RAPPORT N° 377 - PROPOSITION DE LOI, ADOPTEE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE EN DEUXIEME LECTURE, RELATIVE A LA RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
M. Pierre FAUCHON, Sénateur
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LEGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU REGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GENERALE - RAPPORT N° 377 - 1997/1998
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Table des matières
N° 377
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 avril 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE , relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ,
Par M. Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale ( 10 ème législ.) : Première lecture : 469 , 3411 et T.A. 674 . ( 11 ème législ.) : Deuxième lecture : 688 , 755 et T.A. 113 . Sénat : Première lecture : 260 (1996-1997), 226 et T.A. 78 (1997-1998). Deuxième lecture : 360 (1997-1998). |
|
Responsabilité civile. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 7 février, sous la
présidence de M. Jacques Larché, la Commission a
procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Fauchon
sur la proposition de loi n° 360 (1997-1998) adoptée par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture relative à la
responsabilité du fait des produits défectueux.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée
nationale, en deuxième lecture, avait eu le souci d'adopter un grand
nombre de dispositions conformes compte tenu de l'urgence d'aboutir à
une transposition effective de la directive du 25 juillet 1985. Il a
en effet souligné que la France, déjà condamnée une
première fois par la Cour de justice, était exposée
à une nouvelle condamnation qui pourrait se traduire par des astreintes
assez lourdes.
Puis indiquant que désormais trois articles restaient en discussion,
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a fait observer qu'à
l'article
6
(définition de la mise en circulation), l'Assemblée
nationale avait, contrairement au Sénat, retenu le principe d'une mise
en circulation unique du produit.
Il a fait valoir que la solution adoptée par le Sénat paraissait
logique dès lors que le vendeur, le loueur ou le fournisseur
professionnel pouvait voir sa responsabilité engagée dans les
mêmes conditions que le producteur. En outre, pour des motifs
d'équité aussi bien que d'efficacité, il a estimé
que le délai de dix ans d'extinction de la responsabilité ne
devait courir que lorsque le consommateur détenait effectivement le
produit.
Sur sa proposition, la commission a adopté un amendement supprimant la
notion de mise en circulation unique du produit.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a en outre indiqué qu'à
l'article 7
(définition du producteur), l'Assemblée
nationale avait retenu une rédaction dont l'objet était de ne pas
faire bénéficier les sous-traitants de l'exclusion du secteur de
la construction du champ d'application de la directive.
Il a fait valoir que dès lors que l'Assemblée nationale et le
Sénat étaient d'accord pour exclure ce secteur économique,
il paraissait logique d'appliquer cette mesure aux sous-traitants dont
l'activité ne se différenciait en rien de celle de l'entrepreneur
principal. Mais il a estimé que rédaction de l'Assemblée
nationale, dès lors qu'elle englobait toutes les personnes dont la
responsabilité pouvait être recherchée sur le fondement des
articles 1792 et suivants du code civil, ce qui était le cas des
sous-traitants en vertu de l'article 1792-4, n'aboutissait pas à
réintégrer totalement les sous-traitants dans le champ
d'application de la directive.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a ensuite indiqué que l'Assemblée
nationale avait apporté à
l'article 12 bis
(obligation de
suivi des produits) des modifications au régime d'exonération du
producteur pour le risque de développement afin d'exclure les produits
de santé du champ d'application de ce régime.
Après avoir rappelé que le Sénat en première
lecture avait rejeté un amendement du Gouvernement ayant la même
finalité, le rapporteur a fait observer que, sur un plan
général, l'exonération pour le risque de
développement était contraire à l'évolution de
notre droit. Tout en considérant que la couverture des risques de
développement posait un réel problème, il a estimé
que la solution devait être recherchée dans l'adaptation des
régimes d'assurance. Il a en outre fait observer que le maintien en
vigueur du système actuel de responsabilité qui rejetait cette
exonération réduisait fortement l'intérêt pratique
du débat sur cette question.
Dans ces conditions, tout en soulignant la nécessité de clarifier
la prise en compte du risque thérapeutique, par une législation
spécifique qui concilie le principe moral de responsabilité et la
mutualisation par voie d'assurance de son coût économique, il a
proposé à la commission de ne pas modifier sur ce point le texte
de l'Assemblée nationale.
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi, en deuxième lecture, de la proposition de loi
relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux.
Issue d'une initiative à l'Assemblée nationale de Mme Nicole
Catala, cette proposition de loi constitue une nouvelle étape d'une
procédure législative complexe qui, commencée il y a plus
de sept ans avec le dépôt d'un projet de loi qui n'a pu aboutir, a
pour objet de transposer en droit interne la directive du conseil des
communautés européennes du 25 juillet 1985 relative au
"
rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des Etats membres en matière de
responsabilité du fait des produits défectueux
".
