans la cocotte-minute de la misère de la zone Afrique - océan Indien !
Le texte que nous examinons aujourd'hui, fondamental pour Mayotte, risque d'être vidé de sa substance. Le délai de trois ans de présence régulière sur le territoire pour acquérir la nationalité à la naissance est une mesure complémentaire nécessaire dans l'attente de la suppression des titres de séjour territorialisés. L'Assemblée nationale a donné de l'espoir aux Mahorais : ne le reprenons pas au Sénat !
On nous propose de revenir à un délai d'un an, au motif qu'un délai de trois ans serait inconstitutionnel. Cela mérite d'être étayé juridiquement. Je vous rappelle qu'avant de pouvoir demander à être naturalisé, un étranger doit résider régulièrement sur le territoire français pendant au moins cinq ans. Il en va de même pour obtenir une carte de résident. Il faut dix ans de résidence régulière pour avoir droit à la retraite. Le délai de trois ans me semble donc proportionné. Les parents ne sont pas privés de leur droit de donner la vie ; aucun de leurs droits fondamentaux n'est atteint. Naître français dans le cadre d'une filiation migratoire n'est pas un droit.
Depuis 2011, les Mahorais perçoivent des prestations sociales et des minima vieillesse dans des conditions dérogatoires du droit commun, alors que Mayotte est un département français régi par le principe de l'identité législative.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants réserve son vote en fonction de l'évolution du débat.
Mme Corinne Narassiguin. - Monsieur le rapporteur, merci d'avoir rappelé les difficultés constitutionnelles soulevées par ce texte. Malgré vos amendements, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demeure opposé à la restriction du droit du sol à Mayotte, comme en 2018. Lors de son audition, notre collègue Saïd Omar Oili a rappelé qu'aucune étude n'avait montré un impact positif de la disposition de 2018 sur l'immigration irrégulière.
Oui, l'immigration irrégulière non maitrisée est un énorme problème pour Mayotte et les Mahorais. Mais il y a aussi un problème d'immigration régulière ; d'où notre amendement sur les visas territorialisés.
Nous contestons la position du Conseil constitutionnel selon laquelle l'article 73 de la Constitution autorise la différenciation des normes en matière de droit de la nationalité dans les outre-mer. En 2018, le Conseil constitutionnel avait considéré que la situation migratoire permettait de déroger au principe d'indivisibilité de la République en matière de droit du sol. Mais le lien entre immigration irrégulière et droit du sol n'est toujours pas établi : alors, pourquoi continuer à modifier les règles en matière de droit du sol ? Le délai d'un an n'est pas proportionné.
Beaucoup d'autres aspects méritent être pris en compte pour résoudre la question de l'immigration irrégulière à Mayotte : les flux maritimes, les flux de mobilité familiale temporaire entre les Comores et Mayotte, les accords de migration et de développement avec les pays voisins - les Comores, Madagascar et les pays de la Corne de l'Afrique. Ces solutions sont insuffisamment explorées. Arrêtons de nous acharner sur la question du droit du sol ! Le nombre de naturalisations liées au droit du sol a diminué ces dernières années, alors que le nombre d'immigrés illégaux augmentait : on le voit, l'argument de l'attractivité du droit du sol est fallacieux.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cette proposition de loi.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'article unique de ce texte présente trois risques d'inconstitutionnalité. Il est tout d'abord fort probable que le Conseil constitutionnel censurera le délai de trois ans, au motif qu'il est disproportionné au regard de l'objectif affiché de la proposition de loi ; autrement, le droit du sol risque de devenir une coquille vide sur le territoire mahorais. Ensuite, plus grave, l'obligation de présence régulière sur le territoire mahorais pour les deux parents exclut les familles monoparentales. Enfin, l'obligation de détention d'un passeport biométrique pour obtenir un titre de séjour, introduite en séance publique à l'Assemblée nationale, risque de créer une rupture d'égalité, car le passeport biométrique n'existe pas dans tous les pays. Je vous propose donc de réécrire cet article pour revenir à un dispositif raisonnable.
Cela ne signifie pas que l'on doive s'interdire tout dispositif de contrôle de l'acquisition de la nationalité. La préfecture et le ministère de l'intérieur nous l'ont dit : le droit du sol peut aggraver la pression migratoire. On ne peut pas attendre 2032, date à laquelle la loi de 2018 connaîtra son plein effet ; nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une stabilisation relative des flux migratoires ; nous devons réduire significativement l'immigration irrégulière à Mayotte.
