3. M. Cuyl, président de la chambre de commerce et d'industrie du territoire de Belfort
Question 1
« Aujourd'hui, l'activité économique est caractérisée par un développement croissant , inéluctable et irréversible des échanges des biens et des personnes à l'échelle européenne et mondiale.
Cette croissance du trafic est alimentée tant sous l'angle micro-économique par la spécialisation croissante des sites de production et la gestion à flux tendu des entreprises, qu'au niveau macro-économique par la mondialisation et l'intégration européenne.
Le couloir Rhin-Rhône-Méditerranée est le siège d'un trafic de transit très important entre les bassins industriels rhénan et rhodanien et plus globalement entre l'Europe de l'Ouest et les pays méditerranéens en voie de développement.
Le trafic actuel sur l'axe Saône-Rhin de 40 Mt, essentiellement porté par l'autoroute A36, est en augmentation constante de l'ordre de 2 Mt par an. On peut aisément supposer que cette progression observée depuis plus d'une décennie le restera jusqu'à équilibre des échanges dans l'Union européenne en cours d'élargissement à 15 pays et à terme à 25.
Le trafic sur cet axe pourrait atteindre 100 Mt à l'horizon 2030.
Question 2
Compte tenu d'une progression du trafic sur l'A 36 de 2 Mt par an, en l'absence de tout aménagement, cette autoroute sera saturée à l'horizon 2012.
Partant de ce constat, plusieurs scénarii peuvent être évoqués.
Scénario 1
Le trafic sur la voie ferrée existante est de l'ordre de 4 Mt entre Belfort et Besançon. A la mise en service en 2008 de la branche Est du TGV Rhin -Rhône, le trafic voyageurs grande ligne libérera 6 sillons dans chaque sens pour le trafic des marchandises.
Ainsi, et conjointement avec la mise au gabaritB1 et la remise à 2 fois 2 voies de la section Mouchard - St Amour, la capacité fret de cette ligne peut être évaluée à partir de 2010 à 10 Mt.
La saturation de l'autoroute A 36 sera dans ce contexte reportée à l'horizon 2015.
Scénario 2
La situation évoquée au scénario 1 oblige qu'à l'horizon 2015 soit réalisé un aménagement des infrastructures de transport pour éviter un engorgement et une paralysie du trafic sur l'A 36. Il est très important par ailleurs, de situer ce besoin dans le temps, c'est-à-dire dans guère plus d'une décennie, le temps plus que juste nécessaire pour réaliser une infrastructure nouvelle.
Quel choix faire et quelle orientation prendre ?
On peut élargir l'autoroute et la mettre à 2 fois 3 voies sur l'ensemble de son parcours. Ce ne semble pas être une solution raisonnable.
Scénario 3
Dans un contexte de croissance du trafic et d'une volonté affirmée aujourd'hui de promouvoir un développement durable, une politique ambitieuse des transports conciliant développement économique et préservation de la qualité de vie, doit être définie et engagée d'urgence.
Cette politique doit être basée sur un rééquilibrage des modes de transports terrestres entre la route, le rail et la voie d'eau.
Ce rééquilibrage en faveur de modes alternatifs à la route ne peut se faire au détriment du mode routier qui reste indispensable et garde un rôle structurant pour notre économie. Il permet une desserte porte à porte sur l'ensemble du territoire et d'autre part, assure une convergence vers les points de transfert intermodaux.
Les modes ferroviaire et fluvial sont complémentaires au mode routier. Ils s'adressent aux transports sur grandes distances et aux transports de masse. Leur développement harmonieux est indispensable pour atteindre les objectifs du programme national de lutte contre le changement climatique et pour satisfaire aux besoins de notre économie.
De nouvelles infrastructures ferroviaire et fluviale doivent être réalisées. Elles ont chacune un rôle spécifique et complémentaire.
Question 3
La voie d'eau, puisque tel est notre sujet, émet cinq fois moins de gaz à effet de serre que la route. Elle peut donc apporter une contribution significative au programme national de lutte contre le changement climatique.
En outre, le transport fluvial constitue par nature un des moyens les plus pertinents pour réduire significativement la facture énergétique de notre pays, et par conséquent, sa dépendance vis-à-vis de l'étranger. Elle préserve les ressources naturelles en produits pétroliers pour les générations futures.
