- L'ESSENTIEL
- I. L'ACCORD COMMERCIAL AVEC LES PAYS DU
MERCOSUR : UN ACCORD CRITIQUÉ POUR SON MANQUE D'AMBITION
ENVIRONNEMENTALE AINSI QUE LES RISQUES AUXQUELS IL EXPOSE L'AGRICULTURE
EUROPÉENNE
- A. L'ACCORD CONCLU EN 2019 A SUSCITÉ
D'IMPORTANTES RÉSERVES AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE, RENDANT PEU
PLAUSIBLE SA SIGNATURE PAR LES ÉTATS MEMBRES
- 1. Sur le volet agricole, un accord exposant les
producteurs de l'Union à une concurrence déloyale et les citoyens
européens à des risques sanitaires
- a) Un accord reposant sur l'ouverture progressive
de contingents tarifaires afin de ménager, en apparence du moins, les
filières agricoles sensibles
- b) Des écarts de réglementations
procurant un avantage concurrentiel indéniable aux pays du Mercosur et
soulevant des inquiétudes légitimes en termes de santé
publique
- a) Un accord reposant sur l'ouverture progressive
de contingents tarifaires afin de ménager, en apparence du moins, les
filières agricoles sensibles
- 2. Sur le volet environnemental, un accord
étonnamment dénué d'ambition s'agissant de la lutte contre
la déforestation et le changement climatique
- 1. Sur le volet agricole, un accord exposant les
producteurs de l'Union à une concurrence déloyale et les citoyens
européens à des risques sanitaires
- B. LA RELANCE DES NÉGOCIATIONS EN 2023 A
PERMIS D'INTRODUIRE DE NOUVELLES STIPULATIONS REMPLISSANT PARTIELLEMENT LES
CONDITIONS POSÉES PAR LA FRANCE POUR SOUTENIR L'ACCORD
- 1. Les concessions obtenues par l'Union
européenne : l'inclusion de l'Accord de Paris et de dispositions
juridiquement contraignantes sur la lutte contre la déforestation
- 2. Les contreparties accordées en
échange aux pays du Mercosur : des flexibilités et
concessions tarifaires, ainsi que l'introduction d'un mécanisme de
rééquilibrage dans le cas où les règlementations
européennes affecteraient négativement les échanges
- 3. En matière agricole, l'absence notable de
toute avancée depuis 2019 : en dépit des appels
réitérés en ce sens, un accord ne comportant aucune
garantie supplémentaire en faveur des producteurs
européens
- a) Alors que l'adoption de mesures miroirs au
niveau européen n'a pas connu d'avancées substantielles, la
renégociation n'a pas permis l'introduction de clauses miroirs
- b) En l'absence de tout renforcement des
contrôles, rien ne garantit le respect des normes sanitaires et
phytosanitaires européennes par les produits importés
- a) Alors que l'adoption de mesures miroirs au
niveau européen n'a pas connu d'avancées substantielles, la
renégociation n'a pas permis l'introduction de clauses miroirs
- 1. Les concessions obtenues par l'Union
européenne : l'inclusion de l'Accord de Paris et de dispositions
juridiquement contraignantes sur la lutte contre la déforestation
- A. L'ACCORD CONCLU EN 2019 A SUSCITÉ
D'IMPORTANTES RÉSERVES AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE, RENDANT PEU
PLAUSIBLE SA SIGNATURE PAR LES ÉTATS MEMBRES
- II. EN SEPTEMBRE 2025, LA COMMISSION A
OFFICIELLEMENT ADOPTÉ LE PROJET D'ACCORD ET DÉCIDÉ DE
PRÉSENTER DEUX TEXTES DISTINCTS POUR CONTOURNER LE VETO DES ÉTATS
MEMBRES ET PARVENIR À UNE ENTRÉE EN VIGUEUR RAPIDE DU VOLET
COMMERCIAL
- A. L'ACCORD UE-MERCOSUR, UN ACCORD MIXTE QUE LA
COMMISSION A DÉCIDÉ DE SCINDER EN DEUX TEXTES DISTINCTS POUR
ISOLER LE VOLET COMMERCIAL ET GARANTIR SON ENTRÉE EN VIGUEUR À
BRÈVE ÉCHÉANCE
- 1. Un accord « mixte », dont
la ratification nécessite un vote à l'unanimité des
États membres et un vote des parlements nationaux
- 2. Une scission de l'accord destinée
à contourner le veto des États membres et permettre une adoption
du volet commercial à la majorité qualifiée, sans vote des
parlements nationaux
- 1. Un accord « mixte », dont
la ratification nécessite un vote à l'unanimité des
États membres et un vote des parlements nationaux
- B. POUR EMPÊCHER LA CONSTITUTION D'UNE
MINORITÉ DE BLOCAGE AU CONSEIL, LA COMMISSION A PRÉSENTÉ
UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT DESTINÉE À GARANTIR
L'EFFECTIVITÉ LA CLAUSE DE SAUVEGARDE BILATÉRALE CONTENUE DANS
L'ACCORD
- 1. La clause de sauvegarde bilatérale
négociée en 2019 : une clause générale, ne
prévoyant pas de garanties spécifiques en faveur des
filières agricoles
- 2. La proposition de règlement
présentée par la Commission pour offrir des garanties
supplémentaires aux produits agricoles sensibles : un engagement
politique destiné à simplifier et accélérer
l'activation de la clause de sauvegarde
- 1. La clause de sauvegarde bilatérale
négociée en 2019 : une clause générale, ne
prévoyant pas de garanties spécifiques en faveur des
filières agricoles
- A. L'ACCORD UE-MERCOSUR, UN ACCORD MIXTE QUE LA
COMMISSION A DÉCIDÉ DE SCINDER EN DEUX TEXTES DISTINCTS POUR
ISOLER LE VOLET COMMERCIAL ET GARANTIR SON ENTRÉE EN VIGUEUR À
BRÈVE ÉCHÉANCE
- III. LA SAISINE DE LA CJUE, ULTIME RECOURS POUR
EMPÊCHER LA RATIFICATION D'UN ACCORD LARGEMENT DÉCRIÉ POUR
SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET SES CONSÉQUENCES PRÉJUDICIABLES
POUR L'AGRICULTURE EUROPÉENNE
- A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE DÉPOSÉE AU SÉNAT : UNE
DÉMARCHE FORTE VISANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
DE RÉAFFIRMER SON OPPOSITION À L'ACCORD ET DE SAISIR LA COUR DE
JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
- B. LA POSITION DES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES EUROPÉENNES : UNE SAISINE NÉCESSAIRE POUR
EMPÊCHER LE PASSAGE EN FORCE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
- A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE DÉPOSÉE AU SÉNAT : UNE
DÉMARCHE FORTE VISANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
DE RÉAFFIRMER SON OPPOSITION À L'ACCORD ET DE SAISIR LA COUR DE
JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
- I. L'ACCORD COMMERCIAL AVEC LES PAYS DU
MERCOSUR : UN ACCORD CRITIQUÉ POUR SON MANQUE D'AMBITION
ENVIRONNEMENTALE AINSI QUE LES RISQUES AUXQUELS IL EXPOSE L'AGRICULTURE
EUROPÉENNE
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE VISANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE
SAISIR LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE POUR EMPÊCHER LA
RATIFICATION DE L'ACCORD AVEC LE MERCOSUR
- LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION
- LISTES DES PERSONNES ENTENDUES
N° 147
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires
européennes (1) sur la proposition
de résolution
européenne en application de l'article 73 quinquies C du
Règlement, visant à demander au
Gouvernement
français de saisir
la Cour de justice
de
l'Union européenne
pour empêcher la
ratification de l'accord
avec le Mercosur,
Par MM. Daniel GREMILLET et Didier MARIE,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Ronan Le Gleut, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Teva Rohfritsch, Mme Cathy Apourceau-Poly, MM. Cyril Pellevat, Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Georges Patient, Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Bruno Belin, François Bonneau, Mmes Valérie Boyer, Sophie Briante Guillemont, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, M. Dominique de Legge, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.
Voir les numéros :
|
Sénat : |
99 et 148 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. L'ACCORD COMMERCIAL AVEC LES PAYS DU MERCOSUR : UN ACCORD CRITIQUÉ POUR SON MANQUE D'AMBITION ENVIRONNEMENTALE AINSI QUE LES RISQUES AUXQUELS IL EXPOSE L'AGRICULTURE EUROPÉENNE
A. L'ACCORD CONCLU EN 2019 A SUSCITÉ D'IMPORTANTES RÉSERVES AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE, RENDANT PEU PLAUSIBLE SA SIGNATURE PAR LES ÉTATS MEMBRES
Après la conclusion, en 1995, d'un accord-cadre interrégional de coopération, le Conseil de l'Union européenne a autorisé le 13 septembre 1999 la Commission européenne à ouvrir des négociations avec les quatre pays du bloc commercial du Mercosur1(*) - Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay.
Selon les directives de négociations adoptées par le Conseil2(*), la Commission européenne devait parvenir à la conclusion d'un accord d'association politique et économique, poursuivant deux objectifs distincts, à savoir le renforcement de la coopération politique, d'une part, et la libéralisation progressive et réciproque des échanges, d'autre part.
Après vingt ans de discussions souvent ralenties par des divergences économiques et politiques, l'Union européenne et le Mercosur ont annoncé le 29 juin 2019 avoir conclu les négociations sur la partie commerciale de l'accord.
Bénéfices attendus de l'accord UE-Mercosur
Le bloc du Mercosur, qui compte 270 millions habitants, représente la 6ème plus grande économie en dehors de l'Union européenne, avec un produit intérieur brut annuel de 2 700 milliards d'euros. Les exportations européennes vers le Mercosur s'élèvent 84 milliards d'euros par an et soutiennent 756 000 emplois au sein de l'Union européenne ; pour la France, les exportations de biens vers le Mercosur représentent environ 5,56 milliards d'euros.
Dans un contexte géopolitique marqué par une grande instabilité, cet accord revêt une importance stratégique aux yeux de la Commission européenne, puisqu'il permettrait de :
- diversifier les chaînes d'approvisionnement et réduire les dépendances, notamment à l'égard de la Chine et des États-Unis ;
- faciliter l'accès en minerais stratégiques et terres rares, grâce à un accès préférentiel pour certaines matières premières critiques (aluminium, graphite naturel, manganèse, silicium métal, tantale, lithium, etc.), utilisées pour la fabrication de composants électroniques, batteries, semi-conducteurs ou encore de superalliages à haute résistance, nécessaires à la transition énergétique et numérique ;
- supprimer les droits de douane actuellement élevés du Mercosur (35 % sur les voitures, 20 % sur les machines, 18 % sur les produits chimiques ou encore 14 % pour les produits pharmaceutiques) et simplifier les procédures douanières pour faciliter les exportations européennes de biens ;
- conférer à l'Union européenne un avantage de précurseur, puisque le Mercosur n'a conclu aucun accord de libre-échange avec d'autres grandes économies industrialisées.
Au total, 91 % des biens que l'Union européenne exporte vers le Mercosur devraient faire l'objet d'une libéralisation des tarifs douaniers, une période de transition étant toutefois prévue pour atteindre l'annulation totale des droits. En sens inverse, 92 % des biens sud-américains exportés vers l'Union européenne devraient également faire l'objet d'une libéralisation des tarifs douaniers.
Selon l'analyse économique du résultat des négociations3(*) réalisée par la Direction générale du commerce de la Commission européenne, les exportations de l'Union européenne vers le Mercosur devraient augmenter de 48,7 milliards d'euros (+ 39 %), les gains les plus importants étant attendus dans le secteur des véhicules automobiles, des machines et équipements et des produits chimiques. En parallèle, les exportations de biens et de services du Mercosur vers l'Union devraient augmenter de 8,9 milliards d'euros (+ 16,9 %).
La Commission estime qu'en définitive, l'accord devrait permettre une augmentation de 77,6 milliards d'euros (+ 0,05 %) du produit intérieur brut de l'Union européenne, et de 9,4 milliards d'euros (+ 0,25 %) de celui du Mercosur à horizon 2040.
Source : Commission européenne
Impact de l'accord sur les exportations
de
l'Union européenne vers le Mercosur en 2040
|
en Md € |
en % |
|
|
Autres produits métalliques |
+ 979 |
+ 69,6 |
|
Autres produits manufacturés |
+ 978 |
+ 62,1 |
|
Caoutchouc et plastique |
+ 701 |
+ 40,3 |
|
Métaux ferreux |
+ 648 |
+ 26,7 |
|
Boissons et tabac |
+ 608 |
+ 53,5 |
|
Minéraux et verre |
+ 543 |
+ 55,7 |
|
Équipements de transport |
+ 414 |
+ 12,4 |
|
Commerce |
+ 366 |
+ 02,2 |
|
Fruits et légumes |
+ 185 |
+ 36,9 |
|
Huiles végétales |
+ 185 |
+ 21,2 |
|
Communication |
+ 163 |
+ 03,4 |
|
Transport maritime |
+ 147 |
+ 12,1 |
|
Produits laitiers |
+ 85,0 |
+ 101,9 |
|
Finance |
+ 80,0 |
+ 4,2 |
|
Autres viandes |
+ 62,0 |
+ 59,1 |
|
Construction |
+ 32,0 |
+ 5,3 |
|
Assurance |
+ 27,0 |
+ 3,9 |
|
Boeuf* |
+ 23,0 |
+ 30,8 |
|
Secteur de l'énergie |
+ 21,0 |
+ 0,6 |
|
Véhicules automobiles |
+ 20,8 |
+ 199,3 |
|
Autres cultures |
+ 20,0 |
+ 13,4 |
|
Affaires |
+ 17,0 |
+ 0,1 |
|
Loisirs et activités récréatives |
+ 15,0 |
+ 2,1 |
|
Riz |
+ 10,0 |
+ 90,6 |
|
Entreposage et logistique |
+ 8,0 |
+ 1,7 |
|
Machines et équipements |
+ 5,4 |
+ 35,7 |
|
Produits chimiques |
+ 4,8 |
+ 49,2 |
|
Secteur pharmaceutique |
+ 2,6 |
+ 27,3 |
|
Équipements électriques |
+ 2,1 |
+ 48,7 |
|
Graines oléagineuses |
+ 2,0 |
+ 9,0 |
|
Produits animaux |
+ 2,0 |
+ 5,2 |
|
Ordinateurs |
+ 1,8 |
+ 54,1 |
|
Produits de la pêche et produits agricoles transformés |
+ 1,7 |
+ 69,9 |
|
Produits métalliques |
+ 1,2 |
+ 59,6 |
|
Textile, habillement, cuir |
+ 1,1 |
150,4 |
|
Bois et papier |
+ 1,0 |
+ 76,3 |
|
Fibres |
+ 1,0 |
+ 89,7 |
|
Sucre |
+ 1,0 |
+ 68,8 |
|
Poissons vivants et frais |
+ 1,0 |
+ 40,7 |
|
Céréales |
0 |
+ 19,2 |
|
Blé |
0 |
+ 9,4 |
|
Services publics |
0 |
-2,3 |
|
Immobilier |
-4 |
-1,2 |
|
Transport aérien |
-8 |
-0,2 |
|
Autres transports |
-10 |
-1,4 |
|
Services publics (administration) |
-18 |
-1,4 |
|
Total |
+ 48,7 |
+ 39,0 |
Source : commission des affaires européennes, à partir de l'analyse d'impact de la DG Trade.
