V. SÉANCE DU MARDI 20 JANVIER 1998
A. AUDITION DE M. BERNARD GEYMOND, DIRECTEUR DES RESSOURCES HUMAINES, DIRECTEUR DES RELATIONS ADMINISTRATIVES DU GROUPE VALEO
M. Alain GOURNAC, président - Nous avons avec nous cet
après-midi M. Bernard Geymond, directeur des ressources humaines et
directeur des relations administratives du Groupe Valeo.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Bernard
Geymond.
M. Alain GOURNAC, président - Monsieur Bernard Geymond, je vous propose
de vous donner la parole pendant dix minutes pour nous expliquer votre
positionnement et celui de votre Groupe concernant les 35 heures.
J'insiste pour vous dire qu'en aucun cas vous ne vous trouvez aujourd'hui
devant la commission des affaires sociales qui travaillera dans trois
semaines/un mois sur ce texte de loi et qui étudiera les articles 1, 2
et 3.
Nous voulons davantage connaître votre réaction et celle de votre
Groupe sur la décision du Gouvernement en conseil des ministres, dont la
preuve formelle est que des lignes de crédit visent les 35 heures dans
le budget de cette année.
Quand vous aurez pu vous exprimer librement, notre rapporteur vous posera
quelques questions et, ensuite, nos collègues vous poseront des
questions.
M. Bernard GEYMOND - J'essaierai, en une dizaine de minutes, de
présenter l'entreprise en tant que de besoin, à savoir sur le
sujet qui nous occupe aujourd'hui, et le secteur industriel dans lequel on
intervient.
Valeo, groupe industriel de droit français, la société
mère est une société française, est
entièrement focalisé sur l'équipement automobile et poids
lourds. C'est un Groupe indépendant des constructeurs au plan
capitalistique. Sur le plan commercial, nous sommes totalement
dépendants des constructeurs automobiles.
Cette indépendance nous distingue de Groupes comme Delphi, qui est
adossé à Général Motors, de Magneti Marelli
adossé à Fiat, de Denso adossé à Toyota, etc.
C'est incontestablement une force pour nous ouvrir les portes de tous les
constructeurs automobiles mondiaux. Nous pouvons aussi ajouter
qu'historiquement Valeo a été le pôle
fédérateur de l'équipement automobile en France puisque,
dans les années 1970 à 1980, il s'est constitué autour de
ce qu'était à l'époque la société anonyme
française Ferodo, société mère. Nous avons
changé de nom en 1980, mais Ferodo est la " mère "
juridique du Groupe Valeo aujourd'hui.
Nous avons, durant cette période, pris le contrôle successivement
de Sofica dans le domaine du thermique, de Sev Marcal, de Cibié, de
Paris-Rhône, de Ducelier, de Chausson Thermique, de Neiman, plus
récemment -l'année dernière- une partie française
d'Ymes (verrous Vachette pour les serrures automobiles).
Cela explique que l'on ait un outil industriel, notamment en France,
très surdimensionné malgré les rationalisations
industrielles que nous avons opérées. Cette constitution par
prise de contrôles successifs nous conduit aujourd'hui à avoir
encore un outil industriel français surdimensionné alors -on le
verra- que la compétition s'organise au niveau au moins continental,
sinon mondial.
Les chiffres clés de Valeo :
En 1997 -nous avons été une des premières
françaises à publier-, le chiffre d'affaires frôle les 34
milliards de francs -33,970 milliards de francs-, à savoir
+ 17 % par rapport à 1996.
Si je répartis cette croissance entre la France et le hors France, en
France, la croissance a été de 9,2 % et, hors France, de 21,5 %,
donc un pas de croissance très différent selon que l'on regarde
les activités françaises ou pas.
L'effectif au 31 décembre s'élève à 35.500
personnes qui se répartissent en France à un peu plus de 17.060,
et hors France à 18.440.
En France, nous avons accru les effectifs en 1997 par rapport à 1996 de
1.360 personnes -nous continuons à augmenter l'emploi en France-
et, hors France, les effectifs se sont accrus de 2.950 personnes.
Nous sommes une organisation très décentralisée.
Nous avons dix branches d'activité, neuf branches industrielles et une
branche qui intervient sur le marché du remplacement des circuits
indépendants.
Nous avons une centaine de divisions. C'est vraiment le coeur de l'organisation
de Valeo, le premier niveau de centre de profit. C'est une petite entreprise
qui a toutes les fonctions et tous les moyens pour fonctionner.
Nous sommes implantés industriellement dans 19 pays ; 128 sites
à fin décembre 1997, dont 42 en France, mais ceux-ci -si on prend
une logique purement géographique- sont sur une trentaine de
localisations différentes.
Pour donner un exemple concret, nous avons à Amiens trois unités
opérationnelles : une division embrayage voitures de tourisme et
une division embrayage poids lourds et fonderie, mais tout cela sur la
même emprise foncière et industrielle, ce qui constitue aux yeux
de l'administration et de l'environnement socio-économique un seul
établissement.
La stratégie de l'entreprise est de renforcer et de maîtriser la
croissance, à savoir une croissance rentable et non pas une fuite en
avant. Nous sommes dans une industrie de volume, de grande série, et
nous verrons que nous y sommes très sensibles.
Renforcer et maîtriser la croissance par la qualité totale, par la
technologie avancée, par des coûts compétitifs, par la
présence mondiale et les moyens de cette stratégie et nous avons
aussi un système manégérial sur lequel je ne m'attarderai
pas. Ce sont des ressources mises en oeuvre : le développement humain.
On fonde énormément la compétition de l'entreprise sur la
qualité du potentiel humain.
Nous avons un accroissement des qualifications. En dix ans, nous sommes
passés d'un taux d'ingénieurs diplômés
bac + 4, qui représentaient il y a une dizaine d'années
5 % de l'effectif total, à 16 % aujourd'hui. Il y a
également une énorme intensification des techniciens
supérieurs, les bacs + 2, si je raisonne en logique
française, et nous n'avons, sur les agents de production, pratiquement
plus d'ouvriers spécialisés, mais des agents qualifiés ou
hautement qualifiés.
Les dépenses de formation représentent plus de 5 % de la
masse salariale. Nous avons au service de cette stratégie
" renforcer et maîtriser la croissance " réalisé
des investissements industriels très importants. Au niveau du Groupe,
c'est près de 3 milliards de francs -8,6 % du chiffre
d'affaires-, et une très forte intensité en recherche et
développement puisque nous dépensons plus de 2 milliards de
francs, 6 % du chiffre d'affaires.
Les ratios que je viens de citer, en formation, en investissements et en
R & D nous situent parmi les tous premiers du secteur de
l'équipement automobile. Certains -c'est de moins en moins vrai-
faisaient le reproche à Valeo d'être peut-être une
entreprise " court-termiste ". Si nous cherchions les
résultats court terme à tout crin, nous pourrions peut-être
diminuer d'un ou deux points les ratios dont je vous ai parlé, cela ne
se verrait pas immédiatement, mais cela pénaliserait très
lourdement la préparation de l'avenir.
Toujours dans cette sorte d'entonnoir, que représente la France dans
l'ensemble du Groupe ?
Je vais essayer de vous donner quelques chiffres qui vont situer sur chacun des
items ce qu'est la France en pourcentage du total.
· Le chiffre d'affaires vendu en France représente 29 % du
chiffre d'affaires total.
· Le chiffre d'affaires produit en France représente 46 % du
total.
· Les investissements industriels en France, supérieurs à
1,3 milliard de francs, représentent 45 % des investissements
totaux du Groupe.
· Les dépenses de R & D, supérieures à
1,2 milliard de francs, représentent 60 % des dépenses
de R & D total du Groupe.
· Les achats extérieurs à 10,5 milliards de francs en
France représentent 44 % de la totalité des achats
extérieurs du Groupe.
· Les effectifs, les 17.060 personnes, représentent 48 % des
effectifs du Groupe.
· Les dépenses de personnel à 4,385 milliards de francs
représentent 54 % des dépenses de personnel du Groupe.
Si je mets ces pourcentages en exergue, c'est pour bien montrer que la France
est sur-représentée sur un plan industriel, emploi, R & D et
investissements par rapport à ce qui est vendu en France. C'est le
produit d'une volonté acharnée que nous avons de moderniser notre
outil industriel et d'engager toutes les dépenses et les
démarches de rationalisation et de modernisation.
Je vous avoue que l'on est parfois un peu démunis par l'absence de
compréhension, de soutien ou d'accompagnement de ce qui ne nous
appartient pas directement. Il n'y a pas toujours de la part de l'environnement
juridico-socio-économique français un accompagnement à la
hauteur des efforts que nous-mêmes engageons pour maintenir et moderniser
l'outil industriel en France, gage de l'activité et donc des emplois en
France.
Bien que je ne sois pas de ceux qui considèrent que la
compétitivité se mesure seulement à comparaison de salaire
horaire France et hors France, je vais vous donner quelques chiffres sur le
sujet, car cela éclairera notre débat.
Si je prends le salaire horaire chargé d'un agent de production moyen au
30 juin 1997 -c'est une enquête que nous faisons au 30 juin de
chaque année-, il représente en France 111 F, et si le
l'affecte de l'indice 100, des pays sont plus chers, la Suède -132-,
l'Allemagne -130-, l'Italie est au même niveau que nous à 103.
