b) ... une maladie mineure d'Outre-Manche
La commission d'enquête considère que les services du ministère de l'Agriculture ont sous-estimé l'internationalisation du marché de l'alimentation animale.
La note de service diffusée en 1988 aux directeurs des services vétérinaires, décrivant la nouvelle maladie, indique : « Ces données, ajoutées à la faible prévalence de la maladie (455 cas pour un cheptel de 13 millions de bovins), permettent de penser que des événements comme les facteurs génétiques et l'environnement jouent un rôle important dans l'apparition de la maladie ».
Comme l'a précisé M. Henri Nallet, lors de sa déposition : « Je crois que nous avons été assez long, en France, à penser que notre troupeau pouvait être concerné rapidement » . De manière anecdotique, comme l'a rappelé l'ancien ministre de 1988-89, la maladie est dénommée « BSE », selon le sigle anglais (Bovine Spongiform Encephalopathy) et ne s'appelle pas encore « ESB ».
Dans le même sens, la lettre précitée du Président du SNIA, du 27 novembre 1989 estime que « l'interdiction de l'importation des farines de sang, de viandes , d'abats et d'os et de cretons en provenance de pays ayant des cas de BSE (...) peut sembler d'une extrême sévérité ». Il ajoute cependant que « nous ne pouvons que souscrire aux précautions prises pour éviter la propagation de la BSE, dont les conséquences seraient catastrophiques pour le cheptel bovin, mais aussi pour l'image de la France ».
L'une des dernières décisions du gouvernement Bérégovoy sera de rétablir le 17 mars 1993 la possibilité d'importer des farines irlandaises, l'Irlande étant jugée sans doute à tort « sans risque ESB » . Des fabricants, comme Glon ou Guyomarc'h, pourront ainsi importer, en toute légalité, des farines irlandaises, pour leurs volailles, de 1993 à 1996.
La volonté de minimiser la maladie à tout prix, afin de ne pas entraver le développement de la filière, s'explique par le fait que les services du ministère de l'agriculture, chargés d'évaluer le risque, étaient les mêmes que ceux qui suivaient les dossiers des industries agro-alimentaires. Ces services étaient nécessairement amenés à sous-estimer la maladie, pour ne pas prendre des mesures risquant de peser sur la compétitivité des industries agro-alimentaires. Un tel argument, naturellement légitime, a été constamment utilisé depuis 1988, y compris par M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture, pour retarder l'interdiction des farines animales.
La création, par la loi du 1 er juillet 1998, de l'AFSSA était fondée sur le souci d'éviter de mélanger, au sein d'une même administration, l'évaluation et la gestion du risque.
Devant la commission d'enquête, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, à l'époque du vote de la loi issue d'une proposition sénatoriale, et M. Jean Glavany, ministre de l'Agriculture, se sont félicités de cette distinction. M. Jean Glavany a même souhaité aller plus loin, en recentrant l'action de la direction générale de l'alimentation sur la seule sécurité alimentaire.