Le préfet de Mayotte évoque une immigration « mortifère » pour l'île, à plus d'un titre : l'obligation scolaire n'est pas respectée ; les services de l'unique hôpital sont surchargés ; les sols sont pollués par les pesticides interdits que les migrants utilisent pour cultiver ; l'économie informelle plombe le développement de l'île.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Je vous propose de considérer que le périmètre indicatif de cette proposition de loi inclut les dispositions relatives à l'adaptation, à Mayotte, des règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-1 et COM-5, car je vous propose de réécrire l'article pour passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Nous devons restructurer le droit du sol à Mayotte, pour que l'archipel soit moins attractif et pour lutter contre l'immigration clandestine.
Les amendements identiques COM-1 et COM-5 ne sont pas adoptés.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Mon amendement COM-6 réécrit l'article unique. Il réduit de trois à un an la durée de séjour régulier exigée des parents au moment de la naissance de l'enfance - parce que trois ans, c'est excessif. Il ne fait porter cette exigence que sur un seul parent, pour tenir compte des familles monoparentales. Enfin, il supprime l'obligation de présenter un passeport biométrique.
L'amendement COM-6 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-3 devient sans objet.
L'article unique est ainsi rédigé.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement COM-2, qui vise à supprimer les visas territorialisés, est irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. En outre, cette disposition ne pourrait être mise en oeuvre qu'à condition que le rideau de fer promis par l'ancien ministre de l'intérieur soit effectif et que les conditions d'octroi des titres de séjour soient renforcées pour vérifier la volonté d'assimilation.
L'amendement COM-2 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement COM-4 est également irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. D'après le préfet de Mayotte, les reconnaissances frauduleuses de paternité explosent à Mayotte, mais elles sont difficilement quantifiables. Le ministère de la justice n'a recensé que 27 saisines du parquet et 3 condamnations en 2023. Il faut mieux former les officiers d'état civil et renforcer leurs liens avec le parquet.
L'amendement COM-4 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La réunion est close à 12 h 05.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
Mme NARASSIGUIN |
1 |
Amendement de suppression |
Rejeté |
Mme Mélanie VOGEL |
5 |
Amendement de suppression |
Rejeté |
M. LE RUDULIER, rapporteur |
6 |
Sécurisation juridique du dispositif |
Adopté |
Mme RAMIA |
3 |
Encadrement des conditions d'octroi des cartes de séjour "vie privée et familiale" |
Rejeté |
Article(s) additionnel(s) après Article unique |
|||
M. OMAR OILI |
2 |
Suppression des visas territorialisés |
Déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution |
Mme RAMIA |
4 |
Aggravation des peines en cas d'usage de faux par un ascendant en ligne direct |
Déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 56(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la
mention du texte « transmis » dans la Constitution, le
Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport
au contenu précis des dispositions du texte initial,
déposé sur le bureau de la première assemblée
saisie57(*).
Pour
les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien
matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de
l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la
présence de « cavaliers » dans le
texte58(*). Pour les
lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second
critère : il considère comme un
« cavalier » toute disposition organique prise sur un
fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a
été pris le texte initial59(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du 19 mars 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 315 (2024-2025) visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte.
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives à l'adaptation, à Mayotte, des règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Assemblée nationale
M. Philippe Gosselin, député de la 1re circonscription de la Manche et auteur de la proposition de loi
Sénat
M. Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte
Mme Salama Ramia, sénatrice de Mayotte
Conseil départemental de Mayotte
M. Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental de Mayotte
Préfecture de Mayotte
M. François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte
Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)
Mme Flavie Le Tallec, sous-directrice du droit civil
Mme Karima Djemali, adjointe à la cheffe du bureau de la nationalité
Mme Estelle Brestovski, adjointe à la cheffe du bureau de la nationalité
Direction générale des étrangers en France (DGEF)
Direction de l'immigration
M. Simon Fetet, directeur
M. Richard Mir, chef du bureau de la rétention et de l'éloignement
Mme Joffrane Verlet, cheffe de mission expertise juridique à la direction de l'immigration
Direction de l'asile
Mme Aude Isaac-Roué, adjointe au chef du département de la performance et de la coordination
Direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité
Mme Anne Brosseau, adjointe au directeur
Professeurs d'université en droit public
Mme Anne Levade, professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Mme Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure à l'Université Lyon 3
M. Julien Bonnet, professeur à l'Université de Montpellier
M. Guillaume Drago, professeur à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas
M. Jules Lepoutre, professeur à l'Université de Côte d'Azur
Unicef France
Mme Mina Stahl, chargée des relations pouvoirs publics
Mme Mathilde Detrez, chargée de plaidoyer Outre-mer
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-315.html
* 1 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».
