II. UN CHOIX CONTESTABLE : UNE OPÉRATION GLOBALE DE RÉGULARISATION PAR VOIE DE CIRCULAIRE
A. LE CHOIX D'UNE OPÉRATION GLOBALE DE RÉGULARISATION PAR VOIE DE CIRCULAIRE
1. Une procédure déjà utilisée et aux conséquences fâcheuses
a) Une procédure déjà utilisée
1.- Le régime juridique des circulaires de régularisation
Les
circulaires de régularisation des étrangers permettent
essentiellement d'accorder un titre de séjour aux personnes qui ne
remplissent pas les conditions de fond fixées par la loi.
Elles couvrent donc un domaine différent de celui des
régularisations entendues au sens le plus commun du droit administratif.
Il ne s'agit pas, ici, de restaurer des situations ou des actes dont
l'illégalité proviendrait d'un vice de forme - comme en
matière de marchés publics ou d'installations non
autorisées.
Il s'agit, en l'espèce, par un
acte dérogatoire
du droit
commun, de faire passer de la clandestinité à la
légalité un étranger en contravention avec la loi.
Les circulaires n'ont pas en principe de caractère réglementaire
(Conseil d'Etat, 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame de Kreisker).
Les circulaires de régularisation ne confèrent aucun droit
nouveau aux personnes qu'elles concernent.
Leurs dispositions ne sont pas opposables à l'administration qui n'en
respecterait pas la lettre. Ainsi en a jugé le Conseil d'Etat, à
propos de la
" circulaire Fabius "
du 17 mai 1985 (C.E., 13
décembre 1991, préfet de l'Hérault C/Dakoury et Nkodia).
Ces régularisations revêtent donc un
caractère
dérogatoire
alors même que l'administration est normalement
chargée d'appliquer les lois.
Ces circulaires de régularisation ne sont pas pour autant
dénuées de toute valeur juridique.
En premier lieu,
la juridiction administrative ne refuse pas le droit au
ministre de fixer, dans une circulaire, des critères de
délivrance de titres de séjour en dehors de ceux de
l'ordonnance,
dès lors que ceux-ci ne sont pas contraires
à des dispositions expresses de la loi
et entrent bien dans le cadre
de la jurisprudence sur le droit de régulariser,
réaffirmée par l'avis du Conseil d'Etat du 22 août 1996
précité. Pour cette raison, une circulaire de
régularisation ne dispense jamais les services d'un examen approfondi
des demandes.
En deuxième lieu, la circulaire constitue une
instruction à
laquelle les
fonctionnaires, soumis au pouvoir hiérarchique, sont
tenus de se référer,
conformément à l'article
28 du statut général de la fonction publique.
En troisième lieu, l'absence de caractère réglementaire de
la circulaire ne s'oppose pas à l'ouverture d'un
contentieux
sur
son application. Cependant, l'étranger ne saurait en invoquer le
bénéfice à l'appui d'un recours contre un refus de
délivrance de titre de séjour, puisqu'elle n'est pas
créatrice de droit. Ce point a d'ailleurs été
confirmé par le Conseil d'Etat, à propos de la circulaire du 24
juin 1997 (C.E., 14 novembre 1997, Arezki Gacem).
Cependant, un refus de régularisation, nécessairement
motivé, en application des principes généraux de la loi du
11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, constitue un acte
faisant grief sur lequel le juge administratif exerce un
contrôle
minimum
, celui-ci pouvant porter sur l'
exactitude
matérielle des faits
et sur l'
erreur
manifeste
d'appréciation
(C.E. 26 février 1988, ministre de
l'Intérieur C/ Selour).
En quatrième lieu, la publication d'une circulaire de
régularisation n'interdit aucunement à l'administration
d'accorder un titre de séjour en dehors des critères
prévus par la loi ou par cette circulaire, dès lors que la mesure
est prise dans le cadre juridique fixé par l'avis du Conseil d'Etat du
22 août 1996.