Cette avancée a néanmoins fait l'objet de vives critiques au sein de l'Union européenne, certains États membres (notamment la France, l'Irlande et l'Autriche), soutenus par des organisations agricoles et des associations environnementales, dénonçant notamment les risques auxquels cet accord exposait l'agriculture européenne.
1. Sur le volet agricole, un accord exposant les producteurs de l'Union à une concurrence déloyale et les citoyens européens à des risques sanitaires
S'agissant du volet agricole, l'Union européenne libéraliserait 82 % de ses importations de produits agricoles ; les produits agricoles sensibles feraient l'objet de quotas alimentaires à droits de douane réduits (ou contingents tarifaires), les quantités exportées au-delà de ces quotas ayant vocation à être soumises aux droits de douane normaux.
En parallèle, dans la mesure où le Mercosur bénéficie déjà d'accès préférentiels au marché communautaire, l'accord prévoit la suppression, au premier jour de son entrée en vigueur, des droits de douane à l'intérieur des contingents tarifaires existants.
Contingents tarifaires du marché européen pour les produits agricoles sensibles dans l'accord UE-Mercosur
|
Quota à droits réduits (en tonnes) |
Droits de douane réduits |
|
|
Viande bovine |
99 000 |
7,5 % |
|
Dont frais (55 %) |
54 450 |
7,5 % |
|
Dont congelé (45 %) |
44 550 |
7,5 % |
|
Volaille |
180 000 |
0 % |
|
Sucre |
190 000 |
0 % |
|
Dont nouveau contingent réservé au Paraguay |
10 000 |
0 % |
|
Dont contingent OMC réservé au Brésil |
180 000 |
0 % |
|
Éthanol |
650 000 |
0 % |
|
Dont éthanol destiné à l'industrie chimique |
450 000 |
0 % |
|
Dont éthanol destiné à d'autres usages |
200 000 |
0 % |
|
Riz |
60 000 |
0 % |
|
Miel |
45 000 |
0 % |
|
Maïs doux |
1 000 |
0 % |
Source : commission des affaires européennes à partir des données de la Commission européenne
Réciproquement, les droits de douane à l'entrée dans les pays du Mercosur seraient supprimés pour 95 % des exportations agroalimentaires européennes, les 5 % restant bénéficiant d'une libéralisation partielle.
L'accord protège par ailleurs 349 indications géographiques européennes, dont 63 françaises4(*) qui figurent au coeur de la politique européenne de qualité.
a) Un accord reposant sur l'ouverture progressive de contingents tarifaires afin de ménager, en apparence du moins, les filières agricoles sensibles
Pour la viande bovine, l'accord prévoit l'ouverture progressive d'un nouveau contingent de 99 000 tonnes à 7,5 % de droits de douane, les importations au-delà de ce quota ayant vocation à rester soumises à des droits de douane plus élevés, de l'ordre de 55 %. Des contingents exemptés de droits de douane sont également prévu pour la volaille (180 000 tonnes), le miel (45 000 tonnes), le maïs doux (1 000 tonnes), le sucre (190 000 tonnes) ou encore l'éthanol (650 000 tonnes).
La Commission européenne s'attache ainsi à démontrer que les intérêts des producteurs agricoles européens ont été respectés via une ouverture prudente des marchés européens et l'application de mesures de sauvegarde en cas de perturbations sérieuses des marchés européens.
Une étude récente5(*) de deux chercheurs souligne en effet que les contingents tarifaires mis en place protègent effectivement les éleveurs européens, puisqu'une libéralisation totale des échanges aurait entraîné une hausse de 448 % des importations de boeuf en provenance du Mercosur, avec une diminution de 4,8 % des revenus du secteur bovin européen, tandis que l'entrée en vigueur des quotas à taux réduits se traduirait par une hausse des importations de boeuf provenant du Mercosur de 25 %, entraînant des pertes de l'ordre de 0,4 % pour le secteur bovin de l'Union et 0,1 % pour l'ensemble du secteur agroalimentaire.
En pratique, s'agissant de la filière bovine, selon le rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord avec UE-Mercosur6(*), remis au Premier ministre en septembre 2020, l'accord entraînerait un surplus d'importation de 53 000 tonnes de viande bovine, qui s'ajouteront aux contingents tarifaires existants. En effet, le Mercosur bénéficie notamment d'un contingent « Hilton » représentant 58 400 tonnes assorties d'un droit de douane de 20 %, d'un contingent « viande bovine de haute qualité » (contingent dit « Panel Hormones ») à droits nuls, ouvert au profit de 13 000 tonnes en provenance l'Argentine et de l'Uruguay en 2009, consécutivement à l'interdiction par l'Union d'importer de la viande aux hormones, ou encore d'un contingent OMC avec des droits de 20 % pour la viande congelée utilisée notamment pour la transformation.
L'accord avec le Mercosur contribuerait dès lors à amplifier une ouverture déjà ancienne des frontières commerciales de l'UE aux importations de viande bovine.
Or, dans un contexte où la production bovine européenne a reculé de 3 % entre juillet 2024 et juillet 2025, tandis que la demande continue de croître, la filière est d'ores et déjà confrontée à une augmentation des importations de viande bovine en provenance des pays du Mercosur.
Ainsi, selon les données transmises par Chambres d'agriculture France, entre juillet 2024 et juillet 2025, ces dernières ont progressé jusqu'à représenter près de 70 % des importations européennes, contre 57 % l'année précédente.
Impact de l'Accord UE-Mercosur sur les exportations du Mercosur de viande bovine
(en tonnes équivalent carcasse)
|
Exportations |
Impact de l'Accord (en tec) |
Variation (en %) |
|
|
Viandes réfrigérées |
107,9 |
+ 18,8 à + 56,3 |
+ 17,4 % à +52,2 % |
|
Viandes congelées |
72,4 |
+ 31,5 |
+ 43,5 % |
|
Viandes cuites |
19,9 |
+ 3,3 à + 9,9 |
+ 16,6 à + 49,7 % |
|
Total |
200,2 |
+ 53,6 à + 97,7 |
+ 26,7 à + 48,8 % |
Source : commission des affaires européennes à partir du rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur
Les nouveaux contingents ouverts concerneraient essentiellement les viandes issues de l'aloyau ; l'Union européenne produisant chaque année 400 000 tonnes équivalent carcasse d'aloyaux issus du cheptel allaitant, le nouveau contingent issu de l'accord correspondrait en pratique à environ un quart de la production d'aloyaux européens, comme l'a souligné la Fédération nationale bovine lors de son audition par les rapporteurs.
Par conséquent, selon le rapport précité, la proportion d'aloyaux issus du Mercosur sur le marché de l'Union devrait augmenter de manière considérable, passant de 12 % en 2018 à 24 % après la mise en oeuvre totale de l'accord.
Cette évolution serait d'autant plus problématique que les prix de l'aloyau du Mercosur sont nettement inférieurs aux prix européens ; selon une étude de l'Institut de l'élevage7(*), entre 2017 et 2021, les prix du faux-filet pratiqués au Brésil étaient inférieurs de 65 % aux prix européens, si bien que même avec un droit de douane maximum, l'écart restait de 40 %.
Plus généralement, les prix des bovins à l'entrée de l'abattoir se situent nettement en deçà des prix européens au même stade, avec un différentiel oscillant entre 1 et 2 euros par kilogramme de carcasse selon les années.
Dans ce contexte, les organisations agricoles dénoncent de longue date une concurrence déloyale, résultant des différentiels en termes de coûts de production et de règlementations avec les pays du Mercosur.
b) Des écarts de réglementations procurant un avantage concurrentiel indéniable aux pays du Mercosur et soulevant des inquiétudes légitimes en termes de santé publique
Qu'il s'agisse du recours aux produits phytosanitaires, des normes environnementales, des exigences en matière de traçabilité et de bien-être animal ou encore des conditions de travail, la réglementation applicable dans les pays du Mercosur tout au long de la chaîne de production se révèle nettement plus souple que le cadre normatif européen, ce qui constitue un facteur de compétitivité-prix indéniable au bénéfice des pays sud-américains
Les producteurs y ont ainsi recours à des pesticides, des organismes génétiquement modifiés ou encore des hormones et antibiotiques de croissance dont l'utilisation est proscrite au sein de l'Union européenne.
Dans les agro-holdings du Mato Grosso, au Brésil, où les plus grandes exploitations exportatrices atteignent jusqu'à 500 000 hectares (soit la superficie d'un département moyen en France), la quasi-totalité des cultures sont OGM, et traitées avec des substances actives strictement interdites en Europe.
En effet, si l'Union européenne reste fidèle au principe de précaution pour l'homologation des molécules, les pays du Mercosur s'appuient sur une approche reposant sur la démonstration scientifique avérée de leur nocivité. Cette divergence d'approche se traduit par un recours massif aux produits phytosanitaires dans la production agricole sud-américaine, en particulier de produits interdits au sein de l'Union. Ainsi, à titre d'exemple, sur les 178 substances actives autorisées au Brésil et en Argentine pour traiter le maïs, 92 sont interdites en Europe et 138 en France. Comme l'a résumé l'Association générale des producteurs de maïs, « 77,5% des substances actives autorisées pour les producteurs du Mercosur qui exportent leur maïs vers l'Union européenne sont interdites en France »8(*). En parallèle, près d'un tiers des pesticides utilisés en Argentine ne sont pas autorisés en Europe.
L'usage généralisé de pesticides a par ailleurs des effets directs sur les pays importateurs de denrées agricoles en provenance du Mercosur, puisque les limites maximales de résidus (LMR) sud-américaines sont particulièrement élevées : elles sont 10 fois supérieures aux LMR européennes s'agissant du glyphosate dans le café, et 400 fois supérieures s'agissant du malathion dans le haricot.
Exemples de différences de limites
maximales de résidus
entre l'Union européenne et les
États membres du Mercosur
|
Limites maximales de résidus (mg/kg) |
||||||
|
Pesticide |
Produit |
UE |
Brésil |
Argentine |
Uruguay |
Paraguay |
|
Glyphosate |
Café |
0,1 |
1 (x 10) |
- |
- |
- |
|
Canne à sucre |
0,1 |
1 (x 10) |
- |
- |
- |
|
|
Eau potable |
0,1 |
500 (x 5 000) |
- |
- |
- |
|
|
Chlorothalonil |
Soja |
0,01 |
0,5 (x 50) |
- |
1 (x 100) |
1 (x 100) |
|
Carbaryl |
Pomme |
0,01 |
2 (x 200) |
2 (x 200) |
- |
- |
|
Malathion |
Haricot |
0,02 |
8 (x 400) |
- |
- |
- |
Source : GEB - Idele.
Par ailleurs, si les hormones de croissance pour l'élevage bovins sont interdites dans les pays du Mercosur, comme au sein de l'Union européenne, certains antibiotiques activateurs de croissance y sont toujours autorisés. Dans un audit de 20189(*), la Commission européenne a relevé à cet égard qu'il existait « certaines substances autorisées chez les bovins qui ne peuvent être utilisées chez les animaux producteurs de denrées alimentaires dans l'Union ».
D'importantes disparités subsistent également en ce qui concerne les exigences en termes de traçabilité. Le système brésilien d'identification et de certification d'origine des bovins et des buffles, créé en 2001 pour répondre à la demande internationale, repose ainsi sur une participation volontaire des éleveurs, avec pour corollaire un nombre limité d'exploitations adhérentes. Du reste, ce système n'exige la traçabilité de l'animal que dans le dernier élevage, alors même que les bovins transitent entre de nombreuses exploitations pendant leur élevage.
La législation sud-américaine sur le bien-être animal demeure en outre très embryonnaire, alors que l'Union européenne a adopté plusieurs textes en matière de protection animale. Qu'il s'agisse de la densité des élevages, des conditions de transport ou encore d'abattage, les réglementations en vigueur dans le Mercosur sont beaucoup moins exigeantes que les normes européennes - l'Argentine et le Paraguay exportant, à titre d'exemple, des animaux vivants jusqu'en Asie du Sud-Est.
Les conditions de travail y sont enfin bien moins encadrées qu'au sein de l'Union européenne, le différentiel règlementaire étant particulièrement conséquent sur ce point. L'agence d'investigation Reporter Brasil a ainsi révélé en 2021 que les grands groupes brésiliens se fournissent au sein d'élevages bovins dans lesquels les conditions de travail s'apparentent à de l'esclavage, avec des salaires illégalement bas et des conditions sanitaires déplorables. Le ministère de la Santé brésilien a par ailleurs répertorié, entre 2019 et 2021, 22 000 accidents du travail par an, en moyenne, dans les abattoirs, où les conditions de travail sont particulièrement difficiles et la densité de travailleurs très élevée10(*). Ainsi, de nombreuses organisations dénoncent l'inévitable dumping social que subiraient les travailleurs européens avec l'entrée en vigueur de l'accord.