Après, nous avons une longue liste de pays sur lesquels l'indice sera
inférieur à 100 : les USA à 95, l'Espagne à
76, le Royaume-Uni à 66 après le renchérissement de la
livre -l'année précédente c'était dans des
proportions plus défavorables pour la France-, le Brésil à
36, la Turquie à 21, la République tchèque à 15, la
Pologne à 14, le Mexique à 13 et la Chine à 4.
Les horaires en France : le travail effectif en France se situe dans une
fourchette de 38,5 heures maximum et de 34 heures minimum, en négligeant
les équipes de fin de semaine car nous avons une centaine de personnes
pour qui l'horaire moyen est de 23 heures.
· La moyenne pondérée sur l'effectif total est de 37
heures et la moyenne sur l'effectif de production est de 36 heures.
On peut noter qu'à travers les chiffres que je vous donne, l'entreprise
n'est pas restée de manière cristallisée et figée
sur l'obligation légale à 40 heures, puis 39 heures.
Nous avons, au fil des années, dans des négociations avec les
partenaires sociaux, été amenés à échanger
parfois des souplesses, de la flexibilité, contre de la réduction
du temps de travail.
Cela s'est passé sur une quinzaine d'années d'une part et,
d'autre part, dans un cadre réglementaire et législatif
très souple, puisque la seule obligation est une obligation de moyens de
négocier chaque année sur l'aménagement et la durée
du temps de travail, sans obligation de résultat, en laissant aux
partenaires sociaux, sans encadrement contraignant, la possibilité de
trouver les bonnes solutions sur ce point.
Quelle est la problématique des 35 heures chez Valeo ?
Je dirai quelques mots des caractéristiques du secteur.
Le secteur de l'industrie automobile au sens large, aussi bien les
constructeurs automobiles que les équipementiers, se
caractérise par une surcapacité installée importante.
L'outil industriel pourrait produire, sans 1 F d'investissement de plus,
22 millions de véhicules supplémentaires par an.
Vous le constatez tous les jours, la bataille est d'une âpreté
sans égale entre constructeurs pour défendre et gagner des parts
de marché, et celle-ci passe essentiellement aujourd'hui par les prix.
L'autre caractéristique du secteur est la suivante : nous sommes
dans une logique plus avancée et plus accentuée que d'autres
secteurs, une logique de mondialisation. Tout le monde s'installe chez tout le
monde. Ce n'est pas tout à fait le sujet, mais il faudrait parler des
avantages du nouvel arrivant. Si l'on compare la façon dont est
accueilli un nouvel arrivant par rapport à l'environnement
juridico-socio-administratif-économique qui accueille les
rationalisations -cette idée qui nous est chère de Greenfield sur
place (essayer de moderniser et de rationaliser un outil industriel quand vous
êtes déjà dans la zone géographique
concernée)-, il est vrai que cette différence existe dans
beaucoup de pays. Ce n'est pas seulement un phénomène
français mais, pour avoir des comparaisons, c'est en France que la
différence entre l'accueil du nouvel arrivant et les contraintes, les
difficultés et les obstacles donnés à celui qui est
installé pour rationaliser son outil industriel sont les plus grands.
Cette mondialisation prend aussi la forme de plates-formes mondiales.
Aujourd'hui, les constructeurs étudient une plate-forme et la font
réaliser continent par continent en Europe, en Amérique du Nord
et du Sud, voire en Asie. On est dans une logique de mondialisation. La
troisième concrétisation de celle-ci c'est l'approvisionnement
mondial, ce que dans le jargon de l'industrie automobile on appelle le global
sourcing qui fait qu'aujourd'hui un constructeur automobile a l'ensemble des
fournisseurs du monde entier comme possibles, et pas seulement ses fournisseurs
nationaux.
Tout cela met une pression importante sur des entreprises comme Valeo qui sont
des équipementiers automobiles, pression qui se concrétise par
toujours plus d'exigences sur les performances industrielles, plus de
fiabilité, de qualité, d'innovation, de service et des prix
toujours plus bas.
Il y a deux façons de réviser les prix dans la construction
automobile : pour les modèles en cours, la réduction
demandée chaque année se situe entre moins 5 et moins 8 %
pour les modèles lancés et, quand vous êtes dans une
logique de renouvellement, que vous voulez vous succéder à
vous-même -fournir l'embrayage du nouveau véhicule ou le
projecteur-, vous avez 25, 30, voire 40 % de moins de prix par rapport au
véhicule que vous remplacez.
Il faut voir que vous avez deux ans -car, aujourd'hui, le temps de
développement d'un véhicule, selon les produits, se situe entre
deux ou trois ans- pour écraser les coûts de 30/35 %. On a
une productivité pré-vendue, car si l'on était
amené à livrer aujourd'hui au prix où l'on prend les
affaires, c'est immédiatement la ruine de l'entreprise. Le temps de
développement compris entre deux et trois ans pour des modifications
nécessaires sur le plan du dessin, de l'organisation industrielle, des
installations, afin d'aboutir à cet écrasement des coûts de
l'ordre de 30 %.
Si, à côté de cela, l'environnement
juridico-socio-économique, loin d'accompagner ce
phénomène, vient apporter des lourdeurs, cela pénalisera
l'entreprise et la localisation de ses emplois. Là, je crois que l'on
entre dans le coeur du débat.
On n'a pas de vision d'école sur le sujet ; ce je vous dis
aujourd'hui est vraiment tiré de la constatation du métier, du
travail, de notre relation en profondeur avec les constructeurs, et l'on n'est
pas là sur des querelles de chapelles.
Pour nous, la croissance est le seul véritable moteur du maintien et du
développement de l'emploi. Tout ce qui détériore la
compétitivité par l'alourdissement des coûts et
l'accroissement des rigidités vient obérer la croissance et
menacer l'emploi.
Nous croyons, malheureusement, en l'état actuel du projet qui n'est pas
encore opérant car il a à passer devant le Parlement, qu'il y a
des risques sérieux d'une dégradation structurelle de la
compétitivité et d'une crispation sur les deux ans qui viennent
du dialogue social.
Comment Valeo va-t-il essayer de jouer cette législation ?
Il conviendra tout d'abord de connaître le droit positif,
d'étudier son impact avant de commencer les négociations
opérationnelles. Il faudra respecter la loi, mais aussi répondre
aux attentes des clients et, en définitive, c'est le client, le
constructeur automobile qui choisit l'établissement auquel il confie ses
commandes. Il peut choisir d'être servi à partir de tel
établissement pour des raisons de proximité, d'homologation, de
logique de balance devises et, indirectement, pour des logiques de coût.
Aujourd'hui, les constructeurs raisonnent en termes de prix mondial, et
ça leur est, toutes choses égales par ailleurs,
complètement indifférent que vous les livriez à partir de
la France, de la Turquie, de l'Espagne ou de la Grande-Bretagne.
Il faut comprendre qu'à 90 % une activité existe par la
compétitivité, mais à 90 % la localisation de celle-ci est
faite par le client lui-même.
M. Alain GOURNAC, président - Je vous remercie de cette approche.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Je remercie M. Bernard Geymond de son
témoignage en sa qualité de responsable des Relations humaines
chez Valeo.
Il a bien souligné l'importance du Groupe Valeo sur le territoire
national, en termes de valeur ajoutée, de chiffre d'affaires et
d'effectifs. Monsieur Geymond, avez-vous appliqué la loi de Robien dans
tel ou tel des établissements de votre Groupe ?
M. Bernard GEYMOND - Nous avons un établissement en
" de Robien " défensif à Athis-de-L'Orne, petit
établissement situé près de Flers qui a, compte tenu de
ses perspectives de commandes futures, traversé une période de
basses eaux sur le plan de l'activité. Il nous a paru tout à fait
intéressant d'essayer de maintenir l'expertise et le potentiel humain
dans l'entreprise et, pour se faire, nous avons utilisé du " de
Robien " défensif.
Nous cherchons -vous l'avez compris- dans toute la mesure du possible à
maintenir et à développer l'emploi, et nous avons réussi
sur l'année et sur le long terme en France.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Vous nous avez indiqué que vous
étiez en symbiose avec les constructeurs et que lorsque vous lancez une
production vous devez programmer les gains de compétitivité pour
atteindre les objectifs extrêmement contraignants en termes de prix.
Des contrats sont en cours d'exécution. Avez-vous pu mesurer ce que
serait l'impact de la réduction de la durée légale de
travail par semaine sur vos prix de revient, et est-ce de nature à
affecter le bon déroulement de ces contrats à moyen terme ?
M. Bernard GEYMOND - On comprend que le dispositif est en gestation, mais l'on
pense qu'un certain nombre de choses seront renvoyées au rapport de
forces dans l'entreprise. Par rapport à la productivité que l'on
a prévendue par la baisse de prix, rentrer dans une réduction du
temps de travail va nous confronter au moins à une triple demande :
compensation en matière salariale de la réduction du temps de
travail, maintien d'une politique salariale, non pas de gel, mais de
progression du pouvoir d'achat, dont la simple compensation ne suffira pas. On
a vu qu'à l'occasion des premières discussions informelles,
à tort ou à raison -c'est une réalité tout au moins
dans notre entreprise-, le personnel en place a beaucoup de mal à se
placer dans une logique d'" échanges " actifs/chômeurs.
Le personnel est demandeur, non seulement du maintien de son niveau de
rémunération, mais de la progression de son pouvoir d'achat, et
on peut dire qu'il serait plutôt prêt à augmenter son
pouvoir d'achat et son revenu par plus de travail qu'à le diminuer ou
à le geler par une réduction du temps de travail.