* 2 Plus particulièrement, sont observées des arrivées de ressortissants de Tanzanie, du Rwanda, de République démocratique du Congo, de Somalie et du Burundi.
* 3 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 précité.
* 4 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
* 5 Selon la préfecture de Mayotte, le nombre d'acquisitions de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France est passé de 2 929 en 2018 à 799 en 2022.
* 6 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 précité.
* 7 Article 18 du code civil.
* 8 Article 19 du code civil.
* 9 Article 19-1 du code civil.
* 10 Ibid.
* 11 Article 19-3 du code civil.
* 12 Article 21-7 du code civil.
* 13 Article 21-2 du code civil.
* 14 Article 21-19 du code civil.
* 15 La résidence habituelle correspond en droit de la nationalité à une résidence effective, présentant un caractère stable et permanent, et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles (Cour de cassation, 28 janvier 1992, n° 89-17.928).
* 16 Article 21-7 du code civil.
* 17 Article 21-8 du code civil.
* 18 Voir par exemple le rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».
* 19 Plus particulièrement, sont observées des arrivées de ressortissants de Tanzanie, du Rwanda, de République démocratique du Congo, de Somalie et du Burundi.
* 20 L'île d'Anjouan est située à 75 kilomètres de l'archipel de Mayotte, ce qui facilite les flux migratoires.
* 21 Le salaire minimum s'établit en moyenne à 50 € par mois dans les Comores et à 500 € à Mayotte, selon les informations transmises par le préfet de Mayotte. S'agissant du produit intérieur brut par habitant, il s'établissait en 2022 à 1 414 € dans les Comores, contre 11 579 € à Mayotte.
* 22 En 2022, 10 770 enfants sont nés à Mayotte, dont 75 % ont une mère étrangère. La croissance démographique s'est établie à 4 % par an entre 2012 et 2017 à Mayotte.
* 23 L'académie de Mayotte compte 221 écoles, 22 collèges et 11 lycées.
* 24 Note d'information n° 24.41 de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, « Les effectifs dans le premier degré : 6,262 millions d'élèves scolarisés à la rentrée 2024 », octobre 2024.
* 25 Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré dans l'académie de Mayotte en 2020 s'établissait à 54 204 d'après la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance.
* 26 Sénat, 20 novembre 2024, Question d'actualité au Gouvernement n° 0105G.
* 27 Avis n° 275 (2024-2025) du 28 janvier 2025 d'Isabelle Florennes sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 28 Sénat, 20 novembre 2024, Question d'actualité au Gouvernement n° 0105G.
* 29 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».
* 30 Article 2495 du code civil.
* 31 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
* 32 Avis du Conseil d'État sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, 5 juin 2018, n° 394925.
* 33 Décision n° 2017-641 QPC du 30 juin 2017, Société Horizon OI et autre.
* 34 Décision n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016, M. Mohamadi C.
* 35 Avis du Conseil d'État sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, 5 juin 2018, n° 394925.
* 36 Circulaire du 21 avril 1988 relative à l'applicabilité des textes législatifs et réglementaires en outre-mer, à la consultation des assemblées locales de l'outre-mer et au contreseing des ministres chargés des DOM-TOM.
* 37 Avis du Conseil d'État sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, 5 juin 2018, n° 394925.
* 38 Ibid.
* 39 Décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, Loi de finances pour 2019.
* 40 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
* 41 Extrait de l'exposé des motifs de la proposition de loi.
* 42 Ibid.
* 43 Amendement n° CL24 de Philippe Gosselin.
* 44 Amendement n° 88.
* 45 Amendement n° 71 d'Estelle Youssouffa et de plusieurs de ses collègues.
* 46 Article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
* 47 Courrier de Gérald Darmanin et Marie Guévenoux du 14 février 2024, adressé aux élus mahorais.
* 48 Selon la préfecture de Mayotte, « la réforme de 2018 a entraîné une chute de 72 % des acquisitions de la nationalité française par « naissance et résidence », passant de 2 929 en 2018 à 799 en 2022 ».
* 49 Avis du Conseil d'État sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, 5 juin 2018, n° 394925.
* 50 Décision n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024 sur la proposition de loi visant à réformer l'accès aux prestations sociales des étrangers.
* 51 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».
* 52 Le rapport précisait qu'un allongement excessif du délai exigé de résidence régulière pourrait poser une difficulté au regard de la constitutionnalité du dispositif.
* 53 Amendement n° 628 de Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère.
* 54 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 55 Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 sur la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 56 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 57 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 58 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 59 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.