In fine, d'après les données du réseau Agribenchmark11(*), les coûts de production en élevage de bovins du Mercosur sont inférieurs, en moyenne, de 40 % à ceux des élevages européens.
Or, l'accord ne corrige pas le déséquilibre découlant des différences de modes de production entre l'Europe et les pays du Mercosur. En réalité, l'Union ne peut opposer aux importations sud-américaines le niveau de protection environnementale et sanitaire qu'elle impose à ses producteurs agricoles (voir infra).
Dans ce contexte, les producteurs européens dénoncent une concurrence déloyale, tandis que de nombreuses parties prenantes s'inquiètent des risques auxquels seraient exposés les citoyens européens en termes de santé publique.
2. Sur le volet environnemental, un accord étonnamment dénué d'ambition s'agissant de la lutte contre la déforestation et le changement climatique
Alors que les forêts du continent sud-américain représentent environ 27 % de la couverture forestière mondiale, d'après l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Brésil, le Paraguay et l'Argentine font partie des dix pays les plus touchés par la déforestation.
À partir de 2019, le gouvernement de Jair Bolsonaro a mené une politique environnementale permissive, caractérisée par une forte augmentation des taux de déforestation au Brésil ; près de 4,4 millions d'hectares de forêt naturelle ont ainsi disparu dans le pays en 202412(*), dont 59 % en Amazonie.
Principalement lié à l'élevage bovin et à la culture du soja13(*), le phénomène de déforestation serait inévitablement aggravé par la progression des exportations sud-américaines, conduisant à une augmentation tendancielle des surfaces dédiées à l'élevage ou à la culture (soja, maïs, blé, canne à sucre).
Selon le rapport remis au Premier ministre, la hausse des exportations de viande bovine résultant de l'accord supposerait de consacrer, au minimum, 700 000 hectares de surfaces supplémentaires à la production, auxquels devraient s'ajouter les besoins en surfaces générés par les cultures destinées à l'alimentation du bétail.
In fine, « sans pouvoir établir précisément quelle part des hectares nécessaires pour produire les volumes de viande supplémentaires vendus du fait de l'Accord produira effectivement une déforestation équivalente, il n'est pas possible d'écarter un risque de déforestation [...] ce risque représente, en moyenne et sur l'ensemble de la région, plus de 30 % du taux de déforestation annuelle constatée. »
Selon les estimations les plus pessimistes, la déforestation strictement induite par l'accord pourrait en réalité représenter plus d'un million d'hectares.
De la même manière, alors que les fèves de soja constituent le deuxième produit le plus exporté par le Mercosur, et que seuls 13 % des importations européennes de soja sont considérées comme non-issues de la déforestation, l'accord UE-Mercosur réduirait les taxes à l'exportation actuellement appliqués sur ce produit en Argentine14(*), ce qui rendrait le soja argentin plus compétitif et augmenterait la demande européenne pour ce produit.
L'accroissement des échanges aurait également un impact sur le climat ; selon une étude publiée en 2019 par l'organisation internationale GRAIN15(*), le développement des échanges bilatéraux de volaille, de boeuf, de sucre, d'éthanol à partir de canne à sucre, de riz, de fromage, de poudre de lait écrémé et de lait infantile entre les deux parties aurait ainsi pour effet d'accroître les émissions annuelles de gaz à effets de serre provenant du commerce agricole d'au moins 75 500 tonnes par an (+ 15 %).
Dans ce contexte, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l'absence de garanties suffisantes dans l'accord en termes de lutte contre la déforestation et le changement climatique, ce d'autant que l'Union européenne a adopté, après 2019, plusieurs mesures unilatérales en matière de durabilité, parmi lesquelles le règlement sur les produits associés à la déforestation16(*), la directive sur la diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises17(*) ou encore le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.
En parallèle, dans une communication du 18 février 2021 intitulée « Réexamen de la politique commerciale - Une politique commerciale ouverte, durable et ferme », la Commission européenne a fait part de sa volonté de « verdir » les accords commerciaux négociés par l'Union européenne, notamment en utilisant l'accès au marché intérieur comme un levier permettant de provoquer un surcroît d'effort en matière climatique dans les pays partenaires, ou en intégrant la possibilité de sanctions pour garantir la mise en oeuvre des chapitres de développement durable.
Dans une communication de 202218(*) , la Commission s'est par ailleurs engagée à renforcer la dimension « durable » des accords de libre-échange, et à consolider l'articulation entre commerce, droits sociaux et climat, en prévoyant notamment la possibilité de recourir à des sanctions commerciales en cas de violations graves des engagements inscrits dans les chapitres relatifs au commerce et au développement durable.
Plusieurs États membres ont, en conséquence, plaidé pour l'intégration au sein de l'accord d'engagements précis et juridiquement contraignants en matière de lutte contre la déforestation et de changement climatique. Ils ont également demandé que soit étendue au Mercosur l'approche retenue dans les accords conclus avec la Nouvelle-Zélande (2023) et le Kenya (2024), lesquels prévoient l'application de sanctions commerciales en cas de manquement à certaines normes de durabilité.
Ces initiatives ont toutefois provoqué des tensions avec les pays du Mercosur, qui ont explicitement refusé toute référence à des sanctions et critiqué l'adoption de mesures unilatérales en matière de durabilité, tout en réclamant un appui à leur mise en oeuvre ainsi que l'instauration de mécanismes de compensation.
Dans ce contexte, et en dépit de la conclusion des négociations sur le volet « dialogue politique et coopération » en juillet 2020, les négociations ont connu un net ralentissement jusqu'en 2023.
B. LA RELANCE DES NÉGOCIATIONS EN 2023 A PERMIS D'INTRODUIRE DE NOUVELLES STIPULATIONS REMPLISSANT PARTIELLEMENT LES CONDITIONS POSÉES PAR LA FRANCE POUR SOUTENIR L'ACCORD
Le retour au pouvoir de M. Lula da Silva au Brésil, dans un contexte marqué par la recomposition des équilibres commerciaux mondiaux, s'est traduit par une relance progressive des discussions. Face à la montée en puissance de la Chine et aux tensions commerciales avec les États-Unis, l'Union européenne a manifesté un intérêt renouvelé pour le partenariat avec l'Amérique du Sud, permettant de réduire ses dépendances stratégiques.
Les échanges ont abouti à la conclusion, le 6 décembre 2024 à Montevideo, d'un nouvel accord politique entre l'Union européenne et le Mercosur.
En pratique, si le chapitre sur le Commerce et le développement durable est resté inchangé (y compris l'exclusion des sanctions), une nouvelle annexe a été introduite à la demande de l'Union européenne, sous la forme d'un « protocole additionnel » centré sur le développement durable.
En contrepartie, les États du Mercosur ont obtenu certaines flexibilités, ainsi que l'introduction d'un nouveau mécanisme de rééquilibrage dans le cas où les législations européennes affecteraient négativement les échanges.
Tableau récapitulatif des principaux
changements réalisés
entre l'accord de 2019 et l'accord de
2024
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Changements introduits dans l'accord de 2024 |
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Durabilité |
Introduction d'une nouvelle annexe au chapitre Commerce et Développement durable (CDD), comprenant : - un lien avec les mesures unilatérales de l'Union (comme le règlement sur les produits exempts de déforestation) ; - un engagement des pays du Mercosur à mettre fin à la déforestation à partir de 2030. |
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Accord de Paris sur le climat |
Mention de l'Accord comme un élément essentiel |
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Calendriers d'élimination tarifaire |
Agriculture : accès au marché marginalement accru pour la viande porcine du Paraguay ; contingent tarifaire pour le biodiesel du Paraguay. Véhicules : différenciation selon le type de véhicules. Si rien ne change pour les moteurs à combustion interne, la période d'élimination des droits de douane est allongée pour les véhicules électriques / hybrides, passant de 15 à 18 ans. |
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Sauvegardes bilatérales |
Véhicules : abaissement du seuil de déclenchement des mesures de sauvegarde pour les voitures, et allongement de la durée maximale de sauvegarde, de 4 à 5 ans. |
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Droits à l'exportation |
Nouvelles exceptions pour le Brésil sur les matières premières, avec l'autorisation d'imposer des droits à l'exportation sur certains minéraux, assortie d'une protection parallèle pour l'Union, via des droits préférentiels et des plafonds. |
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Marchés publics |
Modifications mineures concernant la portée de l'ouverture et les marges de flexibilité. |
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Indications géographiques |
Les IG sont redéfinies comme un élément évolutif, permettant aux deux parties de mettre à jour continuellement la liste. |
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Règlement des différends |
Introduction d'un nouveau mécanisme de rééquilibrage. |
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Clause de révision |
Mise en place d'une révision périodique par un comité associant les parties prenantes. |
Source : commission des affaires européennes, à partir des données de la direction générale des politiques externes de l'Union du Parlement européen
Or, la France avait posé trois conditions à la signature de l'accord : ne pas augmenter la déforestation importée dans l'Union européenne, mettre l'accord en conformité avec l'Accord de Paris et garantir que les produits agricoles et agroalimentaires imposés bénéficiant d'un accès préférentiel au marché de l'Union européennes respectent bien, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne.
Si notre pays a, en apparence du moins, obtenu gain de cause sur les deux premiers points, force est de constater que les demandes relatives à l'instauration de clauses miroirs sont restées lettre morte.
1. Les concessions obtenues par l'Union européenne : l'inclusion de l'Accord de Paris et de dispositions juridiquement contraignantes sur la lutte contre la déforestation
a) L'Accord de Paris érigé en clause essentielle : un outil de dissuasion, dont la portée réelle doit être nuancée
L'accord politique de 2024 érige l'Accord de Paris en élément essentiel de l'accord. En pratique, un article additionnel19(*) précise que chaque Partie « restera partie, de bonne foi, à la Convention cadre des Nations-Unies contre le changement climatique et à l'Accord de Paris conclu au titre de celle-ci », cette stipulation étant expressément définie dans l'article comme un élément essentiel de l'accord.
Or, en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, si une partie viole un élément essentiel d'un accord, l'autre partie peut suspendre ou résilier unilatéralement cet accord, en tout ou en partie. L'article 30.4 de l'accord de partenariat stipule ainsi que si une partie considère qu'une des obligations décrites comme élément essentiel a été violée, elle pourra prendre les mesures appropriées, à savoir décider de la « suspension, totale ou partielle » de l'accord.
Cette disposition revêt pourtant une portée limitée, pour plusieurs raisons :
- l'accord précise que la suspension constitue « une mesure de dernier recours, et ne peut être imposée qu'en cas de violation particulièrement grave et substantielle des éléments essentiels » ;
- la notion de « bonne foi » demeure largement sujette à interprétation, si bien que la portée de l'engagement est incertaine ; pour certains observateurs, la clause ne saurait être interprétée comme imposant une conformité totale aux engagements prévus par l'accord de Paris ;
- les pays en développement ne sont soumis qu'à des obligations minimes dans le cadre de l'Accord de Paris, comme l'a relevé le think tank Farm Europe dans une analyse publiée en décembre 202420(*), si bien que l'inclusion de cette clause essentielle emporte peu de conséquences tant qu'un État ne se retire pas de l'Accord de Paris ;
- la décision d'activer la clause de suspension de l'accord relève de chacune des parties, et ces dernières pourraient refuser d'y recourir. En pratique, l'Union européenne a jusqu'à présent très peu recouru à cette faculté, en raison de considérations économiques et diplomatiques, alors que de nombreux accords comportent aujourd'hui des clauses essentielles relatives au respect des droits humains.
Pour la Commission européenne, toutefois, si un pays du Mercosur cessait d'être partie à l'Accord de Paris, il serait politiquement quasiment impossible de ne pas suspendre l'accord UE-Mercosur, au moins partiellement, ce qui ferait de cette clause un outil efficace de dissuasion.
Néanmoins, le cas échéant, le déclenchement de cette clause s'avèrerait particulièrement délicat, l'accord commercial étant conclu entre deux blocs régionaux. Dans une analyse sur l'accord final UE-Mercosur21(*), l'institut Veblen relève ainsi que « si l'Argentine décidait de quitter l'Accord de Paris, la suspension de l'ensemble de l'accord semble politiquement peu probable et une suspension partielle avec seulement l'Argentine, techniquement difficile à mettre en oeuvre ».
b) Les nouveaux engagements en matière de développement durable : une intention louable, une application incertaine en l'absence de toute sanction
La Commission a négocié l'introduction d'engagements juridiques contraignants en matière de développement durable, sous la forme d'une annexe au chapitre sur le Commerce et le Développement durable.
Cette annexe introduit plusieurs changements substantiels, avec l'insertion d'un nouveau chapitre consacré à l'autonomisation des femmes dans le commerce, la reconnaissance de différentes approches du développement durable ou encore la mise en exergue d'un objectif de réduction des inégalités entre et au sein des pays. Les parties s'y engagent également à mettre fin à la déforestation à partir de 203022(*).
Si cette annexe ne mentionne pas explicitement le règlement européen sur la déforestation, elle y fait référence en précisant que l'accord commercial sera « favorablement pris en compte » dans la classification qui sera établie concernant le niveau de risque dans les pays du Mercosur en matière de déforestation.
Le règlement sur la déforestation prévoit en effet trois classes de risque (standard, faible et élevé) pour les États et les régions, déterminant le niveau de rigueur des obligations de diligence raisonnable applicables ainsi que la fréquence des contrôles aux frontières des produits concernés par le règlement.
Perçue comme un symbole de la gestion environnementale des pays, cette classification peut donc s'avérer déterminante pour la fluidité des échanges commerciaux. Or, le protocole indexé reconnaît en creux que les pays du Mercosur pourront être considérés comme des pays sans risques de déforestation sous le nouveau règlement européen, ce qui paraît très contestable.