Compensation du temps de travail et amélioration du pouvoir d'achat et,
si l'on est dans une logique d'une réduction du temps de travail pour
l'emploi, il faut passer aux embauches correspondantes à due proportion
ou avec un coefficient de réfaction, et l'on ne peut pas d'une part,
donner de la productivité et écraser les coûts de 15 % par
an, à travers la baisse de prix et, d'autre part, financer la triple
demande que je viens d'évoquer.
C'est ce à quoi je faisais allusion quand j'évoquais la
crispation du climat social qui s'instaurera dans les entreprises dans les deux
ans qui viennent. On est avec des salariés dont les attentes
sociologiquement -on peut le déplorer- ne rencontrent pas tout à
fait ce qui peut être la motivation de ce dispositif.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Si la loi vient à être votée
et qu'elle ramène à 35 heures la durée légale
hebdomadaire du travail, peut-on imaginer que la contrepartie de cette
réduction soit une annualisation de la durée du temps de travail
et, si tel est le cas, estimez-vous que cette disposition doit relever de la
convention ou d'une disposition inscrite dans la loi ?
M. Bernard GEYMOND - Il est certain, puisque j'ai situé le débat
sur le terrain de la compétitivité, que tout ce qui tourne autour
d'une réduction du temps de travail améliorant la
compétitivité par la flexibilité ira dans le bon sens. Il
ne faut quand même pas croire qu'aujourd'hui on soit démuni. On a
un dispositif qui pourrait fonctionner remarquablement : les modulations
et, à la suite d'un accord interprofessionnel signé dans la
métallurgie en 1996, l'annualisation du temps de travail avec des jours
de congé en échange, mais enfermée dans certaines limites,
car elle n'est pas là pour dire que c'est horaire 0 ou 60 heures
par semaine.
Le nouveau projet accompagnera une réduction de 39 à 35 heures,
avec tous les effets induits, ce qui viendra alourdir la
compétitivité des entreprises par rapport à la recherche
d'un fonctionnement flexible dans le cadre du dispositif existant.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Si la durée du temps de travail est ainsi
abaissée par la loi, de votre point de vue, dans un Groupe comme le
vôtre qui emploie 17.000 personnes en France, est-ce une loi de
nature à créer de l'emploi ?
M. Bernard GEYMOND - Non, je crois vous avoir dit que notre analyse
aujourd'hui, dans la connaissance du dispositif, va plutôt dans l'autre
sens. On ne voit pas comment elle n'obérera pas de fait -pas
forcément la loi mais le côté pernicieux de celle-ci-, par
ses effets induits sur la toile de fond qu'elle tisse sur les
négociations à engager, la compétitivité et, pour
nous, toucher à la compétitivité n'est certainement pas
servir l'emploi en France, mais plutôt le desservir.
M. Alain GOURNAC, président - Merci d'avoir répondu à
notre rapporteur. Je vais passer la parole à nos collègues.
M. Louis SOUVET - Consultez-vous les Japonais et vous consultent-ils sur des
projets équipementiers ? Avez-vous parfois des consultations ?
Comment expliquez-vous que les prix de vente des Japonais puissent être
inférieurs aux vôtres ?
Imaginons que la loi soit votée sans diminution des revenus, quelle est
la réaction de l'entreprise ? On continue ? Si oui,
travaille-t-on à perte ou, si non, a-t-on encore suffisamment de
possibilités de gains de productivité pour pallier cette
difficulté ?
Deuxième réaction : on délocalise, on emmène
l'entreprise ailleurs et on va travailler dans des pays étrangers. Il
n'en manque pas : la Pologne, la Turquie, la Chine, les pays de l'Est.
On fait construire ailleurs, on est un bureau d'études et l'on travaille
avec les fabricants français. Quelle pourrait être la
réaction prévisible de Valeo ?
M. André JOURDAIN - Quel est le pourcentage de masse salariale dans les
produits finis et le coût de la main-d'oeuvre par rapport à la
production ?
Par rapport à ce que vous avez dit, bien souvent, quand on défend
devant nous ce projet de loi, on nous dit que les entreprises, pour ne pas
perdre en compétitivité, devront revoir leur organisation de
travail. Or, d'après ce que vous nous avez indiqué, cette
organisation de travail est prévue deux ans à l'avance pour
être compétitif, compte tenu des prix que vos clients vont vous
imposer ; autrement dit, y a-t-il encore une réorganisation
possible de votre production qui serait la conséquence de cette loi des
35 heures ? Pensez-vous possible de faire encore mieux au niveau de
l'organisation du travail ?
M. Denis BADRE - Vous nous avez dit qu'il vous semblait que, dans votre
entreprise, les agents préféraient une augmentation de la
durée du travail pour avoir une rémunération
améliorée.
Dans les visites que nous avons faites récemment, nous avons
constaté que les avis étaient partagés. Certains sont-ils
prêts à accepter une pause, voire un tassement de leur
rémunération pour partager l'emploi ? On s'est aperçu
que les réactions, selon qu'il s'agissait de la Direction
générale, des syndicats, de la direction des ressources humaines
ou des salariés eux-mêmes, étaient différentes. Sur
quoi vous fondez-vous pour dire ce que vous venez d'affirmer ? De qui
émane l'avis dans l'entreprise et comment peut-on aller plus loin pour
approfondir ce point ?
Vous avez utilisé comme référence la durée
hebdomadaire, comme le fait le projet de loi qui a été retenu par
le Gouvernement. Cette référence vous paraît-elle devoir,
dans la durée, rester la seule possible ou vous paraît-elle
obsolète ?
M. Alain GOURNAC, président - Vous nous avez dit, dans votre propos, que
la réduction du travail n'était pas une première
priorité. Cela a-t-il été mesuré dans le Groupe
Valeo ? Avez-vous, dans les revendications des employés de votre
Groupe, un pourcentage important favorable à une augmentation de salaire
et, en quelle place, si vous l'avez mesurée, les employés du
Groupe Valeo ont mis la réduction du temps de travail ?
Vous nous avez dit qu'il y avait un risque pour le climat social dans les
négociations. Pourriez-vous nous en dire plus concernant votre
Groupe ? Que redoutez-vous si l'on vous impose les 35 heures ?
J'aimerais que vous puissiez dire ce que vous pensez du temps hebdomadaire.
Faut-il parler beaucoup plus du temps choisi aujourd'hui ? Quelle est la
position d'un grand Groupe comme le vôtre ?
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Y a-t-il dans votre Groupe des heures
supplémentaires ?
M. Michel BECOT - Le plan de recherche et développement est-il sur la
France uniquement, car c'est un effort important ; l'effort de formation
de 5 % se fait-il sur l'ensemble du Groupe, et comment est envisagée la
formation dans le cadre des 35 heures ?
M. Bernard GEYMOND - Oui, nous démarchons les Japonais et nous sommes
consultés. Il existe deux réalités assez
différentes : les Japonais hors Japon et les Japonais au Japon. Il
est plus facile d'espérer être, quand on n'est pas Japonais, un
fournisseur d'un constructeur japonais en dehors de son territoire national,
plutôt qu'au Japon, et nous avons des contrats avec Toyota et Nissan en
Grande-Bretagne et en Espagne, ainsi que des contrats avec ces constructeurs
dans leur implantation nord-américaine. Nous sommes parmi le tout petit
nombre d'équipementiers non japonais qui a livré des usines
situées au Japon, sur les projecteurs en particulier, mais dans des
proportions qui n'ont rien à voir.
Ce sont des clients très exigeants, mais nous aimons beaucoup les
clients exigeants car c'est avec eux que nous progressons.
Concernant les prix de vente d'équipements inférieurs aux
Japonais, il y a tout d'abord aujourd'hui dans l'industrie automobile,
constructeurs ou équipementiers, le modèle, le benchmark -pour
employer un terme à la mode- en efficacité industrielle :
l'industrie automobile japonaise, aussi bien dans l'organisation industrielle,
dans l'organisation des flux, dans tous les systèmes modernes de
production, le développement et l'ingénierie simultanés...
M. Louis SOUVET - ... Dans leur législation...
M. Bernard GEYMOND - ...Après leur efficacité propre en tant
qu'entreprise, il y a l'environnement économique dans lequel ils se
meuvent.
Avec beaucoup de modestie, nous pensons que nous nous rapprochons des meilleurs
standards mondiaux en matière d'efficacité industrielle. En
revanche, nous n'avons pas l'impression d'être accompagnés par
l'environnement juridico-socio-économique qui est une autre partie
très importante dans la compétitivité de l'entreprise.
La loi est votée : va-t-on travailler à perte ? Si on
le faisait, cela ne durerait pas longtemps. Je ne pense pas que vous vous
attendiez à ce que je vous réponde que l'on va travailler
à perte.
Allez-vous délocaliser ? A 90 %, la localisation d'une commande
émane beaucoup plus du client constructeur que de
l'équipementier, soit par le choix direct que fait le constructeur pour
des raisons que j'ai évoquées, soit parce qu'en termes de prix
mondial, à un moment on estime que l'on ne peut pas prendre le risque de
répondre à ce prix à partir d'une implantation en France.
M. Louis SOUVET - Vous travaillez pour des constructeurs français.
M. Bernard GEYMOND - Aujourd'hui, ils nous font sentir très fort, quand
ils ne nous le disent pas -il y a encore historiquement une
préférence nationale, peut-être moins forte en France qu'en
Allemagne ou au Japon- que la préférence nationale ne s'exerce
plus contre vents et marées. Les constructeurs aussi ont à lutter
contre leur propre compétition et les autres compétiteurs.
