Proposition de loi relative au multisalariat en temps partagé

JOURDAIN (André)

RAPPORT 125 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières




N° 125

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi relative au multisalariat en temps partagé ,

Par M. André JOURDAIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir le numéro :

Sénat : 394 (1997-1998).

Travail.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mercredi 16 décembre 1998, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Jourdain sur la proposition de loi n° 394 (1997-1998) relative au multisalariat en temps partagé .

M. André Jourdain, rapporteur, a rappelé qu'il avait pris l'initiative, à la date du 21 avril 1999, de déposer cette proposition de loi. Il a précisé que le multisalariat consistait, pour une même personne, à être employée par plusieurs entreprises à la fois, les emplois devant avoir un caractère durable et reposer sur une relation contractuelle. Il a observé que si, pour chaque entreprise, il s'agissait d'un emploi à temps partiel, pour le salarié, il s'agissait de plusieurs emplois concomitants.

Il a souhaité distinguer le travail pluriactif du cumul d'emplois, ce dernier étant strictement réglementé dans le secteur public et soumis à des conditions de durée maximale du travail dans le secteur marchand.

Il a observé que le multisalariat était traditionnellement développé dans le secteur agricole, 170.000 pluriactifs étant recensés par la Mutuelle sociale agricole.

Il a remarqué qu'une estimation nationale se référant aux déclarations fiscales avait évalué le nombre de pluriactifs à 720.000, comprenant : 29 % d'agriculteurs, 22 % de commerçants et artisans, 39 % de professions libérales et 10 % d'autres professions.

M. André Jourdain, rapporteur, a observé qu'après avoir été concentré dans le secteur agricole, le multisalariat investissait de plus en plus le secteur des services, et que c'était cette tendance qu'il s'agissait aujourd'hui d'accompagner.

Il a considéré que l'idée de promouvoir le travail en temps partagé reposait sur une analyse précise de l'évolution des structures économiques, des besoins des entreprises et du comportement des salariés.

Il a estimé que cette idée s'inscrivait également dans une réflexion plus globale sur l'organisation du travail et recoupait sur certains points les problématiques propres à l'incitation volontaire à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.

Il a considéré que le multisalariat permettait aux entreprises d'adopter une organisation plus performante à travers une reconfiguration de leurs services et l'externalisation de certaines compétences.

Il a observé que, pour les salariés, ces évolutions économiques majeures s'étaient traduites jusqu'à présent par un recours à la flexibilité et au développement de la précarité, qui étaient vécus comme autant de contraintes et de sources d'insatisfaction. Il a rappelé que la forme traditionnelle du contrat de travail à durée indéterminée reculait devant les contrats à durée déterminée et le travail intérimaire et que de nombreux salariés étaient aujourd'hui à la recherche d'un meilleur équilibre entre les exigences de l'entreprise et une certaine qualité de vie.

M. André Jourdain, rapporteur, a considéré que le multisalariat répondait à la fois au besoin des entreprises de se procurer des compétences précises sans être toujours à même d'embaucher un cadre ou un technicien à plein temps et au souhait de certains salariés de maîtriser leur avenir et d'évoluer dans la diversité des activités professionnelles.

Il a estimé que la promotion du multisalariat s'inscrivait dans la démarche prônée par les lignes directrices pour l'emploi pour 1999 présentées par la Commission européenne. Il a rappelé que le contenu de la ligne directrice n° 16 prévoyait que chaque Etat membre examinerait l'opportunité d'introduire dans sa législation des types de contrats plus adaptables pour tenir compte des formes d'emploi de plus en plus diverses, les personnes travaillant dans le cadre de contrats de ce type devant, dans le même temps, bénéficier d'une sécurité suffisante et d'un meilleur statut professionnel, compatible avec les nécessités des entreprises.

M. André Jourdain, rapporteur, a constaté que le multisalariat constituait une réponse aux recommandations formulées par les membres du Conseil européen et par la commission. Il a observé, toutefois, qu'il ne représentait pas une priorité du plan d'action nationale pour l'emploi français.

Il a estimé qu'il s'agissait là d'un oubli regrettable que la proposition de loi se proposait de réparer.

Il s'est alors interrogé sur la nature des obstacles au développement du multisalariat.

Il a observé que le développement du travail en temps partagé se heurtait actuellement à la complexité de la législation, construite tout entière autour du contrat de travail à durée indéterminée avec un employeur unique.

Il a remarqué que, lorsqu'un salarié travaillait dans plusieurs entreprises relevant de secteurs différents, il était contraint de cotiser à plusieurs caisses de retraite distincte et que son employeur devait payer l'ensemble des charges patronales, avant de se les faire rembourser auprès des autres entreprises qui l'employaient.

M. André Jourdain, rapporteur, a considéré que cette lourdeur administrative n'incitait guère les petites et moyennes entreprises (PME) à se lancer dans l'aventure du multisalariat et qu'elle plaçait le salarié dans une situation inconfortable. Il a remarqué en particulier que, si ce dernier perdait l'un de ses emplois partiels, il ne pouvait toucher des indemnités chômage qu'à condition de renoncer à tous ses autres emplois. Faute de statut juridique précis, il a observé que ces multisalariés étaient contraints de se regrouper au sein d'associations intermédiaires ou de sociétés de partage aux contours flous, ce qui ne favorisait guère leur reconnaissance par les entreprises. Il a remarqué que le Gouvernement reconnaissait que des modifications du droit du travail étaient nécessaires pour assurer le développement du multisalariat, mais s'interrogeait sur la nécessité d'instaurer un statut du pluriactif, considérant que la loi du 25 juillet 1985 sur les groupements d'employeurs et les initiatives des partenaires sociaux devait pouvoir permettre des progrès dans le développement de cette nouvelle forme de travail.