Ce chapitre sera, enfin, soumis une procédure spécifique de règlement des différends : si une partie estime que l'autre partie ne respecte pas un engagement de ce chapitre, elle pourra demander la tenue de consultations gouvernementales formelles. Si ces dernières ne suffisent pas à résoudre le différend, un panel d'expert indépendants pourra être saisi et sera chargé de rédiger un rapport assorti de recommandations à destination des deux parties.
Les rapporteurs relèvent, ainsi, qu'en cas de violation des stipulations de l'accord relatives au développement durable, les États membres du Mercosur ne pourront pas se voir infliger de sanctions, notamment commerciales, contrairement à ce qui est prévu dans les accords de libre-échange récemment négociés avec la Nouvelle-Zélande (2023) et le Kenya (2024). Dans ce contexte, il est permis de douter du caractère réellement exécutoire des engagements pris en matière de développement durable.
2. Les contreparties accordées en échange aux pays du Mercosur : des flexibilités et concessions tarifaires, ainsi que l'introduction d'un mécanisme de rééquilibrage dans le cas où les règlementations européennes affecteraient négativement les échanges
a) Les pays du Mercosur ont négocié de nouvelles stipulations en matière d'ouverture des marchés publics, de droits à l'exportation sur les matières premières et de commerce des véhicules
En contrepartie de ces avancées réclamées par l'Union européenne, plusieurs concessions ont été faites aux pays du Mercosur.
Le Brésil et l'Argentine ont ainsi obtenu que de nouveaux secteurs (notamment dans le domaine de la santé) soient exclus du champ d'application du chapitre sur les marchés publics, et que des flexibilités leur soient accordées s'agissant du calendrier de mise en oeuvre de l'ouverture des marchés publics.
Le Brésil a par ailleurs négocié un nouvel équilibre s'agissant des droits à l'exportation des matières premières et bien industriels depuis le Mercosur. Si certaines matières premières jugées stratégiques par l'Union européenne bénéficieront de droits nuls, le Brésil conservera des marges de manoeuvre pour imposer des droits à l'exportation sur d'autres matières premières.
S'agissant du commerce de véhicules, deux modifications notables ont été introduites, relatives au calendrier d'élimination des droits de douane pour le Mercosur et aux clauses de sauvegarde bilatérales applicables.
Ainsi, si les stipulations de l'accord restent inchangées pour les véhicules thermiques, avec une réduction progressive des droits de douane23(*) sur 15 ans, la période d'élimination des droits de douane a été allongée de 15 ans à 18 ans pour les véhicules électriques, et devrait s'échelonner sur une période de 25 ans pour les véhicules à hydrogène.
Les critères de déclenchement des mesures de sauvegarde applicables aux véhicules ont par ailleurs été assouplis ; tandis que dans l'accord de 2019, ces mesures pouvaient être appliquées si les importations effectuées dans le cadre des conditions préférentielles augmentaient à un point tel qu'elles entraînaient un préjudice grave ou une menace de préjudice grave pour l'industrie nationale, il suffit désormais que cette augmentation cause un préjudice ou une menace de préjudice. Cette évolution doit être replacée dans le contexte de la forte hausse des importations de véhicules électriques et hybrides chinois observée ces dernières années. La durée maximale de ces mesures a par ailleurs été allongée de 4 à 5 ans.
b) Le mécanisme de rééquilibrage : un dispositif « anti-mesures miroirs » ?
Confrontés à l'adoption unilatérale, par l'Union européenne, de mesures dans le domaine du développement durable et craignant que ces dernières ne réduisent les avantages commerciaux attendus de l'accord, les pays du Mercosur ont négocié l'introduction d'un nouveau mécanisme de rééquilibrage, sous la forme d'amendements au chapitre sur le règlement des différends.
L'accord créée ainsi une nouvelle procédure de plainte, inspirée de la plainte pour non-violation du règlement des différends de l'OMC24(*), à l'encontre d'une mesure de l'autre partie qui « annule ou réduit substantiellement tout avantage qui lui revient en vertu des dispositions couvertes, affectant ainsi le commerce entre les parties »25(*).
Après le dépôt d'une telle plainte, si des consultations bilatérales ne permettent pas de résoudre le différend, un panel d'arbitrage pourra être constitué pour examiner si la mesure en cause « annule ou réduit substantiellement » les avantages de la partie plaignante. Le cas échéant, il appartiendra au panel de déterminer le niveau de cette annulation et de recommander à la partie défenderesse de prendre un « ajustement mutuellement satisfaisant », tel qu'une élimination supplémentaire des droits de douane ou des obstacles non tarifaires. À défaut, en l'absence de tout ajustement mutuellement satisfaisant, le projet d'accord autorise la partie plaignante à recourir à des sanctions commerciales, comme le rétablissement de droits de douane ou la diminution de certains quotas.
Selon les informations transmises aux rapporteurs, ce dispositif, dont il n'existe à ce jour aucun équivalent dans les accords de libre-échange négociés et conclus par l'Union européenne, serait problématique à plusieurs égards.
Les dispositions encadrant ce mécanisme souffrent d'un défaut de clarté et d'intelligibilité, s'agissant notamment des critères permettant d'apprécier si une mesure réduit ou annule substantiellement les avantages attendus de l'accord, ou d'évaluer le préjudice causé au commerce entre les parties. Dans ce contexte, l'évaluation opérée par les futurs groupes spéciaux d'arbitrage pourrait présenter une part de subjectivité, d'autant plus préoccupante que la procédure ne prévoit aucun mécanisme d'appel, de sorte que les décisions arbitrales revêtiront un caractère définitif.
La portée temporelle de ce mécanisme fait par ailleurs l'objet d'interprétations contradictoires. Pour la Commission européenne, il ne s'appliquerait pas aux règlements et directives déjà adoptés, comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ou le règlement sur la déforestation, ou aux mesures prévisibles à la date de clôture des négociations. A contrario, certains observateurs soutiennent que ce mécanisme pourrait couvrir les législations qui n'ont pas encore été intégralement mises en oeuvre à la date de la conclusion des négociations, ainsi que les actes d'exécution afférents.
Le cas échéant, ce dispositif permettrait aux pays du Mercosur de faire obstacle à la mise en oeuvre effective des mesures miroirs réclamées par plusieurs États membres sur le respect des normes environnementales ou de bien-être animal - qui affecteraient nécessairement les flux commerciaux - ou d'exiger des concessions commerciales additionnelles en compensation, quand bien même ces mesures seraient jugées compatibles avec le droit de l'OMC.
À terme, il pourrait amener à un nivellement par le bas des normes régissant le commerce international (voir infra).
3. En matière agricole, l'absence notable de toute avancée depuis 2019 : en dépit des appels réitérés en ce sens, un accord ne comportant aucune garantie supplémentaire en faveur des producteurs européens
Si, dans la dernière phase de négociation, les pays du Mercosur ont obtenu un rééquilibrage afin de mieux protéger certaines de leurs filières, force est de constater que la Commission européenne n'a pas obtenu de mesures de protection similaires en faveur de l'agriculture européenne.
La structure et l'étendue générale des concessions tarifaires pour les produits agricoles restent ainsi inchangées par rapport à l'accord de 2019, à l'exception de quelques ajustements mineurs - des concessions supplémentaires ayant été accordées au Paraguay en matière agricole, avec l'ouverture d'un quota supplémentaire exempt de droits de 1 500 tonnes de porc (frais et surgelé) et un nouveau quota exempt de droits de 50 000 tonnes de biodiesel.
Ainsi, les modifications apportées au contenu de l'accord ne concernent ni le volet agricole, ni les standards sanitaires et environnementaux de production, alors même que de nombreuses organisations agricoles et certains États membres réclamaient l'inclusion de clauses miroirs dans l'accord ou l'adoption par l'Union européenne de mesures miroirs.
a) Alors que l'adoption de mesures miroirs au niveau européen n'a pas connu d'avancées substantielles, la renégociation n'a pas permis l'introduction de clauses miroirs
Directement intégrées aux accords, les clauses miroirs permettent de subordonner les préférences tarifaires au respect de certaines normes ; dans l'accord avec le Mercosur, cette approche n'a été utilisée que pour les oeufs en coquille, dont la libéralisation tarifaire est conditionnée au respect des normes de l'Union en matière de bien-être animal pour les poules pondeuses. Entre 2019 et 2024, la Commission n'a pas obtenu l'inclusion de nouvelles clauses miroirs.
En parallèle, les travaux relatifs à l'adoption et la mise en oeuvre de mesures miroirs n'ont connu que de très faibles avancées au cours des dernières années.
Adoptées par le biais de réglementations européennes, les mesures miroirs visent à conditionner l'accès au marché de l'Union européenne au respect des normes européennes en matière sanitaire et environnementale.
En effet, actuellement, si les importations agroalimentaires doivent respecter les prescriptions sanitaires et phytosanitaires de l'Union ou des conditions reconnues par l'Union comme étant au moins équivalentes26(*), les prescriptions relatives au mode de production (les « procédés et méthodes de production », PMP) ne sont pas imposées aux produits importés ; comme l'a précisé la Commission européenne dans un rapport du 3 juin 202227(*), « le droit de l'Union ne comporte actuellement pas de dispositions générales renvoyant à des prescriptions en matière d'environnement ou [...] de durabilité applicables aux produits importés ».
Or, comme l'a admis la Commission dans le rapport précité, le droit de l'OMC autorise l'adoption de mesures concernant les aspects environnementaux ou éthiques des PMP des produits importés (les « mesures miroirs »), pour tenir compte, notamment des exigences des consommateurs européens.
À ce jour, ces initiatives demeurent néanmoins relativement isolées. Parmi les rares mesures miroirs adoptées figurent ainsi :
- l'interdiction de l'accès au marché européen des produits animaux traités avec des hormones de croissance depuis 198828(*) ;
- l'interdiction de la mise sur le marché, l'importation ou l'exportation de fourrure de chat et de chien et de produits en contenant29(*) ;
- l'application des règles européennes relatives à l'abattage aux produits animaux30(*) (les viandes importées devant être accompagnées d'un certificat sanitaire certifiant le respect de prescriptions au moins équivalentes à celles de l'Union) ;
- l'interdiction de l'accès au marché européen d'animaux ou de produits animaux traités avec des antibiotiques activateurs de croissance31(*) ;
- ou encore l'interdiction de l'accès au marché européen de produits contenant des résidus de deux néonicotinoïdes (clothianidine et thiaméthoxame)32(*).
En réalité, les règlementations européennes visant à imposer aux produits importés des méthodes de production conformes aux standards européens peinent à voir le jour, comme en témoigne par exemple le report de l'entrée en vigueur du règlement sur la déforestation importée33(*), ou encore l'absence de toute avancée tangible sur les importations de produits contenant des résidus de pesticides interdits dans l'Union européenne.
De surcroît, comme l'ont relevé de nombreuses parties prenantes, l'introduction du nouveau mécanisme de rééquilibrage pourrait entraver, à l'avenir, les efforts de l'Union européenne pour adopter de telles mesures miroirs.
b) En l'absence de tout renforcement des contrôles, rien ne garantit le respect des normes sanitaires et phytosanitaires européennes par les produits importés
Au-delà de leur adoption, la mise en oeuvre de ces mesures miroirs, et plus largement le respect par les produits importés des exigences sanitaires et phytosanitaires de l'Union, se heurtent aux difficultés rencontrées par les autorités en matière de contrôle.
En pratique, les autorités compétentes des États membres, en coopération avec les autorités douanières nationales, sont chargées de vérifier la conformité des produits en provenance de pays tiers avec les normes européennes, aux frontières de l'Union ou sur le lieu de vente.
Le type de contrôle dépend de la nature des produits et des risques qui y sont associés (denrées alimentaires d'origine animale ou pas, par exemple).
La Commission européenne réalise, en parallèle, des contrôles et des audits dans les pays producteurs et dans les États membres, conformément à un programme de travail publié annuellement, afin de vérifier que les autorités compétentes remplissent leurs obligations légales.
Si ces contrôles sont évidemment nécessaires, les rapporteurs soulignent que ces audits tendent à placer sur un pied d'égalité les systèmes d'exploitation européens et sud-américains, alors même que tout les distingue.
Les rapporteurs relèvent, par ailleurs, que d'importantes disparités subsistent en matière de contrôles officiels et de sanctions dans les différents États membres. De plus, les vérifications ne portent que sur des échantillons, si bien qu'il n'est en pratique pas possible de garantir, pour tous les produits importés, le respect des normes sanitaires et phytosanitaires européennes.
Par ailleurs, certains résidus ne peuvent pas être détectés, ce qui rend la traçabilité des produits indispensable. Or, les opérateurs peinent à garantir la traçabilité des produits tout au long de la chaîne de valeur. Lors d'un audit réalisé en octobre 2024, la Commission européenne a ainsi souligné le déficit de traçabilité de la viande bovine exportée par le Brésil vers l'Union, les autorités brésiliennes n'étant pas en mesure de garantir l'absence d'oestradiol bêta, hormone prohibée sur le territoire européen.
Il en est de même s'agissant des organismes génétiquement modifiés (OGM) : tandis que 41 % des OGM transgéniques cultivés dans le monde le sont dans les pays du Mercosur, il n'existe aucune méthode d'analyse permettant de détecter si les viandes importées ont été nourries avec des céréales OGM - la culture de ces dernières étant, au demeurant, interdite au sein de l'Union européenne.
L'effectivité des contrôles se heurte, enfin, au manque de moyens de l'Union européenne, s'agissant notamment des vérifications hors des frontières européennes. Dès lors, comment garantir le respect de leurs engagements par les pays du Mercosur, s'agissant des modes de production comme de la lutte contre la déforestation ?
Dans ce contexte, la Commission européenne s'est certes engagée à augmenter le nombre d'audits et de contrôles dans les pays tiers, mais sans cibler spécifiquement le Mercosur.
Au demeurant, quand bien même ces contrôles démontreraient des failles, l'accord ne prévoit aucun moyen coercitif à la disposition des autorités européennes, la Commission se contentant d'instaurer un comité spécifique sur les normes sanitaires et phytosanitaires avec le Brésil, afin de permettre un dialogue plus approfondi à ce sujet.