Regardez ce qui se passe dans la rationalisation et les réorganisations
de PSA.
Même les constructeurs français aujourd'hui ne sont pas sur une
préférence nationale, et quand ils recherchent
l'écrasement des prix et des coûts qui va les mettre en bonne
position vis-à-vis de la compétition, ce qui nécessite que
leur équipementier soit localisé ailleurs qu'en France, ça
ne les gêne pas de nous dire :
" Livrez-moi à partir
d'Espagne ou de Grande-Bretagne
".
M. Louis SOUVET - Vous livrez en fonction des prix de revient.
M. Bernard GEYMOND - Le rapport de force -vous l'avez connu de l'autre
côté entre un constructeur et un équipementier- est tout
à la faveur du constructeur. Il y a des choses qui sont pensées
fortement ou dites à demi-mot mais qu'un équipementier doit
comprendre. Quand quelqu'un vous parle de sa balance devise en lires ou en
sterling, vous voyez ce que cela signifie.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Toute proportion gardée, les constructeurs
deviennent les centrales d'achat de la distribution de consommation courante.
Quand vous dites que vous devez accompagner les constructeurs, dans ce que vous
percevez des migrations et des délocalisations, quelque chose
tendrait-il à s'accélérer pour aller chercher les facteurs
de production là où ils sont les plus avantageux par rapport au
marché ?
M. Bernard GEYMOND - Il y a en France ou en Allemagne des constructeurs qui
produisent en Espagne pour des produits vendus en France ou en Allemagne. Il
existe des modèles. Dans cette recherche de volume et de massification,
des usines progressivement sont dédiées à des
modèles ou des plates-formes. C'est l'évolution que PSA veut
produire après que d'autres constructeurs les introduisent mais, en
général, quand on est dans des migrations continentales, ce
serait mentir de dire aujourd'hui que les constructeurs s'implantent en
Amérique du Sud pour servir l'Europe à partir de
L'Amérique. Ils considèrent que c'est un pays émergent qui
a un marché intéressant sur lequel tout le monde se
précipite.
Pour l'Asie, c'était pareil. Cela va-t-il se calmer ? On est
plutôt dans une logique préventive de vouloir se placer sur le
marché émergent que dans une logique de délocalisation
pour servir à partir de L'Amérique du Sud ou de l'Asie le
marché européen.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - C'est à l'intérieur de la
région européenne.
M. Bernard GEYMOND - Les véritables échanges de
délocalisation ont une logique continentale. Les logiques
intercontinentales sont plus sur des logiques marchés de pays
émergents que sur la logique "
Je vais servir ma 106
française à partir d'une usine en Chine
". Ce n'est pas
la réalité.
Que représentent les dépenses de personnel en proportion du
chiffre d'affaires ? Au niveau consolidé, les frais de personnel
représentent 24 % du chiffre d'affaires, et je vous ai dit que les
frais de personnel en France représentaient 54 % de 4,385 milliards
de francs en chiffres ronds en 1997, donc 54 % de la masse salariale,
alors que l'on est à 48 % des effectifs. 48 % des effectifs est
beaucoup plus intense que le chiffre vendu en France, qui est de 29 %, et
également plus fort que le chiffre que l'on produit en France,
46 %, et plus intensif, 54 %, que les effectifs que nous avons en
France. Il y a donc un surcoût salaire chargé.
M. André JOURDAIN - Vous n'avez pas le ratio uniquement pour la France.
M. Bernard GEYMOND - Nous n'avons pas sorti les chiffres 1997 et notre
première logique est une logique de branche avant d'être une
logique pays.
Si vous regardez à travers les deux chiffres, les 24 % au niveau
consolidé, plus le surcroît d'intensité en France, car on a
54 % de la masse salariale, cela doit être de l'ordre de 27 %.
M. Jourdain parlait de l'organisation du travail et de réorganisation de
la productivité. Tout le sujet qui tourne autour des 35 heures est le
suivant : à côté de la productivité que nous
prévendons dans la baisse de prix, existe-t-il des gisements de
productivité qui pourraient absorber les surcoûts, qu'à
tort ou à raison je vois venir dans cette future législation sur
les 35 heures ?
Quand on écrase les coûts de 15 % par an, il faut
déjà faire des efforts colossaux dans tous les domaines et
particulièrement dans la réponse installation industrielle et le
dessin du produit. Dans l'organisation, on n'arrive pas toujours à
obtenir au moins 15 % de productivité, ce qui met en perspective ce que
je disais, à savoir que, quand on n'y arrive pas et que les
constructeurs disent : "
Si vous ne pouvez pas nous servir
à partir de France, ce n'est pas un problème...
", on
est dans des logiques de délocalisation sous peine de perdre le
marché. C'est Valeo France contre Valeo Turquie. Personne d'autre en
France ne prendra le marché au prix mondial auquel on n'est pas
préparé à pouvoir répondre.
Il y a trois façons de mourir pour un équipementier
aujourd'hui :
· Ne prendre aucun risque de vouloir monter dans aucun train sous
prétexte qu'il perd de l'argent au prix instantané auquel il
prend le futur marché dans deux ans. Dans cette logique, on gagne de
l'argent sur le dernier produit que l'on vend et l'on disparaît.
· L'autre façon de mourir est de monter dans tous les trains qui
conduisent nulle part, sauf dans le mur.
· Monter dans les bons trains et d'être incapable de faire cet
écrasement des coûts de 15 % par an demandé par le
pari que l'on a pris.
Quand on me demande si, au-dessus de tout cela, nous avons la
possibilité d'en rajouter, je réponds " non ".
15 %, c'est déjà extrêmement difficile. Si l'on nous
rajoute 4, 5 ou 7 %, on n'y arrivera pas, et ce n'est pas de la mauvaise
volonté.
J'ai évoqué dans mon intervention qu'à la limite le
personnel préférerait avoir plus de revenu, quitte à
travailler plus. Si on lui dit qu'il gagne autant ou plus en travaillant plus,
il est partant.
Comment le personnel réagit-il à la réduction du travail
hebdomadaire à 35 heures ? Cela n'a de sens que si on lui dit
dans quelle condition va se passer la compensation salariale et,
au-delà, le gel total ou partiel de la politique salariale.
Je vous mentirais en disant que l'on a des sondages extrêmement
précis et scientifiques. Je vous ai fait remonter des
éléments à la fois de gens qui me l'ont dit, du
réseau R.H. et de certains syndicats. Certains, dans un bureau, en
tête à tête, nous disent de manière
lucide : "
On comprend les difficultés, mais il faudrait
trouver des réponses intelligentes ".
Ils envoient des signaux
et sont prêts à regarder des réponses intelligentes de
compensation partielle, et d'autres jouent la politique de l'extrême,
à savoir 35 heures payées sur la durée actuelle et la
politique salariale habituelle en plus.
On sait très bien qu'un nombre important -la majorité du
personnel- n'est pas prêt à accepter une réduction des
revenus, même si elle n'est pas totalement proportionnelle à la
réduction du travail, car ils se situent plus dans une logique du
maintien et de développement du pouvoir d'achat. Ce que je vous ai dit
sur le sujet n'est fondé sur aucun sondage scientifiquement
organisé, mais la remontée d'un ressenti du réseau.
La référence hebdomadaire reste-t-elle possible ? Il est
certain que la référence hebdomadaire est complètement
dépassée aujourd'hui, surtout dans un secteur où l'on est
soumis à des aléas. On " adore " tous nos clients, mais
certains constructeurs ont confondu pendant longtemps, même s'ils
évoluent maintenant, juste à temps et n'importe quelle variation
de la demande.
Dans une logique qui concerne la livraison juste à temps, les Japonais,
qui sont des maîtres de l'efficacité, savent très bien
qu'il y a les vertus d'un lissage de la production, et que les zones
d'ajustement, par rapport à une tendance, pour conserver
l'efficacité d'une entreprise dans sa logistique d'approvisionnement,
nécessitent de rester dans des normes. On a vu des constructeurs qui,
avec une semaine de prévenance, faisaient varier en plus ou en moins de
40 % les commandes de la semaine précédente. Nous sommes
incapables d'y arriver.
Les heures supplémentaires : elles font partie dans ces cas-là
des ajustements possibles aux réponses débridées. Quand
vous avez d'une semaine sur l'autre 30 ou 40 % d'activité en plus,
il est évident que vous êtes obligé de mobiliser toute la
modulation, les heures supplémentaires et tout ce que vous pouvez
trouver pour répondre à la demande.
Recherche et développement : je vous ai dit que 60 % des
dépenses de recherche et développement sont localisées en
France. Des centres techniques pour chacune de nos branches dans la recherche
fondamentale sont localisés en France.
En revanche, tout ce qui est partie recherche application se situe dans les
divisions et donc dans les différentes zones géographiques
d'implantation de ces divisions. Pour tenir une place importante sur le
continent nord américain, il faut quasiment doubler nos centres de
recherche et développement. Nous avons à La Verrière un
superbe centre technique sur le thermique, et nous sommes en train de le
doubler, pour répondre au marché nord américain et aux
demandes de Général Motors, Ford et Chrysler, dans la
région de Detroit.
Quant à la formation, elle est peut-être plus intense en France
que dans le reste du Groupe.