La directive du 25 juillet 1985 organise un régime de
responsabilité réputée de plein droit du producteur en cas
de dommages causés par un défaut de son produit aux personnes ou
aux biens autres que le produit lui-même, dès lors que sont
établis par la victime le
dommage,
le
défaut
du
produit et le
lien de causalité
entre le défaut et le
dommage.
Ce régime concerne tout meuble même incorporé dans un autre
meuble ou un immeuble. La directive écarte toute différence entre
les demandeurs selon qu'ils ont été mis en relation avec un
produit par un contrat ou non. Elle centre la responsabilité sur le
producteur considéré comme le principal agent de la production et
le plus apte à s'assurer. Sont néanmoins assimilés au
producteur l'importateur et, à titre subsidiaire, le vendeur lorsque le
producteur ou l'importateur ne peut être identifié. Elle
écarte la possibilité de prévoir dans les contrats des
clauses limitatives ou exonératoires de la responsabilité qu'elle
institue. La mise en oeuvre de la responsabilité du producteur est
néanmoins enfermée dans des délais plus courts que ceux
applicables en droit interne pour les actions en réparation.
La directive prévoit, par ailleurs, un certain nombre de causes
d'exonération de responsabilité au profit du producteur, à
charge pour celui-ci d'apporter la preuve de sa non responsabilité.
Enfin, elle ouvre aux Etats membres trois options :
- inclure les
produits agricoles
et les
produits de la chasse
dans le champ d'application du nouveau dispositif ;
- laisser à la charge du producteur ce qui est communément
désigné comme le "
risque de
développement
", c'est-à-dire la responsabilité
des dommages causés par un défaut du produit que
"
l'état des connaissances scientifiques et techniques ne
permettait pas de déceler, au moment où le produit a
été mis en circulation
" ;
- limiter la responsabilité globale du producteur pour les dommages
résultant de la mort ou des lésions corporelles et causées
par des articles identiques présentant les mêmes défauts,
à un montant qui ne peut être inférieur à 70
millions d'écus (490 millions de francs environ).
La proposition de loi retient la première de ces options. Au demeurant,
une proposition de directive (97/0244) prévoit d'inclure les produits
agricoles dans le champ d'application de la directive du 25 juillet 1985.
En revanche, la proposition de loi initiale écarte les deux autres
options prévues par la directive.
On rappellera que le retard considérable pris par la France pour adapter
son droit national -la directive aurait dû y être transposée
avant le 30 juillet 1988-
a été sanctionné par
la Cour de justice des Communautés européennes dans une
décision du 13 janvier 1993.
Le 1er avril dernier, la Commission européenne a décidé de
saisir la Cour de justice à l'encontre de la France pour ne pas avoir
exécuté cet arrêt de la Cour. Se fondant sur l'article 171
du Traité de Rome, elle a proposé que soient infligées
à la France des sanctions pécuniaires sous la forme d'une
astreinte de 158 250 écus (environ 1,044 million de francs) qui
s'appliquerait à chaque jour de non exécution du second
arrêt de la Cour au titre de l'article 171.
*
* *
A l'occasion de la première lecture de la proposition
de loi, votre commission des Lois avait tenu à souligner que si
différents facteurs pouvaient expliquer ce retard, l'existence en droit
interne de régimes de responsabilité précisés au
fil du temps par la jurisprudence, rendait plus difficile l'adaptation de
nouvelles règles qui
ne sauraient aboutir à diminuer le niveau
de protection
des consommateurs exposés à des produits
défectueux, conformément d'ailleurs aux prescriptions de
l'article 13 de la directive.
Ce constat l'avait conduit à proposer au Sénat des
aménagements du dispositif proposé dans le souci non seulement
d'améliorer celui-ci mais aussi de
mieux prendre en compte
l'état actuel de notre législation
et de réaliser
autant que possible une harmonisation entre la directive et le droit
français.