II. EN SEPTEMBRE 2025, LA COMMISSION A OFFICIELLEMENT ADOPTÉ LE PROJET D'ACCORD ET DÉCIDÉ DE PRÉSENTER DEUX TEXTES DISTINCTS POUR CONTOURNER LE VETO DES ÉTATS MEMBRES ET PARVENIR À UNE ENTRÉE EN VIGUEUR RAPIDE DU VOLET COMMERCIAL
Le 3 septembre 2025, le projet d'accord UE-Mercosur a été officiellement adopté par la Commission européenne.
Arguant des avancées obtenues dans la version de l'accord UE-Mercosur telle que renégociée en 2024, la Commission a fait part de son intention de garantir une entrée en vigueur rapide des dispositions commerciales.
Dans cette optique, la Commission a pris la décision de scinder l'accord, afin de contourner les difficultés liées à la ratification par les parlements nationaux. En parallèle, pour empêcher la constitution de toute minorité de blocage au Conseil, la Commission européenne a publié une proposition de règlement destinée à « opérationnaliser » les clauses de sauvegarde comprises dans l'accord.
A. L'ACCORD UE-MERCOSUR, UN ACCORD MIXTE QUE LA COMMISSION A DÉCIDÉ DE SCINDER EN DEUX TEXTES DISTINCTS POUR ISOLER LE VOLET COMMERCIAL ET GARANTIR SON ENTRÉE EN VIGUEUR À BRÈVE ÉCHÉANCE
1. Un accord « mixte », dont la ratification nécessite un vote à l'unanimité des États membres et un vote des parlements nationaux
À l'instar de nombreux accords commerciaux « de nouvelle génération », le projet d'accord avec le Mercosur constitue un accord « mixte », c'est-à-dire relevant à la fois des compétences exclusives de l'Union européenne en matière commerciale et des compétences des États membres.
Or, dans un avis rendu en 2017 relatif à la conclusion de l'accord de libre-échange UE-Singapour34(*), la Cour de justice de l'Union a clarifié la répartition des compétences de l'Union et des États membres dans le cadre de ces accords commerciaux mixtes ; elle a confirmé la compétence exclusive de l'Union pour de nombreuses dispositions de l'accord UE-Singapour, tout en relevant que certaines des dispositions figurant dans l'accord relevaient d'une compétence partagée entre l'Union et ses États membres.
Par conséquent, la Cour de justice a soutenu que l'accord de libre-échange UE-Singapour - ainsi qu'à l'avenir, tous les accords commerciaux de de nature mixte - devait être conclu conjointement par l'Union (c'est-à-dire le Conseil et le Parlement européen) et l'ensemble des États membres de l'Union selon leurs règles constitutionnelles respectives.
En pratique, la procédure de ratification d'un accord mixte est la suivante :
- au niveau européen, la décision de conclusion de l'accord doit être approuvée par le Conseil de l'Union européenne à l'unanimité puis par le Parlement européen à la majorité simple ;
- au niveau national, l'accord doit être ratifié par les 42 parlements nationaux et régionaux de l'Union européenne impliqués dans cette procédure.
Dans ce contexte, la ratification par chaque État-membre, octroyait de facto à ces derniers un droit de veto, compromettant l'adoption de l'accord UE-Mercosur.
2. Une scission de l'accord destinée à contourner le veto des États membres et permettre une adoption du volet commercial à la majorité qualifiée, sans vote des parlements nationaux
Le 3 septembre 2025, le projet d'accord UE-Mercosur a été officiellement adopté par la Commission. Le Collège des commissaires a décidé de scinder l'accord en deux textes juridiques parallèles, un accord de partenariat UE-Mercosur (APEM) et un accord intérimaire sur le commerce (AIC) :
- l'APEM est un accord-cadre mixte (et non un accord d'association) requérant l'approbation du Conseil à la majorité qualifiée, l'approbation du Parlement européen et la ratification des 27 États membres pour entrer en vigueur ;
- l'AIC, qui ne couvre que les dispositions commerciales relevant de la compétence exclusive de l'Union, et dont la ratification ne requiert qu'une majorité qualifiée au Conseil et l'approbation du Parlement européen.
Une fois ratifié, l'AIC s'appliquera de plein droit, dans l'attente d'une avancée concernant l'accord global. L'AIC expirera et sera remplacé par l'accord de partenariat UE-Mercosur dès l'entrée en vigueur de ce dernier, à la suite de sa ratification.
D'un point de vue purement procédural, en application de l'article 218 du TFUE, le Conseil doit adopter, pour chaque accord, une décision autorisant la signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, une décision portant conclusion de l'accord, qui vaut ratification de l'Union.
Dans la mesure où l'APEM constitue un accord de partenariat, et non un accord d'association, et où « les composantes prépondérantes de l'accord sont la politique commerciale, les transports, la coopération au développement et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers »35(*), la règle de vote retenue est la majorité qualifiée.
Ainsi, les États membres devraient être invités à adopter, à la majorité qualifiée les décisions autorisant la signature et la conclusion de l'APEM et de l'ACI au nom de l'Union le 16 décembre, afin de permettre à la Commission de signer l'accord au nom de l'Union le 20 décembre, à l'occasion du sommet avec le Mercosur au Brésil, le président brésilien ayant l'intention de faire ratifier l'accord à cette occasion.
Selon les éléments qui ont été communiqués à titre provisoire aux rapporteurs, le Parlement européen devrait se prononcer au début de l'année 2026.
B. POUR EMPÊCHER LA CONSTITUTION D'UNE MINORITÉ DE BLOCAGE AU CONSEIL, LA COMMISSION A PRÉSENTÉ UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT DESTINÉE À GARANTIR L'EFFECTIVITÉ LA CLAUSE DE SAUVEGARDE BILATÉRALE CONTENUE DANS L'ACCORD
En dépit de la scission (largement anticipée) de l'accord, permettant de s'affranchir de la règle de l'unanimité, l'entrée en vigueur du volet commercial ne semblait pas acquise ces derniers mois, l'issue du scrutin au Conseil demeurant incertaine. La France et plusieurs États alliés - Italie, Pologne, Hongrie, Autriche, Irlande, Roumanie - ont ainsi tenté depuis décembre 2024 de mettre sur pied une minorité de blocage au Conseil.
Pour empêcher la constitution d'une telle minorité de blocage et rallier le soutien des États membres dont la position n'est pas encore arrêtée, la Commission a adopté un engagement politique destiné à « opérationnaliser » la clause de sauvegarde bilatérale prévues par l'accord, en précisant l'interprétation qu'en fait l'exécutif européen.
1. La clause de sauvegarde bilatérale négociée en 2019 : une clause générale, ne prévoyant pas de garanties spécifiques en faveur des filières agricoles
L'accord commercial de 2019 comprend deux chapitres relatifs aux clauses de sauvegarde :
- le chapitre 8 précise le cadre global d'utilisation de la clause de sauvegarde prévue par l'OMC. Introduite dans de nombreux accords commerciaux multilatéraux ou bilatéraux, cette clause définit les mesures d'urgence (suspension de certains concessions, restrictions quantitatives à l'importation et/ou augmentation des droits de douane) qui peuvent être prises à la suite d'un accroissement significatif des importations d'un produit donné, lorsque ces importations causent ou menacent de causer un dommage grave à la branche de production nationale du membre importateur.
- le chapitre 9 définit les modalités spécifiques de la clause de sauvegarde bilatérale de l'accord UE-Mercosur. Ce régime bilatéral ne se distingue que très marginalement du cadre global d'utilisation de la clause de sauvegarde, et ne comporte aucune source de protection supplémentaire.
Par conséquent, l'accord UE-Mercosur ne comprend aucune clause de sauvegarde spécifique pour les filières agricoles les plus fragiles, alors même que de telles clauses, conformes au droit de l'OMC, figurent dans d'autres accords commerciaux récemment négociés par l'Union européenne ; les accords conclus avec le Japon et la Corée du Sud comportent ainsi une clause de sauvegarde spéciale reposant sur l'identification de produits sensibles, et la détermination de volumes d'importations annuels au-delà desquels le seuil de déclenchement de la sauvegarde est atteint, permettant le rétablissement temporaire de droits additionnels.
Dans le cas de l'accord avec le Mercosur, il est précisé que « les parties exemptent le commerce bilatéral soumis à un traitement préférentiel de l'application de la clause de sauvegarde spéciale pour l'agriculture de l'Accord sur l'Agriculture de l'OMC » (article 1.2 du chapitre Défense commerciale et mesures de sauvegarde globales).
Dans ce contexte, comme le souligne le rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur, « l'accord laisse les filières agricoles sensibles sans aucune des protections spéciales contre les effets perturbateurs de la libéralisation des échanges que l'UE concède pourtant à ses partenaires économiques confrontés à des difficultés comparables dans d'autres instruments ».
Les modalités de protection des filières sensibles relèvent ainsi du régime général des clauses de sauvegarde de l'OMC.
En pratique, pour ne pas être assimilées à des barrières commerciales, les mesures d'urgence doivent être exceptionnelles, temporaires, proportionnées et dûment justifiées. Ainsi :
- l'activation de la clause de sauvegarde est subordonné, pour un produit donné, à une hausse des importations telle qu'elle cause ou menace de causer un « préjudice grave » à une industrie nationale (c'est-à-dire, pour un produit donné, l'ensemble des producteurs de l'Union dont les productions additionnées représentent plus de 50 %, article 9.3.1), cette notion étant définie comme une « détérioration globale significative » de sa situation (article 9.2.e) ;
- les mesures prises sont strictement encadrées : elles ne peuvent dépasser deux ans - cette durée étant renouvelable dans certains cas spécifiques36(*) (article 9.8 et 9.9) -, ne peuvent être prises que pendant les douze premières années suivant l'entrée en vigueur de l'accord (article 9.2.g), et uniquement sous la forme d'une suspension de la trajectoire d'élimination du droit douane ou d'une réduction de la préférence tarifaire (article 9.6).
Comme l'ont souligné de nombreux observateurs, cette clause de sauvegarde n'a vocation qu'à atténuer temporairement les conséquences de l'accord, en offrant un sursis aux filières nationales de production - ce sursis devant être mis à profit par ces dernières pour s'adapter aux nouvelles conditions de concurrence. Il est ainsi explicitement précisé que les mesures de sauvegarde ne peuvent être prolongées qu'une seule fois, et uniquement s'il est établi qu'elles demeurent nécessaires pour prévenir ou remédier à un préjudice grave et si l'industrie nationale apporte la preuve qu'elle est en cours d'adaptation.
Le recours à cette clause se révèle par ailleurs complexe, puisqu'il est subordonné à la démonstration « sur la base de preuves objectives » d'un lien de causalité entre l'augmentation des importations du produit concerné et le préjudice grave (article 9.10), les éléments de preuve afférents devant être produits à l'appui de la demande d'ouverture d'une enquête (article 9.11).
Enfin, les modalités d'activation de la clause de sauvegarde ne paraissent pas à même de garantir une réaction rapide, puisque :
- la décision finale doit être publié dans un délai maximal d'un an à compter de l'ouverture de l'enquête, ce dernier pouvant être prolongé à dix-huit mois dans des circonstances exceptionnelles (article 9.13) ;
- les mesures de sauvegarde ne peuvent entrer en vigueur avant que des consultations n'aient été menées entre les parties (article 9.19).
Dans ce contexte, de nombreuses parties prenantes ont dénoncé l'ineffectivité de la clause de sauvegarde bilatérale de l'accord, ainsi que son caractère temporaire et exceptionnel, estimant que cet outil ne permettrait pas de répondre aux défis structurels posés par la mise en concurrence des filières agricoles européennes avec les pays du Mercosur.
2. La proposition de règlement présentée par la Commission pour offrir des garanties supplémentaires aux produits agricoles sensibles : un engagement politique destiné à simplifier et accélérer l'activation de la clause de sauvegarde
En réponse à ces griefs, la Commission européenne s'est engagée en septembre dernier à « opérationnaliser » le chapitre de l'accord sur la clause de sauvegarde bilatérale, par le biais d'un « engagement politique complémentaire » destiné à rassurer les États membres quant aux modalités d'activation de cette clause.
Le 8 octobre 2025, la Commission a donc publié une proposition de règlement sur les sauvegardes bilatérales pour les produits agricoles sensibles dans le cadre de l'Accord UE-Mercosur37(*). Elle a également indiqué qu'elle prendrait un acte délégué sur la base du règlement transversal de 2019 sur les sauvegardes bilatérales dans les accords de libre-échange38(*), pour apporter les mêmes garanties pour les produits autres que les produits agricoles sensibles couverts par le règlement.
Cette proposition ne s'applique en effet qu'à 23 produits sensibles, dont la liste est donnée en annexe et comprend notamment la viande bovine, la volaille, le riz, le miel, les oeufs, l'ail, l'éthanol et le sucre. Pour ces produits, la Commission s'engage à :
- surveiller étroitement l'évolution des marchés, et transmettre tous les six mois au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l'évolution des flux et leur impact sur le marché de l'Union ;
- lancer automatiquement une enquête de sauvegarde sur la base de critères quantitatifs prédéterminés considérés comme « attestant à première vue de l'existence d'un préjudice grave39(*) » (correspondant, sur un an, pour un produit donné, à une hausse de 10 % du volume des importations à des conditions préférentielles ou une baisse de 10 % du prix moyen à l'importation, dès lors que ce produit est importé depuis le Mercosur à un prix inférieur d'au moins 10 % à son équivalent européen) ;
- mener les enquêtes de sauvegarde dans un délai maximum de quatre mois, contre douze mois dans l'accord UE-Mercosur (et dans les cas les plus urgents, sous réserve que le risque de dommage soit suffisamment élevé, mettre en place une mesure de sauvegarde provisoire dans un délai de 21 jours à compter de la réception de la demande d'enquête).
Si ces garanties sont évidemment bienvenues, de nombreux observateurs s'interrogent sur leur portée réelle.