Je vous avoue que l'on n'a pas réussi à normaliser sur l'ensemble
du Groupe la façon de compter la formation en France depuis l'accord de
1970 et la loi de 1971 sur la formation professionnelle. On est dans une
mécanique bien " huilée ", et on sait exactement ce qui
rentre.
Une partie du maintien de la rémunération pendant le temps de
formation vient sur les pourcentages que l'on évoque, ce que d'autres
pays ne conçoivent pas. La France est là aussi
représentée d'une manière plus intense car le pourcentage
sur la masse salariale doit se situer entre 5,5 % et 6 %, là ou le
Groupe consolidé est à 5 %.
Après, dans l'organisation du temps, pourrait-on trouver des
réponses intelligentes pour dire que tout ou partie du temps de
formation serait au-delà -ne parlons plus des 35 heures, mais c'est le
dispositif que l'on étudie- du temps hebdomadaire ou annualisé,
et pourrait-on espérer trouver une réglementation
" combinaison " entre ce qui émanerait de textes au niveau
national et ce qui renverrait à la négociation pour que la
formation soit imputée en tout ou en partie en dehors du temps de
travail ? Cela fait partie des réponses intelligentes.
M. Alain GOURNAC, président - Je vous remercie de votre propos.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Vous avez dit que les techniciens de haut niveau
sont de plus en plus nombreux. Par rapport aux cadres, quelle est votre
réflexion sur leur temps de travail et votre société
fait-elle l'objet de contrôles renforcés par les inspecteurs du
travail, car c'est un phénomène qui tend à se multiplier
selon certains témoignages ?
M. Bernard GEYMOND - C'est une toile de fond existante. Des contrôles
sont plus systématiques et sourcilleux. La difficulté pour le
temps de travail des cadres correspond à la grande souplesse qu'ils ont
pour organiser leur propre temps de travail.
On invoque des législations qui obligent à décompter. Je
prendrai l'exemple d'un centre très technique à vocation mondiale
localisé en France. Il a des relations avec une antenne technique au
Japon, au Brésil ou en Argentine. Vous avez une adaptation individuelle
à la mission qui est confiée et une absence de contrôle qui
est vécue par l'encadrement comme étant une preuve de confiance
de la part de la Direction, et quand, devant les démarches de
l'inspection du travail, vous êtes amené à remettre un
contrôle pointilleux et tatillon, la majorité des
ingénieurs et cadres considèrent que c'est anormal.
En outre, que des horaires parfois individuellement ou sous la pression soient
trop élevés, c'est sans doute une vérité, mais j'ai
envie de demander à certains et à certaines combien de temps ils
travaillent par semaine. Cela m'étonnerait qu'ils travaillent 35
heures !
M. Alain GOURNAC, président - Merci de votre avant-propos et d'avoir
répondu aux questions de monsieur le rapporteur et de mes
collègues.
B. AUDITION D'UNE DÉLÉGATION DE L'UNION DES FÉDÉRATIONS DE TRANSPORT (UFT) COMPOSÉE DE MM. PHILIPPE CHOUTET, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L'UFT, JEAN DE CHAUVERON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE DES LOUEURS ET TRANSPORTEURS INDUSTRIELS (CLTI), RÉGIS DE FOUCAULD, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE SYNDICALE DU DÉMÉNAGEMENT ET DENIS LESAGE, CONSEIL CENTRAL DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS DE VOYAGEURS (FNTV)
M. Alain GOURNAC, président - Nous allons
procéder à l'audition d'une délégation de l'Union
des Fédérations de transport.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à MM.
Philippe Choutet, Jean de Chauveron, Régis de Foucauld et Denis
Lesage.
M. Alain GOURNAC, président -
Je vous propose dix minutes pour
présenter votre positionnement.
Il ne s'agit pas de l'étude de la loi. Ici, vous êtes devant une
commission d'enquête qui se base uniquement sur une décision du
conseil des ministres sur la réduction du travail à 35 heures.
Nous retrouvons dans le budget de cette année des lignes
budgétaires pour accompagner cette décision de réduire la
durée hebdomadaire à 35 heures. On n'abordera donc pas
l'étude de la loi, articles 1, 2 et 3.
Monsieur le rapporteur vous posera des questions. Je vous demande
également de noter les questions de mes collègues et d'y
répondre.
M. Philippe CHOUTET - Je vous remercie de nous accueillir et de nous donner la
possibilité de nous exprimer sur le projet de réduction de la
durée hebdomadaire du travail à 35 heures.
Nous représentons l'Union des Fédérations de Transport,
association qui regroupe un certain nombre de Fédérations du
secteur d'activité du transport routier (voyageurs, marchandises,
déménagement, location, transports et industriels, les
activités d'ambulanciers, de transports de fonds et les organisateurs
commissionnaires de transports) qui regroupent 450.000 salariés dans des
entreprises de tailles diverses, essentiellement des entreprises de petites
dimensions, comme c'est le cas général de la structure des
entreprises de notre pays.
Concernant la question de l'évaluation des conséquences de la
réduction à 35 heures de la durée du travail par
semaine, nous souhaitons avoir une approche par rapport à la
réalité et aux spécificités de nos secteurs
d'activité.
Cette question nous paraît préoccupante, aussi bien concernant le
principe même de la réduction de la durée légale -le
passage de 39 à 35 heures-, et, le temps partiel, dispositif
envisagé, qui a des répercussions particulièrement
importantes en activité de transport scolaire.
Notre préoccupation sera présentée en deux temps : un
premier point lié plus particulièrement à l'environnement
dans lequel s'exerce le transport routier -marchandises ou voyageurs-, un
environnement européen, et un deuxième élément
ciblé davantage sur des points ou des dispositifs particuliers purement
internes, suite à un certain nombre d'accords que nous avons
passés avec nos partenaires sociaux dans les périodes les plus
récentes.
Sur un plan général, la réduction à 35 heures de la
durée légale dans nos secteurs d'activité nous pose un
problème majeur dans la mesure où nous nous inscrivons en termes
d'activités professionnelles dans un environnement communautaire
européen qui lui donne la possibilité en durée de conduite
seule d'exercer l'activité pendant 45 heures par semaine en permanence.
La réduction à 35 heures, pour les activités de
conducteurs, certes, des heures de conduite, mais également un certain
nombre d'autres heures d'activité (chargement, déchargement ou
temps d'attente), et la comparaison entre ce qui est autorisé dans le
dispositif européen en termes de temps de conduite -45 heures en
permanence par semaine-, et ce que donnerait la possibilité en interne
-35 heures toutes activités confondues-, entraînerait pour nos
entreprises une situation de concurrence difficilement supportable par rapport
aux autres entreprises des pays de l'Union européenne, et ce d'autant
plus qu'à compter du 1er juillet 1998, avec la libéralisation du
cabotage, les entreprises des autres pays de l'Union européenne
pourront venir exercer sur notre territoire des activités de transport
identiques à celles qui pourraient être exercées par nos
propres entreprises.
Sur ce point particulier, nous considérons que la répercussion
serait particulièrement pénalisante.
Un autre aspect est lié au premier point, le fait que cette situation
risque d'avoir une conséquence directe sur la
compétitivité de nos entreprises, mais également en termes
de marchés de nos entreprises, donc des risques de perte de
marchés, d'où une baisse d'activité et un risque de
répercussion sur la situation de l'emploi dans nos secteurs
d'activité qui, -je le disais- représentent un nombre de
salariés particulièrement important.
Le troisième point vient du fait que, dans les secteurs
d'activité du transport, les gains de productivité pour des
personnels de conduite sont difficiles à réaliser du fait que
l'on aura toujours besoin, pour tenir le volant d'un véhicule poids
lourd de transport de marchandises, transport de voyageurs ou
déménagement, d'un conducteur, et les dispositifs de mise en
place de plusieurs conducteurs pour un même véhicule ne sont pas
faciles à réaliser, surtout quand le véhicule est à
350, 400 ou 500 kilomètres de son point d'attache.
C'est le dispositif d'organisation de relais qui ne peut pas se faire dans
l'intégralité et dans la totalité de ces situations.
Nous avons mis en avant le risque de distorsions en termes de concurrence, et
nous demandons depuis longtemps une harmonisation des dispositifs sociaux
à Bruxelles. Un certain nombre de travaux sont en cours, notamment un
mémorandum français qui a été déposé
à Bruxelles et qui vise à une meilleure harmonisation de ces
règles. Ces travaux sont en cours et, pour l'instant, l'ensemble de
ces orientations ne sont pas arrivées à leur conclusion.
Deuxième partie : la conséquence de la réduction à
35 heures de la durée légale par rapport à des
dispositions nationales françaises.
Le processus de réduction des temps du travail ou de service dans nos
secteurs d'activité a été entamé il y a
déjà plusieurs années, puisque nous avons signé fin
novembre 1994 un accord important sur la réduction de ce que nous
appelons les temps de service. La notion de temps de service est
différente de la notion de temps de travail effectif du fait des
spécificités de nos secteurs d'activité, puisque nous
avons des temps de conduite, des temps de travail effectif autres et une
série de temps d'attente.
Cet accord nous a amenés à limiter la durée du temps de
service à compter d'octobre 1995 à 240 heures par mois,
lesquelles correspondaient à 55 heures en moyenne de temps de
service, et nous avons procédé à une seconde étape
de réduction à compter du 1er janvier 1997 pour la ramener
à 230 heures mensuelles, ce qui correspond aujourd'hui à 53
heures hebdomadaires, sachant que ces heures ne sont pas toutes des heures de
conduite. Nous avons un dispositif européen qui fixe des normes de temps
de conduite et qui est essentiellement un dispositif de sécurité.