Sur la proposition de votre commission des Lois, le Sénat avait
décidé :
- d'inclure les produits du sol ainsi que les produits du corps humain dans le
champ d'application du dispositif (
article 4
) ;
- de ne pas retenir la notion de mise en circulation unique du produit,
dès lors qu'au producteur étaient assimilés le vendeur, le
loueur ou tout autre fournisseur professionnel (
article 6
) ;
- de préciser que l'exclusion du secteur de la construction du nouveau
régime de responsabilité devrait également concerner les
sous-traitants (
articles 2 et 7
) ;
- de prévoir que l'assimilation du loueur au producteur ne devrait pas
concerner le crédit bailleur ou le loueur assimilable à ce
dernier, qui n'ont pas la détention matérielle du produit
(
article 8
) ;
- de préciser les cas dans lesquels le producteur qui, en
présence d'un défaut, n'aura pas pris les dispositions propres
à en prévenir les conséquences dommageables, ne pourra
plus invoquer les causes d'exonération (
article 12 bis
) ;
- de supprimer la définition de la faute de la victime, susceptible de
réduire voire de supprimer la responsabilité du producteur, cette
définition qui ne résulte pas de la directive étant
apparue peu satisfaisante et de nature à nourrir des contentieux
difficiles (
article 13
) ;
- d'admettre sans restriction les clauses limitatives ou exonératoires
de responsabilité entre professionnels (
article 16
) ;
- de maintenir, conformément à l'article 13 de la directive, la
faculté pour la victime de rechercher, après la mise en
circulation du produit, la responsabilité du producteur sur le fondement
de la garde (
article 19
) ;
- de supprimer les dispositions modifiant le régime de la garantie des
vices cachés, une proposition de directive sur le même sujet
étant en cours d'élaboration (
articles 21 à 24
).
Le Sénat avait également décidé de supprimer
l'application du régime des garanties immobilières aux
territoires de la Nouvelle Calédonie, des Iles Wallis-et-Futuna et
à la collectivité territoriale de Mayotte
(
article 26
).
En revanche, le Sénat avait choisi de maintenir la possibilité
pour le producteur de s'exonérer du risque de développement en
établissant que l'état des connaissances scientifiques et
techniques au moment où le produit a été mis en
circulation ne lui avait pas permis de déceler l'existence du
défaut (
article 12
).
Néanmoins, confirmant le choix de l'Assemblée nationale, le
Sénat avait maintenu par ailleurs l'application des régimes de
responsabilité existants, lesquels ne reconnaissent pas
l'exonération du producteur pour le risque de développement
(
article 19
).
Ce faisant, les deux assemblées ont consacré les solutions
jurisprudentielles qui traditionnellement, sur le fondement des régimes
existants, écartent cette cause d'exonération. Trois arrêts
récents de la Cour de cassation, rendus dans la dramatique affaire du
sang contaminé ont confirmé cette solution : le vice interne
du sang, même indécelable, ne constitue pas une cause
exonératoire de responsabilité (Cour de cassation,
première chambre civile, 9 juillet 1996).
Les débats tant à l'Assemblée nationale qu'au
Sénat, attestent de cette volonté de
préserver dans
leur intégralité
les droits reconnus aux victimes au titre
des régimes existants.
Ainsi, devant le Sénat, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux a-t-elle
clairement affirmé que les droits des victimes à indemnisation
seraient en toutes circonstances préservés en rappelant qu'
"
en l'état actuel de notre droit positif (...) les victimes
bénéficient d'une garantie de sécurité absolue,
garantie qui n'est pas susceptible d'être battue en brèche par le
caractère indécelable du vice. Cette garantie (...) continuera
à s'appliquer dès lors que la victime se placera sur le terrain
du droit national. "
Le Garde des Sceaux a de même tenu à souligner que
" la
victime aura toujours le choix, conformément à l'article 19 de la
proposition de loi, d'opter pour les régimes traditionnels du droit
français excluant toute exonération. Rien ne sera donc
changé par rapport à la situation actuelle. Par là
même (...), la victime n'aura pas à craindre les actions
dilatoires du producteur sur la détermination de l'état des
connaissances scientifiques et techniques ou le recours intempestif à
des mesures d'instruction, puisque, en tant que défendeur à
l'action, il n'appartiendra pas à celui-ci de se placer sur le terrain
de la directive. "
Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Raymond Forni, a
lui-même relevé que
" l'essentiel (...) est d'affirmer que
le droit des victimes à agir lorsqu'elles ont subi un dommage peut
toujours s'appuyer sur les fondements de la responsabilité contractuelle
ou délictuelle, ou sur les bases des régimes spéciaux de
responsabilité."
Au total, en prévoyant ce cumul des régimes de
responsabilité et en conférant au nouveau régime issu de
la directive des caractéristiques qui le distinguent nettement du droit
actuel, la présente proposition de loi aboutit à mettre en place
deux types d'action ayant chacune leur propre cohérence :
- une action fondée sur les régimes de responsabilité
existants (contractuelle et non contractuelle) qui se caractérisent en
particulier par des délais de prescription plus longs et par l'absence
d'exonération du producteur pour le risque de
développement ;
- une action fondée sur le nouveau régime issu de la directive
qui, apportant certaines simplifications au profit des victimes d'un produit
défectueux (régime de responsabilité objective,
suppression de la distinction difficile entre responsabilité
contractuelle et délictuelle), introduit néanmoins une innovation
importante avec la possibilité pour le producteur de s'exonérer
du risque de développement, en même temps qu'une limite du
délai de responsabilité, solution peu fréquente dans notre
droit.