D'un point de vue procédural tout d'abord, rien ne garantit que proposition de règlement soit adoptée avant la signature de l'accord, puisque les trilogues sur ce texte ne pourraient débuter qu'après le vote du Parlement européen en séance plénière, qui devrait avoir lieu la semaine du 15 décembre, selon les informations transmises aux rapporteurs.
En effet, sur la forme, cette proposition constitue un engagement unilatéral de l'Union européenne, parfaitement compatible, au demeurant, avec les stipulations de l'accord. Ce document ne créée aucune obligation nouvelle à l'encontre des pays du Mercosur (et ne nécessite donc aucun endossement de leur part) mais se borne à éclairer les citoyens européens sur la manière dont l'exécutif européen entend recourir aux marges de manoeuvre dont il dispose en matière de sauvegarde.
In fine, aucune clause de sauvegarde n'a été ajoutée à l'accord ; sur ce point, et contrairement aux déclarations récentes du Président de la République41(*), le contenu de l'accord n'a pas été renégocié depuis 2019. En droit international, c'est donc la clause de sauvegarde bilatérale telle que définie au chapitre 9 qui s'appliquera.
Sur le fond, plusieurs organisations agricoles estiment que les modalités d'application de cette clause de sauvegarde demeurent peu effectives. Ainsi, selon l'association de l'aviculture, de l'industrie et du commerce de volailles dans les pays de l'Union européenne (AVEC), « cette clause de sauvegarde a été conçue pour ne jamais être activée dans notre secteur [...] Plutôt qu'un véritable mécanisme de protection, elle sert principalement d'outil de communication permettant à la Commission de présenter l'accord comme équilibré »42(*). En effet, en raison de la manière dont sont actuellement structurées les importations, et de la mise en place progressive des nouveaux contingents tarifaires, l'AVEC estime que la première condition posée pour le déclenchement de la clause de sauvegarde, à savoir une hausse de plus de 10 % des importations à des conditions préférentielles sur un an, serait en réalité impossible à atteindre.
Le constat est le même dans le secteur sucrier, pour lequel des fluctuations de prix de 10 % d'une année sur l'autre sont tout à fait normales et ne sont pas considérées comme un signe de préjudice grave43(*).
Dans le secteur des viandes bovines enfin, il sera particulièrement difficile d'apporter les éléments de preuve nécessaires à l'activation de la clause de sauvegarde, et notamment l'existence d'un lien de causalité entre les importations supplémentaires et la baisse des prix constatés. En effet, alors que l'aloyau constitue l'essentiel des importations européennes de viande bovine et pourrait subir des baisses de prix plus importantes que les autres morceaux, la coupe d'aloyau ne correspond à aucune ligne tarifaire dans le code des douanes, et l'observatoire des marchés de la viande bovine de la Commission européenne ne publie aucun indicateur relatif aux prix de ces produits.
Au demeurant, les organisations agricoles soulignent que la clause de sauvegarde prévue dans l'accord commercial avec l'Ukraine, fondée uniquement sur des seuils de volume, paraissait plus aisée à activer que celle prévue pour le Mercosur, laquelle requiert simultanément des indicateurs portant sur les volumes et sur les prix.
En définitive, la proposition de règlement sur la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale ne modifie pas l'économie générale de l'accord en matière agricole : elle ne comporte aucune mention des enjeux de respect des normes sanitaires ou environnementales européennes de production et ne créé aucune obligation à l'encontre des pays du Mercosur.
En tout état de cause, comme l'ont résumé le Comité européen des fabricants de sucre (CEFS) et la Confédération internationale des betteraviers européens (Cibe)44(*) : « le problème fondamental réside moins dans une perturbation à court terme que dans un désavantage structurel que l'accord aggravera ». En pratique, confrontée à un afflux de produits tirant leur compétitivité de normes environnementales et sanitaires nettement moins exigeantes, l'agriculture européenne n'aura d'autres choix, à terme, que de s'adapter.
C'est dans cette perspective que la Commission a proposé la création d'un fonds de compensation, doté d'un montant de l'ordre d'un milliard d'euros par an pendant six ans, afin d'aider les filières qui ne pourront faire face à la concurrence internationale à se reconvertir ou mettre un terme à leur activité.
Les rapporteurs proposent donc de modifier le dispositif de la proposition de résolution européenne sur ce point, pour préciser que les garanties prétendument offertes par la Commission européenne en matière agricole se bornent à préciser les modalités de recours à la clause de sauvegarde bilatérale négociée en 2019, qui n'a vocation qu'à offrir un sursis aux filières européennes de production en atténuant de manière temporaire et exceptionnelle les conséquences de l'accord, sans en modifier l'économie générale.
III. LA SAISINE DE LA CJUE, ULTIME RECOURS POUR EMPÊCHER LA RATIFICATION D'UN ACCORD LARGEMENT DÉCRIÉ POUR SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET SES CONSÉQUENCES PRÉJUDICIABLES POUR L'AGRICULTURE EUROPÉENNE
En dépit du caractère factice des garanties apportées par la Commission européenne, plusieurs États membres semblent désormais envisager un vote en faveur de l'accord. Si l'Autriche et l'Irlande ont rappelé leur opposition à l'accord, rien ne garantit désormais la constitution d'une minorité de blocage, l'Italie ayant salué les garanties supplémentaires incluses.
La France a soumis trois exigences à la Commission européenne, comme l'a précisé M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe, devant le Sénat le 12 novembre dernier45(*), à savoir l'ajout d'une clause de sauvegarde « robuste, effective et activable pour protéger nos marchés agricoles contre les déstabilisations », l'instauration de mesures miroirs « ambitieuses sur les pesticides et l'alimentation animale », empêchant l'importation en Europe de produits agricoles moins-disant que les normes européennes, et un renforcement des contrôles sanitaires, « à la fois sur les produits importés mais aussi dans les pays exportateurs, pour s'assurer du respect effectif » des normes européennes.
Si le ministre délégué chargé de l'Europe a rappelé que « c'est à l'aune de ces trois exigences, de ces trois demandes, que la France se déterminera sur la question du Mercosur », il a également admis que la Commission européenne n'avait pas encore, à ce stade, fait de propositions suffisamment précises s'agissant des mesures miroirs et des contrôles sanitaires.
Notre pays n'a donc pas encore défini sa position officielle, alors qu'il est manifeste que les conditions posées pour soutenir l'accord ne sont pas remplies et ne le seront pas davantage à brève échéance.
A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DÉPOSÉE AU SÉNAT : UNE DÉMARCHE FORTE VISANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE RÉAFFIRMER SON OPPOSITION À L'ACCORD ET DE SAISIR LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
MM. Jean-François Rapin, Cédric Perrin et Mme Dominique Estrosi Sassone, respectivement présidents de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et de la commission des affaires économiques, ont déposé le 30 octobre dernier une proposition de résolution européenne (PPRE) visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.
À la demande du groupe Les Républicains, la Conférence des Présidents a décidé, le 5 novembre 2025, que cette proposition de résolution européenne serait examinée par le Sénat en séance publique le 16 décembre, après examen par la commission des affaires européennes puis par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Une résolution similaire a été déposée le 14 novembre dernier au Parlement européen mais a été déclarée irrecevable par le bureau de dépôt du Parlement européen, le 19 novembre dernier, au motif que la demande du Conseil pour recueillir l'approbation du Parlement sur l'accord n'avait pas encore été faite.
Alors que, s'agissant de l'accord UE-Mercosur, les récentes déclarations du Gouvernement français se sont révélées pour le moins ambivalentes, voire franchement alarmantes, la PPRE déposée au Sénat vise à clarifier la position de notre pays, en demandant au Gouvernement de s'opposer à la signature de l'accord et de saisir la CJUE au sujet de sa compatibilité avec les traités européens, comme l'y autorise l'article 218, alinéa 11, du TFUE.
En pratique, le texte déposé au Sénat fonde cette demande de saisine sur trois moyens distincts.
1. La décision de scinder l'accord
Le premier moyen invoqué porte sur la conformité de la décision de scinder l'accord avec les traités et directives de négociations émises par le Conseil.
En effet, l'article 218 du TFUE stipule que le Conseil « autorise l'ouverture des négociations, arrête les directives de négociation » et peut « adresser des directives au négociateur ».
En l'espèce, les directives de négociation adoptées en 1999 autorisaient la négociation d'un accord d'association politique et économique avec les pays du Mercosur. Or, en vertu de l'article 218, alinéa 8, du TFUE, le Conseil statue à l'unanimité « lorsque l'accord porte sur un domaine pour lequel l'unanimité est requise pour l'adoption d'un acte de l'Union ainsi que pour les accords d'association [...] la décision portant conclusion de cet accord entre en vigueur après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». Il était dès lors clair, dans le mandat de négociation, que l'accord avec le Mercosur ferait l'objet d'un vote à l'unanimité des États membres et serait soumis aux parlements nationaux dans le cadre de sa ratification.
À la suite de l'avis précité de la Cour de justice concernant l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la République de Singapour, la Commission européenne a certes fait part de son intention de recommander, à l'avenir, de scinder dans des accords séparés les dispositions devant être approuvées par l'Union et l'ensemble de ses États membres et les autres dispositions commerciales relevant de la compétence exclusive de l'Union, afin de contourner les difficultés liées à la ratification des accords de libre-échange de « nouvelle génération ».
Or, prenant acte de cette intention, le Conseil a pris le soin de rappeler, dans des conclusions adoptées en 201846(*), qu'il lui appartenait de « décider, au cas par cas, de la scission des accords commerciaux » et que les accords commerciaux « en cours de négociation, par exemple avec le Mexique, le Mercosur et le Chili rester[aient] des accords mixtes ».
Dans ces conclusions, le Conseil a par ailleurs souligné que « tout en respectant les règles de vote applicables en vertu des traités, le Conseil continuera de s'efforcer d'obtenir un consensus, dans toute la mesure du possible, afin que les intérêts et préoccupations de l'ensemble des États membres soient dûment respectés dans les accords commerciaux ».
De surcroît, contrairement aux directives de négociation qui lui avaient été adressées, la Commission n'a pas proposé à la signature et la conclusion du Conseil un accord d'association avec les pays du Mercosur, mais un accord de partenariat. Ainsi, la proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat avec le Mercosur47(*) ne se fonde pas sur l'article 217 du TFUE, relatif aux accords d'association, mais sur les articles 207, 209 et 212, qui se rapportent respectivement à la politique commerciale commune, la coopération au développement, et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers.
D'un point de vue procédural, cette décision est loin d'être anodine, puisque la conclusion d'un accord d'association doit faire l'objet d'un vote à l'unanimité au Conseil, en application de l'article 218, alinéa 8, du TFUE, tandis que la conclusion d'un accord de partenariat peut relever d'un vote à la majorité qualifiée. La proposition de décision du Conseil précitée précise ainsi qu'étant donné que « les composantes prépondérantes de l'accord sont la politique commerciale, les transports, la coopération au développement et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers, la règle de vote pour ce cas particulier est donc la majorité qualifiée ».
Dans ce contexte, il est manifeste que la Commission européenne n'a respecté ni le mandat qui lui a été confié en 1999 par le Conseil, ni les orientations fixées par le Conseil dans les conclusions adoptées en 2018.
Dès lors, l'architecture juridique retenue par la Commission pourrait être considérée comme incompatible avec les stipulations du TFUE relatives au respect des directives de négociations émises par le Conseil. Elle pourrait également se révéler contraire aux principes de répartition des compétences, d'équilibre entre les institutions et de coopération loyale entre l'Union et ses États membres.
L'article 4 du traité sur l'Union européenne consacre ainsi un principe de coopération loyale en vertu duquel l'Union et les États membres « se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités ». L'article 13 du traité sur l'Union européenne stipule par ailleurs que « chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités » et que « les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale ».
Dans l'arrêt Meroni de 195848(*), la Cour de justice a enfin consacré un principe d'équilibre institutionnel, qui interdit tout empiètement par une institution sur les pouvoirs attribués à une autre.
La Commission relève cependant que les États membres ont été tenus informés tout au long des négociations de l'évolution de ces dernières, ainsi que de la forme que pourrait prendre l'accord final. Elle souligne également que la même architecture juridique a été retenue pour l'accord UE-Chili, sans que ce choix ne pose de difficultés, ni n'entraîne de saisine de la Cour de justice. À l'aune de ce précédent, les juges européens pourraient considérer que le Conseil a implicitement validé la pratique consistant à scinder les accords pour isoler les stipulations commerciales.
2. Le mécanisme de rééquilibrage
Le deuxième moyen invoqué concerne la conformité du mécanisme de rééquilibrage avec les articles des traités portant sur la protection des consommateurs, de l'environnement ou de la santé publique.
Les pays du Mercosur ont en effet négocié l'introduction d'un nouveau mécanisme de rééquilibrage pour contrebalancer le chapitre sur la durabilité (voir supra).
Dans son analyse de l'accord, le gouvernement de l'Uruguay a ainsi déclaré que ce mécanisme « permettra au Mercosur de contrecarrer les effets que les mesures unilatérales de l'Union (telles que le Green Deal) ont ou pourraient avoir sur les exportations des pays du Mercosur »49(*). De la même manière, le gouvernement brésilien a expliqué, dans une fiche d'information publiée sur son site internet, que ce dispositif permettrait d'éviter que des lois européennes ne viennent compromettre les concessions commerciales obtenues, comme par exemple les quotas proposés par l'Union pour les exportations de viande bovine en provenance du Mercosur.
Pour certains observateurs, la menace d'un recours à ce mécanisme pourrait être utilisée par les pays du Mercosur pour faire pression sur l'Union afin qu'elle retire, modifie ou suspende la mise en oeuvre de la législation existante ou s'abstienne à l'avenir de légiférer en matière de climat, d'environnement, de sécurité alimentaire ou encore de produits phytosanitaires.