Nous sommes, en termes de durée de conduite, dans le respect de ses
normes puisqu'il s'agit de règles de sécurité.
L'une de nos orientations est d'aller dans le sens de la réduction. Nous
n'y sommes pas opposés. Nous l'avons initiée prenant conscience
de certaines durées particulièrement excessives dans certaines
situations, mais il nous paraît difficile de passer de 53 à 35
heures prévues dans le projet. Il est évident que c'est une
étape particulièrement difficile à envisager ou un
différentiel difficile à absorber. Sur le plan du principe,
dès lors que l'on peut tenir compte de nos spécificités et
de certaines adaptations, il est évident qu'il n'y a pas d'opposition de
principe.
Nous attirons votre attention sur un second élément. Fin 1997
-comme vous l'avez su et subi-, il y a eu un conflit dans les transports
routiers, lequel conflit a abouti à la signature d'un protocole
début novembre 1997 avec la programmation d'une revalorisation de nos
rémunérations sur plusieurs années, puisque nous allons
jusqu'au mois de juillet de l'an 2000.
Cette programmation s'inscrit dans un dispositif de durée de travail ou
de service tel qu'il était au moment où nous avons signé
notre protocole. Il est certain que nous n'avons pas connaissance ou nous ne
pouvons pas connaître aujourd'hui les répercussions de la
réduction de la durée du travail en termes de niveau de
rémunération.
Un certain nombre d'informations sont données. On ne sait pas exactement
quelles seront les orientations finales, notamment par rapport aux niveaux de
rémunération les plus faibles, et l'on risque, par cette
réduction, d'avoir dans nos secteurs d'activité, puisque nous
avons programmé jusqu'à l'an 2000, un surcoût
supplémentaire par rapport à ce qui est envisagé.
Nous avons dans notre protocole du 7 novembre 1997 des revalorisations
programmées qui représentent dans certains cas plus de 20 % en
termes de niveau de rémunération sur les différentes
années en question.
Troisième point, qui n'est pas spécifique à nos secteurs :
le fait que le projet a deux étapes en fonction de la taille des
entreprises.
Un effet de seuil dans certains secteurs n'a pas de répercussions mais,
dans nos secteurs, cela peut en avoir une car, quelle que soit la taille des
entreprises, les métiers exercés sont les mêmes.
Que vous ayez une entreprise avec huit véhicules ou vingt-cinq
véhicules, si vous êtes sur un créneau d'activité,
vous exercerez dans ce créneau d'activité dans les mêmes
conditions. Nous aurons une distorsion en termes de fonctionnement de nos
entreprises du fait des différentes échéances.
Un autre point nous paraît important : si le dispositif de
réduction de la durée légale du travail ne permet pas aux
entreprises de fonctionner dans des conditions normales avec des personnels
salariés, il y a deux risques majeurs : le
développement de la sous-traitance au détriment de l'emploi
salarié et, compte tenu que nous sommes dans un secteur où il y a
sous-traitance, on en connaît certains effets.
Un deuxième risque est plus grave encore : du fait que nous sommes dans
des activités de service aux particuliers -et nous le sommes tous autour
de la table- il peut y avoir un développement du travail clandestin,
travail illégal ou dissimulé.
En conclusion, avant de céder la parole à M. Lesage qui apportera
des précisions complémentaires sur les spécificités
du projet par rapport au transport de voyageurs, il nous paraît
nécessaire de prévoir des dispositions particulières pour
certains secteurs d'activité qui, comme le transport routier
marchandises, voyageurs ou autres, disposent déjà de mesures
spécifiques et notamment au niveau supranational.
Deux exemples nous paraissent illustrer de façon correcte cette
orientation : en premier lieu, le transport a déjà
été écarté de la directive 93-104 de Bruxelles sur
l'aménagement du temps de travail, du fait que nous disposons par
ailleurs de tout un dispositif sur les durées de conduite et de repos
dans nos secteurs d'activité. C'est le règlement communautaire
3820-85, avec son complément en termes de dispositifs de contrôle
(règlement 3821/85).
En 1993, à Bruxelles, on a déjà considéré
que le secteur des transports avait un régime particulier et qu'en
conséquence la directive sur l'aménagement du temps de travail ne
pouvait pas s'appliquer à ce secteur d'activité qui connaissait
des dispositions particulières.
Un deuxième élément est interne : nous avons, en tant que
secteur d'activité des transports, pour le transport routier de
marchandises dans une de nos catégories d'activité, un dispositif
spécifique en matière d'allégement de charges lié
aux bas salaires, dispositif venant d'être modifié, tout en
étant pérennisé par la loi de finances.
Cette spécificité transport avait été reconnue
l'année dernière, et doit passer aujourd'hui devant le conseil
d'Etat le projet de décret qui pérennise pour nos secteurs, tout
en reconnaissant leurs particularités avec une norme spécifique
que sont les 230 heures de temps de service. Il nous paraît essentiel de
pouvoir conserver à nos secteurs toute leur spécificité,
et notamment au service de l'emploi.
M. Denis LESAGE - La Fédération du transport voyageurs
représente 2.300 entreprises, 52.000 salariés, dont 45.000
conducteurs et 15.000 conducteurs à temps partiel.
Les activités sont du transport public à 70 ou 80 %,
à savoir les lignes régulières, départementales et
régionales, le transport scolaire et le tourisme en activité
complémentaire.
Sur les 35 heures, je serai bref, les gains de productivité en
matière de transport de voyageurs sont très faibles, puisque
50 % du prix de revient sont constitués de main d'oeuvre, et tout
surcoût lié à une réduction du temps de travail
serait par ailleurs supporté par les collectivités locales
puisqu'elles sont autorités organisatrices des transports.
La réduction du temps de travail aurait deux incidentes : une
concurrence probablement faussée, franco française, en raison des
problèmes de seuil, notamment dans une profession très
atomisée, puisque près de 50 % des salariés sont dans
des P.M.E. de moins de 50 salariés.
Par ailleurs, elle risque de favoriser une concurrence sur le plan
international, puisque dans les départements frontaliers nous serons,
faute d'une harmonisation sociale européenne, confrontés à
une concurrence de nos partenaires étrangers, notamment en
matière de tourisme qui est déjà libéré
depuis 1997 et, en 1999, le cabotage et la libéralisation du transport
de ville à ville serait effectif et nous pourrions avoir une concurrence
faussée.
Concernant la partie de la loi sur les temps partiels, celle-ci prévoit
que les temps partiels ne pourraient désormais travailler que sur deux
vacations séparées par une coupure maximale de deux heures. Or,
bien évidemment, en matière de transport public, nous
travaillons avant et après les autres, puisque nous emmenons à
leur travail les salariés et les scolaires, et nous les ramenons le
soir. Nous travaillons en heures de pointe matin et soir et peu dans la
journée, encore que, dans un certain nombre de sites ruraux, nous ayons
des services de cantine scolaire ou des services parfois courts en zone
périurbaine qui engendrent une troisième vacation.
Il apparaît en première lecture que cette loi serait difficilement
applicable pour notre profession puisqu'entre 8 et 9 heures et 16 et 17 heures,
la coupure est de 8 ou 10 heures entre deux vacations. Nous pouvons
considérer que cette loi serait parfaitement inapplicable dans notre
profession, compte tenu que les horaires sont publics et contraints et ne sont
pas stockables.
Sur les solutions que nous pourrions trouver si, malgré tout, cette
disposition était maintenue, deux sont possibles :
rémunérer les temps d'inactivité qui
représenteraient des surcoûts de l'ordre de 25 à 30 % et
qui seraient forcément répercutés sur les
collectivités locales.
Par ailleurs, nous aurions la solution de parcelliser le temps de travail des
temps partiels en embauchant deux conducteurs, un le matin et un le soir, mais
là nous assisterions à une détérioration de la
situation sociale de nos salariés qui, pour ceux qui sont
déjà en temps subi et non choisi, ont des
rémunérations de temps partiel divisées par deux, et dont
le niveau atteindrait des niveaux inférieurs aux aides sociales.
Par ailleurs, les difficultés techniques apparaîtraient au niveau
de l'embauche de conducteurs dans un certain nombre de zones rurales.
Je précise que le transport public interurbain dépend de la loi
commune dont nous parlons, alors que la SNCF, la RATP et le transport urbain
dépendent de la loi de 1940 et sont exclus du champ d'application de
cette loi commune. Nous pourrions, en effet, penser qu'au même titre que
les trois catégories des services dont nous venons de parler, il serait
possible, pour les motifs que je viens d'exposer, d'exclure le transport public
interurbain, comme le transport urbain du champ d'application de cette loi
mais, en tout état de cause, notre problème le plus important est
celui de l'utilisation des temps partiels en deux vacations avec une coupure
minimum, mais la parcellisation à laquelle nous arriverions
entraînerait un développement certain du travail clandestin.
M. Alain GOURNAC, président - Merci de cette présentation
très complète.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur
-
Monsieur le Président, je remercie
monsieur Choutet et monsieur Lesage pour les précisions qu'ils ont
bien voulu nous apporter.
A partir du 1er juillet 1998, sera libéralisé au plan
européen le cabotage. Voulez-vous nous préciser ce que cela
implique et représente, et l'évaluation des conséquences
que vous en faites ?