Le Sénat avait, enfin, adopté sans modification les articles
premier
(insertion dans le code civil d'un titre consacré
à la responsabilité du fait des produits défectueux),
3
(Dommage réparable),
5
(Définition du
défaut de sécurité),
9
(Dommage causé
par un produit incorporé),
10
(Charge de la preuve),
11
(Circonstances ne supprimant pas la responsabilité du
producteur),
14
(Incidence de l'intervention d'un tiers dans la
réalisation du dommage),
17
(Extinction de la
responsabilité du fait des produits défectueux),
18
(Prescription de l'action en réparation),
20
(Application dans le
temps de régime de responsabilité du fait des produits
défectueux) et
25
(Application de la loi aux territoires
d'outre-mer et à Mayotte). Il avait maintenu la suppression de l'article
15
(Obligation de suivi du produit).
*
* *
Examinant la proposition de loi, en deuxième lecture,
le 25 février dernier, l'Assemblée nationale a
confirmé
la plupart des solutions retenues par le Sénat
.
Elle a ainsi adopté dans le texte du Sénat les articles
2
(responsabilité du producteur),
4
(définition du produit),
8
(responsabilité du vendeur, du loueur ou de tout autre
fournisseur professionnel),
12
(causes d'exonération),
13
(réduction ou suppression de la responsabilité du producteur en
cas de faute de la victime),
16
(prohibition des clauses limitatives ou
exonératoires de responsabilité),
19
(juxtaposition de la
responsabilité du fait des produits défectueux avec les
régimes de responsabilité existants),
20
(application dans
le temps du régime de responsabilité du fait des produits
défectueux).
L'Assemblée nationale a également confirmé la suppression
des articles
21 à 24
(garantie des défauts de la chose
vendue) et
26
(application aux territoires de la
Nouvelle-Calédonie, des îles Wallis et Futuna et à la
collectivité territoriale de Mayotte du régime des garanties
immobilières).
Dans ces conditions,
seuls trois articles de la proposition de loi restent
encore en discussion
. Ce sont les articles
6
(définition de
la mise en circulation),
7
(définition du producteur) et
12
bis
(obligation de suivi des produits).
- A
l'article 6
, l'Assemblée nationale a rétabli,
" dans un souci de meilleure sécurité
juridique
"
, la précision selon laquelle le produit ne
fait l'objet que d'une seule
mise en circulation
.
- A
l'article 7
, elle a retenu une nouvelle rédaction pour le
second alinéa du texte proposé, lequel exclut le
secteur de la
construction
du champ d'application de la directive. Cette nouvelle
rédaction tendrait à ne pas prendre en compte les
sous-traitants
au titre de cette exception.
- Enfin, à l'
article 12 bis
, sur la proposition du Gouvernement,
l'Assemblée nationale a précisé que le producteur ne
pourra invoquer le
risque de développement
lorsque le dommage
aura été causé par un élément du corps
humain, par les produits qui sont issus de celui-ci, ou par tout autre produit
de santé destiné à l'homme à finalité
préventive, diagnostique ou thérapeutique.
*
* *
Votre commission des Lois observe que ces trois modifications
sont d'importance inégale.
1. S'agissant de la
définition de la mise en circulation
(
article 6
), force est de constater que la précision
rétablie par l'Assemblée nationale tendant à
prévoir une mise en circulation unique du produit ne s'accorde pas avec
la mise en cause, dans les mêmes conditions que celle du producteur, de
la responsabilité du vendeur, du loueur ou de tout autre fournisseur
professionnel (
article 8
).
L'extension du régime de responsabilité à ces
professionnels indique bien qu'il y aura plusieurs mises en circulation,
susceptibles de faire courir le délai de
dix ans
au terme duquel
la responsabilité du producteur est éteinte. Toute autre solution
pourrait avoir des effets très négatifs pour la victime
confrontée à une mise en distribution tardive du produit dont le
défaut a causé le dommage. Il paraît donc
préférable de supprimer cette précision qui ne
résulte d'ailleurs pas de la directive.
2. En ce qui concerne
l'exclusion du secteur de la construction du champ
du nouveau régime de responsabilité
(
article 7
),
l'objectif poursuivi par l'Assemblée nationale en cherchant à ne
pas en faire bénéficier les
sous-traitants
apparaît
paradoxal dès lors que le Sénat comme l'Assemblée
nationale en première lecture ont entendu, en prévoyant cette
exclusion, prendre en compte le fait que ce secteur obéit à un
régime particulier et qu'en outre la directive elle-même n'est
applicable qu'aux meubles. Il serait donc peu cohérent de maintenir
cette exclusion sans prendre en compte les sous-traitants dont
l'activité ne se différencie en rien de celle de l'entrepreneur
principal.
