2. ... expliquent l'ancrage stratégique de la Chine en Afrique et, dans une moindre mesure, en Amérique latine.
- une politique africaine volontariste
La politique chinoise en Afrique illustre cette quête de stabilité économique et énergétique.
Les interlocuteurs de votre délégation ont rappelé l'ancienneté des liens de la Chine avec les pays en développement. Ils ont fait valoir qu'en des temps moins prospères, il y a trente ou quarante ans, la Chine entretenait déjà de bonnes relations avec « ses amis pauvres d'Afrique ». Elle serait donc, aujourd'hui, plus apte que d'autres puissances à comprendre les aspirations des pays en développement dans le cadre d'une coopération sud-sud.
Cette coopération sert ses intérêts économiques en lui fournissant des matières premières et un marché pour ses exportations. La Chine achète et investit sur le continent africain dans les secteurs minier (premier acheteur de cuivre, notamment en Zambie), pétrolier (22 % des importations chinoises, essentiellement en provenance du Soudan, de l'Angola et du Nigeria) et gazier.
Le voyage du Président Hu Jintao en Afrique (Egypte, Gabon, puis Algérie), en janvier 2004, s'est inscrit dans cette volonté de diversification des fournisseurs en hydrocarbures. Pékin est désormais le troisième acheteur du pétrole gabonais. Le gisement de Zarzaïtine en Algérie devrait offrir à la Chine entre 1,3 et 2,5 millions de tonnes de pétrole par an. De plus, la China National Oil and Gas Exploration doit construire une raffinerie, dans le désert algérien, près d'Adrar (marché remporté au détriment de la société américaine Petrofac). La Chine est également présente au Congo Brazzaville (gisements offshore), a entrepris des recherches en Mauritanie et au Niger et envisage de débuter, en 2008, l'extraction de pétrole au Mali. En Libye, la Chine construit 528 km d'oléoducs et gazoducs et a pu, en contrepartie, importer 1,3 million de tonnes de pétrole en 2004.
Enfin, trois pays suscitent l'intérêt particulier de Pékin : le Soudan, le Nigeria et l'Angola.
Au Soudan, les Chinois ont construit un oléoduc de 1 500 km qui aboutit au terminal portuaire de Marsa-el-Bashair au bord de la Mer Rouge. En avril 2005, les Présidents chinois et nigérian ont signé un partenariat stratégique prévoyant plusieurs domaines de coopération économique et stratégiques.
En Angola, la compétition réunit la Chine, les Etats-Unis et l'Inde. Les sociétés américaines y sont présentes depuis plus de deux décennies et, aujourd'hui, 40 % du pétrole est exporté d'Angola aux Etats-Unis. Entre temps, la Chine est devenue un acteur majeur puisqu'elle achète le tiers de la production du pays. En octobre 2004, elle a obtenu le droit d'acquérir une participation de 50 % dans le gisement détenu auparavant par Shell, en échange d'une importante aide financière. A ce jour, une vingtaine de projets d'infrastructures sont en cours, dont la reconstruction de la ligne de chemin de fer reliant le port de Lobito à la frontière orientale du pays. En Angola, les préoccupations chinoises sont aussi d'obtenir des facilités navales. Des négociations avec Luanda ont pour but de permettre une escale régulière des bâtiments chinois à Benguela et Lobito.
En contrepartie, 60 % des exportations africaines de bois sont destinées à la Chine. Celle-ci, pour sa part, vend en Afrique des produits à des prix défiant toute concurrence, même si leur qualité demeure médiocre. Elle est ainsi devenue le deuxième exportateur en Afrique occidentale, juste derrière la France et devant les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
Le sommet Chine-Afrique, tenu à Pékin en novembre 2006, a couronné cette démarche volontariste de la Chine à l'égard du continent. Cette démarche, justifiée prioritairement par des considérations économiques et énergétiques, ne s'y limite cependant pas. La relation que la Chine propose à l'Afrique est celle d'un pays du « Sud » à d'autres nations du « Sud », marquant ainsi sa spécificité par rapport à l'assistance américaine ou européenne. Les pays concernés du Sud y voient symétriquement un argument politique et un « levier » utile dans leurs rapports avec les donateurs du Nord.
Cette stratégie économique se double aussi de motivations politiques.
Ainsi, l'aide apportée aux pays africains pour développer leurs infrastructures et les travaux financés, par des prêts très avantageux ou des dons, ont souvent pour contrepartie que les pays bénéficiaires reconnaissent la République populaire de Chine comme seul représentante du peuple chinois. Aucune aide n'est ainsi accordée aux pays qui maintiennent des relations diplomatiques avec Taïwan (Burkina Faso, Gambie, Malawi, Sao Tome et Principe, Swaziland).
Par ailleurs, Pékin n'hésite pas à développer des relations économiques et politiques avec des pays soumis à des sanctions internationales (cas du Soudan, du Zimbabwe). Elle propose ainsi une alternative à des aides occidentales soumises à une conditionnalité démocratique qu'elle n'invoque nulle part pour ce qui la concerne, et dont elle s'affranchit même ostensiblement.
- Une présence croissante en Amérique latine
Les efforts déployés pour développer ses relations politiques avec l'Amérique latine ont promu sensiblement les échanges économiques et commerciaux entre les deux parties. Le volume commercial bilatéral a atteint 26,806 milliards de USD en 2003, presque 20 % de plus qu'en 2002. La structure de l'import-export a été profondément modifiée, la proportion de produits finis industriels importés, comme machines-outils, machinerie lourde, camions et avions, ayant sensiblement augmenté. Les principaux produits d'Amérique latine exportés vers la Chine sont des produits miniers, le guano de poisson, du sucre brut, de la laine, la pâte à papier.
La Chine a signé des accords sur la coopération économique et technologique ou de coopération économique avec seize pays latino-américain, sur l'encouragement et la protection mutuelle de l'investissement avec onze pays et, en matière de double imposition, avec cinq pays. Elle a aussi établi un comité mixte scientifique et technologique avec le Brésil, le Mexique, le Chili, l'Argentine et Cuba.
Le champ de la coopération économique et technologique s'élargit des échanges commerciaux purs à l'assistance économique et à la coentreprise, dans les secteurs privilégiés que sont l'énergie, l'exploitation minière, la sylviculture, la pêche, le textile, la confection, le bâtiment et la transformation de produits alimentaires. Les projets d'investissement d'envergure de la Chine en Amérique latine sont ceux de minerai de fer au Pérou, d'extraction de pétrole au Venezuela et en Équateur, d'exploitation de minerai de fer et de production d'acier au Brésil et celui de textile au Mexique. L'Amérique latine a effectué des investissements dans de nombreux projets en Chine, dont le nombre total a atteint 9 000 en 2002, pour un montant total supérieur à 30 milliards de dollars.