La loi de Robien a été mise en oeuvre depuis plus d'un an. Dans
le compte rendu qui est fait des accords signés jusqu'à ce jour,
le transport représente une faible proportion. Il y a eu quelques
applications. Comment ont-elles été gérées ?
Est-ce défensif ou offensif pour créer de l'emploi ?
Imaginez-vous que l'on puisse prévoir des négociations au plan de
votre Union des Fédérations de Transport et, dans cette
hypothèse, est-il imaginable que les partenaires, les salariés
acceptent des accords de gel, voire de réduction des
rémunérations en contrepartie de la baisse du temps de
travail ?
De votre point de vue, ce dispositif est de nature à créer des
emplois dans le secteur que vous représentez et, plus globalement,
compte tenu de la réglementation professionnelle qui s'appliquera,
imaginez-vous des créations de postes dans votre secteur, la
réduction du temps de travail est-elle de nature à créer
de l'emploi, et vos craintes au plan européen sont telles que vous
pensez à d'éventuelles délocalisations d'entreprises pour
tirer profit de salaires moins élevés dans des pays voisins de la
France.
M. Philippe CHOUTET - Sur le premier point, la conséquence principale de
la libéralisation du cabotage et ses conséquences à
compter du 1er juillet 1998, c'est donner la possibilité à
une entreprise de transport d'un Etat de l'Union européenne autre que la
France de venir exercer sur le territoire français une activité
de transport dans les mêmes conditions que ce que peut faire l'entreprise
de transport en France, c'est-à-dire assurer un transport complet sur le
territoire français départ/arrivée, avec les normes qui
sont celles du pays d'origine de l'entreprise.
Une entreprise allemande assurera un transport sur le territoire
français entre deux points de France, une entreprise française
pourra assurer, aussi par hypothèse, la même prestation de
transport, mais l'entreprise française le fera dans un contexte de 35
heures hebdomadaires et l'entreprise allemande avec des normes tout à
fait différentes et supérieures, un certain nombre de pays de
l'Union européenne ne disposant pas de l'ensemble des règles que
nous avons. Certaines règles se retrouvent dans d'autres pays d'Europe
et chez nous, mais nous avons un cumul de règles que l'on ne retrouve
pas dans l'ensemble des autres pays.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Il ne peut pas y avoir les deux
extrémités du parcours sur le territoire national.
Les Européens peuvent venir en France quand ils acheminent un produit
hors de France, et peuvent prendre des produits en France quand il s'agit de
les transporter hors du territoire. Demain, si la législation espagnole
est plus favorable que la législation française, un transporteur
espagnol peut-il organiser des points de prise en charge et de livraison en
France pour concurrencer des entreprises françaises ?
M. Philippe CHOUTET - Oui, ce seront des situations réelles.
M. Jean de CHAUVERON - C'est déjà le cas. Le cabotage existe,
mais il est contingenté. Les deux cas importants qui peuvent se
révéler sont ceux tournant autour d'opérations de type
chantier. Pour un chantier d'autoroute, on peut faire venir des camions de
Belgique, de Hollande ou d'ailleurs, avec des conditions de travail qui
sont celles de ces pays.
Deuxième exemple : une entreprise exerçant une activité de
commissionnaire de transport pourra, sur certaines opérations, choisir
de préférence un transporteur d'un autre pays que la France,
parce que les conditions de travail sont différentes. Cela ne peut que
se développer.
M. Denis LESAGE - Je dirai deux mots de la concurrence aux frontières.
Les entreprises de transport de voyageurs qui se situent le long des
frontières belges et allemandes sont soumises à une très
forte concurrence des transporteurs belges et allemands, et nous risquons de
voir s'agrandir un fossé, et notamment disparaître une grand part
du tourisme réceptif au profit des grandes capitales qui accueilleraient
les charters en provenance des Etats-Unis ou d'autres pays d'Asie. Il y a un
marché qui déjà nous échappe en partie, et le
" gap " s'agrandirait encore.
M. Philippe CHOUTET - Sur la question concernant la loi de Robien, nos secteurs
d'activité n'ont pas été très utilisateurs du
dispositif proposé par M. de Robien, essentiellement pour une
raison qui est liée aux durées d'activité
constatées dans nos secteurs, puisque nous sommes sur des temps de
service aujourd'hui largement supérieurs à la durée
légale prévue par le code du travail.
En tout état de cause, on est dans un secteur d'activité
où, dans la période la plus récente, on n'a pas fait le
constat d'un nombre très important de licenciements pour motif
économique. On serait plutôt sur la partie aspect offensif, mais
je crois que l'élément majeur est une très faible
utilisation car le dispositif est non adapté à nos
spécificités. Nous avions engagé un certain nombre de
démarches pour essayer d'avoir des dispositions particulières
pour amener nos entreprises à s'inscrire dans le dispositif de la loi de
Robien, mais ce dossier n'a pas abouti. C'est la raison principale des
éléments que vous avez dans les statistiques officielles.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Quelle est la part des coûts de frais de
personnel dans le coût du transport ?
M. Jean de CHAUVERON - Elle varie beaucoup selon le type de véhicules et
d'activités en zone urbaine ou en grand routier. En grand routier, on se
situe entre 30 et 35 %. Dans la zone urbaine, on peut atteindre
45/50 %.
M. Régis de FOUCAULD - Dans les cas particuliers d'activités de
service aux particuliers, aux familles qui déménagent, la part
transport est relativement minoritaire. A contrario, on estime d'une
manière très mathématique que le coût salaire et
charges sur salaire se situe entre 55 et 60 %.
Il s'agit de services à des particuliers dans lesquels le coût de
la main-d'oeuvre a une part importante. Les déménageurs sont
transporteurs et les tendances sont inversées par rapport à une
entreprise qui fait du transport public de marchandises à longue
distance presque exclusivement.
M. Denis LESAGE - Concernant le transport de voyageurs, la loi de Robien
n'a pas eu d'application, car les rares entreprises qui l'ont demandée
n'ont pas eu l'autorisation de l'appliquer par extension d'une disposition
prévue pour les transports urbains, alors qu'elle a été
étendue aux transports interurbains.
Pour répondre à la seconde question concernant les frais de
personnel, les frais de conduite représentent 35 % environ du prix
de revient, et l'ensemble des frais de personnel entre 45 et 50 % suivant
les entreprises.
M. Philippe CHOUTET - Sur la possibilité de négociation, la
réponse est oui. La possibilité d'aboutir est déjà
plus délicate. On a eu l'occasion à l'automne, ou même
peut-être courant de l'été 1997, dans le cadre de
négociations avec nos partenaires sociaux au cours desquels on a
parlé des problèmes de durée du travail ou de service, de
leur poser la question, car ils nous parlent assez souvent de réduction
du temps, surtout quand on est sur certains chiffres. On a pris des engagements
que l'on a respectés et l'on a constaté que l'accord de 1994
avait bien fait entrer dans les esprits l'idée de réduction de
nos temps de service.
Quant à la perspective d'une réduction des salaires en face,
aujourd'hui, je ne l'envisage pas. Ce n'est pas pour dire non mais, compte tenu
des plus récents accords que l'on a passés -novembre 1997 avec
une perspective de revalorisation de nos barèmes de
rémunération, modification de nos classifications-, je ne vois
pas comment nous pourrions nous orienter demain vers une négociation de
la réduction du temps, accompagnée d'une réduction des
salaires.
Nous aurions -mais nous ne serions pas les seuls- certainement nos partenaires
" sur le dos " et nous prendrions des risques majeurs sur
un plan
plus large peut-être que ce nous avons connu en 1997 et 1996, car c'est
un sujet très sensible dans le cadre de nos négociations.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Cette question peut paraître insolite
à nos interlocuteurs, mais je la pose, car les économistes que
nous avons consultés nous disent que la réduction du temps de
travail peut créer de l'emploi à condition que les salaires
soient gelés ou réduits.
Y a-t-il des possibilités de créer des emplois dans le
secteur ?
M. Philippe CHOUTET - Nous sommes dans un secteur où, jusqu'à
maintenant, nous n'avons pas de difficulté d'emploi. Si vous regardez
statistiquement, la situation de l'emploi est relativement saine, même si
nous avons une certaine pratique du CDD, ou dans certains secteurs
d'activité, une part importante de temps partiel liée à
la réalité de l'activité. Le temps partiel n'est pas pour
nous un travail précaire, mais un type d'activité qui correspond
à certains métiers, comme M. Lesage le rappelait.
Je pense que dans notre secteur, comme dans d'autres, la réduction d'un
certain nombre d'heures chaque semaine de la durée du travail,
indépendamment de la difficulté que l'on a soulevée par
rapport à la réalité de nos organisations aujourd'hui,
doit s'accompagner de possibilités de réorganisation.
Autrement dit, s'il n'y a pas une démarche préalable de
réorganisation d'entreprises ou d'exploitations, la réduction du
temps en tant que telle ne permet pas de s'inscrire dans une logique de
création d'emplois.
La réorganisation ou l'aménagement du temps, dans le dispositif
légal d'aujourd'hui, ne peut s'exercer que dans un certain contexte de
négociations, d'accords de branches, d'entreprises ou
d'établissements.
Or, compte tenu de la structure de nos entreprises, 5 % de nos
établissements ont plus de 50 salariés. Les 450.000
salariés sont répartis sur environ 33.000 établissements,
et ont très peu de délégués du personnel, entre
11 et 50, faisant fonction de délégués syndicaux.