En outre, le régime de la responsabilité décennale a pour
objet de réparer les dommages qui compromettent la solidité de
l'ouvrage ou le rendent impropres à sa destination. Le plus souvent, ce
sont donc les régimes de droit commun actuellement en vigueur qui seront
appliqués pour réparer les dommages autres que ceux causés
à un produit.
En toute hypothèse, la rédaction retenue par l'Assemblée
nationale pour le second alinéa de
l'article 7
de la proposition
de loi, n'a pas pour effet -contrairement au but recherché- de
réintégrer totalement les sous-traitants
dans le champ
d'application de la directive.
3. La dernière modification apportée par l'Assemblée
nationale qui exclut
l'application de l'exonération pour le risque de
développement en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et les
produits de santé
(
article 12 bis
) apparaît plus
fondamentale.
En première lecture, votre commission des Lois avait jugé
préférable de ne pas maintenir cette cause d'exonération
à
l'article 12
de la proposition de loi. Parmi différents
arguments qui tendaient à privilégier une stabilité du
droit positif, elle avait notamment observé que "
l'état
des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en
circulation du produit
" serait l'un des éléments
à prendre en compte pour apprécier la
"
sécurité à laquelle on peut légitimement
s'attendre
", critère retenu par
l'article 5
de la
proposition de loi pour définir le défaut de
sécurité du produit, ce qui permettrait à la jurisprudence
de prendre en compte le risque de développement sans en faire
expressément une cause d'irresponsabilité.
Mais le Sénat avait, en définitive, décidé de
confirmer le choix de l'Assemblée nationale, en maintenant cette cause
expresse d'exonération pour tous les produits. Il avait, en effet,
rejeté l'amendement du Gouvernement excluant les produits de
santé du champ de cette exonération.
Le Sénat avait en revanche prévu à
l'article 12 bis
que cette cause ne pourra être invoquée par le producteur
lorsqu'en présence d'un défaut qui s'est
révélé dans le délai de dix ans à compter de
la mise en circulation du produit, il n'aura pas pris les dispositions propres
à en prévenir les conséquences dommageables.
L'Assemblée nationale, saisie de l'amendement du Gouvernement
rejeté en première lecture par le Sénat, l'a en revanche
adopté.
Après un examen approfondi de cette question, votre commission des Lois
à décidé de ne pas proposer au Sénat d'amendement
remettant en cause la solution retenue par l'Assemblée nationale qui
exclut les produits pharmaceutiques et les produits de santé du
régime d'exonération des risques de développement.
En premier lieu, comme le prouvent certaines affaires récentes et
dramatiques, le domaine particulièrement sensible de la santé est
celui où une telle exonération du producteur paraîtrait la
moins acceptable, ce que consacre l'évolution la plus récente de
notre jurisprudence.
Comme le relève une étude du Conseil d'Etat sur le droit de la
santé (Rapport public 1998, p. 225 et ss) : "
le juge
judiciaire et le juge administratif ne sont, pour leur part, pas entrés
dans cette logique qu'il est désormais commun d'appeler le
risque-développement (...) ils ont imposé aux centres de
transfusion sanguine un régime de responsabilité sans faute
applicable nonobstant les connaissances scientifiques du moment. Il s'agit donc
d'une obligation de résultat qui impose à ces organismes de
livrer un produit exempt de tout risque infectieux et ce, quelle que soit la
date de la transfusion et quelle que soit la nature de l'infection.
" Cette jurisprudence, conforme à la tradition jurisprudentielle
civile sur le vice caché de la chose et qui a été
instituée à l'occasion de la contamination par le VIH, est
appelée à s'étendre en raison de l'explosion attendue du
contentieux de l'hépatite C.
"
Certes, le risque-développement a un coût financier qui ne peut
être négligé, comme le souligne la même étude
qui envisage une intervention législative pour définir un nouveau
mécanisme d'indemnisation relatif aux dommages résultant de la
contamination par le virus de l'hépatite C.
La loi allemande du 24 août 1976 a ainsi mis en place un système
de responsabilité objective qui permet une répartion dont le
montant est plafonné. La loi oblige les fabricants à prendre une
assurance afin de couvrir le risque encouru. Le fabricant - qui encoure une
responsabilité pour risque - ne peut s'exonérer y compris des
risques de développement.
Votre commission des Lois souhaite que le Gouvernement approfondisse les
réflexions en cours sur ces sujets pour définir les solutions les
mieux adaptées à l'ensemble des problèmes relevant du
" risque thérapeutique ".