Le transport fluvial permet le transport de masse des pondéreux, des produits chimiques et dangereux, des produits agro-alimentaires et des engrais, des produits pétroliers finis, des produits finis à forte valeur ajoutée, des conteneurs qui sont en développement exponentiel, des matériels lourds et encombrants. La voie d'eau est bien adaptée à l'économie.
Ces transports ne trouvent pas de solutions équivalentes à la voie d'eau en termes de coût, de sécurité, de fiabilité, de juste à temps. Pour les entreprises, la fiabilité, c'est-à-dire, le respect des délais de livraison prime bien souvent sur la seule rapidité. La voie d'eau est bien adaptée aux besoins de l'économie.
La voie d'eau à là une carte formidable à jouer à condition bien sûr, de disposer d'infrastructures de voies navigables performantes. La voie d'eau est bien une voie d'avenir.
Question 4
S'il est important que les infrastructures fluviales existantes soient utilisées au maximum de leur capacité, il n'est pas moins nécessaire de poursuivre le développement des voies navigables sur les grands axes d'échanges économiques.
La France dispose de voies navigables à grand gabarit comme la Seine, le Rhône et la Saône, la Moselle, le Grand canal d'Alsace et le Rhin. Mais toutes ces voies sont en cul de sac. La navigation sur ces voies est donc limitée et ne peut bénéficier de l'effet de réseau. Cela n'encourage pas l'investissement des armateurs dans des unités fluviales performantes et bien adaptées aux transports actuels.
En particulier, il est indispensable d'étendre l'Hinterland des ports de Rotterdam et de Marseille respectivement au nord et au sud de la Franche-Comté et à terme d'assurer l'interconnexion des réseaux rhénan et rhodanien par une voie navigable Saône-Rhin supérieur au gabarit européen Va.
Une interconnexion des voies navigables actuelles et leur raccordement au réseau européen sera de nature à décupler l'activité fluviale au profit des régions desservies.
Question 5
Quatre projets sont à réaliser à terme pour mailler les voies navigables du Nord et du Nord - Est et compléter ainsi le réseau de navigation intérieure paneuropéen.
Ce sont :
- Seine - Nord, dont le fuseau vient d'être retenu ;
- Seine -Moselle ;
- Saône - Moselle ;
- Saône -Rhin supérieur.
Saône-Moselle
Cette liaison fluviale présente un caractère national. Elle se raccorde au Rhin en un point très septentrional et nécessite :
- d'une part, l'aménagement au gabarit européen minimal Va de la branche Sud du canal de l'Est de St Symphorien à Toul soit 300 km actuellement au gabarit Freycinet ;
- d'autre part, le réaménagement de la Moselle canalisée de Toul à Coblence, soit 380 km dont 270 km en section internationale, actuellement au gabarit classe IV 1 500 t.
Saône-Rhin supérieur
Cette liaison fluviale présente un caractère européen très affirmé.
210 km restent à aménager pour disposer d'une voie fluviale au gabarit européen Va reliant la Mer du Nord aux bassins rhénan et rhodanien et à la Méditerranée.
Ce projet, de moindre coût qu'une liaison Saône - Moselle peut être rapidement réalisé. Les études faites par VNF et la CNR peuvent être reprises et complétées pour tenir compte d'une plus grande sensibilité écologiste et environnementale.
Le projet présenté à la commission sénatoriale le 17 avril 2002 d'une liaison fluviale Saône -Rhin supérieur au gabarit Va assure une bonne adéquation aux besoins de transport sur cet axe d'échange économique Nord -Sud dans un contexte de développement durable.
Ce projet prévoit de limiter la circulation à des automoteurs type Grand Rhénan de 110 m de long et permet ainsi d'inscrire harmonieusement le chenal de navigation dans les méandres du Doubs. Des écluses jumelées de 120 m de longueur utile permettent de compenser la réduction de longueur des unités fluviales qui utiliseront cette liaison fluviale Saône-Rhin en doublant la capacité de passage par ces écluses.
Le projet de liaison fluviale Saône-Rhin supérieur au gabarit européen Va présenté à la commission sénatoriale devrait par ses qualités recueillir l'adhésion des instances régionales, nationales et européennes ».