Nous avons déjà fait part à nos partenaires sociaux de
notre souhait de pouvoir passer un accord de branche en application de l'accord
interprofessionnel du 31 octobre 1995, qui s'est traduit dans la loi de
novembre 1996 sur l'évolution de la politique contractuelle ou le
nouveau dispositif visé dans le projet de loi. Nos partenaires sociaux
ont tous quitté la séance quand on leur a parlé la
première fois, à l'exclusion de la CFDT et de la CGC. Les autres
organisations nous ont dit qu'étant donné que nous avions
prévu une négociation sur ce point, ils partaient. C'était
en décembre. Nous avons été amenés à nous
revoir et le climat fut différent.
Certes, on est loin de la question directe mais tout s'enchaîne.
Création d'emplois oui, dès lors que l'on peut s'inscrire dans un
dispositif de réorganisation, et à condition qu'on puisse le
négocier.
M. Louis SOUVET - Les 35 heures sont-elles pour vous un argument social, de
productivité, de création d'emplois ou, au contraire, un boulet
qui mettra en difficulté les entreprises que vous
représentez ? J'ai cru comprendre que c'était plus sur la
deuxième hypothèse que sur la première que vous pouviez
répondre favorablement.
Les gains de productivité sont évidemment difficiles dans vos
entreprises. Les entreprises industrielles qui sont dans un contexte de
concurrence mondiale peuvent tenir leurs prix et avoir constamment des gains de
productivité sur les machines, avec des gens travaillant tout le temps
sur des gains de productivité. C'est évidemment plus difficile et
circonscrit en ce qui vous concerne, sauf sur les temps de chargement et de
déchargement qui dépendent du lieu où l'on est accueilli.
Ou l'on fait attention à vous tout de suite et l'on décharge
immédiatement ou, au contraire, le temps d'attente est très long.
Vous aurez donc encore plus de mal à supporter une baisse du temps de
travail que les entreprises industrielles.
Cependant, votre branche d'activité a été citée
nommément, à savoir que la loi s'appliquera dans les entreprises
industrielles de transport. Vous avez été cités
intentionnellement.
N'avez-vous pas l'impression que l'on veuille favoriser certains autres modes
de transport, comme le fer, à votre détriment ?
M. André JOURDAIN - Je crois qu'il n'a pas été
répondu à une question du rapporteur qui avait demandé si
vous ne craigniez pas des délocalisations d'entreprises de transport.
Au sujet du travail à temps partiel, je sais, monsieur le
président, que nous ne discutons pas de la loi, mais comme le sujet a
été évoqué, il est prévu dans l'article 7 la
possibilité que des accords de branche permettent d'évacuer les
difficultés que vous souligniez. Quelle est votre réaction
à cette possibilité ?
M. Alain GOURNAC, président - Dans votre propos liminaire, le travail
" illégal " touche-t-il votre profession ?
M. Jean de CHAUVERON - Je ne pense pas du tout qu'il y ait une volonté,
derrière l'abaissement de la durée du travail, de
rééquilibrer les modes de transport. Cette volonté existe
autre part et ailleurs, y compris dans la commission de Bruxelles, et je ne
pense pas que l'on soit directement visé.
Quelle que soit l'application de la loi, la répartition entre les modes
tient à des facteurs tellement divers et complexes que l'incidence ne
sera pas du tout évidente. Si l'on voulait volontairement favoriser tel
ou tel autre mode de transport on n'y arriverait pas facilement.
Concernant la délocalisation, qui est un problème sérieux
qu'il ne faut pas aggraver ni minimiser, on ne mesure pas ce facteur. Des
entreprises ont délocalisé pour des raisons d'abaissement des
coûts. Quand vous avez une activité dans deux pays, vous
choisissez le pays d'implantation le plus favorable, mais ce n'est pas vraiment
une délocalisation.
Il faut savoir que l'addition d'un certain nombre de facteurs favorables ne va
pas conduire à des décisions d'implantation, peut-être pas
forcément pour les activités physiques, mais pour les
activités sédentaires des entreprises et les activités
informatiques. Nous assisterons à des transferts dans certains modes de
transport comme le transport aérien ou le système de
réservations dans d'autres pays. Nous n'en sommes pas là.
On se transforme profondément dans le transport routier et, un jour ou
l'autre, ces activités seraient plus facilement
transférées que des activités purement physiques, comme la
réparation d'un véhicule.
M. Régis de FOUCAULD - On appelle maintenant le travail clandestin le
travail dissimulé. La Chambre syndicale du déménagement a
signé en mars 1995 un accord de partenariat avec le ministère du
travail et des transports car, s'agissant d'opérations de
déménagement au bénéfice des particuliers et des
familles -ce n'est pas le cas dans les déménagements
d'entreprises-, beaucoup de Français ont tendance à
déménager leur mobilier avec des entreprises qui n'en ont que le
nom ou qui n'en sont pas. Le travail " au noir " risque de
se
développer du fait que la fourniture du travail par l'employeur à
ces salariés risque d'être limitée à 35 heures.
Un autre phénomène et une réponse indirecte sur une
incidence ou une conséquence : le problème de la
délocalisation, dans l'activité de déménagement
-déménagement d'entreprises, de particuliers, de bureaux,
d'unités de production ; nous voyons mal les possibilités de
délocalisation, sauf les quelques remarques qui ont été
faites.
Il s'agit de services de proximité avec une présence physique
d'entreprises. Je n'ose pas dire que dans chaque chef-lieu de canton en France
il y a un déménageur, mais c'est un peu l'idée, et nous
avons une activité cyclique saisonnière très forte.
Je réponds indirectement à une autre question. Au mois de
janvier, les Français ne déménagent pas, mais plutôt
pendant l'été pour des phénomènes scolaires et de
mutations professionnelles. En janvier, les salariés des entreprises ont
travaillé 120 ou 130 heures. Malgré tout, le bulletin de paie
sera au minimum basé sur 169 heures normales. A partir du moment
où dans des récents accords signés le 7 novembre dernier,
à la suite du conflit, la partie patronale, et l'UFT en particulier, a
accordé une des revendications fortes des organisations syndicales
ouvrières qui était la fixation d'un taux horaire -cela a
été fait, contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, on
a une véritable révolution -même les syndicats ouvriers
estiment que c'est un acquis extraordinaire-, le jour où au mois de
janvier 2003 ou 2004 quelqu'un aura travaillé 120 heures, on ne le
paiera plus comme aujourd'hui 169 heures, mais 151 heures 2/3, ce qui est
dramatique pour le revenu du salarié.
Je ne dis pas que cela se passera ainsi, mais le taux horaire risque de
générer un calcul rigoureux et il faudra être de plus en
plus transparent, cette transparence risquant d'être un paiement à
l'heure en fonction des heures réellement effectuées.
M. Denis LESAGE - Concernant le problème des délocalisations,
nous n'avons pas aujourd'hui de moyens de répondre clairement à
une telle question. Cela resterait en tout état de cause marginal en
transport de voyageurs.
Concernant la question posée sur les temps partiels et la
possibilité de déroger à cette disposition de deux
vacations avec la coupure maximale de deux heures par accord de branche,
on peut passer un accord de branche, mais le problème réside dans
les contreparties qui pourraient être relativement très
importantes. Il faut, comme je l'ai dit, savoir que ces contreparties seraient
soit en temps, soit en francs, et pas tellement en organisation du travail. Le
temps de travail lui-même est faible, matin et soir, et en plus
intermittent tout au long de l'année. Les contreparties seraient
répercutées automatiquement aux collectivités locales, et
il faudrait presque une réunion tripartite car, dans un accord de
branche, les aspects ne seraient que sociaux et guère
économiques, et les contreparties pèseraient. Sur le principe,
tout est toujours possible.
Concernant le travail dissimulé, il est évident que la
parcellisation du temps de travail et, concernant le transport de voyageurs, la
dispersion géographique, voire l'atomisation au niveau des coins les
plus reculés de nos provinces, facilitent le travail dissimulé
qui est en augmentation dans le transport interurbain de voyageurs et
difficilement contrôlable à cause de cette dispersion
géographique par les autorités de tutelle chargées de le
faire.
M. Jean ARTHUIS, rapporteur - Sur la base de ce que vous disent vos
correspondants, avez-vous une estimation ?
M. Denis LESAGE - Non, je ne me permettrais pas une estimation, mais nous
avons, dans un certain nombre de départements, par le biais des
inspecteurs du travail, notamment par une mission dont vous avez eu
connaissance, la mission Morelon, qui a travaillé sur ces questions sous
la Direction de l'inspection du travail des transports et qui a
repéré indiscutablement une aggravation, certes encore
modeste, heureusement -mais ceci nous inquiète pour l'avenir- du travail
dissimulé en raison de cette dispersion.
Je ne veux pas dire qu'il y a une augmentation exponentielle mais, petit
à petit, s'installent ici ou là des poches de travail
dissimulé qui ne sont pas sans inquiéter la profession.
M. Alain GOURNAC, président - Je vous remercie tout
particulièrement pour la franchise de vos réponses et pour le
propos que vous avez bien voulu nous donner au début de cette audition
sur la position de nos transporteurs, puisque vous représentez
l'ensemble des transporteurs. Il y a des spécificités aussi
à l'intérieur de vous-mêmes, et l'on ne peut pas donner de
réponse globale pour la profession quand je vois le transport que vous
avez annoncé ou les déménagements avec les mois de janvier
et février où l'on ne déménage pas, et le transport
en général. Vous avez enrichi la commission d'enquête et je
vous en remercie.