M. André Jourdain, rapporteur, a estimé qu'il était au contraire indispensable de recourir à la loi pour " officialiser " cette nouvelle forme de travail et vaincre les pesanteurs qui avaient empêché jusqu'à présent le développement de cette catégorie d'emplois pleine d'avenir. Il a considéré que la spécificité du travail à temps partagé devait être reconnue dans le code du travail afin de pouvoir être distinguée des autres formes de travail.

Il a insisté sur les différences existant entre la pratique du salariat en temps partagé et la juxtaposition de plusieurs contrats de travail à temps partiel.

Il a considéré que le temps partiel avait été très réglementé depuis le début des années 1980 dans l'optique de le faire passer à temps plein mais que, malgré son développement quantitatif, il était resté un contrat d'exception à côté du contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, et donc dévalorisé par rapport à ce dernier. Il a observé que cette situation avait eu pour conséquence de rendre difficilement compatible la coexistence de plusieurs contrats de travail à temps partiel compte tenu de la gestion unilatérale par l'employeur de ce type de relations de travail et des limites dans lesquelles le temps partiel avait été inséré.

Il a considéré que le travail à temps partagé constituait un autre mode de relations, à côté des pratiques de temps plein et de temps partiel.

Il a estimé que la " labélisation législative " n'entraînerait aucune dérogation aux dispositions du code du travail, seules quelques modifications étant nécessaires pour mettre en cohérence le nouveau dispositif avec les autres contrats de travail.

Il a évoqué deux modifications d'ordre législatif particulièrement attendues : l'extension de l'abattement de cotisations patronales, quelle que soit la durée du travail contractuelle, à tous les employeurs en temps partagé et non plus à un seul, et une modification du code de la sécurité sociale afin d'étendre la qualification d'accident du travail aux accidents survenus entre les différents lieux de travail fréquentés par les salariés à temps partagé.

M. André Jourdain, rapporteur, a estimé que la présente proposition de loi reprenait, sous la forme de trois articles, les aspects les plus essentiels au développement du multisalariat comme la reconnaissance législative de cette nouvelle forme de travail, les abattements de charges sociales sur les bas salaires et les principales adaptations nécessaires des dispositifs existants.

Il a observé que la rédaction de l'article premier était de nature à répondre aux besoins des entreprises comme aux préoccupations du salarié à temps partagé à travers la création d'un nouveau type de contrat de travail permettant une approche souple du temps de travail organisé en fonction d'un accord entre l'employeur et le salarié et non plus sur une base unilatérale.

Il a estimé que la description très précise dans le contrat de travail des obligations du salarié permettait de satisfaire l'exercice simultané de plusieurs collaborations, chaque employeur étant informé de toute modification de la liste des contrats de travail en cours comme de toute modification d'un des contrats de travail qui serait de nature à entraver l'exécution d'une autre relation de travail.

Il a précisé que les parties étaient amenées à définir contractuellement les modalités permettant au salarié en temps partagé de bénéficier de ses congés annuels au même moment pour chacun de ses emplois.

Il a souligné la nécessité de garantir chacun des employeurs quant à la loyauté du salarié, en prévoyant l'accord préalable des employeurs avant la signature d'un contrat de travail avec une entreprise concurrente.

Il a observé que la proposition de loi incitait les organisations gestionnaires du régime d'assurance chômage, les organismes de sécurité sociale et les institutions de retraite complémentaire à adapter ou à modifier, en tant que de besoin, les dispositifs en vigueur afin de faciliter l'exercice des emplois à temps partagé.

M. André Jourdain, rapporteur, a considéré que la proposition de loi apportait une réponse aux attentes de nombreuses entreprises. Il a cité l'accord signé le 16 juin dernier entre les entreprises Cariane et Pizza Hut visant à proposer à leurs salariés un cumul de temps partiel. Il a expliqué qu'il s'agissait, pour ces entreprises, de proposer une solution à leurs salariés contraints de travailler à temps partiel en exploitant les complémentarités d'horaires des deux compagnies.

Il a observé que la proposition de loi aurait permis de résoudre les trois principales difficultés rencontrées par ces deux entreprises pour définir le temps de travail effectif, la répartition des exonérations de charges sociales et la prise en charge des accidents du travail.

Il a considéré que le contrat de travail du salarié à temps partagé devrait préciser les dispositions conventionnelles qui lui sont applicables.

Il a estimé que la proposition de loi ouvrait la voie à des mesures conventionnelles nouvelles prenant en compte le contenu du droit du travail applicable à ces salariés et les spécificités de cette forme de travail.

Il a considéré que ce type d'accords devait permettre de limiter le travail à temps partiel contraint.

M. André Jourdain, rapporteur, a considéré que le texte des conclusions qu'il proposait à la commission d'adopter comportait un certain nombre de modifications d'ordre rédactionnel par rapport à la proposition de loi. Il a observé que l'article premier avait été repris sous la forme de quatre articles distincts à des fins de clarification, les articles 2 et 3 ayant été conservés tels quels.

Puis il a proposé aux membres de la commission d'adopter ses conclusions qui lui semblaient constituer un ensemble équilibré de nature à apporter des garanties à l'ensemble des acteurs concernés dans une optique de développement de cette forme d'organisation du travail.