Pourtant, les traités européens imposent d'intégrer les exigences environnementales à l'ensemble des politiques publiques (article 11 du TFUE), de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine (article 168 du TFUE), de veiller à la défense des consommateurs (article 169 du TFUE) et de promouvoir le développement durable à l'échelle mondiale (article 21 §2 du TUE). De la même manière, en application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les politiques et actions de l'Union doivent garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine (article 35), de protection de l'environnement (article 37) et de protection des consommateurs (article 38).
Dès lors, l'introduction dans l'accord avec le Mercosur d'un tel mécanisme de rééquilibrage pourrait être considérée comme incompatible avec les stipulations de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les principes du TFUE en matière de protection des consommateurs, de l'environnement et de la santé publique.
Pour la Commission européenne, qui réfute cet argument, la probabilité qu'une législation européenne remplisse les conditions nécessaires à l'activation du mécanisme de rééquilibrage serait en réalité minime.
L'exécutif européen fait par ailleurs valoir que, le cas échéant, les ajustements pris par les pays du Mercosur se limiteraient à une suspension des préférences tarifaires, peu susceptible de causer des dommages tels que l'Union européenne prenne le risque de modifier ou suspendre ses propres législations.
3. Le principe de précaution
Le troisième et dernier moyen retenu se rapporte à la compatibilité de l'accord global et de l'accord avec l'application du principe de précaution.
Il existe en effet des différences règlementaires importantes entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, en matière de production alimentaire et de normes sanitaires et vétérinaires (voir supra).
Or, l'accord ne comporte aucune disposition spécifique relative à l'alimentation des animaux, l'emploi de médicaments vétérinaires dans les élevages, le bien-être animal ou encore l'utilisation de produits phytosanitaires. De surcroît, le chapitre relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires de l'accord prévoit une simplification et un allègement des contrôles, alors même que plusieurs audits récents ont mis en exergue des fraudes et défaillances dans le contrôle qualité et la traçabilité des exportations en provenance des pays du Mercosur vers l'Union européenne (voir supra).
Dans ce contexte, comme l'a souligné la Commission européenne, contrairement à d'autres accords récemment conclus par l'Union, l'accord UE-Mercosur mentionne explicitement la possibilité d'adopter des mesures fondées sur le principe de précaution. L'article 10.2 du chapitre sur le commerce et le développement durable précise ainsi que « dans les cas où les preuves ou informations scientifiques sont insuffisantes ou peu concluantes et qu'il existe un risque de dégradation grave de l'environnement ou de la santé et de la sécurité au travail sur son territoire, une Partie peut adopter des mesures fondées sur le principe de précaution ».
Selon la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur, cette prérogative demeure très encadrée :
- la définition retenue pour le principe de précaution demeure lacunaire, ne couvrant expressément ni la sécurité sanitaire des aliments, ni la santé humaine, si bien qu'une « interdiction sur le marché de produits destinés à l'alimentation humaine du fait d'une incertitude quant au risque pour la santé pourrait ne pas valablement se prévaloir du principe de précaution » ;
- les stipulations du chapitre sur les mesures sanitaires et phytosanitaires conduisent à limiter l'application effective du principe, notamment l'obligation de justification scientifique des mesures prises, de notification des mesures envisagées ou encore l'obligation d'envisager des mesures alternatives.
Rien n'empêchera, par ailleurs, les pays du Mercosur de recourir au mécanisme d'arbitrage prévu par l'accord ou au mécanisme de règlement des différends de l'OMC pour contester l'application de mesures sanitaires ou phytosanitaires fondées sur le principe de précaution. Le cas échéant, l'Union européenne devra produire une évaluation des risques suffisamment documentée pour que la mesure incriminée ne soit pas considérée comme un « obstacle injustifié au commerce entre les Parties » (article 6.1.c du chapitre sur les mesures sanitaires et phytosanitaires), dont le tribunal arbitral ou l'organe de règlement des différends pourrait ordonner le retrait ou l'aménagement.
Ce type de contentieux paraît d'autant plus probable que les pays du Mercosur ont d'ores et déjà attaqué de telles mesures devant l'organe de règlement des différends de l'OMC ; l'Argentine a ainsi obtenu, dans un contentieux relatif aux OGM, la condamnation de l'Union, qui invoquait le droit d'adopter une approche de précaution dans le cas des OGM50(*).
In fine, selon le rapport de la commission d'évaluation de l'accord UE-Mercosur, l'accord « offre une base juridique supplémentaire pour permettre l'importation de produits à l'occasion desquelles [les valeurs de l'Union en matière sanitaire et environnementale] pourront être mises en cause devant les tribunaux arbitraux ».
B. LA POSITION DES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES : UNE SAISINE NÉCESSAIRE POUR EMPÊCHER LE PASSAGE EN FORCE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
Pour les rapporteurs, étant donné le caractère particulièrement controversé de l'accord commercial avec le Mercosur, il n'est de toute évidence pas envisageable d'évacuer la question de la scission de l'accord au motif que la Commission dispose d'une compétence exclusive en matière de négociation des accords commerciaux.
Alors que plusieurs États membres ont témoigné avec constance, au cours des dernières années, de leur ferme opposition à la conclusion de cet accord, la décision de scinder l'accord s'apparente à un passage en force de la Commission, peu respectueux sinon de la lettre, du moins de l'esprit des traités.
La saisine de la CJUE pourra utilement préciser si cette pratique est conforme ou non aux traités et, en l'espèce, à l'équilibre entre les institutions, dès lors que le Conseil avait demandé le maintien du caractère mixte de cet accord.
Les rapporteurs notent par ailleurs que la portée temporelle et le champ d'application du mécanisme de rééquilibrage introduit dans l'accord suscitent de nombreuses controverses juridiques et estiment, dans ce contexte, qu'une clarification de la Cour de justice serait opportune.
Ils relèvent, enfin que les stipulations de l'accord sont bel et bien susceptibles d'entraîner une baisse du niveau de protection des consommateurs, de la santé et l'environnement dans l'Union européenne, contrevenant ainsi aux droits énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE européenne et le TFUE. En tout état de cause, une saisine de la CJUE permettrait de préciser la portée que l'Union entend conférer aux stipulations de l'accord relatives au respect du principe de précaution.
En définitive, pour les rapporteurs, une saisine de la CJUE permettrait au Gouvernement français de rappeler l'opposition historique et maintes fois réitérée de notre pays à la conclusion de l'accord commercial avec les pays du Mercosur, tel qu'il a été négocié par la Commission européenne.
L'agriculture française se trouve actuellement au coeur de la tourmente ; pour la première fois depuis 1978, le secteur agricole et alimentaire français pourrait enregistrer un déficit sur l'année 2025, dans un contexte marqué par les tensions commerciales avec les États-Unis, mais également les mesures de rétorsion de la Chine.
Or, tandis que la dégradation inédite du solde commercial agroalimentaire français51(*) constitue un signal d'alarme et devrait engendrer un sursaut collectif, la Commission européenne a récemment annoncé qu'elle entendait réduire de 20 % le budget alloué à la politique agricole commune sur la période 2028 - 2034. L'agriculture est-elle encore au centre des priorités stratégiques européennes ?
Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu'il est du devoir du Gouvernement français de faire usage du dernier levier à sa disposition pour empêcher la ratification d'un accord qui porterait un coup fatal à une agriculture européenne déjà grandement fragilisée. Ils soutiennent donc pleinement la démarche de la proposition de résolution européenne n° 99 (2025-2026) et proposent uniquement à la commission des affaires européennes un amendement tendant à préciser que la proposition de règlement de la Commission européenne relative à la clause de sauvegarde n'a vocation qu'à offrir un sursis temporaire et exceptionnel aux filières de production, sans modifier l'économie générale de l'accord.
EXAMEN EN COMMISSION
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE VISANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE SAISIR LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE POUR EMPÊCHER LA RATIFICATION DE L'ACCORD AVEC LE MERCOSUR
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
L
Vu l'article 73 quinquies C du règlement du Sénat,
M
Vu le traité sur l'Union européenne, et notamment ses articles 3, 4, 10, 13 et 21,
N
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en particulier ses articles 11, 168, 169, 171, 191, 205, 207 et 218,
O
Vu la Charte des droits fondamentaux, et notamment ses articles 35, 37 et 38,
P
Vu l'Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié par l'Union européenne le 5 octobre 2016,
Q
Vu l'avis 2/15 de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 mai 2017 sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la République de Singapour,
R
Vu le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »),
S
Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union et à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010,
T
Vu les propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord intérimaire sur le commerce et à la signature, au nom de l'Union européenne, à la conclusion et l'application provisoire de l'accord de partenariat, entre l'Union européenne, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 338, 339, 356 et 357 final,
1a
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale prévue par l'accord de partenariat UE-Mercosur et l'accord intérimaire UE-Mercosur sur le commerce pour les produits agricoles, COM(2025) 639 final,
1b
Vu les directives de négociation du Conseil de 1999 relatives à l'accord entre l'Union européenne et les quatre membres fondateurs du Mercosur,
1c
Vu les conclusions du Conseil du 22 mai 2018 sur la négociation et la conclusion des accords commerciaux de l'UE,
1d
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l'Europe », COM(2019) 640 final,
1e
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 intitulée « Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement », COM(2020) 381 final,
1f
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 février 2021, intitulée « Réexamen de la politique commerciale - Une politique commerciale ouverte, durable et ferme », COM(2021) 66 final,
1g
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 22 juin 2022, intitulée « La force des partenariats commerciaux : ensemble pour une croissance économique verte et juste », COM(2022) 409 final,
1h
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 février 2025, intitulée « Une vision pour l'agriculture et l'alimentation - OEuvrer ensemble pour un secteur agricole et alimentaire européen attractif pour les générations futures », COM(2025) 75 final,
1i
Vu le rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil du 3 juin 2022, intitulé « Application des normes sanitaires et environnementales de l'Union aux produits agricoles et agroalimentaires importés », COM(2022) 226 final,
1j
Vu les conclusions de l'audit 2024-8087 concernant le Brésil effectué par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne et évaluant les contrôles des résidus de substances pharmacologiquement actives, de pesticides et de contaminants chez les animaux et dans les produits d'origine animale, publiées le 16 octobre 2024,
2a
Vu l'avis politique relatif à la consultation publique lancée par la Commission européenne, intitulée « Commerce et développement durable dans les accords commerciaux de l'Union européenne : réexamen de l'approche actuelle », adopté par la commission des affaires européennes du Sénat le 28 octobre 2021, et la réponse de la Commission européenne du 2 février 2022,
2b
Vu la résolution du Sénat n° 49 (2023-2024) du 16 janvier 2024 relative aux négociations en cours en vue d'un accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur,
2c
Vu le rapport au Premier ministre de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur, intitulé « Dispositions et effets potentiels de la partie commerciale de l'Accord d'Association entre l'Union européenne et le Mercosur en matière de développement durable » et publié le 18 septembre 2020,
2d
Vu la réponse de Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, à la question posée au Sénat par M. Jean-François Rapin le 21 juin 2023,
2e
Considérant que l'Union européenne exerce une compétence exclusive en matière de politique commerciale, dans les limites et sous les réserves précisées par la Cour de justice de l'Union dans sa jurisprudence dite « Singapour », qu'il appartient à ce titre à la Commission européenne de négocier les accords de libre-échange sur mandat du Conseil de l'Union européenne, la ratification de ces derniers requérant l'obtention d'une majorité qualifiée au Conseil et d'une majorité simple au Parlement européen ;
2f
Considérant que certains accords de commerce, enrichis de dispositions allant au-delà de la seule réduction des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges de biens et de services, sont des accords mixtes, nécessitant la ratification expresse du Parlement européen à la majorité et des États membres à l'unanimité, selon leurs règles constitutionnelles respectives ;
2g
Considérant que pour contourner les difficultés liées à la ratification des accords mixtes et s'affranchir de la règle de l'unanimité, la Commission a développé une pratique consistant à scinder les accords, pour isoler dans un accord commercial intérimaire les dispositions relevant de sa compétence exclusive de celles relevant d'une compétence partagée avec les États membres ;
2h
Considérant qu'après avoir suivi ce mode opératoire pour l'accord-cadre avec le Chili en décembre 2022, la Commission a annoncé le 3 septembre 2025 son intention de procéder de la même façon pour l'accord avec les pays du Mercosur, en présentant deux textes juridiques parallèles, à savoir l'accord de partenariat entre l'Union européenne et le Mercosur, qui est un accord-cadre mixte, et un accord commercial intérimaire, qui ne comprend que les dispositions commerciales relevant de la compétence exclusive de l'Union et dont la ratification ne nécessite qu'une majorité qualifiée au Conseil et l'approbation du Parlement européen, cet accord ayant vocation à expirer dès l'entrée en vigueur de l'accord de partenariat ;
2i
Considérant pourtant que, dès le départ, et comme en attestent les directives de négociation de 1999, l'accord avec le Mercosur a été conçu comme un accord d'association politique et économique exigeant l'unanimité du Conseil et la ratification des États membres ;
2j
Considérant que les États membres, prenant acte de l'intention de la Commission de scinder à l'avenir, dans des accords séparés, les dispositions commerciales relevant de la compétence exclusive de l'Union et les autres dispositions, ont expressément rappelé dans les conclusions du Conseil du 22 mai 2018 qu'il appartenait au Conseil de décider, au cas par cas, de la scission des accords commerciaux ;
3a
Considérant qu'en l'espèce, le Conseil a pris soin de préciser que l'accord d'association en cours de négociation avec le Mercosur resterait un accord mixte ;