Dans l'attente, il lui semble inopportun de donner un signe pouvant laisser
croire que ces solutions ne seraient pas urgentes. Il lui apparaît
dès lors difficilement envisageable de remettre en cause, à
l'occasion de l'intégration en droit interne du nouveau régime de
responsabilité issu de la directive, une solution qui préserve
les intérêts des victimes et d'édicter un principe
général d'irresponsabilité dans le domaine de la
santé où l'on est le plus en droit de s'attendre à la
sécurité.
Au demeurant, l'enjeu de cette exclusion doit être évaluée
à sa juste mesure
. Si elle était supprimée, le
producteur resterait, en effet, responsable du risque de développement
sur le fondement des régimes existants, solution que la jurisprudence ne
cesse d'affirmer.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 6
(art. 1386-5 du code
civil)
Définition de la mise en circulation
Cet article, en définissant la notion de mise en
circulation du produit, apporte une précision qui ne résulte pas
de la directive elle-même.
Serait ainsi considéré comme mis en circulation un produit dont
le producteur s'est dessaisi volontairement.
En première lecture, tout en admettant cette précision dans la
mesure où un certain nombre de dispositions de la proposition de loi
sont subordonnées à la mise en circulation du produit, le
Sénat avait supprimé le second alinéa du présent
article qui prévoit que le produit ne fait l'objet que
d'une
seule
mise en circulation.
Cette restriction ne paraît, en effet, pas cohérente avec les
dispositions de
l'article 8
de la proposition de loi qui précise
que le
vendeur
, le
loueur
ou tout autre
fournisseur
professionnel est responsable dans les mêmes conditions que le
producteur. Dès lors, il y a bien
plusieurs
mises en circulation.
L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a néanmoins
jugé préférable de rétablir la précision
selon laquelle le produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation.
A l'appui de cette disposition, le rapporteur de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale a fait valoir :
- qu'admettre plusieurs mises en circulation pour un même produit serait
source de confusion et reviendrait à allonger de fait le délai de
prescription ;
- que, dix ans après la mise en circulation du produit à
l'origine du dommage, la victime aurait toujours la possibilité de
mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement des
régimes de responsabilité existants ;
- qu'en outre, il est peu probable qu'un fournisseur conserve le produit dix
ans avant de le vendre ou de le louer pour exonérer le producteur de sa
responsabilité.
Votre commission des Lois
n'a pas souscrit
à ces
différents motifs.
Comme votre rapporteur l'a rappelé ci-dessus, la notion de mise en
circulation unique n'est pas cohérente avec la mise en cause dans les
mêmes conditions que le producteur de la responsabilité du
vendeur, du loueur ou de tout autre fournisseur professionnel.
Le délai d'extinction de la responsabilité édictée
par la directive doit donc s'entendre pour chacun des acteurs -qui sont au
demeurant des professionnels- du processus de production et de distribution.
Chaque professionnel qui prend l'initiative de mettre en circulation un produit
doit assumer la responsabilité de son défaut éventuel
pendant le même délai et non pendant un délai réduit
de la période s'étant écoulée antérieurement.
Devant l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a
elle-même indiqué que "
par une note du 12 mars dernier,
les services de la Commission européenne avait fait savoir à la
France qu'une seconde saisine de la Cour était imminente au principal
motif que la directive retient une approche multiple de la mise sur le
marché, qui s'oppose à une conception unitaire de la mise en
circulation du produit
".
Il paraît par ailleurs difficile de se satisfaire de l'application
possible des régimes de responsabilité existants pour retenir une
solution qui pourrait à l'occasion se révéler injustement
défavorable aux victimes.
En effet, et même si l'hypothèse peut sembler ne pas correspondre
aux pratiques actuelles, il n'en demeure pas moins que, dans la
rédaction proposée par l'Assemblée nationale, tout retard
entre la production et la distribution du produit aurait pour effet de
réduire le délai d'application du nouveau régime de
responsabilité audit produit.
On observera enfin qu'il sera souvent très difficile de dater avec
précision la " mise en circulation " par le fabricant alors
que la date de la vente par le distributeur est connue et seule connue de
l'acquéreur.
Pour ces raisons, votre commission des Lois vous propose un
amendement
supprimant cette notion de mise en circulation unique.
Elle vous soumet l'article 6
ainsi modifié
.
Article 7
(art. 1386-7 du code
civil)
Définition du producteur
Cet article a pour objet de définir la notion de
producteur, définition qui conditionne l'application du nouveau
régime de responsabilité.
Dès la première lecture, l'Assemblée nationale et le
Sénat ont adopté dans les mêmes termes les quatre
alinéas de cet article qui opèrent cette définition.