M. Louis Souvet a salué l'initiative du rapporteur et il a souligné la complexité du sujet. Il a observé que la problématique du multisalariat rejoignait celle du marchandisage pour ce qui était de la définition de la durée du travail, des congés ou encore du régime des heures supplémentaires. Il s'est interrogé sur la convention collective applicable au salarié lorsque les entreprises appartiennent à des secteurs différents.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que des dispositions législatives pouvaient être effectivement nécessaires pour accompagner le développement du multisalariat mais elle s'est déclarée réservée quant au contenu de la proposition de loi. Elle a estimé que le texte était encore trop flou et qu'il était préférable de remettre l'examen de la proposition de loi dans l'attente de la publication du rapport demandé par Mme Martine Aubry sur les groupements d'employeurs.

M. Alain Gournac s'est prononcé en faveur de la proposition de loi, estimant qu'elle répondait parfaitement aux besoins des PME.

M. Guy Fischer a considéré qu'un débat sur les groupements d'employeurs pourrait utilement précéder l'examen des dispositions législatives envisagées.

M. Jean Delaneau, président , a observé que de nombreuses dispositions de la proposition de loi constituaient des garanties pour les salariés.

M. Jean Chérioux a estimé nécessaire la création d'une structure plus souple que les groupements d'employeurs.

En réponse aux différents intervenants, M. André Jourdain, rapporteur, a reconnu la complexité des questions auxquelles il convenait de répondre et il a rappelé le souci qui était celui de la proposition de loi de protéger les salariés comme les entreprises qui s'engageaient dans le développement de cette forme de travail.

Il a observé que le contrat qu'il proposait de créer était négocié à égalité entre les parties. Il a estimé que de nombreuses entreprises refusaient la structure des groupements d'employeurs qui instituait une solidarité de fait entre les employeurs en cas de défaillance d'une entreprise.

Il a considéré que la convention collective applicable était celle du secteur de chacune des entreprises employant un salarié à temps partagé.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté la proposition de loi dans le texte proposé par le rapporteur.

AVANT PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi relative au multisalariat en temps partagé 1( * ) a été déposée le 21 avril 1998. Elle a pour objet de définir un cadre juridique adéquat pour une activité en plein développement.

La pluriactivité se définit communément comme le mode d'emploi qui combine l'exercice déclaré de plusieurs emplois ou d'activités diverses. Cette pratique concerne généralement le même individu et peut être assurée soit de façon successive (travail saisonnier par exemple), soit de façon simultanée. Elle a longtemps caractérisé l'économie rurale traditionnelle et s'est effacée avec l'émergence du salariat qui a construit au fil des décennies un modèle de type " un travailleur pour un emploi à temps plein ", modèle battu en brèche par la crise économique.

Le développement du multisalariat peut être apprécié de manière optimiste ou pessimiste.

Dans le premier cas, il constitue un libre choix pour des salariés intéressés par la diversité des emplois et des expériences, soucieux de maîtriser l'organisation de leur temps de travail. Il concerne en particulier des salariés qualifiés comme les cadres, les informaticiens, ou des personnes qui cumulent une activité libérale et salariée.

Dans le second cas, il constitue une nécessité pour des salariés à temps partiel qui ne peuvent se satisfaire d'un faible revenu. Aux Etats-Unis, le multi-emploi ou " moonlighting " 2( * ) concerne environ 6 % des salariés, contre 4,6 % au début des années 1980 3( * ) . En quête de revenus annexes, ces salariés veulent financer, par exemple, les frais de garde des jeunes enfants, leur future inscription à l'université ou l'achat de leur domicile.

Qu'il soit choisi ou contraint, le multi-emploi apparaît comme une tendance forte dans l'évolution des relations du travail. Or la législation ne prévoit pas de dispositions spécifiques à la pluriactivité. Le salarié doit par conséquent cumuler les emplois à temps partiel sans être sûr que ses employeurs ne rendront pas impossible l'exercice de ses différentes activités par des changements d'horaires ou des mutations géographiques. Pour l'entreprise, il existe des incertitudes quant au régime des accidents du travail applicable à ces salariés, aux exonérations de charges sociales dont elle peut bénéficier et aux clauses de non-concurrence.

Légiférer sur la question du multisalariat revient donc à clarifier les rapports entre le salarié et ses employeurs, à établir des garanties réciproques et à valoriser la pluriactivité librement choisie.

La commission des Affaires sociales a adopté les conclusions présentées par le rapporteur proposant de créer un statut du multisalarié, de définir le régime d'exonération de charges sociales qui lui est applicable et d'adapter les règles de droit existantes pour prendre en compte cette nouvelle réalité (en termes de garanties sociales, accidents du travail...).

I. LA LÉGISLATION EN VIGUEUR NE PERMET PAS LE DÉVELOPPEMENT DU MULTISALARIAT

A. LE MULTISALARIAT EST NÉCESSAIRE AU DÉVELOPPEMENT DES PME

Comme le remarquait très justement l'exposé des motifs de la proposition de loi : " Dans un environnement technologique et concurrentiel exacerbé, dans le contexte d'une économie mondialisée, les entreprises, pour demeurer compétitives, doivent optimiser leurs coûts, améliorer la qualité de leurs produits comme de leurs services.

Afin de devenir plus offensives et plus innovantes, elles ont un réel besoin du concours d'un type nouveau de collaborateurs, porteurs de compétences et de savoir-faire immédiatement opérationnels, et dont l'intervention n'est pas nécessairement liée à une activité à temps plein.

Les petites et moyennes entreprises, plus encore, pour relever le défi d'une compétition accrue, ont besoin de pouvoir engager de tels collaborateurs à la juste hauteur de leurs besoins " 4( * ) .


Le multisalariat permet à ces PME de bénéficier de l'expérience d'un cadre pour développer l'exportation, de celle d'un informaticien pour utiliser internet ou encore de celle d'un publicitaire pour mieux mettre en valeur leurs produits. Il est impossible à nombre de PME de recruter un professionnel à temps plein pour chacune de ces activités.

Le multisalariat participe du mouvement de réorganisation des entreprises. Son impact sur l'emploi est indéniable même s'il est limité. Il permet de mieux organiser le cumul d'emplois afin d'assurer un revenu complet aux salariés ainsi que des garanties contractuelles. Il permet également de renforcer les PME et donc indirectement tous les emplois, puisque l'absence de compétences spécifiques (export, informatisation, droit...) est une source fréquente d'erreurs pouvant mener à la faillite de petites entreprises.

La pluriactivité, dont il est question présentement, concerne en particulier les activités tertiaires, c'est en effet dans ce secteur qu'elle est amenée à jouer un rôle déterminant dans les années à venir.

Jusqu'à aujourd'hui, le multisalariat concernait surtout le secteur agricole et les activités saisonnières en général (tourisme).

Le monde agricole compterait ainsi 170.000 pluriactifs connus des services de la Mutuelle sociale agricole dont 35.000 pluriactifs à titre principal et 135.000 à titre secondaire.

Les données enregistrées tendent à confirmer la présence de la pluriactivité sur l'ensemble du territoire. De plus, la pluriactivité agricole -chute des effectifs de ce secteur aidant- n'est plus prépondérante puisque près des deux tiers des pluriactifs ne déclarent aucun revenu agricole.

Une estimation nationale se basant sur les déclarations fiscales évalue le nombre de pluriactifs à 720.000, comprenant 29 % d'agriculteurs, 22 % de commerçants et artisans, 39 % de professions libérales et 10 % d'autres salariés.

Forme d'emploi voulue ou subie, la pluriactivité recouvre une infinité de situations et concerne indifféremment des revenus faibles ou élevés. Conjuguer différents statuts professionnels et plusieurs activités répond selon l'âge, le projet professionnel ou le hasard conjoncturel à bien des contraintes.

D'une part, l'âge ferait fluctuer la pluriactivité conçue chez les jeunes comme un mode d'insertion professionnelle. Les deux tiers des pluriactifs sont âgés de moins de 30 ans. Cette proportion ne doit pas surprendre. Elle décrit la tendance fréquente chez les jeunes travailleurs à associer deux emplois salariés saisonniers. L'âge aidant, cette pratique laisse place à la combinaison de deux statuts différents, celui de travailleur indépendant et de salarié.

On distingue généralement trois grandes catégories de travailleurs pluriactifs :

- la première recouvre les travailleurs exerçant deux métiers différents, chaque jour, tout au long de l'année ;

- la seconde concerne ceux qui exercent plusieurs métiers successivement au cours de l'année ;

- enfin, ceux qui cumulent des activités dans une situation de transition en souhaitant exercer une nouvelle activité professionnelle sans être immédiatement tenus ou capables d'abandonner celle qu'ils exerçaient jusque-là.

Le développement de la première catégorie d'emplois est pénalisé par l'absence d'un régime juridique spécifique.

B. L'ABSENCE D'UN RÉGIME JURIDIQUE SPÉCIFIQUE EST SOURCE D'INCERTITUDES

Le régime juridique de la pluriactivité n'est satisfaisant ni pour le salarié, ni pour l'employeur 5( * ) .

Les problèmes se rencontrent tant dans le domaine de la protection sociale que dans celui du droit du travail.

•  A revenus égaux, le poids des cotisations est plus lourd pour le pluriactif que pour le titulaire d'un contrat de travail unique.

Une tentative avait été faite pour revenir sur cette inégalité à travers la loi Montagne du 9 janvier 1985 qui prévoyait l'adaptation de la législation à la spécificité de la pluriactivité, mais les décrets n'ont jamais été publiés. Cette loi prévoyait un régime de cotisation distinguant entre l'activité principale et l'activité secondaire, outre le fait que cette disposition n'a pas été appliquée, il est à noter que les critères de la distinction soulevaient nombre de difficultés.

Le loi portant diverses dispositions d'ordre social du 27 janvier 1993 a repris l'idée de l'activité principale en lui assignant une caisse pivot. Ce dispositif a été modifié par l'article 43 de la loi du 1 er février 1995 qui a prévu que l'intéressé aurait le libre choix de sa caisse pivot. Un nouveau décret du 16 avril 1997 a prévu la signature d'une convention-cadre, conclue entre les différents organismes de protection sociale, pour définir les services assurés par la caisse pivot.

Ce document contractuel devait prévoir les modalités d'encaissement des cotisations sociales et du versement des prestations au profit du pluriactif. Une forte résistance des caisses de protection sociale n'a pas permis, jusqu'à présent, la mise en oeuvre de ce dispositif.

•  Le code du travail n'est pas plus favorable au travailleur pluriactif que le code de la sécurité sociale. Des dispositions contraignantes limitent en effet le cumul de deux ou plusieurs emplois.

L'article L. 324-2 prévoit que : " Aucun salarié des professions industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles ne peut effectuer des travaux rémunérés relevant de ces professions au-delà de la durée maximale du travail telle qu'elle ressort des lois et règlements en vigueur dans la profession " .

Par ailleurs, l'article L. 324-3 dispose que : " Nul ne peut recourir aux services d'une personne qui contrevient à ces dispositions " .

Ces textes datant d'octobre 1940 résument bien la formule qui a inspiré le code du travail depuis sa création : " un seul métier, une seule entreprise pour toute la vie " .

La seule véritable ouverture est à chercher dans les groupements d'employeurs prévus aux articles L. 127-1 et suivants du code du travail. Le groupement d'employeurs a été créé en 1985 pour permettre à des entreprises de moins de 300 salariés de se constituer sous la forme d'une association loi 1901 destinée à procéder à des embauches ponctuelles, son succès est réel.

En 1997, plus de 400 nouveaux groupements ont pu voir le jour. Les salariés relèvent du groupement qui les gère, les paie et les forme et interviennent dans deux ou trois entreprises différentes. Un problème est posé par la solidarité financière imposée au groupement d'employeurs, celle-ci est jugée par beaucoup d'entreprises, notamment les plus petites, comme dissuasive.

D'autres dispositifs ont été mis au point comme les associations en temps partagé ou encore les sociétés de partage. Mais aucune de ces structures ne semble à même de favoriser le développement du travail à temps partagé sur une grande échelle.

Mme Françoise Hostelier, dans son rapport 6( * ) sur le multisalariat, énonce un certain nombre de mesures nécessaires pour favoriser le développement de la pluriactivité.

Elle propose en particulier de modifier la réglementation relative à l'abattement de cotisations sociales applicable au travail à temps partiel pour permettre à chaque employeur d'en bénéficier. Elle souhaite également qu'en cas de chômage, le droit au versement des allocations soit maintenu et que les partenaires sociaux adaptent les dispositifs pour prendre en compte la spécificité des travailleurs multisalariés.

Le texte de la proposition de loi s'inspire de tous ces travaux ; il innove en créant un contrat de travail propre au pluriactif salarié.

II. QUELQUES MODIFICATIONS LÉGISLATIVES POUR ASSURER LE BON DÉVELOPPEMENT DE CETTE NOUVELLE FORME D'ACTIVITÉ

A. LE TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI SE LIMITE AUX MODIFICATIONS LÉGISLATIVES INDISPENSABLES

Le travail à temps partagé constitue un autre mode de relations, à côté des pratiques de temps plein et de temps partiel.

S'il acquiert la " labélisation législative ", il constituera un paragraphe distinct de la réglementation sur la durée du travail au même titre que les horaires individualisés et le temps partiel, son " grand voisin ".

Cette officialisation n'entraînerait par ailleurs aucune dérogation à telle ou telle disposition du code du travail. Seules quelques modifications du code sont nécessaires pour mettre en cohérence le nouveau dispositif avec les contrats de travail classiques.

Deux modifications d'ordre législatif sont particulièrement attendues :

- une disposition permettant l'extension de l'abattement de cotisations patronales, quelle que soit la durée du travail contractuelle, à tous les employeurs en temps partagé et non plus à un seul.

- une modification du code de la sécurité sociale étendant la qualification d'accident du travail aux accidents survenus entre les différents lieux de travail fréquentés par les salariés à temps partagé.

Le texte de la proposition de loi reprend l'ensemble de ces préoccupations sous la forme de trois articles.

Elle se limite aux aspects les plus essentiels comme la reconnaissance législative de cette nouvelle forme de travail, les abattements de charges dont elle peut bénéficier et les adaptations nécessaires par rapport aux dispositifs existants.

La rédaction de l'article premier est de nature à répondre aux besoins de l'entreprise comme aux préoccupations du salarié à temps partagé. Elle introduit dans le code du travail un nouveau contrat de travail propre au salarié à temps partagé qui répond à plusieurs objectifs :

- permettre une approche aussi bien mensuelle qu'annuelle du temps de travail au niveau de la rémunération comme des horaires ;

- obliger les parties à définir par avenant au contrat de travail et non plus unilatéralement, la répartition de la durée du travail comme sa modification ;

- réserver à un accord entre employeur et salarié à temps partagé la possibilité de modifier la durée du travail.

Cette primauté de l'accord individuel est de nature à satisfaire d'autres préoccupations des parties au contrat de travail. Il convient en effet, pour faciliter l'exercice simultané de plusieurs collaborations, que chaque employeur soit informé de toute modification de la liste des contrats de travail en cours comme de toute modification d'un des contrats de travail qui serait de nature à entraver l'exécution d'une autre relation de travail.

C'est aussi pour répondre à cette préoccupation que les parties devront définir contractuellement les modalités permettant au salarié en temps partagé de bénéficier de ses congés annuels en même temps vis-à-vis de chacun de ses employeurs.

En d'autres termes, le contrat de travail à temps partagé devra comporter l'engagement de ne prendre aucune mesure qui serait de nature à entraver l'exécution par le salarié de ses obligations à l'égard de ses autres employeurs.

Il convient également d'assurer à chacun des employeurs le respect de la loyauté. En cas de nouveau contrat de travail susceptible de concurrencer un ou plusieurs employeurs, l'accord préalable de ce ou ces employeur(s) sera requis.

De même, le salarié à temps partagé s'engage contractuellement à respecter une obligation de discrétion vis-à-vis de chacun de ses employeurs. Le cas échéant, si les parties au contrat l'ont décidé, une clause de non-concurrence protégera les intérêts de l'entreprise devenue ex-employeur.

Non dérogatoire par rapport au code du travail, le multisalariat en temps partagé ne l'est pas davantage par rapport aux normes conventionnelles. Mieux, il peut être source de négociations.

Le contrat de travail devra préciser les dispositions conventionnelles applicables.

Bien entendu, ce sont d'abord celles issues de la convention collective de branche correspondant à l'activité principale de chaque entreprise concernée. Ceci étant, les disparités de contenus pourront amener le salarié à temps partagé à négocier la référence contractuelle à une autre convention collective.

La proposition de loi entend que des mesures conventionnelles viennent compléter ce dispositif en demandant aux partenaires sociaux d'engager une concertation dans deux directions : le contenu du droit du travail applicable à ces salariés et la prise en compte des spécificités du multisalariat à temps partagé sans remettre en cause le principe de leur application à cette catégorie de personnes.

Sur un plan interprofessionnel, les confédérations d'employeurs et de salariés peuvent trouver matière à enrichir le tissu conventionnel en négociant des dispositions ayant vocation à supprimer les disparités pouvant exister, par exemple au niveau du salaire en cas de maladie ou accident, puisque, actuellement, selon le secteur d'activité, le salarié à temps partagé voit sa rémunération garantie, en totalité ou en partie, pour une durée variable ou non selon son ancienneté.

Sur le plan de la protection sociale, aussi bien au niveau du régime général de sécurité sociale qu'au niveau des régimes de retraite complémentaire comme au niveau de la gestion du régime chômage, les partenaires sociaux sont invités à prendre en compte les spécificités du salariat à temps partagé pour adapter, si besoin est, leurs dispositions afin de faciliter son exercice.

Par ailleurs, des dispositions sont prévues pour adapter les conventions collectives et le régime des accidents du travail à la pluriactivité.

B. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION NE MODIFIENT PAS LE FOND DE LA PROPOSITION DE LOI

La commission des Affaires sociales n'a pas modifié le texte de la proposition de loi sur le fond, elle a seulement procédé à des modifications d'ordre formel ou rédactionnel. Ces modifications concernent l'article premier qu'elle a souhaité reprendre sous la forme de quatre articles distincts dans un souci de clarification.

L'article premier insère un nouveau paragraphe dans le code du travail relatif au travail en temps partagé.

L'article 2 introduit dans le code du travail un nouvel article L. 212-4-7-1 relatif au contrat de travail à temps partagé. Le contenu du contrat reprend le texte de la proposition de loi.

L'article 3 introduit dans le code du travail un nouvel article L. 212-4-7-2 relatif à l'abattement de cotisations sociales dont peuvent bénéficier les employeurs de salariés à temps partagé.

L'article 4 invite les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage, les organismes de sécurité sociale et les institutions de retraite complémentaire à adapter leurs dispositifs en vigueur afin de faciliter l'exercice des emplois à temps partagé.

L'article 5, relatif à l'adaptation des conventions collectives, reprend le texte de la proposition de loi tout comme l'article 6 relatif aux accidents du travail survenus sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail du salarié pluriactif.

En conclusion, il peut être rappelé que la promotion du multisalariat s'inscrit tout à fait dans la démarche prônée par les lignes directrices pour l'emploi pour 1999 présentées par la Commission européenne et examinées par la commission 7( * ) .

La ligne directrice n° 16 prévoit en effet que : " afin de promouvoir la modernisation de l'organisation du travail et des formes de travail, un partenariat devrait être établi à tous les niveaux appropriés. Chaque Etat membre examinera de son côté l'opportunité d'introduire dans sa législation des types de contrats plus adaptables pour tenir compte du fait que l'emploi revêt des formes de plus en plus diverses. Les personnes travaillant dans le cadre de contrats de ce type devraient, dans le même temps, bénéficier d'une sécurité suffisante et d'un meilleur statut professionnel, compatible avec les nécessités des entreprises. "

Les conclusions adoptées par la commission s'inscrivent dans cette perspective et complètent sur ce point le plan d'action nationale français pour l'emploi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Contrat de travail à temps partagé, abattement de cotisations sociales
et adaptation des dispositifs de sécurité sociale

I - Le texte de la proposition de loi

L'article premier de la proposition de loi introduit dans le code du travail quatre dispositions : un nouveau pragraphe intitulé " Travail à temps partagé " et trois nouveaux articles.

L'article L. 212-4-8 crée le contrat de travail à temps partagé et détermine les mentions obligatoires qu'il doit comporter. Il s'agit de la durée du contrat, de la qualification du salarié, de sa rémunération, de la convention collective applicable, de la durée hebdomadaire et notamment de sa répartition, des congés annuels, des modalités de modification du contrat, des obligations réciproques du salarié et de l'employeur.

Ce contrat réduit la marge de manoeuvre de l'employeur qui ne pourra plus modifier unilatéralement les horaires de travail du salarié. Il présente également des garanties pour l'employeur en termes de non-concurrence et de disponibilité du salarié.

L'article L. 212-4-9 prévoit que les gestionnaires des régimes sociaux devront adapter leurs dispositifs aux spécificités du multisalariat.

L'article L. 212-4-10 prévoit que l'abattement de cotisations sociales patronales prévu pour les employeurs de salariés à temps partiel est applicable à chaque employeur de salarié à temps partagé.

II - Le texte adopté par la commission des Affaires sociales

La commission a souhaité que chacune des quatre dispositions de l'article premier fasse l'objet d'un article spécifique.

L'article premier insère dans le code du travail un nouveau paragraphe intitulé " Travail à temps partagé ".

L'article 2 reprend les éléments du contrat de travail à temps partagé sous la forme d'un nouvel article L. 212-4-7-1.

L'article 3 introduit un nouvel article L. 212-4-7-2 dans le code du travail relatif à l'abattement de charges sociales dont peuvent bénéficier les employeurs de salariés à temps partagé.

La commission a modifié la numérotation des articles créés par la proposition de loi avec le souci de ne pas modifier la numérotation des articles déjà existants.

Par ailleurs, elle n'a pas souhaité codifier l'invitation faite aux gestionnaires de régimes sociaux d'adapter les dispositifs en vigueur à l'exercice du travail à temps partagé. Cette disposition prend la forme d'un article 4 non codifié.

Art. 2
Adaptation des conventions collectives
à l'exercice du travail en temps partagé

I - Le texte de la proposition de loi

L'article 2 complète l'article L. 133-5 du code du travail relatif aux dispositions que doit contenir une convention de branche conclue au niveau national pour pouvoir être étendue. Il prévoit que la convention collective devra être adaptée aux salariés à temps partagé.

II - Le texte adopté par la commission des Affaires sociales

La commission a repris cet article 2 sous la forme d'un article 5.

Art. 3
Accidents du travail sur le parcours entre différents lieux de travail

I - Le texte de la proposition de loi

L'article 3 complète l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale relatif aux accidents survenus lors d'un trajet. Il étend la qualification d'accident du travail à l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail du salarié à temps partagé.

Une modification similaire est apportée à l'article L. 1146 du code rural.

II - Le texte adopté par la commission des Affaires sociales

La commission a repris cet article 3 sous la forme d'un article 6 avec une modification rédactionnelle.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Article premier

Après l'article L. 212-4-7 du code du travail, il est inséré un paragraphe nouveau ainsi rédigé : " paragraphe 2 bis - Travail à temps partagé ".

Art. 2

Après l'article L. 212-4-7 du code du travail, il est inséré un article nouveau ainsi rédigé :

" Art. L. 212-4-7-1 - Le travail à temps partagé est l'exercice par un salarié pour le compte de plusieurs employeurs de ses compétences professionnelles dans le respect des dispositions applicables à la réglementation de la durée du travail.

" Le contrat de travail du salarié à temps partagé est un contrat écrit à durée déterminée ou indéterminée. Il mentionne notamment :

" - la qualification du salarié ;

" - les éléments de la rémunération ; le contrat peut prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment du temps accompli au cours du mois lorsque le salarié à temps partagé est occupé sur une base annuelle ;

" - la convention collective éventuellement appliquée par l'employeur et, le cas échéant, les autres dispositions conventionnelles applicables ;

" - la durée du travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle ou annuelle ;

" - la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ou de l'année ; quand cette répartition ne peut être préalablement établie, un avenant au contrat de travail la définit ultérieurement ;

" - la possibilité de modifier cette répartition ou la durée du travail par accord entre les parties ;

" - la procédure selon laquelle le salarié à temps partagé pourra exercer son droit à congés annuels ;

" - la liste des autres contrats de travail dont le salarié est titulaire ; toute modification de cette liste est portée à la connaissance de chacun des employeurs par lettre recommandée avec accusé de réception ; il en est de même de toute modification d'un contrat de travail portant sur la durée du travail ou sa répartition ou sur tout élément de nature à entraver l'exécution d'un autre contrat de travail ; le salarié à temps partagé doit obtenir l'accord de ses autres employeurs préalablement à la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec un employeur concurrent d'un précédent ;

" - l'engagement de l'employeur de ne prendre aucune mesure qui serait de nature à entraver l'exécution par le salarié de ses obligations à l'égard de ses autres employeurs ;

" - l'engagement du salarié de respecter, pendant la durée du contrat comme après sa rupture, une obligation de discrétion sur toutes informations concernant chaque employeur ;

" - l'engagement du salarié à temps partagé de respecter les limites fixées par l'article L. 212-7".

Art. 3

Après l'article L. 212-4-7-1 du code du travail, il est inséré un article nouveau ainsi rédigé :

" Art. L. 212-4-7-2 . - L'abattement de cotisations patronales prévu à l'article L. 322-12 est applicable, sous réserve des autres conditions définies par cet article, à chaque employeur d'un salarié à temps partagé dont les contrats de travail répondent aux conditions définies par l'article L. 212-4-7-1 sans préjudice des articles L. 212-4-2 et L. 212-4-3 quelle que soit la durée minimale du travail convenue contractuellement. ".

Art. 4

Les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage, les organismes de sécurité sociale et les institutions de retraite complémentaire sont appelés, en tant que de besoin, à adapter ou à modifier les dispositifs en vigueur afin de faciliter l'exercice des emplois à temps partagé.

Art. 5

Le 12° de l'article L. 133-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" g) Pour les salariés à temps partagé, l'adaptation, en tant que de besoin, des dispositions de la convention collective à cette catégorie de salariés. ".

Art. 6

I. - Le l° de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :

" Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salarié répondant aux conditions de l'article L. 212-4-7-1 du code du travail. "

II. - Le troisième alinéa (a) de l'article 1146 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée : " Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salarié répondant aux conditions de l'article L. 212-4-7-1 du code du travail. ".

ANNEXE :
QUESTION ÉCRITE DE M. NICOLAS ABOUT AU MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ8( * )

TRAVAIL À TEMPS PARTAGÉ

M. Nicolas About attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le faible développement, dans notre pays, du travail en temps partagé. Cette formule originale, qui consiste pour un salarié à exercer une activité dans plusieurs entreprises à la fois, présente pourtant de nombreux avantages : elle permet notamment à des cadres ou à des techniciens au chômage de retrouver progressivement une activité, en vendant leurs compétences à différentes PME-PMI qui sont à la recherche de personnel qualifié, mais qui n'ont pas toujours les moyens d'embaucher un travailleur à temps plein. Le développement du travail en temps partagé se heurte actuellement à la complexité des textes réglementaires du code du travail qui sont pour l'essentiel conçus sur le modèle du contrat de travail unique. Lorsqu'un salarié travaille dans plusieurs entreprises relevant de secteurs différents, il est contraint de cotiser à plusieurs caisses de retraite distinctes. Son employeur principal doit payer l'ensemble des charges patronales, puis se faire rembourser auprès des autres entreprises qui l'emploient. Cette lourdeur administrative n'incite guère les PME à se lancer dans l'aventure du multisalariat. De même, elle place le salarié dans une situation inconfortable. Si ce dernier perd l'un des ses emplois partiels, il ne pourra toucher d'indemnités de chômage qu'à condition de renoncer à tous ses autres emplois. Faute de statut juridique précis, ces multisalariés sont contraints de se regrouper au sein d'associations intermédiaires ou de sociétés de partage aux contours flous, ce qui ne favorise guère leur reconnaissance par les entreprises. Alors que la loi sur la réduction du temps de travail a délibérément limité le recours au temps partiel dans les entreprises, aucune disposition n'a été prévue par le Gouvernement pour encourager le développement du travail en temps partagé. Il lui demande par conséquent les mesures qu'elle entend prendre pour promouvoir cette formule de travail et accorder aux multisalariés un statut juridique précis. Il lui demande notamment si l'on ne pourrait pas s'inspirer du dispositif dont bénéficient déjà les voyageurs, représentants, placiers (VRP), pour permettre à ces salariés de verser leurs cotisations sociales dans une caisse unique et de se doter d'une convention collective spécifique.

Réponse - L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre de l'emploi et de la solidarité sur la nécessité d'adapter la législation du travail au statut spécifique des salariés à employeurs multiples. La situation des " pluriactifs " est, en effet, un sujet de réflexion d'autant plus important qu'il s'agit de l'une des formes de partage du travail qui peut contribuer au développement d'emplois stables, dans un cadre adapté à la situation des PME. En ce qui concerne le droit du travail, l'instauration d'un statut du pluriactif ne paraît pas toutefois souhaitable. En effet, si des modifications du droit existant s'avèrent nécessaires, dans la mesure où il a été conçu pour régir la situation classique de salariés se consacrant à une activité professionnelle unique, le Gouvernement réfléchit, à ce stade, à des mesures visant à adapter à la pluriactivité certaines dispositions du code du travail ayant trait notamment aux congés payés, aux heures complémentaires et à la médecine du travail plutôt que de créer un statut à part, dont l'expérience démontre qu'il ne pourrait qu'être à l'origine de rigidités et de complexités incompatibles avec la situation même de ces salariés. Il convient de souligner que, pour répondre à ce besoin, le législateur a institué par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985, la formule du groupement d'employeurs. Le groupement d'employeurs a pour objet d'embaucher et de mettre à la disposition des entreprises ou employeurs adhérents des salariés liés au groupement par un contrat de travail. Ce dispositif présente l'avantage, pour le salarié de n'avoir qu'un seul employeur -le groupement- auquel il est lié par un contrat de travail unique et, pour les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas la possibilité d'employer un salarié à plein temps, de satisfaire à leur besoin de main-d'oeuvre en occupant un salarié à temps partiel. Par ailleurs, une initiative des partenaires sociaux pour négocier un accord portant sur l'emploi des salariés à temps partiel ayant plusieurs employeurs ne peut qu'être encouragée. Cet accord pourrait être un accord interprofessionnel, conclu entre les organisations syndicales et patronales visées à l'article L. 132-2 du code du travail dont l'objectif serait de définir les règles conventionnelles applicables aux salariés à temps partiel ayant plusieurs employeurs. En ce qui concerne le droit au versement des allocations chômage, l'article L. 351-1 du code du travail subordonne ce versement à la privation involontaire d'emploi du travailleur. Toutefois, afin de ne pas pénaliser les salariés à employeurs multiples, l'article L. 351-20 prévoit le cumul de ces allocations avec les revenus procurés par une autre activité dès lors que celle-ci a un caractère occasionnel ou réduit. Le revenu procuré par cette activité ne doit pas excéder 47 % de la rémunération brute mensuelle antérieure. Il est à noter que la détermination des règles applicables en la matière relève de la seule compétence des partenaires sociaux, gestionnaires du régime d'assurance chômage. Au regard de la protection sociale enfin, il convient de préciser que le décret 97-362 du 16 avril 1997 laisse aux assurés sociaux pluriactifs le libre choix, parmi les caisses dont ils relèvent, de leur organisme de rattachement, appelé caisse pivot, indépendamment de leur activité principale, afin d'éviter le changement de caisse en cas de changement d'activité principale.



1 Sénat, proposition de loi n° 394 relative au multisalariat présentée par M. André Jourdain.

2 " moonlighting " de moonlight, clair de lune, l'expression désigne des salariés qui cumulent des emplois diurnes et nocturnes.

3 Libération, cahier emploi, lundi 26 janvier 1998, p. 3.

4 Sénat, proposition de loi n° 394 relative au multisalariat présentée par M. André Jourdain, p. 2.

5 Voir notamment Semaine sociale Lamy, supplément n° 882, 14 avril 1998, Aspects juridiques de la pluriactivité par Jean-Bernard Paillisser.

6 Contribution aux formes nouvelles d'emploi : le multisalariat par Mme Françoise Hostalier, 22 mars 1996.

7 Rapport n° 100, au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat, sur les propositions de résolution présentées par M. Michel Barnier et par M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E-1171), M. Louis Souvet, rapporteur.

8 J.O. Sénat - Questions 10 décembre 1998 - Page 3962 - Question n° 9531.



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