3b
Considérant que la décision de la Commission européenne de scinder l'accord, en ce qu'elle n'est manifestement pas conforme aux directives de négociation émises par le Conseil en 1999 et réitérées en 2018, soulève des interrogations quant à sa compatibilité avec l'article 218 du TFUE, d'une part, et les principes de répartition des compétences, d'équilibre entre les institutions et de coopération loyale, consacrés aux articles 4 et 13 du traité sur l'Union européenne, d'autre part ;
3c
Considérant au demeurant que cette décision, motivée par la volonté de garantir une entrée en vigueur rapide du volet commercial de l'accord, en contournant le contrôle exercé par les Parlements nationaux, fragilise indéniablement l'assise démocratique de la politique commerciale commune ;
3d
Considérant que l'accord commercial intérimaire introduit, à la demande des pays du Mercosur, un nouveau mécanisme de rééquilibrage destiné à compenser l'impact économique de la législation ou des pratiques de l'autre partie, même si celles-ci ne contreviennent pas aux dispositions de l'accord ;
3e
Considérant que cette clause, dont la portée et le contenu diffèrent des stipulations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) mais également des clauses similaires existant dans les précédents accords de libre-échange conclus par l'Union européenne, suscite des interprétations contradictoires ;
3f
Considérant qu'en raison de son champ d'application particulièrement large, incluant toutes les mesures qui n'étaient pas encore pleinement mises en oeuvre au terme des négociations le 6 décembre 2024, en sus des mesures adoptées postérieurement à la conclusion ou à l'entrée en vigueur de l'accord, ce mécanisme pourrait être mobilisé à l'encontre de nombreuses réglementations environnementales européennes, au premier rang desquelles figure le règlement (UE) 2023/1115 précité sur la déforestation ;
3g
Considérant, dans ce contexte, que la menace crédible d'un recours à ce mécanisme, ouvrant droit à des compensations au profit des États du Mercosur, pourrait dissuader l'Union d'adopter ou d'appliquer des législations en matière de climat, d'environnement, de sécurité alimentaire ou de produits phytosanitaires ;
3h
Considérant ainsi que ce mécanisme pourrait entraver l'élaboration et la mise en oeuvre de la réglementation visant à préserver les droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les principes du TFUE en matière de protection des consommateurs, de l'environnement et de la santé publique et porter atteinte à la capacité de l'Union à préserver son ordre juridique ;
3i
Considérant que, d'une part, les réglementations en matière de production alimentaire et de normes sanitaires et vétérinaires des pays du Mercosur présentent une plus grande souplesse que celles de l'Union européenne, lesquelles se distinguent par un haut degré d'exigence ; que, d'autre part, l'accord ne comporte aucune disposition spécifique relative à l'alimentation des animaux, à l'emploi de médicaments vétérinaires dans les élevages, au bien-être animal, à l'utilisation de produits phytosanitaires ni à l'usage d'additifs dans les produits frais ;
3j
Considérant que le chapitre relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires de l'accord prévoit une simplification et un allègement des contrôles, alors même que plusieurs audits récents ont mis en exergue des fraudes et des défaillances dans le contrôle qualité et la traçabilité des exportations brésiliennes vers l'Union européenne ;
4a
Considérant que les stipulations de l'accord commercial intérimaire limitent l'application effective du principe de précaution, en ne consacrant qu'une reconnaissance lacunaire de ce principe, qui ne couvre expressément ni la sécurité sanitaire des aliments ni la santé humaine, et en encadrant étroitement la possibilité d'adopter des mesures sur ce fondement ;
4b
Considérant enfin que les mesures sanitaires et phytosanitaires prises sur le fondement du principe de précaution pourront faire l'objet d'un recours devant l'Organe de règlement des différends du système commercial multilatéral et que, par conséquent, ces mesures pourraient voir leur licéité contestée au regard du seul droit de l'Organisation mondiale du commerce ;
4c
Considérant ainsi que les stipulations de l'accord sont susceptibles d'entraîner une baisse du niveau de protection des consommateurs, de la santé et de l'environnement dans l'Union européenne, contrevenant ainsi aux droits énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le TFUE ;
4d
Rappelle que le Gouvernement français s'est engagé devant le Sénat, le 21 juin 2023, à s'opposer à toute scission de l'accord ;
4e
Souligne que les garanties prétendument offertes par la Commission européenne en matière agricole se bornent à préciser les modalités de recours à la clause de sauvegarde bilatérale négociée en 2019, cette dernière n'ayant vocation qu'à offrir un sursis aux filières de production, en atténuant de manière temporaire et exceptionnelle les conséquences de l'accord, sans en modifier l'économie générale ;
4f
Demande, en conséquence, au Gouvernement de s'opposer à l'adoption des propositions de décisions relatives à la signature et la conclusion de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et le Mercosur, ainsi qu'aux propositions de décisions relatives à la signature et à la conclusion de l'accord intérimaire sur le commerce entre l'Union européenne et le Mercosur ;
4g
Demande au Gouvernement de solliciter l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne, conformément à l'article 218 du TFUE, sur la compatibilité avec les traités européens de la procédure retenue par la Commission européenne, ainsi que des propositions de décisions relatives à la signature et à la conclusion de l'accord de partenariat et de l'accord intérimaire sur le commerce entre l'Union européenne et le Mercosur.
4h
LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/tableau-historique/ppr25-099.html
LISTES DES PERSONNES ENTENDUES
Audition conjointe
- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique - direction générale du Trésor :
o Mme Sabine LEMOYNE de FORGES, sous-directrice de la politique commerciale et de l'investissement ;
o M. Timothée HURE, chef du bureau règles internationales du commerce et de l'investissement ;
o M. Sofien ABDALLAH, conseiller parlementaire et relations institutionnelles ;
o M. Thibault ALIX, adjoint au chef du bureau politique commerciale, stratégie et coordination.
- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne :
o M. Hubert BRETHEAU, conseiller financier au service économique commercial et financier
- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères :
o M. Timothée TRUELLE, sous-directeur des relations extérieures de l'Union européenne ;
o Mme Clémence BOULLANGER, rédactrice politique commerciale de l'Union européenne.
Commission européenne :
- M. Paolo GARZOTTI, chef d'unité à la DG Commerce
Fédération nationale bovine
- M. Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine
- M. Pierre Lévêque, responsable des affaires publiques de la Confédération nationale de l'élevage
Contribution écrite
- M. Alan Hervé, professeur de droit public et responsable du master Europe et affaires mondiales de l'Institut d'études politiques de Rennes.
* 1 Outre les quatre États fondateurs mentionnés, la Bolivie a rejoint le bloc du Mercosur en décembre 2023, mais n'est pas incluse dans l'accord. La participation du Venezuela au bloc a été suspendue en 2017.
* 2 UE-MERCOSUR, Directives de négociation, par la Commission, d'un accord d'association entre les parties, 17 septembre 1999.
* 3 « Economic Analysis of the negotiated outcome of the EU-Mercosur Partnership Agreement (EMPA), An analysis prepared by the European Commission's Directorate-General for Trade », 2025.
* 4 Les indications géographiques protégées françaises, répertoriées dans l'annexe 13B, couvrent des fromages (Bleu d'Auvergne, Brillat-Savarin, Roquefort, Emmental de Savoie, Cantal, Epoisses, Comté, Brie de Meaux, Reblochon, Camembert de Normandie), des viandes (Boeuf de Charolles, Jambon de Bayonne, Foie gras du Sud-Ouest), des produits régionaux (Pruneaux d'Agen, Riz de Camargue, Huile essentielle de lavande de Haute-Provence), mais aussi des vins et spiritueux (Champagne, Beaujolais, Bordeaux, Bourgogne, Cahors, Cognac, Armagnac, Rhum de Martinique, Rhum de Guadeloupe etc.).
* 5Journal of Agricultural Economics, « The European Union-Mercosur Association Agreement: Implications for the EU Livestock Sector », Alexandre Gohin et Alan Matthews, 26 septembre 2025.
* 6 Rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur, Dispositions et effets potentiels de la partie commerciale de l'Accord d'Association entre l'Union européenne et le Mercosur en matière de développement durable, 18 septembre 2020.
* 7 Viande bovine : le Mercosur privilégie toujours plus d'export (Dossier Économie de l'Élevage n° 533 - Octobre 2022).
* 8 Association générale des producteurs de maïs, « Accord UE-Mercosur : impacts et propositions pour la filière maïs », 14 avril 2025.
* 9 Rapport DG(SANTE) 2018-6349.
* 10 Rapport de l'Institut de l'évelage (IDELE), « Accord UE/Mercosur : quels risques pour la filière bovine européenne ? », 19 novembre 2024.
* 11 Rapport de l'Institut de l'évelage (IDELE), « Accord UE/Mercosur : quels risques pour la filière bovine européenne ? », 19 novembre 2024.
* 12 Source : Global Forest Watch.
* 13 Trase (2025). Brazil soy supply chain. Disponible sur : Brazil soy - Supply chain - Explore the data - Trase.
* 14 L'Union n'applique pas de droit de douane sur les importations de soja, mais l'Argentine applique une taxe à l'export à hauteur de 33 % pour les fraies de soja et 31 % pour les tourteaux de soja.
* 15 GRAIN, L'accord commercial UE-Mercosur va intensifier la crise climatique due à l'agriculture, 25 novembre 2019.
* 16 Règlement (UE) 2023/1115 relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union et à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts.
* 17 Directive (UE) 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859.
* 18 La force des partenariats commerciaux - ensemble pour une croissance économique verte et juste (COM (2022) 409, 22 juin 2022).
* 19 Article 7.7 du projet d'accord de partenariat UE-Mercosur.
* 20 https://www.farm-europe.eu/fr/actualite-farm-europe/quelles-nouveautes-dans-le-dernier-texte-de-laccord-ue-mercosur/
* 21 https://www.veblen-institute.org/Ce-qu-il-faut-retenir-de-l-accord-final-UE-Mercosur.html
* 22 Le point 16 de l'annexe stipule ainsi que « Chaque partie réaffirme ses engagements internationaux pertinents et met en oeuvre des mesures, conformément à ses lois et réglementations nationales, pour empêcher toute nouvelle déforestation et intensifier les efforts visant à stabiliser ou augmenter le couvert forestier à partir de 2030. »
* 23 Le droit de douane actuel est de 35 % en Argentine et au Brésil, entre 10 et 20 % au Paraguay, et 23 % en Uruguay.
* 24 Article XXIII :1(b) de l'Accord du GATT de 1994.
* 25 Nouvel article XX.4(b) de l'accord UE-Mercosur.
* 26 Concernant la sécurité sanitaire des aliments, cette exigence figure à l'article 11 du règlement (CE) nº 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, qui dispose que « [l]es denrées alimentaires et aliments pour animaux importés dans la Communauté dans le but d'y être mis sur le marché respectent les prescriptions applicables de la législation alimentaire ou les conditions que la Communauté a jugées au moins équivalentes ou encore, lorsqu'un accord spécifique existe entre la Communauté et le pays exportateur, les prescriptions qu'il comporte ».
* 27 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Application des normes sanitaires et environnementales de l'Union aux produits agricoles et agroalimentaires importés, COM(2022) 226 final.
* 28 Directive 96/22/CE du Conseil, du 29 avril 1996, concernant l'interdiction d'utilisation de certaines substances à effet hormonal ou thyréostatique et des substances ß-agonistes dans les spéculations animales et abrogeant les directives 81/602/CEE, 88/146/CEE et 88/299/CEE.
* 29 Règlement (CE) n° 1523/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 interdisant la mise sur le marché, l'importation dans la Communauté ou l'exportation depuis cette dernière de fourrure de chat et de chien et de produits en contenant.
* 30 Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
* 31 Règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE.
* 32 Règlement (UE) 2023/334 de la Commission du 2 février 2023 modifiant les annexes II et V du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de clothianidine et de thiaméthoxame présents dans ou sur certains produits.
* 33 Règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union et à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n °995/2010.
* 34 Avis 2/15 de la CJUE du 16 mai 2017 concernant l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la République de Singapour.
* 35 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat, entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 356 final.
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat, entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 357 final.
* 36 Par ailleurs, aucune mesure de sauvegarde ne peut être appliquée de nouveau à l'importation d'un produit ayant déjà fait l'objet d'une telle mesure, à moins qu'une période égale à la moitié de la durée totale de la précédente mesure de sauvegarde se soit écoulée.
* 37 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale prévue par l'accord de partenariat UE-Mercosur et l'accord intérimaire UE-Mercosur sur le commerce pour les produits agricoles, COM(2025) 639 final.
* 38 Règlement (UE) 2019/287 du Parlement européen et du Conseil du 13 février 2019 portant mise en oeuvre des clauses de sauvegarde bilatérales et autres mécanismes permettant le retrait temporaire des préférences dans certains accords commerciaux conclus entre l'Union européenne et des pays tiers.
* 39 Article 6 de la 40 proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale prévue par l'accord de partenariat UE-Mercosur et l'accord intérimaire UE-Mercosur sur le commerce pour les produits agricoles, COM(2025) 639 final.
* 41 Le Président de la République a affirmé le 7 novembre dernier que « si ces clauses, qui n'existaient pas dans l'accord, sont bien mises en oeuvre, à ce moment-là nous considérerons que cet accord peut être acceptable ».
* 42 https://avec-poultry.eu/news/explaining-why-the-safeguard-clause-in-the-mercosur-agreement-fails-to-protect-the-eu-poultry-meat-sector/
* 43 Communiqué de presse du Comité européen des fabricants de sucre et de la Confédération internationale des betteraviers européens, 8 octobre.
* 44 Communiqué de presse du Comité européen des fabricants de sucre et de la Confédération internationale des betteraviers européens, 8 octobre.
* 45 Sénat, Compte-rendu intégral des débats, Séance du 12 novembre 2025.
* 46 Conclusions du Conseil du 22 mai 2018 sur la négociation et la conclusion d'accords commerciaux de l'UE.
* 47 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun duSud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 356 final.
* 48 CJCE, n° C-9/56, Arrêt de la Cour, Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, SpA contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 13 juin 1958.
* 49 Communication publiée par le Ministère des affaires étrangères de l'Uruguay, le 6 décembre 2024, citée par l'Institut Veblen.
* 50 Communautés européennes - Mesures affectant l'approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques, Rapport du Groupe spécial, WT/DS293/R, 29 septembre 2006.
* 51 Selon les données communiquées par Chambres d'agriculture France, sur un an, en soldes cumulés août 2024-août 2025, le solde excédentaire agroalimentaire français a diminué de 85 %.