En conséquence, sont considérés comme producteurs, le
fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière
première, le fabricant d'une partie composante ; sont
assimilés à un producteur, le professionnel qui se
présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque
ou tout autre signe distinctif et celui qui importe un produit dans la
Communauté européenne en vue de le distribuer.
En outre, le Sénat -sur la suggestion de votre commission des Lois-
avait inséré au présent article les dispositions figurant
à l'article 2 de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale en première lecture qui excluent du champ
d'application du nouveau régime de responsabilité les
professionnels du secteur de la construction. Dans ce cadre, il avait pris en
compte -dans un souci de cohérence- les sous-traitants qui, s'ils ne
sont pas liés juridiquement avec le maître d'ouvrage et pas tenus
à la responsabilité décennale ou biennale, peuvent
néanmoins être appelés en garantie par l'entrepreneur
principal et sont dans certains cas soumis par solidarité aux garanties
biennales et décennales.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a cherché
à améliorer la rédaction retenue par le Sénat, en
ne visant pas exclusivement les professionnels et en précisant que les
constructeurs n'échappent à la responsabilité du fait des
produits défectueux que si leur responsabilité peut être
recherchée sur le fondement des articles 1792 et suivants.
Par cette rédaction, l'Assemblée nationale a également
entendu que les sous-traitants ne soient pas exclus du champ d'application de
la directive.
L'objectif ainsi poursuivi par l'Assemblée nationale peut paraître
surprenant dès lors qu'en prévoyant cette exclusion du secteur de
la construction, le Sénat comme l'Assemblée nationale en
première lecture ont entendu prendre en compte les
spécificités des produits en cause et le fait que la directive
elle-même ne s'applique qu'aux meubles.
Il ne serait pas cohérent de maintenir cette exclusion sans qu'elle ne
concerne également les sous-traitants qui jouent un rôle essentiel
dans le secteur de la construction et donc l'action ne se différencie en
rien de celle d'un titulaire de marché principal, par rapport au
problème posé.
Si les garanties légales dues par les constructeurs en matière
immobilière ne s'appliquent pas en principe aux sous-traitants,
l'article 1792-4
met néanmoins une responsabilité
solidaire envers le maître de l'ouvrage à la charge du
"
fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un
élément d'équipement conçu et produit pour
satisfaire, en état de service, à des exigences précises
et déterminées à l'avance
".
Certains sous-traitants entrent dans cette définition. Leur
responsabilité envers le maître de l'ouvrage " peut "
donc être mise en oeuvre au titre de la garantie biennale ou
décennale sans qu'il soit possible de définir exactement les
conditions de cette responsabilité en l'état de la jurisprudence
et de la doctrine.
En-dehors de ce cas particulier, l'exclusion des garanties légales ne
met pas les sous-traitants à l'abri d'un appel en garantie de la part de
l'entrepreneur principal condamné au titre de la garantie biennale ou
décennale et qui estime qu'un sous-traitant est le véritable
responsable du dommage.
Enfin, le maître de l'ouvrage ou ses ayants-droit peut rechercher la
responsabilité civile de droit commun du sous-traitant.
C'est d'ailleurs sur ce terrain que se posera le plus souvent le
problème de la réparation des dommages visés par la
directive -dès lors que ces dommages ne concerneront pas un produit- le
régime de la responsabilité décennale ayant pour objet de
réparer les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage
ou le rendent impropre à la destination.
En toute hypothèse, la rédaction retenue par l'Assemblée
nationale pour le présent article n'a pas pour effet -contrairement au
but recherché- de réintégrer dans tous les cas les
sous-traitants dans le champ d'application de la directive.
En effet, comme il a été indiqué ci-dessus, la
responsabilité des sous-traitants peut éventuellement être
recherchée dans le cadre du régime des articles 1792 et
suivants du code civil.
Sous le bénéfice de ces observations, et compte tenu du
caractère très limité de l'intérêt du
débat, votre commission des Lois ne vous soumet pas d'amendement au
présent article.
Article 12 bis
(art. 1386-11-1 du code
civil)
Obligation de suivi des produits et régime spécifique
applicable aux produits de santé
Cet article -qui ne résulte pas de la directive
elle-même- tend à faire peser sur le producteur une obligation de
suivre le produit après sa mise sur le marché.
Cette disposition atténue la portée de l'exonération du
producteur pour les risques de " développement ",
prévue par l'article 12 de la proposition de loi.
En effet, le producteur ne pourra invoquer cette cause d'exonération,
lorsqu'en présence d'un défaut qui s'est
révélé dans le délai de
dix ans
après
la mise en circulation du produit, il n'a pas pris les dispositions propres
à en prévenir les conséquences dommageables. Ces
dispositions peuvent notamment consister dans l'information du public, le
rappel pour révision ou le retrait du produit.
