Proposition de loi relative à la famille
LORRAIN (Jean-Louis)
RAPPORT 410 (98-99) - Commission des Affaires sociales
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
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AVANT-PROPOS
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I. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE
-
A. L'ACTION DU GOUVERNEMENT : UNE POLITIQUE FAMILIALE EN TROMPE-L'oeIL
- 1. Le rétablissement de l'universalité des allocations familiales s'est accompagné d'une diminution du plafond du quotient familial
- 2. La réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) a rendu plus difficile la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
- 3. Les rares mesures positives ont été financées par de nouvelles économies au détriment des familles.
- B. UN IMPÉRATIF: DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À LA POLITIQUE FAMILIALE
-
A. L'ACTION DU GOUVERNEMENT : UNE POLITIQUE FAMILIALE EN TROMPE-L'oeIL
-
II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE DÉMARCHE GLOBALE, COHÉRENTE
ET VOLONTARISTE
-
A. LES AXES D'UNE POLITIQUE FAMILIALE RENOUVELÉE
- 1. Encourager l'accueil du deuxième et du troisième enfant
- 2. Faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
- 3. Généraliser l'allégement et l'enrichissement des rythmes scolaires.
- 4. Aider les jeunes adultes
- 5. Compenser l'effort financier des familles
- 6. Garantir les ressources de la branche famille
- B. UN EFFORT QUE NOTRE PAYS PEUT ASSUMER
-
A. LES AXES D'UNE POLITIQUE FAMILIALE RENOUVELÉE
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I. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE
- EXAMEN DES ARTICLES
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TITRE PRÉLIMINAIRE
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DISPOSITIONS GÉNÉRALES -
TITRE PREMIER
-
AMÉLIORATION DE L'ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS -
CHAPITRE PREMIER
-
L'allocation universelle d'accueil de l'enfant -
CHAPITRE II
-
Allocation de garde d'enfant à domicile -
CHAPITRE III
-
Majoration de la réduction d'impôt pour la garde d'enfant à domicile -
TITRE II
-
CONCILIATION ENTRE VIE FAMILIALE ET VIE PROFESSIONNELLE -
CHAPITRE PREMIER
-
Congé de solidarité familiale -
CHAPITRE II
-
Extension du temps partiel choisi -
CHAPITRE III
-
Valorisation du rôle des pères -
CHAPITRE IV
-
Compensation de l'effort familial des entreprises -
TITRE III
-
RYTHMES SCOLAIRES -
TITRE IV
-
L'AIDE AUX JEUNES ADULTES -
CHAPITRE PREMIER
-
Prêt à taux zéro pour les jeunes adultes -
CHAPITRE II
-
Accélération de la transmission anticipée du patrimoine -
TITRE V
-
LA COMPENSATION DE L'EFFORT FINANCIER
DES FAMILLES -
CHAPITRE PREMIER
-
Amélioration du mécanisme du quotient familial -
CHAPITRE II
-
Revalorisation des allocations familiales -
TITRE VI
-
DISPOSITIONS FINANCIÈRES -
CHAPITRE PREMIER
-
Reconduction de la garantie de ressources de la branche famille -
CHAPITRE II
-
Financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire -
CHAPITRE III
-
Compensation financière
N°
410
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juin 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Jean ARTHUIS, Guy CABANEL, Henri de RAINCOURT et Josselin de ROHAN, relative à la famille ,
Par M.
Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques
Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir le numéro
:
Sénat
:
396
(1998-1999).
Famille. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mercredi 9 juin 1999
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau,
président
, la commission a procédé à
l'examen du rapport sur la proposition de loi n° 396
(1998-1999), présentée par MM. Jean Arthuis, Guy
Cabanel, Josselin de Rohan et Henri de Raincourt, relative à la
famille
.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a présenté les grandes
lignes de son rapport (cf. exposé général).
M. Jean Chérioux
a considéré que cette proposition
de loi s'inscrivait dans la droite ligne de la loi de 1994 relative à la
famille et des positions maintes fois rappelées de la majorité
sénatoriale sur la famille. Rappelant que l'actuel Gouvernement n'avait
pris aucune mesure positive en faveur des familles depuis 1997, il a
jugé que la proposition de loi témoignait du souci permanent du
Sénat d'améliorer le sort des familles.
M. Gilbert Chabroux
a souligné qu'il n'avait pu prendre
connaissance de ce texte que la veille et a indiqué qu'il n'était
pas surpris que la majorité sénatoriale ait souhaité se
faire l'écho de la récente déclaration du Président
de la République sur la famille.
Il a considéré que la proposition de loi était un texte
idéologique qui privilégiait les familles aux revenus
élevés. Il a affirmé que ce texte comportait avant tout
des dispositions financières et laissait de côté de
nombreux aspects de la politique familiale, tels que les équipements
collectifs, les mesures éducatives ou l'aménagement des
conditions de travail.
Il a déclaré qu'il ne pouvait partager l'orientation d'ensemble
de ce texte, même si celui-ci pouvait comporter par ailleurs certaines
dispositions intéressantes.
Après avoir déploré la précipitation avec laquelle
le Sénat examinait la proposition de loi,
Mme Nicole Borvo
a
considéré que ce texte privilégiait avant tout les
familles aisées. Elle a souligné qu'elle ne partageait pas la
conception de la famille de la majorité sénatoriale et a
regretté que la proposition de loi ne comporte aucune disposition pour
le premier enfant. Après avoir évoqué la finalité
nataliste de la proposition de loi, elle a constaté que ce texte
encourageait la garde à domicile aux dépens des modes de garde
collectifs et se traduisait par de nouvelles exonérations de charges et
de nouvelles réductions d'impôts. Soulignant que ce texte ne
permettrait pas un véritable débat sur ce que devrait être
la politique familiale,
Mme Nicole Borvo
a déclaré que la
philosophie de cette proposition de loi ne convenait absolument pas au groupe
communiste républicain et citoyen.
M. Claude Huriet
a fait valoir que la proposition de loi s'inscrivait
dans la continuité de la réflexion sénatoriale sur la
famille. Il a souligné la très grande cohérence de ce
texte qui n'opérait pas de distinction entre les familles. Evoquant la
mise sous condition de ressources de certaines prestations familiales, il a
rappelé que le supplément familial de traitement des
fonctionnaires n'était pas versé sous condition de ressources. Il
a souligné qu'une politique familiale devait avoir également une
finalité nataliste et a apporté son entier soutien à la
proposition de loi.
M. Philippe Nogrix
a rappelé que le premier lien social
était précisément le lien familial. Après avoir
dénoncé l'absence de toute mesure favorable aux familles depuis
l'arrivée du Gouvernement de M. Lionel Jospin, il s'est
félicité de cette proposition de loi qui tenait compte des
évolutions de la société. Il a particulièrement
approuvé les mesures relatives aux congés parentaux et aux grands
enfants. Il a également mis l'accent sur le rôle essentiel que
jouaient les grands-parents dans la solidarité familiale.
Mme Gisèle Printz
a considéré que la multiplication
de dispositions financières favorables aux familles n'avaient pas
d'incidence sur la natalité.
M. Alain Gournac
a rappelé que les familles avaient
été victimes de la politique menées par le Gouvernement et
qu'elles se sentaient aujourd'hui mal aimées et abandonnées. Il a
considéré qu'il était par conséquent
nécessaire de leur faire parvenir un signal fort de l'engagement de la
collectivité en leur faveur. Il a jugé qu'une nouvelle
organisation du temps scolaire était nécessaire et que le
législateur devait se préoccuper de la situation des jeunes de 16
à 25 ans qui constituaient une charge particulièrement
importante pour les familles. Il a qualifié de choquants les allers et
retours législatifs qui avaient caractérisé les conditions
d'attribution des allocations familiales et a regretté que la diminution
de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) ait favorisé
le développement du travail au noir. Il s'est félicité que
la proposition de loi reconnaisse et valorise le rôle du père dans
la famille.
M. Francis Giraud
a considéré qu'une politique familiale
ambitieuse constituait un devoir national. Il a rappelé l'importance du
lien familial dans une société de plus en plus
déstructurée. Il a fait valoir que toute politique familiale
était forcément nataliste dans la mesure où la structure
familiale avait précisément pour finalité la conception et
l'éducation des enfants. Aussi a-t-il affirmé qu'il était
favorable à une politique résolument nataliste.
M. Alain Vasselle
a formulé un double constat. Il a tout d'abord
observé que notre pays n'assurait plus le renouvellement des
générations, ce qui se traduirait à l'avenir par des
déséquilibres démographiques de nos systèmes de
retraite. Il a également relevé que les familles nombreuses,
comportant plus de trois enfants, étaient aujourd'hui de plus en plus
rares. Il a considéré que cette situation provenait à la
fois d'une certaine peur du lendemain dans un contexte économique
difficile et de la diminution du niveau de vie qu'entraînait la naissance
des enfants. Il a rappelé à cet égard que le rapport de
MM. Thelot et Villac sur la politique familiale avait
démontré qu'une famille de quatre enfants devait avoir un revenu
de 24.000 francs par mois pour disposer du pouvoir d'achat d'un homme
marié, sans enfant, rémunéré au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC). Il a constaté que les familles
avec deux salaires avaient été particulièrement
pénalisées par la politique gouvernementale de diminution du
quotient familial et de mise sous condition de ressources des allocations
familiales. Il a souhaité une politique familiale en direction de toutes
les familles et pas uniquement en direction des familles les plus
nécessiteuses.
M. Claude Domeizel
a jugé que la proposition de loi avait une
connotation nataliste évidente. Il a souligné que le débat
sur cette proposition de loi ne pouvait se résumer à un
affrontement entre ceux qui étaient pour la famille et ceux qui lui
étaient opposés.
En réponse aux différents orateurs,
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur,
a confirmé que la proposition de loi s'inscrivait dans
la continuité de la loi famille de 1994. Il a souligné que ce
texte ne comportait pas de dimension idéologique et favorisait toutes
les familles, y compris les familles monoparentales. Il a fait valoir que la
proposition de loi couvrait un champ très large et comportait des
dispositions qui n'avaient rien de financier. Il a considéré que
la politique familiale devrait être globale et que les questions de droit
de la famille ou d'éducation relevaient du domaine de compétence
d'autres commissions permanentes du Sénat.
M. Jean Delaneau, président
, a fait valoir que tous les
sénateurs portaient le même attachement à la famille,
même s'ils pouvaient avoir, parallèlement, des conceptions
différentes de la politique familiale. Evoquant la question des jeunes
adultes, il a rappelé qu'il avait déposé, en 1986, une
proposition de loi instituant un livret d'épargne destiné
à assurer le financement des études des enfants.
La commission a ensuite examiné les articles de la proposition de loi.
Elle a adopté
l'article premier
(rôle de la famille dans
notre société) dans le texte de la proposition de loi.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, elle a
adopté
l'article 2
(création de l'allocation
universelle d'accueil de l'enfant) dans le texte de la proposition de loi.
La commission a adopté
l'article 3
(suppression de la
condition de ressources pour l'attribution de l'AGED) dans le texte de la
proposition de loi.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, elle a
adopté
l'article 4
(prise en charge intégrale par
l'AGED des cotisations sociales) dans le texte de la proposition de loi.
Elle a adopté
les articles 5
(disposition de coordination),
6
(réduction d'impôt pour la garde d'un enfant
à domicile),
7
(modification d'un intitulé) dans le texte
de la proposition de loi.
A l'article 8
(création du congé de solidarité
familiale), la commission a supprimé la disposition prévoyant que
le salarié ne pouvait bénéficier que d'un an de
congé de solidarité familiale sur l'ensemble de sa vie
professionnelle. Elle a adopté cet article ainsi rédigé.
Elle a adopté
l'article 9
(extension jusqu'au sixième
anniversaire de l'enfant du droit au temps partiel) en modifiant sa
présentation formelle.
Sous réserve de modifications formelles, elle a adopté
les
articles 10
(majoration des droits à congés familiaux),
11
(majoration de droits à congé de solidarité
familiale) et
12
(exonération de charges sociales pour les
recrutements destinés à remplacer les salariés en
congé de solidarité familiale) dans le texte de la proposition de
loi.
A l'article 13
(dotation de l'Etat aux fonds d'action sociale des
caisses d'allocations familiales), la commission a prévu que cette
dotation serait fixée chaque année en loi de finances. Elle a
adopté cet article ainsi rédigé.
Elle a adopté les
articles 14
(généralisation
de l'allégement et de l'enrichissement des rythmes scolaires dans les
écoles primaires),
15
(prêt à taux zéro pour
les jeunes de 18 à 25 ans),
16
(abattement de
200.000 francs sur la part des petits-enfants âgés de 16
à 30 ans en cas de donation des grands-parents) et
17
(augmentation du plafond du quotient familial) dans le texte de la proposition
de loi.
Sous réserve de la rectification d'une erreur matérielle, la
commission a adopté
l'article 18
(revalorisation des
prestations familiales en 1999) dans le texte de la proposition de loi.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, elle a
adopté
l'article 19
(modalités de revalorisation des
prestations familiales) dans le texte de la proposition de loi.
Elle a adopté les
articles 20
(garantie de ressources de la
branche famille) et
21
(prise en charge par le budget de l'Etat de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire) dans le texte de la
proposition de loi.
A l'article 22
(compensation financière de la proposition de
loi), elle a adopté une rédaction prévoyant que les pertes
de recettes pour l'Etat résultant de la présente loi seraient
compensées par une augmentation à due concurrence des droits sur
les tabacs. Le rapporteur a rappelé à cet égard que les
dépenses supplémentaires à la charge de la branche famille
pouvaient être financées grâce aux excédents de cette
branche prévus à compter de 2000 ; il a par ailleurs
formulé le voeu que les diminutions d'impôt que comportait la
proposition de loi soient financées par des économies
budgétaires, la majoration du droit sur les tabacs n'étant
mentionnée qu'au regard de la procédure parlementaire.
La commission a enfin
adopté l'ensemble de la proposition de
loi.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Lieu privilégié de l'éducation des enfants et de la
solidarité entre les générations, la famille est une des
valeurs essentielles sur lesquelles est fondée notre
société. C'est sur elle que repose l'avenir de la Nation.
Notre pays a toujours souligné l'attachement qu'il portait à la
famille : le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
affirme ainsi que
" la Nation assure à l'individu et à la
famille les conditions nécessaires à leur
développement "
. Il précise en outre que la Nation
" garantit à tous, notamment à l'enfant, à la
mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la
sécurité matérielle, le repos et les loisirs ".
La famille n'est pas simplement une affaire privée, elle est aussi une
affaire publique. Elle a besoin d'être soutenue par une politique
familiale volontariste, dont témoigne par exemple la loi du 25 juillet
1994 relative à la famille.
Force pourtant est de constater que l'actuel Gouvernement n'a pas fait de la
politique familiale l'une de ses priorités. Il a certes renoncé
à la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Mais
ce recul s'est accompagné d'une nouvelle mesure très
critiquable : la diminution brutale du quotient familial. La loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 a été
à cet égard très révélatrice :
malgré le retour à l'excédent de la branche famille, les
rares mesures positives ont été financées par de nouvelles
économies réalisées au détriment des familles.
Comme l'a montré excellemment notre collègue Jacques Machet dans
son rapport consacré au volet famille de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999
1(
*
)
, le
Gouvernement mène en réalité une politique familiale en
trompe-l'oeil qui consiste essentiellement à reprendre d'une main ce
qu'il donne de l'autre.
Au moment même où la proposition de loi relative au pacte civil de
solidarité (PACS) vient fragiliser l'institution familiale, notre pays
manque, à l'évidence, d'une politique familiale à la
hauteur des enjeux.
La présente proposition de loi, déposée le 2 juin dernier
par les quatre présidents de groupes de la majorité
sénatoriale -MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et
Josselin de Rohan-, vise par conséquent à donner une nouvelle
impulsion à la politique familiale. Elle se caractérise par sa
démarche globale, cohérente et volontariste.
Elle répond également au souhait exprimé par le
Président de la République, le 31 mai dernier, de
" replacer la famille au premier rang des priorités ",
de voir la France se doter
" d'une nouvelle ambition familiale "
et
redonner
" souffle et vigueur à sa politique de la
famille, une politique qui doit se traduire non par une redistribution entre
familles, mais un accroissement régulier des ressources que la Nation
leur consacre ".
Le temps a été compté à votre commission pour
examiner un texte d'une telle ampleur. Elle aurait souhaité notamment
pouvoir procéder à un large programme d'auditions publiques qui
aurait permis, le cas échéant, d'enrichir une proposition
déjà, il est vrai, très complète.
Mais votre rapporteur se réjouit, sans réserve, que le
Sénat puisse adopter, avant la fin de la présente session, une
proposition de loi aussi fondamentale pour l'avenir de notre pays et la
cohésion de notre société.
I. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE
A. L'ACTION DU GOUVERNEMENT : UNE POLITIQUE FAMILIALE EN TROMPE-L'oeIL
1. Le rétablissement de l'universalité des allocations familiales s'est accompagné d'une diminution du plafond du quotient familial
Depuis
son arrivée au pouvoir, en juin 1997, le Gouvernement de M. Lionel
Jospin a multiplié les mesures défavorables aux familles.
La mise sous condition de ressources des allocations familiales, prévue
par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, a
été à cet égard la première erreur majeure.
L'opposition à cette mesure s'est manifestée sous des formes
diverses mais de manière quasi-unanime.
Chacun se souvient que le Sénat s'était, pour sa part,
très vigoureusement opposé à cette mesure qui, pour M.
Jacques Machet, rapporteur de la commission des Affaires sociales, remettait en
cause
" les fondements de la politique familiale ".
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998, la commission des Affaires sociales,
par la voix de son rapporteur, avait souligné que la mise sous condition
de ressources des allocations familiales portait atteinte à un principe
fondateur de la politique familiale : l'universalité des allocations
familiales, qui sont un droit ouvert à l'enfant indépendamment du
statut et de la situation de ses parents. Les allocations familiales visent en
effet à compenser les charges liées à la présence
d'enfants. Elles symbolisent le soutien dont peut bénéficier
chaque famille parce qu'elle assure l'avenir de la collectivité
nationale.
La commission des Affaires sociales avait tenu à rappeler solennellement
que la politique familiale a été conçue dans notre pays
comme un principe de compensation horizontale des charges liées à
la présence d'enfants.
Elle avait en outre estimé que la mise sous condition de ressources des
allocations familiales transformait la politique familiale en une politique
d'aide sociale à vocation redistributive.
Enfin, elle avait souligné que le Gouvernement prenait ainsi une
décision lourde de menaces pour l'avenir de notre système de
protection sociale. La mise sous condition de ressources des allocations
familiales ouvrait la voie à l'instauration de conditions de ressources
pour d'autres branches de la sécurité sociale, notamment
l'assurance maladie
2(
*
)
.
Cette mesure risquait en outre de conduire des parts croissantes de la
population à se détourner d'une protection sociale dont elles ne
percevraient plus la prestation et donc le bien-fondé.
Malgré cette opposition et cette mise en garde, la mise sous condition
de ressources des allocations familiales a été maintenue par
l'Assemblée nationale en lecture définitive et cette disposition
est devenue l'article 23 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998.
Très vite cependant, le Gouvernement affirma que cette mesure serait
"
provisoire
". Dès le 12 juin 1998, il
annonçait à l'occasion de la Conférence de la famille le
retour à l'universalité des allocations familiales à
compter du 1
er
janvier 1999. Etudiée dans le cadre du
rapport Thélot-Villac et recommandée par Mme Gillot, la
réduction du plafond du quotient familial était
présentée comme la contrepartie de cette mesure.
Le choix du Gouvernement de renoncer à cette réforme -trois mois
seulement après l'entrée en vigueur effective de la mesure- a
confirmé
a posteriori
le bien-fondé et la pertinence
des analyses formulées par la commission des Affaires sociales, par la
voix de votre rapporteur.
On ne peut cependant que regretter que le Sénat n'ait pas
été entendu plus tôt, lors des débats sur le projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Cette mesure se sera finalement traduite par la perte des allocations
familiales pour 351.000 familles, soit 7,8 % de l'ensemble des
familles bénéficiaires, et par une diminution de leur montant
pour 35.000 familles, dont les revenus ne sont que
légèrement supérieurs aux plafonds et qui
perçoivent une prestation différentielle.
Ces chiffres ne peuvent à eux seuls rendre compte des
conséquences, morales et psychologiques pour les familles de ces
modifications répétées et contradictoires de la
législation sur les allocations familiales. Outre le sentiment
d'incompréhension et de confusion qu'ils génèrent
auprès des familles, la mise sous condition de ressources des
allocations familiales puis son abandon témoignent d'une décision
mal préparée et difficilement assumée. On ne peut
qu'être frappé du contraste entre cette opération
" coup de poing ", qui se termine en bavure, et les
hésitations et atermoiements à prendre des mesures courageuses
sur les retraites.
De surcroît, la suppression de la condition de ressources pour le
versement des allocations familiales ne constitue pas, pour les familles, un
simple retour à la situation antérieure à 1998. En effet,
cette mesure s'est accompagnée d'un corollaire particulièrement
injustifié : la diminution du plafond du quotient familial de
l'impôt sur le revenu.
L'article 2 de la loi de finances pour 1999 a en effet abaissé de
16.380 francs à 11.000 francs le plafond de la demi-part de droit
commun.
Cette mesure, présentée par le Gouvernement comme la contrepartie
indispensable du rétablissement des allocations familiales pour toutes
les familles, constitue un recul important de la politique familiale
menée depuis la Libération et se traduit par une augmentation
d'impôt pour 500.000 familles.
Sont particulièrement frappées par cette substitution les
familles qui ne percevaient pas d'allocations et ne bénéficient
donc pas de leur rétablissement : les familles avec un enfant et les
familles avec un ou des enfants âgés de plus de 20 ans.
Pour votre commission, cette réforme a porté un coup
sévère au principe d'équité horizontale et à
la politique fiscale en faveur des familles menée depuis 1945.
En effet, le système du quotient familial ne fournit en soi aucune aide,
aucun avantage aux familles ; il garantit seulement que le poids de
l'impôt est équitablement réparti entre des familles de
taille différente, mais de niveau de vie équivalent, selon un
principe d'équité horizontale familiale.
Depuis 1945, le principe du quotient familial n'a jamais été
remis en cause, bien que l'avantage fiscal en résultant ait
été plafonné. Il ne faudrait pas que, par l'abaissement du
plafond, il devienne progressivement une coquille vide.
La suppression de la mise sous condition de ressources des allocations
familiales apparaissait comme la correction d'une erreur. Il est regrettable
que la correction de cette erreur se soit faite au prix d'une nouvelle erreur
au détriment des familles.
Le bilan de ces allers et retours est accablant pour les familles : leur
situation en 1999 restera plus défavorable qu'elle ne l'était en
1997, avant la mise sous condition de ressources des allocations
familiales ; beaucoup de familles auront perdu les allocations familiales
en 1998 et verront leur impôt sur le revenu augmenter en 1999 ;
enfin, dans un contexte de prétendue stabilisation des
prélèvements obligatoires, seules les familles subiront une
augmentation de leur charge fiscale.
2. La réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) a rendu plus difficile la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998 comprenait
également une mesure particulièrement pénalisante pour les
familles où les deux conjoints travaillent : la réduction de
l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED).
Instaurée en 1986 puis étendue en 1995, l'AGED est
destinée aux familles qui font garder à domicile leurs enfants de
moins de six ans.
La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille avait prévu,
d'une part, la prise en charge par l'AGED de la totalité des cotisations
patronales et salariales dans la limite d'un montant maximal correspondant,
pour un enfant de moins de 3 ans, au montant des charges sociales dues pour
l'emploi d'un salarié rémunéré selon le minimum
conventionnel, d'autre part, la possibilité de bénéficier
de l'AGED pour la garde d'un enfant de 3 à 6 ans. Dans ce cas, le
plafond était divisé par deux.
L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1998 n° 97-1164 du 19 décembre 1997 a procédé
à la mise sous condition de ressources de cette allocation et à
la réduction du plafond maximum de prise en charge des cotisations
sociales.
Pour la garde d'un enfant âgé de moins de 3 ans, l'AGED est
désormais égale :
- à 50 % des cotisations versées dans la limite de
6.489 francs par trimestre si les ressources 1997 du ménage sont
supérieures ou égales à 218.376 francs nets annuels ;
- à 75 % des cotisations versées dans la limite de
9.733 francs par trimestre pour un ménage disposant de revenus
inférieurs à 218.376 francs.
A l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998, le Sénat s'était élevé contre
cette mesure qui constituait une régression pour les femmes qui
travaillent et un risque certain pour le développement des emplois
à domicile. Il avait fait valoir que le mode de garde à domicile
pouvait apporter une réponse plus adaptée aux besoins de certains
parents que l'accueil collectif. Le Sénat avait également
souligné que ce mode de garde à domicile offrait plus de
souplesse horaire, une aide précieuse en cas de naissances multiples, et
était souvent la solution possible lorsque les structures d'accueil
collectif s'avéraient en nombre insuffisant.
Votre commission considère que la garde d'enfant à domicile, qui
seule permet une disponibilité suffisante des mères pour leur vie
professionnelle (flexibilité d'horaires, garde des enfants malades
refusés en structures collectives...), est une condition essentielle de
l'accession des femmes à des postes de responsabilité. Elle ne
peut se développer que si elle est financièrement
encouragée.
Le Gouvernement avait à l'époque présenté la
réduction de l'AGED comme une mesure provisoire devant s'inscrire dans
le cadre plus général d'une réforme des aides pour
l'emploi à domicile.
Dix-huit mois plus tard, aucune décision n'a été prise et
l'AGED reste toujours réduite de moitié.
3. Les rares mesures positives ont été financées par de nouvelles économies au détriment des familles.
Parmi
les mesures décidées par le Gouvernement et annoncées lors
de la Conférence de la famille du 12 juin 1998, certaines
étaient indéniablement positives et méritent d'être
saluées : il en est ainsi de l'extension du bénéfice
de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, du
relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations
familiales de 19 à 20 ans, de l'augmentation des moyens accordés
à l'action sociale...
On regrettera simplement que ces mesures soient financées par des
économies sur d'autres prestations familiales, au moment même
où la branche famille est excédentaire.
Le Gouvernement a ainsi décidé de revaloriser de manière
modeste (+ 0,71%) les prestations familiales au 1
er
janvier
1999.
Il a fait le choix, pour la deuxième année consécutive,
d'opérer un rattrapage négatif sur l'évolution de la base
mensuelle de calcul des prestations familiales (BMAF) qui conditionne la
progression de la plupart des prestations familiales. Le rattrapage
effectué en 1999 est particulièrement sévère
puisqu'il atteint 0,5 %.
Il convient en outre de noter que si les prestations familiales n'ont
été revalorisées que de 0,71 %, les pensions de
retraite l'ont été, quant à elles, de 1,2 %.
Le Gouvernement a choisi, en effet, de ne pas proroger le mécanisme de
revalorisation des retraites institué par la loi de 1993 pour
éviter d'appliquer aux pensions de retraites le rattrapage
négatif de 0,5 % qu'il impose pourtant aux prestations familiales.
Les retraités conserveront le gain de pouvoir d'achat acquis au titre de
1998, pas les familles.
Cette décision est apparue à votre commission d'autant plus
surprenante qu'avant ajustement comptable la branche vieillesse devait
être déficitaire de 4 milliards de francs en 1999 tandis que
la branche famille devait être, elle, excédentaire. Le
Gouvernement donne un " coup de pouce " aux retraités et
accroît encore les dépenses d'une branche
déficitaire ; parallèlement, il refuse tout effort
supplémentaire en faveur des familles alors que la branche famille
enregistre un excédent important.
Le Gouvernement a en outre décidé de repousser les majorations
pour âge des allocations familiales respectivement de 10 à 11 ans
et de 15 à 16 ans pour les enfants atteignant leur dixième et
leur quinzième anniversaires après le 1er janvier 1999.
Cette mesure qui relève du pouvoir réglementaire et concerne un
nombre très important de familles, apparaît très
contestable.
Sa seule justification semble financière : le recul de l'âge de
majorations permettra d'économiser 870 millions de francs en 1999
(526 millions de francs pour le report de 10 à 11 ans et
344 millions de francs pour celui de 15 à 16 ans) et
1,8 milliard de francs en année pleine, à partir de 2000.
Par cette mesure discrète et peu médiatique, le Gouvernement
s'apprête à économiser 1,8 milliard de francs en
année pleine au titre des allocations familiales, soit presque la
moitié de l'économie réalisée en 1998 par la mise
sous conditions de ressources des allocations familiales. Une fois encore, le
Gouvernement joue les illusionnistes et reprend d'une main ce qu'il donne de
l'autre.
B. UN IMPÉRATIF: DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À LA POLITIQUE FAMILIALE
1. La situation démographique justifie les efforts accomplis dans le cadre de la politique familiale
Il est
naturellement toujours hasardeux d'établir une corrélation entre
la politique familiale et la situation démographique d'un pays.
Il faut cependant souligner que la France connaît aujourd'hui une
situation démographique plus favorable que celle de ses principaux
partenaires.
Votre rapporteur considère que ceci n'est sans doute pas sans lien avec
les efforts importants accomplis en matière de politique familiale par
notre pays.
Selon le bilan démographique de l'INSEE pour 1998
3(
*
)
, le nombre de naissances a augmenté de nouveau
en 1998 avec 740.300 nouveau-nés, soit 1,9 % de plus qu'en 1997. Ce
chiffre est à peu près égal au nombre de naissances
(737.100) enregistré vingt ans plus tôt, en 1978 et le nombre
absolu des moins de 20 ans se stabilise enfin, après 24 ans de baisse
ininterrompue.
La natalité retrouve pratiquement son niveau de 1992 (avant la baisse
importante de 1993). Ainsi, après un sursaut en 1995, la natalité
est stable depuis trois ans, voire en légère hausse.
L'indicateur conjoncturel de fécondité remonte à 1,75
enfant par femme en 1998, le plus élevé de ces sept
dernières années. La France a l'un des indicateurs conjoncturels
les plus hauts de l'Union européenne. En 1997 (derniers résultats
disponibles pour l'Europe), notre pays se situait au troisième rang avec
1,71 enfant par femme, comme le Royaume-Uni et le Luxembourg, après
l'Irlande (1,92) et le Danemark et la Finlande (1,75). L'Italie et l'Espagne
avaient les indicateurs les plus faibles d'Europe, et même du
monde : respectivement 1,22 et 1,15. L'indicateur conjoncturel de
fécondité pour l'ensemble de l'Union européenne s'est
stabilisé à 1,44 enfant par femme depuis 1994.
Avec l'allongement de la durée des études, les difficultés
pour trouver un emploi stable, de plus en plus de femmes retardent
l'arrivée de leurs enfants. La fécondité des femmes de
moins de 30 ans diminue progressivement au cours des vingt dernières
années alors qu'elle augmente nettement à partir de la trentaine.
Lorsque la fécondité augmente, comme en 1995 ou 1996, c'est que
la fécondité en hausse des femmes de plus de 28 ans compense la
baisse de celle des plus jeunes. Lorsqu'elle se stabilise ou diminue, la
réduction est particulièrement prononcée chez les plus
jeunes : en 1997, la légère baisse était
entièrement redevable aux femmes de moins de 30 ans. L'âge de
la maternité augmente régulièrement : 29,2 ans en
1997 contre 26,5 ans vingt ans plus tôt. En 1977, seulement un quart des
nouveau-nés avaient une mère âgée de trente ans ou
plus ; en 1997, c'est le cas pour presque la moitié des naissances
(46 %).
Ces décalages ont eu jusqu'ici peu d'incidence sur la descendance finale
des générations. Les Françaises nées avant le
début des années soixante sont parmi les plus fécondes de
l'Union européenne, après les Irlandaises. Ainsi, les femmes de
la génération 1958 ont assuré leur remplacement bien avant
la fin de leur vie féconde en ayant eu, en moyenne, 2,08 enfants chacune
à 39 ans, soit autant que les femmes de la génération 1948
au même âge, alors qu'à 26 ans elles présentaient un
retard de 0,22 enfant. Le rattrapage reste possible pour les
générations du début des années soixante qui auront
certainement plus de deux enfants en moyenne ; pour les plus jeunes, il
est encore trop tôt pour conclure.
2. Le Président de la République vient de réaffirmer les principes qui doivent guider la politique familiale de notre pays
Lors de
la remise de la médaille de la famille française, au Palais de
l'Elysée, le 31 mai dernier, M. Jacques Chirac, Président de la
République, a réaffirmé avec force l'attachement que voue
la France aux familles et les principes qui doivent guider la politique
familiale de notre pays.
Le Président de la République a tout d'abord fait part de sa
conviction que
" notre société, pour le XXI
e
siècle, aura plus que jamais besoin de la famille, une famille forte et
reconnue, une famille unie, assurée d'elle-même, une famille
capable de remplir pleinement sa fonction irremplaçable auprès de
l'individu. "
Il a souhaité
"
que la France se dote d'une nouvelle ambition
familiale, qu'elle redonne souffle et vigueur à sa politique de la
famille, une politique qui doit se traduire non par une redistribution entre
familles, mais par un accroissement régulier des ressources que la
Nation leur consacre. "
4(
*
)
Le Président de la République a considéré que
" cette politique (devait) partir des réalités
d'aujourd'hui (...) La première de ces réalités, c'est le
travail des femmes.
" Bien sûr, beaucoup de femmes continuent à opter pour un
engagement de tout leur temps au sein de la cellule familiale. C'est un vrai
choix qui doit pouvoir s'exercer librement. D'autres décident de
s'arrêter de travailler pendant quelques années pour s'occuper de
leurs enfants. Il faut les y aider. De ce point de vue, l'allocation parentale
d'éducation, associée au congé parental, a
constitué un progrès important. Depuis qu'elle a
été étendue, en 1994, au deuxième enfant et au
temps partiel, plus de 500 000 familles en bénéficient.
" Aujourd'hui, 80% des femmes en âge de travailler exercent un
métier. C'est une aspiration très profonde. Elle n'est pas
négociable. Ce n'est pas en éloignant les femmes du monde du
travail qu'on donnera un nouvel élan à la politique familiale.
C'est au contraire en leur offrant la possibilité de continuer à
exercer, si elles le souhaitent, une activité extérieure. Pour
cela, il faut mettre en place une souplesse accrue des emplois du temps et des
facilités de garde, notamment à domicile, qui permettent de mieux
concilier travail et enfants.
" Il faut aussi apprendre à ne plus faire peser exclusivement sur
les femmes le poids de la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle. Beaucoup d'hommes sont d'ailleurs eux aussi à la
recherche d'un meilleur équilibre de vie entre leur métier et
leur famille. Beaucoup souhaitent s'investir davantage dans leurs
responsabilités familiales. C'est une voie nouvelle pour
l'évolution de notre organisation sociale. Elle exige une politique
adaptée, une politique qui soit définie et mise en oeuvre, une
politique qui demandera un engagement fort de la part des pouvoirs publics mais
aussi, par la négociation collective, de la part des entreprises et des
partenaires sociaux. Ensemble, les couples pourront alors organiser plus
harmonieusement leur vie commune, et surmonter les contraintes qui freinent le
développement de leur famille.
" C'est tout le sens de cette évolution vers la mixité que,
pour ma part, j'appelle de mes voeux. L'accès des femmes aux
responsabilités politiques en est un élément essentiel. Je
suis sûr qu'il permettra de changer radicalement notre approche de ces
problèmes. "
Le Président a ensuite formulé un certain nombre de propositions
concrètes :
" Les entreprises qui s'engageront dans des
plans importants pour rendre plus compatibles les exigences de la vie familiale
et de la vie professionnelle devront être soutenues dans leurs
initiatives. "
" Il est temps de nous interroger aussi sur la poursuite de la
modernisation de nos prestations familiales. Elle a commencé avec la
création puis avec l'élargissement de l'allocation parentale
d'éducation qui est aujourd'hui un acquis essentiel pour les
Français.
" De nouveaux progrès sont nécessaires pour adapter notre
système aux grands enjeux démographiques de notre temps. Nous
devrons en particulier nous pencher sur l'âge de la première
maternité, de plus en plus tardif, et sur l'accueil du deuxième
enfant et des suivants, gage du redressement de notre natalité.
Une
aide plus efficace aux familles qui s'élargissent permettrait de mieux
compenser les charges que fait peser l'arrivée d'un enfant
supplémentaire.
" Nous devons aussi soutenir la fonction de solidarité qui est au
coeur de l'institution familiale.
La création d'un congé de
solidarité familiale pour s'occuper de parents âgés ou
d'adolescents en difficulté constituerait un progrès important,
de même que l'élargissement du droit au passage à temps
partiel, pour une période limitée
. N'oublions pas qu'à
chaque fois que peut jouer la solidarité familiale, c'est autant de
moins laissé à la charge de la société. Or, nos
solidarités collectives, aussi indispensables soient-elles, sont
à la fois plus coûteuses et moins efficaces que la famille, car
elles ne reposent pas sur un lien d'affection, un lien de personne à
personne. Et, même si la création de nouveaux congés non
rémunérés constitue une contrainte de gestion pour
l'entreprise, cette contrainte doit pouvoir être surmontée par le
dialogue social.
" Dans ce même esprit de solidarité entre les
générations, je souhaite que soit davantage encouragée
la transmission de biens entre grands-parents et petits-enfants, pour que les
jeunes puissent mieux réaliser leurs projets de création
d'activité.
" Au-delà, il importe que les réformes nécessaires et
maintenant urgentes qui devront être conduites pour sauvegarder nos
régimes de retraite ne pénalisent pas les familles. Ce serait le
cas si des prélèvements nouveaux devaient peser sur l'ensemble
des actifs, au moment où leur nombre est appelé à se
réduire, ou si les avantages familiaux pris en compte dans le calcul des
retraites devaient, d'une manière ou d'une autre, être mis en
cause. N'oublions jamais, en effet, que ceux qui ont une famille à
charge peuvent rarement constituer un patrimoine pour leurs vieux jours, alors
qu'ils auront assuré, à travers leurs enfants, le financement des
retraites de tous ! La dette de la Nation doit être reconnue et
acquittée.
" La politique familiale forme un tout (...) D'autres domaines d'action
devront être réinvestis, qu'il s'agisse de la politique fiscale et
du rôle du quotient familial, qu'il faut consolider, qu'il s'agisse de
l'éducation, avec par exemple l'aménagement des rythmes
scolaires, qu'il s'agisse, bien entendu, du logement, en particulier du
logement des jeunes adultes et du logement social. (...)
L'important est
aujourd'hui de lancer le mouvement et de replacer la famille au premier rang
des priorités de notre pays.
"
Pour votre commission, ces principes et ces orientations qui ont
été réaffirmés avec force par le Président
de la République doivent guider notre politique familiale. C'est
précisément l'objet de cette proposition de loi que de les mettre
en oeuvre.
II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE DÉMARCHE GLOBALE, COHÉRENTE ET VOLONTARISTE
La
présente proposition de loi, déposée le 2 juin dernier par
les quatre présidents de groupes de la majorité
sénatoriale - MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et
Josselin de Rohan -, s'inscrit dans la droite ligne des propos tenus par le
Président de la République le 31 mai dernier.
Elle se caractérise par sa démarche globale, cohérente et
volontariste, et répond à trois exigences :
- permettre aux parents de concilier vie professionnelle et vie
familiale ;
- assurer le renouvellement des générations en aidant les
familles à réaliser leur désir d'avoir un deuxième
ou un troisième enfant ;
- permettre aux familles de jouer pleinement leur rôle de
l'éducation des enfants en revalorisant la fonction parentale.
Après avoir réaffirmé, dans
l'article premier
, la
place essentielle que joue la famille dans notre société, la
proposition de loi s'organise autour de six axes :
1. Encourager l'accueil du deuxième et du troisième
enfant ;
2. Faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie
familiale ;
3. Généraliser l'allégement et l'enrichissement des
rythmes scolaires ;
4. Aider les jeunes adultes ;
5. Compenser l'effort financier des familles ;
6. Garantir les ressources de la branche famille.
A. LES AXES D'UNE POLITIQUE FAMILIALE RENOUVELÉE
1. Encourager l'accueil du deuxième et du troisième enfant
La
proposition de loi met l'accent sur la nécessité de ne plus faire
porter exclusivement l'effort de la politique familiale sur le troisième
enfant. Elle vise à encourager également l'accueil du
deuxième enfant, dont le coût pèse considérablement
sur le niveau de vie des familles et auquel ces dernières tendent
aujourd'hui à renoncer.
L'article 2
de la proposition de loi prévoit
la
création d'une allocation universelle d'accueil de l'enfant (AUAE)
versée sans condition de ressources à toutes les familles,
à partir du deuxième enfant, et dont l'objectif est de compenser
le surcoût de la venue de l'enfant.
Cette prestation serait versée dès la naissance et pendant les
dix premiers mois de l'enfant, pour un montant de 1.000 francs par mois pour le
deuxième enfant et de 2.000 francs par mois pour le troisième et
les suivants.
Cette prestation pourrait se cumuler à l'allocation parentale
d'éducation et se substituerait à l'allocation pour jeune enfant
pendant les dix premiers mois de l'enfant.
2. Faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Cet
objectif se traduit dans la proposition de loi par un ensemble cohérent
de mesures.
•
Une augmentation de l'allocation de garde d'enfant à
domicile (AGED)
Les
articles 3, 4 et 5
proposent un retour aux conditions d'attribution
de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) antérieures
à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
L'AGED serait désormais attribuée sans condition de ressources et
son montant permettrait la prise en charge intégrale des cotisations
sociales payées pour l'emploi d'une personne qui garde l'enfant à
domicile.
•
La création d'une réduction d'impôt
spécifique pour la garde d'un enfant à domicile
L'article 6
institue une réduction d'impôt
spécifique pour la garde d'un enfant à domicile. Cette
réduction d'impôt correspondrait à 50 % des sommes
versées pour la garde de l'enfant, plafonnées à 45.000 F.
Elle serait naturellement cumulable avec la réduction d'impôt qui
existe déjà pour l'emploi d'une personne à domicile et qui
est plafonnée au même montant.
•
La création d'un congé de solidarité
familiale
Les articles 7 et 8
prévoient la création d'un
congé de solidarité familiale. D'une durée d'un an
maximum, ce congé de six mois minimum constituerait un droit pour toute
personne qui en ferait la demande pour motif familial dûment
justifié.
Ce congé pourrait être par exemple accordé pour motifs
médicaux, en cas d'échec scolaire des enfants, de
séparation ou de divorce du couple, de soutien aux personnes
âgées.
•
L'extension de la durée du droit au temps partiel
L'article 9
prévoit une extension jusqu'au sixième
anniversaire de l'enfant du droit au temps partiel, aujourd'hui limité
au troisième anniversaire de l'enfant.
•
La valorisation du rôle des pères
Afin d'inciter les pères à jouer un rôle plus actif dans la
vie de la famille et l'éducation des enfants,
les articles 10 et
11
majorent les droits à congés familiaux offerts aux deux
parents de la moitié du temps de congé pris par les pères,
dans la limite d'un an.
•
La compensation de l'effort familial accompli par les
entreprises
L'article 12
prévoit que les recrutements auxquels
procéderont les entreprises pour remplacer les salariés
bénéficiant d'un congé de solidarité familiale
donneront lieu à une exonération de charges sociales. Selon les
auteurs de la proposition de loi, cette exonération serait de 1.000
francs par mois, soit 12.000 francs par an.
L'article 13
de la proposition de loi prévoit que les fonds
d'action sociale des caisses d'allocations familiales bénéficient
d'une dotation de l'Etat, fixée chaque année en loi de finances,
destinée à soutenir la mise en oeuvre d'accords d'entreprise
permettant d'améliorer la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle, et particulièrement la création de
crèches d'entreprises.
3. Généraliser l'allégement et l'enrichissement des rythmes scolaires.
L'article 14
prévoit la
généralisation,
dans les écoles primaires, de l'allégement et l'enrichissement
des rythmes scolaires, sur la base d'une semaine de cinq jours, en
réservant une demi-journée quotidienne aux disciplines dites de
la sensibilité (éveil à la nature, travaux manuels,
sports, activités artistiques...).
Les zones d'éducation prioritaire bénéficieront en premier
lieu de cette réforme des rythmes scolaires. Cette réforme sera
mise en oeuvre sous la forme d'un plan quinquennal dont le suivi fera l'objet
d'un rapport présenté au Parlement chaque année.
4. Aider les jeunes adultes
Cet
objectif se traduit par deux dispositions :
•
L'institution d'un prêt à taux zéro pour
les jeunes adultes
L'article 15
instaure un prêt à taux zéro pour les
jeunes de 18 à 25 ans, afin de les aider à la
réalisation d'un projet professionnel. Ce prêt serait
accordé par les établissements de crédit auxquels la
Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) verserait une subvention
destinée à compenser l'absence d'intérêt.
Ce prêt serait attribué pour financer un cursus d'études ou
de formation, un projet professionnel ou une création d'entreprise. Son
montant maximum serait de 24.000 francs par an, remboursable avec un
différé de remboursement de trois à cinq ans.
•
Une incitation à la transmission anticipée du
patrimoine
L'article 16
facilite la transmission anticipée du patrimoine. Il
prévoit une exonération fiscale particulière en cas de
donation des grands-parents à leurs petits-enfants âgés de
16 à 30 ans, sous la forme d'un abattement de 200.000 francs sur la part
de chacun des petits enfants pour la perception des droits de mutation à
titre gratuit.
5. Compenser l'effort financier des familles
Cet
objectif trouve sa traduction dans :
•
Le relèvement du plafond du quotient familial
L'article 17
rétablit le plafond du quotient familial qui avait
été abaissé par l'Assemblée nationale dans la loi
de finances pour 1999. Il prévoit par conséquent que la
réduction d'impôt résultant de l'application du quotient
familial ne peut excéder 16.380 francs contre 11.000 francs aujourd'hui.
•
La revalorisation des prestations familiales
Les articles 18 et 19
visent à garantir l'évolution des
prestations familiales.
L'article 18
procède au rattrapage de revalorisation des
prestations familiales au titre de l'année 1999. Celles-ci n'ont
été revalorisées que de 0,71 % au 1er janvier 1999
alors que les retraites ont été parallèlement
revalorisées de 1,2 %, soit l'équivalent de
l'évolution prévisionnelle des prix. L'article 18 prévoit
par conséquent une revalorisation des prestations familiales de
1,2 % en 1999.
L'article 19
pose pour principe que les prestations familiales sont
revalorisées chaque année à un taux qui ne peut être
inférieur au taux de revalorisation des pensions de retraite du
régime général.
6. Garantir les ressources de la branche famille
Cette
volonté se traduit par :
•
La reconduction pour cinq ans de la garantie de ressources de
la branche famille
L'article 20
reconduit pour cinq ans, du 1er janvier 1999 au 31
décembre 2003, une disposition figurant dans la loi famille de 1994
relative à la garantie de ressources dont bénéficie la
branche famille. Chaque année, les ressources de cette branche doivent
être au moins égales à ce qu'elles auraient
été à la fin de l'année en cas de maintien des
dispositions législatives et réglementaires applicables le 1er
janvier 1993.
•
La prise en charge par l'Etat de la majoration de l'allocation
de rentrée scolaire
L'article 21
prévoit que la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire (ARS), décidée chaque année par le
Gouvernement, ne peut être mise à la charge de la branche famille.
Cet article réaffirme donc le principe selon lequel la majoration de
l'ARS doit être intégralement financée par le budget de
l'Etat qui rembourse son montant à la branche famille.
Enfin,
l'article 22
constitue le gage financier de la proposition de
loi ; il prévoit que les pertes de recettes pour l'Etat
résultant de la présente proposition de loi seront
compensées par une augmentation à due concurrence des droits sur
les tabacs.
B. UN EFFORT QUE NOTRE PAYS PEUT ASSUMER
Par la
diversité des thèmes abordés et l'ampleur des mesures
proposées, cette proposition de loi se veut à l'évidence
un projet cohérent, ambitieux et porteur d'espoir pour les familles. Il
n'est pas abusif de dire que ce texte s'apparente par bien des aspects à
une " nouvelle loi famille ".
Tout ceci a naturellement un coût, estimé par les auteurs de la
proposition de loi à 8,8 milliards de francs par an. Ce coût se
partagerait entre 2,2 milliards de francs de dépenses
supplémentaires pour la branche famille et 6,6 milliards de francs
d'allégements fiscaux supportés par le budget de l'Etat.
Votre commission considère que le coût réel pour la branche
famille sera probablement supérieur. Le chiffrage du coût de
l'allocation universelle d'accueil de l'enfant est en effet délicat en
raison de la difficulté à prendre en compte statistiquement le
rang des enfants.
Elle observe cependant que les dépenses supplémentaires
résultant pour la branche famille de la présente proposition de
loi devraient pouvoir être amorties par les excédents de cette
branche tels qu'ils apparaissent dans les comptes prévisionnels
annexés à la loi de financement de la sécurité
sociale.
L'amélioration de la situation financière de la branche famille -
elle devrait connaître des excédents croissants dans les
prochaines années : + 2,3 milliards de francs en 1999, +
4,8 milliards de francs en 2000 et + 8,3 milliards de francs en 2001-
permettra en effet de dégager les marges de manoeuvre nécessaires
au financement de l'" ardente obligation " que constitue une
politique familiale ambitieuse.
La présente proposition de loi garantit en quelque sorte que ces
excédents bénéficieront bien aux familles et ne seront pas
détournés pour pallier les carences des pouvoirs publics à
maîtriser les dépenses d'assurance maladie et à
réformer les retraites.
S'agissant des conséquences pour le budget de l'Etat des dispositions
contenues dans la proposition de loi, votre commission juge indispensable que
les diminutions de recettes fiscales soient compensées par des
économies sur les dépenses.
Votre commission souhaite enfin réaffirmer solennellement qu'il est
des coûts que notre pays se doit d'assumer. La politique familiale n'est
pas un coût pour la collectivité, c'est un investissement
indispensable pour l'avenir de la Nation.
Convaincue que ce texte constituait, tel qu'il est, une avancée
considérable pour les familles, votre commission n'a apporté
à la proposition de loi que des modifications mineures tendant à
rectifier des erreurs matérielles ou à améliorer la
rédaction de certaines dispositions.
*
* *
Votre commission vous propose d'adopter la proposition dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PRÉLIMINAIRE
-
DISPOSITIONS
GÉNÉRALES
Article premier
Rôle de la famille dans la
société
Cet
article rappelle solennellement les principes exprimés dans l'article
premier de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la
famille.
Il réaffirme que la famille est une des valeurs essentielles sur
lesquelles est fondée la société et que sur elle repose
l'avenir de la nation. Il précise également que la politique
familiale doit prendre en compte tous les aspects de la vie familiale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
TITRE PREMIER
-
AMÉLIORATION DE L'ACCUEIL DES
JEUNES ENFANTS
CHAPITRE PREMIER
-
L'allocation universelle d'accueil
de l'enfant
Art.
2
Création de l'allocation universelle d'accueil de
l'enfant
Cet
article introduit dans le titre III (
prestations liées à la
naissance et à l'adoption
) du livre V du code de la
sécurité sociale un nouveau chapitre instituant une nouvelle
prestation familiale : l'allocation universelle d'accueil de l'enfant
(AUAE).
Cette allocation vise à aider les familles au moment de la naissance du
deuxième enfant et des enfants suivants. L'objectif est de compenser le
surcoût lié à la venue de l'enfant.
L'AUAE est versée sans condition de ressources dès la naissance
et pendant les dix premiers mois de l'enfant. Elle se substitue à
l'allocation pour jeune enfant (APJE)
5(
*
)
pendant
les dix premiers mois de l'enfant. Son montant varie selon le rang de l'enfant.
Comme il est d'usage en matière de prestations familiales, la fixation
du montant de l'AUAE ne figure pas dans la loi. Selon les auteurs de la
proposition de loi, elle pourrait être égale à
1.000 francs par mois pour le deuxième enfant, serait
majorée pour le troisième et les suivants et atteindrait alors
2.000 francs par mois.
L'AUAE peut se cumuler avec l'allocation parentale d'éducation (APE)
attribuée au parent qui cesse totalement ou partiellement son
activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation
de l'enfant. L'APE s'élevant à 3.045 francs par mois en cas de
cessation complète d'activité, le parent percevrait pendant dix
mois la somme mensuelle de 4.045 francs pour le deuxième enfant et de
5.045 francs pour le troisième enfant.
Le coût de l'institution de l'allocation universelle d'accueil de
l'enfant est estimé par les auteurs de la proposition de loi à
800 millions de francs par an.
Votre rapporteur considère pour sa part que le coût effectif de
cette prestation sera vraisemblablement plus élevé selon les
hypothèses, sachant qu'il est difficile de connaître
statistiquement le rang des enfants dans la famille.
Art. L. 533-1 du code de la sécurité sociale
Cet article crée l'allocation universelle d'accueil de l'enfant pour le deuxième enfant, pendant les dix mois suivant sa naissance.
Art. L. 533-2 du code de la sécurité sociale
Cet article prévoit que l'AUAE est majorée pour chaque enfant de rang supérieur ou égal à 3.
Art. L. 533-3 du code de la sécurité sociale
Cet
article précise que l'AUAE n'est pas cumulable avec l'allocation pour
jeune enfant.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, votre
commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition
de loi.
CHAPITRE II
-
Allocation de garde d'enfant à
domicile
Art.
3
Suppression de la condition de ressources pour l'attribution de
l'AGED
Les
articles 3, 4 et 5 concourent au même objet : le retour aux
conditions d'attribution de l'allocation de garde d'enfant à domicile
(AGED) en vigueur avant la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998.
L'article 3 inscrit dans l'article L. 842-1 du code de la
sécurité sociale le principe de l'universalité de l'AGED,
c'est-à-dire son attribution sans condition de ressources.
Instaurée en 1986 puis étendue en 1995, l'AGED est
destinée aux familles qui font garder à domicile leurs enfants de
moins de six ans.
La loi famille du 25 juillet 1994 avait prévu :
- la prise en charge par l'AGED de la totalité des cotisations
patronales et salariales dans la limite d'un montant maximal correspondant,
pour un enfant de moins de 3 ans, au montant des charges sociales dues pour
l'emploi d'un salarié rémunéré selon le minimum
conventionnel ;
- la possibilité de bénéficier de l'AGED pour la
garde d'un enfant de 3 à 6 ans. Dans ce cas, le plafond était
divisé par deux.
L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1998 n° 97-1164 du 19 décembre 1997 a procédé
à la mise sous condition de ressources de cette allocation et à
la réduction du plafond maximum de prise en charge des cotisations
sociales.
Pour la garde d'un enfant âgé de moins de 3 ans, l'AGED est
désormais égale :
- à 50 % des cotisations versées dans la limite de
6.489 francs par trimestre si les ressources 1997 du ménage sont
supérieures ou égales à 218.376 francs nets annuels ;
- à 75 % des cotisations versées dans la limite de
9.733 francs par trimestre pour un ménage disposant de revenus
inférieurs à 218.376 francs.
Votre commission partage entièrement l'objectif poursuivi par les
articles 3, 4 et 5 de la proposition de loi.
A l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998, le Sénat s'était en effet élevé
contre cette mesure qui constituait une régression pour les femmes qui
travaillent et un risque certain pour le développement des emplois
à domicile. Il avait fait valoir que le mode de garde à domicile
pouvait apporter une réponse plus adaptée aux besoins de certains
parents que l'accueil collectif. Le Sénat avait également
souligné que ce mode de garde à domicile offrait plus de
souplesse horaire, une aide précieuse en cas de naissances multiples, et
était souvent la solution possible lorsque les structures d'accueil
collectif s'avéraient en nombre insuffisant.
Le Gouvernement avait à l'époque présenté la
réduction de l'AGED comme une mesure provisoire devant s'inscrire dans
le cadre plus général d'une réforme des aides pour
l'emploi à domicile. Dix-huit mois plus tard, le dossier n'a
guère progressé.
Votre commission est par conséquent très favorable à la
suppression de la condition de ressources pour l'octroi de l'AGED et à
un retour aux modalités d'attribution qui prévalaient avant la
loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, soit une
prise en charge par l'AGED de la totalité des cotisations sociales dues
au titre de la garde à domicile.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
Art.
4
Prise en charge intégrale par l'AGED des cotisations
sociales
Cet
article complète l'article 3 qui a posé le principe d'une
attribution de l'AGED sans condition de ressources.
Il prévoit que le montant de l'AGED n'est plus égal à
une fraction, fixée par décret,
du montant des cotisations
patronales et salariales dues pour l'emploi de la personne qui garde l'enfant,
mais qu'il est
fonction
de ces cotisations.
Dans la mesure où les auteurs de la proposition de loi affirment leur
souhait de revenir à la situation antérieure à la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998, votre commission
propose de reprendre la rédaction alors en vigueur et de prévoir
par conséquent que le montant de l'allocation est
égal
à celui des cotisations.
L'AGED prendrait donc en charge la totalité des cotisations patronales
et salariales dans la limite d'un montant maximal correspondant pour un enfant
de moins de 3 ans, au montant des charges sociales dues pour l'emploi d'un
salarié rémunéré selon le minimum conventionnel.
Sous réserve de cette modification rédactionnelle, votre
commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition
de loi.
Art.5
Disposition de coordination
Cet
article constitue le dernier volet du chapitre II consacré à
l'AGED. Il abroge le II de l'article L. 842-2 du code de la
sécurité sociale qui constitue la base légale de la
différenciation des taux de prise en charge des cotisations par l'AGED
en fonction des ressources de la famille (50 % ou 75 %).
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE III
-
Majoration de la réduction
d'impôt pour la garde d'enfant à domicile
Art.
6
Réduction d'impôt pour la garde d'enfant à
domicile
Cet
article crée une réduction d'impôt spécifique pour
la garde d'un enfant à domicile.
Cette réduction d'impôt répond aux mêmes conditions
que celles prévues par l'article 199
sexdecies
du code
général des impôts pour la réduction d'impôt
au titre des dépenses effectuées pour l'emploi d'un
salarié à domicile, avec laquelle elle est cumulable.
La réduction d'impôt est accordée uniquement aux personnes
fiscalement domiciliées en France.
Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des
différentes catégories, ouvrent droit à la
réduction d'impôt :
- les sommes versées pour l'emploi d'un salarié travaillant
à la résidence, située en France, du contribuable afin
d'assurer la garde d'un enfant de moins de six ans ;
- les sommes versées aux mêmes fins soit à une
association ou une entreprise agréée par l'Etat, soit à un
organisme à but non lucratif, conventionné par un organisme de
sécurité sociale, ayant pour objet la fourniture de services de
garde d'enfant à domicile.
Comme pour la réduction d'impôt au titre des dépenses
effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile, cette
nouvelle réduction d'impôt correspond à 50 % des
sommes versées pour la garde de l'enfant, plafonnées à
45.000 francs, soit une réduction d'impôt maximale de
22.500 francs.
On rappellera que le montant des dépenses ouvrant droit à la
réduction d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié
à domicile était plafonné à 90.000 francs,
soit une réduction d'impôt maximal de 45.000 francs, avant la
loi de finances pour 1998 qui l'a diminué de moitié.
La création de cette nouvelle réduction d'impôt aboutit
finalement à recréer, pour la garde d'un enfant à domicile
et uniquement à cette fin, les conditions qui prévalaient avant
la loi de finances pour 1998, soit une réduction d'impôt maximal
de 45.000 francs par an.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
TITRE II
-
CONCILIATION ENTRE VIE FAMILIALE ET VIE
PROFESSIONNELLE
CHAPITRE PREMIER
-
Congé de solidarité
familiale
Art.
7
Modification de l'intitulé de la section V du chapitre II du
titre II du livre premier du code du travail
Cet
article complète l'intitulé de la section V du chapitre II
(règles propres au contrat de travail) du titre II du livre premier
du code du travail afin d'ajouter aux termes "
Protection de la
maternité et éducation des enfants
" les termes
"
solidarité familiale
".
Il tire la conséquence de la création, à l'article 8 de la
proposition de loi, d'un congé de solidarité familiale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
Art.
8
Création d'un congé de solidarité familiale
Cet
article, qui insère un article L. 122-28-10 (nouveau) dans le code
du travail, ouvre à tout salarié qui justifie d'une
ancienneté minimale d'un an le droit de bénéficier d'un
nouveau type de congé -le congé de solidarité familiale
(CSF)- durant lequel le contrat de travail est suspendu.
La demande de congé de solidarité familiale est justifiée
par des difficultés graves et transitoires rencontrées par la
famille proche du salarié, qu'il s'agisse des ascendants, descendants ou
de son conjoint.
Ce congé pourrait par exemple être ouvert pour motifs
médicaux, en cas d'échec scolaire des enfants, de tensions au
sein du couple (séparation, un divorce), de mutation du conjoint dans un
lieu éloigné, de nécessité d'apporter un soutien
aux parents âgés.
Il serait accordé pour une durée minimale de six mois,
renouvelable une fois, et serait limité à une durée totale
d'un an sur l'ensemble de la vie professionnelle.
A l'issue du CSF, le salarié retrouverait son
précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une
rémunération au moins équivalente.
Les conditions d'exercice de ce droit sont fixées par voie d'accord
collectif. A défaut d'accord, ces modalités sont celles
fixées par un décret en Conseil d'Etat.
Votre commission vous propose de supprimer la disposition prévoyant que
le salarié ne peut bénéficier que d'un an de congé
de solidarité familiale sur l'ensemble de sa vie professionnelle. On
voit mal en effet comment on pourrait, en pratique, vérifier qu'un
salarié qui aurait changé d'entreprise a déjà, ou
n'a pas, obtenu un congé de solidarité familiale dans une autre
entreprise.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE II
-
Extension du temps partiel
choisi
Art.
9
Extension jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant du temps
partiel
En
application de l'article L. 122-28-1 du code du travail, il est permis aux
salariés de toutes les entreprises d'obtenir un congé parental ou
de travailler à temps partiel à l'occasion de la naissance ou de
l'arrivée au foyer d'un enfant de moins de 16 ans. L'employeur est tenu
dans tous les cas de faire droit à la demande du salarié si
celle-ci est régulière.
Tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'une
année à la date de la naissance de son enfant ou de
l'arrivée à son foyer d'un enfant de moins de 16 ans
confié en vue de son adoption peut demander :
- soit un congé parental d'éducation ;
- soit une réduction de son temps de travail hebdomadaire qui doit
alors être compris entre seize heures et la durée de travail
applicable dans l'établissement réduite d'un cinquième
(soit 32 heures en cas d'application de la durée légale du
travail).
Les droits sont ouverts au père et à la mère (ou aux
adoptants), qui peuvent en bénéficier soit simultanément,
soit successivement.
Le salarié peut décider de recourir au congé parental
d'éducation ou de réduire sa durée de travail à
n'importe quel moment pendant la période qui suit l'expiration d'un
congé de maternité ou d'adoption légal ou conventionnel et
ce, jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant.
En cas d'adoption, le terme du congé est fixé soit au
troisième anniversaire de l'arrivée de l'enfant au foyer s'il
s'agit d'un enfant de moins de trois ans, soit au premier anniversaire de
l'arrivée de l'enfant au foyer, s'il s'agit d'un enfant âgé
de plus de trois ans et de moins de seize ans.
Par ailleurs, le congé ou la période d'activité à
temps partiel peut être prolongé pour une année
supplémentaire en cas de maladie, d'accident ou de handicap grave de
l'enfant.
L'article 9 de la proposition de loi modifie l'article L. 122-28-1 du code
du travail afin d'étendre au plus tard jusqu'au sixième
anniversaire de l'enfant le terme de la période d'activité
à temps partiel. En cas d'adoption d'un enfant de moins de trois ans, la
période d'activité à temps partiel prendrait fin à
l'expiration d'un délai de six ans à compter de l'arrivée
au foyer de l'enfant.
Votre commission vous propose une modification de la présentation
formelle de cet article afin d'en améliorer la lisibilité.
Elle vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
CHAPITRE III
-
Valorisation du rôle des
pères
Art.
10
Majoration des droits à congés
Afin
d'inciter les pères à jouer un rôle plus actif dans la vie
de la famille et l'éducation des enfants, cet article modifie l'article
L. 122-28-1 du code du travail afin de prévoir que les droits
à congé parental ou à une période d'activité
à temps partiel sont majorés de la moitié du temps de
congé ou d'activité à temps partiel pris par le
père ou le père adoptif, dans la limite d'un an.
Votre rapporteur s'interroge sur les modalités de mise en oeuvre de
cette disposition, qui apparaissent relativement complexes.
Cet article répond cependant à un souci louable de valorisation
du rôle des pères et d'incitation de ces derniers à
utiliser les dispositifs de congés parentaux et de temps partiel.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve
d'une modification rédactionnelle, votre commission vous propose
d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.
Art.
11
Majoration des droits à congé de solidarité
familiale
Cet
article complète le dispositif du congé de solidarité
familiale institué par l'article 8. Il introduit un article
additionnel dans le code du travail prévoyant que les droits à
congé de solidarité familiale cumulés des deux parents
d'un enfant sont majorés de la moitié du temps de congé de
solidarité familiale pris par le père pour s'occuper de l'enfant.
Sous le bénéfice des mêmes observations que celles
formulées à l'article 10, votre commission vous propose d'adopter
cet article dans le texte de la proposition de loi.
CHAPITRE IV
-
Compensation de l'effort familial des
entreprises
Art.
12
Exonération de charges sociales pour les recrutements
destinés à remplacer les salariés en congé de
solidarité familiale
Cet
article prévoit que les recrutements auxquels procéderont les
entreprises pour remplacer les salariés bénéficiant d'un
congé de solidarité familiale donneront lieu à une
exonération de charges sociales. Cette exonération serait de
1.000 francs par mois, soit 12.000 francs par an.
Le coût de cette exonération est estimée par les auteurs de
la proposition de loi à 500 millions de francs par an.
Votre commission rappelle que cette exonération de charges sociales sera
naturellement compensée par le budget de l'Etat en application de
l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale qui
prévoit que toute exonération, totale ou partielle, de
cotisations sociales, instituée à compter de la date
d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994
relative à la sécurité sociale, donne lieu à
compensation intégrale aux régimes concernés par le budget
de l'Etat pendant toute la durée de son application.
Sous réserve d'une modification formelle, votre commission vous
propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.
Art.
13
Dotation de l'Etat aux fonds d'action sociale des
caisses
d'allocations familiales
Cet
article prévoit que les fonds d'action sociale des caisses d'allocations
familiales bénéficient d'une dotation annuelle de l'Etat de
500 millions de francs, destinée à soutenir la mise en
oeuvre d'accords d'entreprise permettant d'améliorer la conciliation
entre vie familiale et vie professionnelle, et particulièrement la
création de crèches d'entreprises.
Votre commission vous propose de modifier la rédaction de cet article
afin de préciser que les fonds d'action sociale
bénéficieront d'une dotation de l'Etat
fixée chaque
année dans la loi de finances
. En effet, seule la loi de finances
peut autoriser l'inscription d'un crédit budgétaire et en fixer
le montant.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
TITRE III
-
RYTHMES SCOLAIRES
Art.
14
Généralisation de l'allégement et de
l'enrichissement des rythmes scolaires dans les écoles primaires
Cet
article prévoit la généralisation, dans les écoles
primaires, de l'allégement et l'enrichissement des rythmes scolaires,
sur la base d'une semaine de cinq jours, en réservant une
demi-journée quotidienne aux disciplines dites de la sensibilité
(éveil à la nature, travaux manuels, sports, activités
artistiques...).
Les zones d'éducation prioritaire bénéficieront en premier
lieu de cette réforme des rythmes scolaires. Cette réforme sera
mise en oeuvre sous la forme d'un plan quinquennal dont le suivi fera l'objet
d'un rapport présenté au Parlement chaque année.
Sur cet article, le président de votre commission a souhaité
recueillir le sentiment de M. Adrien Gouteyron, président de la
commission des Affaires culturelles, particulièrement compétente
dans ce domaine.
Sous réserve des observations qu'il pourrait être amené
à formuler,
votre commission vous propose d'adopter cet article dans
le texte de la proposition de loi.
TITRE IV
-
L'AIDE AUX JEUNES ADULTES
CHAPITRE PREMIER
-
Prêt à taux
zéro pour les jeunes adultes
Art.
15
Prêt à taux zéro pour les jeunes de 18
à 25 ans
Cet
article crée un prêt à taux zéro pour les jeunes de
18 à 25 ans, afin de les aider à la réalisation d'un
projet professionnel. Ce prêt serait accordé par les
établissements de crédit auxquels la Caisse nationale des
allocations familiales (CNAF) verserait une subvention destinée à
compenser l'absence d'intérêt.
Ce prêt serait attribué pour financer un cursus d'études ou
de formation, un projet professionnel ou une création d'entreprise. Son
montant maximum serait de 24.000 francs par an, remboursable avec un
différé de remboursement de trois à cinq ans.
Le coût de cette mesure est estimé par les auteurs de la
proposition de loi à 1,5 milliard de francs sur cinq ans, soit
300 millions de francs par an.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE II
-
Accélération de la
transmission anticipée du patrimoine
Art. 16
Abattement de 200.000 francs sur
la
part de chacun des petits-enfants âgés de 16 à 30 ans
en cas de donation des grands-parents
Cet
article complète l'article 790 B du code général des
impôts afin de prévoir une exonération fiscale
particulière en cas de donation des grands-parents à leurs
petits-enfants âgés de 16 à 30 ans, sous la forme d'un
abattement de 200.000 francs sur la part de chacun des petits enfants pour
la perception des droits de mutation à titre gratuit.
L'article 790 B du code général des impôts prévoit
déjà que les petits-enfants bénéficient chacun d'un
abattement de 100.000 francs pour la perception des droits de mutation
entre vifs.
L'alinéa inséré par le présent article double donc
cet abattement si les petits-enfants sont âgés de 16 à 30
ans. L'objectif de cette disposition est de faciliter la transmission
anticipée du patrimoine, au moment les petits-enfants entrent dans la
vie active et fondent une famille.
Le coût de cette mesure est estimée par les auteurs de la
proposition de loi à 300 millions de francs par an.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
TITRE V
-
LA COMPENSATION DE L'EFFORT
FINANCIER
DES FAMILLES
CHAPITRE PREMIER
-
Amélioration du
mécanisme du quotient familial
Art. 17
Relèvement du plafond du
quotient
familial
Cet
article revient sur l'abaissement du plafond du quotient familial voté
par l'Assemblée nationale dans la loi de finances pour 1999. Il
s'agissait alors de " compenser " le retour à
l'universalité des allocations familiales que le Gouvernement avait
-l'année précédente- placées sous condition de
ressources. Il prévoit par conséquent que la réduction
d'impôt résultant de l'application familiale ne peut
excéder 16.380 francs contre 11.000 francs aujourd'hui.
Votre commission est très favorable à cette disposition. Elle
avait en effet souligné, à l'occasion de l'examen du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, que la
diminution du plafond du quotient familial constituait un recul important de la
politique familiale menée depuis la Libération et un coup
sévère porté au principe d'équité
horizontale
6(
*
)
.
Le coût de cette mesure est estimé par les auteurs de la
proposition de loi à 4 milliards de francs par an.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE II
-
Revalorisation des allocations
familiales
Art.
18
Revalorisation des prestations familiales en 1999
Cet
article procède au rattrapage de revalorisation des prestations
familiales au titre de l'année 1999.
Les prestations familiales, à l'exception des aides au logement, de
l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'aide à
la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée
(AFEAMA) hors majoration, sont calculées en fonction d'un pourcentage de
la base mensuelle des allocations familiales (BMAF).
L'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 prévoit, pour une
période allant du 1
er
janvier 1995 au 31 décembre
1999, que la BMAF est revalorisée
" une ou plusieurs fois par an
conformément à l'évolution des prix à la
consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et
financier annexé au projet de loi de finances pour l'année civile
à venir ".
Le second alinéa de cet article
précise cependant que
" si l'évolution constatée
des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui
avait été initialement prévue, il est
procédé à un ajustement destiné à assurer
pour l'année civile suivante une évolution des bases mensuelles
conforme à l'évolution des prix à la consommation hors
tabac ".
Pour 1998, compte tenu d'une hypothèse prévisionnelle
d'évolution des prix hors tabac de 1,3 % pour cette année au
1er janvier et de la révision à la baisse de la
prévision pour 1997 (1,1 % au lieu de 1,3 % initialement
prévu), la revalorisation s'est élevée à 1,1 %
au 1
er
janvier 1998.
Pour 1999, compte tenu d'une évolution prévisionnelle des prix
hors tabac de 1,2 % et de la révision à la baisse de la
prévision pour 1998 (0,8 % au lieu de 1,3 %), le Gouvernement
a décidé que cette revalorisation serait de 0,71 % au
1
er
janvier 1999.
Le Gouvernement a donc fait le choix, pour la deuxième année
consécutive, d'opérer un rattrapage négatif sur
l'évolution de la BMAF qui conditionne la progression de la plupart des
prestations familiales. Le rattrapage prévu en 1999 est
particulièrement sévère puisqu'il atteint 0,5 %.
Il convient en outre de noter que si les prestations familiales n'ont
été revalorisées que de 0,71 %, les pensions de
retraite l'ont été, quant à elles, de 1,2 %.
Le Gouvernement a choisi, en effet, de ne pas proroger le mécanisme de
revalorisation des retraites institué par la loi de 1993 pour
éviter d'appliquer aux pensions de retraites le rattrapage
négatif de 0,5 % qu'il impose pourtant aux prestations familiales.
Cette décision est apparue à votre commission d'autant plus
surprenante qu'avant ajustement comptable la branche vieillesse devait
être déficitaire de 4 milliards de francs en 1999 tandis que
la branche famille devait être, elle, excédentaire. Le
Gouvernement donne un " coup de pouce " aux retraités et
accroît encore les dépenses d'une branche
déficitaire ; parallèlement, il refuse tout effort
supplémentaire en faveur des familles alors que la branche famille
enregistre un excédent important.
Le présent article prévoit par conséquent une
revalorisation supplémentaire des prestations familiales de 0,49 %
en 1999.
Le coût de cette mesure est estimé par les auteurs de la
proposition de loi à 750 millions de francs.
Sous réserve de la rectification d'une erreur matérielle,
votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
Art.
19
Modalités de revalorisation des prestations familiales
Cet
article répond au même objet que l'article 18 : garantir
l'évolution des prestations familiales.
Pour les raisons qui ont été évoquées dans le
commentaire de l'article 18, cet article pose pour principe que les prestations
familiales sont revalorisées chaque année à un taux qui ne
peut être inférieur au taux de revalorisation des retraites du
régime général.
Sous réserve d'une modification rédactionnelle, votre
commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition
de loi.
TITRE VI
-
DISPOSITIONS FINANCIÈRES
CHAPITRE PREMIER
-
Reconduction de la garantie de
ressources de la branche famille
Art.
20
Garantie de ressources de la branche famille
Cet
article reconduit pour cinq ans, du 1
er
janvier 1999 au
31 décembre 2003, une disposition figurant à l'article 34 de
la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille.
Ledit article prévoit une garantie de ressources spécifique
à la branche famille, assurant à la CNAF des ressources au moins
égales, chaque année, au montant qui aurait résulté
de la législation et de la réglementation applicable à la
date du 1
er
janvier 1993.
A ce titre, la Commission des comptes de la sécurité sociale est
chargée de vérifier le maintien des ressources de la CNAF sur la
période allant du 1
er
janvier 1994 au 31 décembre
1998. S'il est constaté que les ressources sont inférieures au
montant évoqué, un versement de l'Etat équivalent à
cette différence intervient selon les modalités prévues
par la loi de finances établie au titre de l'année suivante.
Jusqu'à présent, cette garantie de ressources n'a jamais
joué, les différentes parties concernées (CNAF, ACOSS,
Direction de la sécurité sociale, Ministère de
l'agriculture, Direction du Budget) ne parvenant pas à s'accorder sur
l'évaluation des pertes ou des gains de recettes enregistrés par
la branche famille.
En réalité, deux interprétations de l'article 34 de
la loi famille semblent possibles. D'une part, celle de la Direction du Budget
qui considère qu'il faut retenir une appréciation globale des
ressources de la Caisse nationale d'allocations familiales et qui estime que
cette disposition ne s'applique pas seulement aux mesures pénalisantes.
D'autre part, celle de la Caisse nationale d'allocations familiales qui
considère qu'il faut retenir chaque catégorie de ressources
séparément et souligne que la double garantie (article 34 de la
loi famille et article L. 131-7 du code de la sécurité
sociale) témoigne du souhait du législateur de prendre en compte
les seules réductions de ressources, année après
année.
Une analyse juridique sur ce point a été demandée au
Conseil d'Etat par le secrétaire général de la Commission
des comptes de la sécurité sociale. Les négociations se
poursuivent entre les différentes parties concernées.
Votre commission juge cependant nécessaire que ce principe fondamental
soit reconduit pour cinq nouvelles années.
Elle vous propose
d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.
CHAPITRE II
-
Financement de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire
Art.
21
Prise en charge par le budget de l'Etat de la majoration
de
l'allocation de rentrée scolaire
Cet
article prévoit que la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire (ARS), décidée chaque année par le Gouvernement,
ne peut être mise à la charge de la branche famille. Cet article
réaffirme donc le principe selon lequel la majoration de l'ARS doit
être intégralement financée par le budget de l'Etat qui
rembourse son montant à la branche famille.
Votre commission souhaite rappeler à cette occasion les problèmes
méthodologiques que soulève, pour l'analyse de l'évolution
des recettes et des dépenses de la branche famille, le mode de
comptabilisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
En cours d'année, l'Etat procède en effet à la majoration
systématique de l'ARS depuis quelques années. Cette majoration
est versée par la branche famille et théoriquement
compensée par l'Etat. Cette majoration n'est pourtant jamais acquise et
son montant varie d'année en année : elle n'est donc pas
comptabilisée dans les prévisions de dépenses figurant
dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité
sociale.
L'impact de cette majoration rend donc difficile l'analyse des
évolutions de recettes et de dépenses d'une année sur
l'autre. Comme le souligne de manière répétée le
rapport de la Commission des comptes,
" les variations du montant de la
majoration d'ARS et sa prise en charge partielle ou totale par l'Etat
perturbent assez fortement la structure du compte ".
Pour avoir une idée plus précise de l'évolution des
comptes de la branche famille, il faut donc parfois " neutraliser "
l'impact de la majoration d'ARS. On peut d'ailleurs se demander quelle
signification revêt pour le Parlement le vote d'un objectif de
dépenses pour la branche famille qui n'intègre pas cette
majoration : cette dernière étant devenue quasiment
systématique à l'occasion de chaque rentrée scolaire,
l'objectif de dépenses est fatalement dépassé de plusieurs
milliards. Toutefois, si cette majoration est intégralement
compensée par l'Etat, le solde final de la branche n'en est pas
affecté, sous réserve de l'impact en trésorerie des
retards de remboursement...
En outre, le remboursement à la CNAF de cette dépense intervient
tardivement dès lors que les crédits budgétaires
nécessaires ne sont inscrits que dans le collectif de fin d'année.
Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la
proposition de loi.
CHAPITRE III
-
Compensation
financière
Art.
22
Compensation financière de la proposition de loi
Cet
article constitue le gage financier de la proposition de loi. Il prévoit
que les dépenses supplémentaires résultant de son adoption
sont couvertes par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur
les tabacs (articles 575 et 575 A du code général des
impôts) dont le produit est affecté à la CNAF.
Dans la mesure où les dépenses nouvelles ne sont pas
juridiquement " gageables ", votre commission vous propose une
nouvelle rédaction de cet article prévoyant que les pertes de
recettes pour l'Etat -qui sont elles seules gageables- résultant de la
présente proposition de loi seront compensées par une
augmentation à due concurrence des droits sur les tabacs.
Ce gage a naturellement un caractère très formel. Il serait en
réalité souhaitable que ces diminutions de recettes soient
compensées par des économies sur les dépenses de l'Etat.
En outre, votre commission observe que les dépenses
supplémentaires résultant pour la branche famille de la
présente proposition de loi, devraient pouvoir être amorties par
les excédents de cette branche tels qu'ils apparaissent dans les comptes
prévisionnels annexés à la loi de financement de la
sécurité sociale. La présente proposition de loi garantit
en quelque sorte que ces excédents bénéficieront bien aux
familles et ne seront pas détournés pour pallier les carences des
pouvoirs publics à maîtriser les dépenses d'assurance
maladie et à réformer les retraites.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
rédigé.
1
Sénat, n° 58
(1998-1999),
tome II.
2
Votre commission n'a pas été démentie sur ce
point : le projet de loi actuellement en discussion portant
création d'une couverture maladie universelle en témoigne.
3
" Bilan démographique 1998 ",
INSEE-Première, n° 633, février 1999.
4
C'est votre rapporteur qui souligne.
5
Instituée par la loi du 29 décembre 1986 relative
à la famille, l'APJE est destinée à aider les parents
à supporter les dépenses occasionnées par une grossesse,
puis par une naissance, et à inciter à une surveillance
médicale de la mère ou de l'enfant. Versée sous condition
de ressources, elle s'élève à 981 francs par mois.
6
Cf. exposé général.