En première lecture, sur la proposition de votre commission des Lois, le
Sénat avait précisé la rédaction proposée
afin d'exclure de l'obligation de suivi certaines hypothèses, en
permettant au producteur de s'exonérer en prouvant qu'il n'a pas mis le
produit en circulation, que le défaut ayant causé le dommage
n'existait pas au moment où le produit a été mis en
circulation, que le produit n'a pas été destiné à
la vente ou à tout autre forme de distribution.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a souscrit à
ces précisions.
Par ailleurs, sur la proposition du Gouvernement, elle a complété
de manière substantielle le présent article en prévoyant
que le producteur ne pourra invoquer le risque de développement lorsque
le dommage aura "
été causé par un
élément du corps humain, par les produits qui sont issus de
celui-ci, ou par tout autre produit de santé destiné à
l'homme à finalité préventive, diagnostique ou
thérapeutique
".
Saisi du même amendement, le Sénat l'avait rejeté en
première lecture.
Selon les explications données devant l'Assemblée nationale par
Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux :
"
Le Gouvernement vous propose de ne pas permettre aux producteurs
de
s'exonérer pour risque de développement en cas de dommages
liés à l'utilisation des éléments du corps humain,
des produits qui en sont issus et plus généralement des produits
de santé, c'est-à-dire les médicaments, les dispositifs
médicaux et les réactifs de laboratoire.
" En effet, si pour des raisons de compétitivité
économique de nos entreprises, et eu égard à
l'extrême difficulté pour celles-ci de s'assurer contre les vices
indécelables dont leurs produits pourraient être atteints, il est
opportun de poser un principe général d'exonération du
producteur pour risque de développement, il me paraît en revanche,
impossible d'appliquer cette règle aux éléments et
produits du corps humain ainsi qu'aux produits de santé.
" En l'état de notre droit positif, les victimes
bénéficient en ce domaine d'une garantie complète de
sécurité insusceptible d'être battue en brèche par
le caractère indécelable du vice. Certes, cette garantie
continuera à pouvoir s'appliquer dès lors que la victime choisira
de se placer sur le terrain du droit national, comme l'y autorise la directive.
Néanmoins, il ne me paraît pas admissible d'afficher dans la loi,
pour cette catégorie de produits un principe nouveau de
non-responsabilité, quand bien même la victime garderait la
faculté d'invoquer les principes traditionnels d'indemnisation du droit
national.
" Trois raisons militent en faveur de la solution que vous propose le
Gouvernement.
" D'abord, l'ampleur des préjudices susceptibles d'être
causés par ces produits donne une dimension sociale particulière
à la question du débat que susciterait en l'occurrence
l'exonération pour risque de développement.
" Ensuite, leur nature spécifique fait que le risque zéro
n'existe pas pour eux malgré les progrès de la science.
" Enfin, ces produits touchent à un domaine, la santé
publique, où chacun se sent profondément concerné, la
France ayant connu, ces dernières années, un certain nombre de
drames qui ont rendu l'opinion publique extrêmement sensible. Je citerai
en particulier le distilbène, le VIH et l'hépatite C, la
maladie de Creutzfeldt-Jakob.
" La solution ainsi proposée me paraît procéder d'un
équilibre tenant compte aussi bien des exigences économiques que
des exigences sociales et de santé publique. "
Il est vrai que la jurisprudence actuelle fait poser sur ces produits une
obligation de sécurité très étendue
.
Dans la dramatique affaire du sang contaminé, elle a clairement
affirmé que le vice interne du sang, même indécelable, ne
constitue pas une cause exonératoire de responsabilité (Cour de
cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 1996).
Dans ces conditions, les dispositions ajoutées par l'Assemblée
nationale au présent article ne font que confirmer -dans le cadre du
nouveau régime issu de la directive- les solutions jurisprudentielles
rendues sur le fondement des régimes de responsabilité existants.
Or,
l'article 19
de la proposition de loi consacre
expressément ces solutions jurisprudentielles. En conséquence,
sur le fondement des régimes existants, la victime pourrait toujours
obtenir réparation quand bien même le risque de
développement serait en cause.
Il convient de rappeler que
l'article L. 601
du code de la Santé
publique précise expressément que l'accomplissement des
formalités en vue d'une autorisation de mise sur le marché d'un
médicament "
n'a pas pour effet d'exonérer le fabricant
ou, s'il est distinct, le titulaire de l'autorisation de mise sur le
marché de la responsabilité que l'un ou l'autre peut encourir
dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise
sur le marché du médicament ou produit.
"
Pour ces motifs, votre commission des Lois ne vous propose pas d'amendement au
présent article.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi.