2. Une inégalité sociale croissante et la situation dégradée des Droits de l'Homme
- Une inégalité qui pourrait peser sur la stabilité interne
Le développement économique s'inscrit dans un contexte de grave déséquilibre. Les populations du centre, du nord et de l'ouest du pays sont quasiment exclues du progrès économique, alors que la zone côtière de l'est concentre les activités industrielles et tertiaires et maîtrise difficilement l'urbanisation de long terme. Ce déséquilibre risque, dans le futur, de peser sur la progression économique chinoise et crée, d'ores et déjà, une situation sociale si inégalitaire qu'elle constitue peut-être le véritable défi auquel sera confrontée la Chine du XXI ème siècle. Seule une politique active tendant à rééquilibrer le développement économique pourra réduire ces inégalités qui sont un défi potentiel à la stabilité interne.
Les autorités devront tenir compte des aspirations d'une majorité de la population chinoise dont le revenu annuel moyen atteint à peine 1 000 dollars. Si la Chine comprend désormais des fortunes individuelles considérables et une classe moyenne consommatrice évaluée, suivant les critères, de 150 à 290 millions d'habitants, cette évolution est loin de résorber les poches de pauvreté et le fossé se creuse entre la Chine de l'intérieur et celle de la façade orientale : le coefficient d'inégalité est plus élevé en Chine que dans tous les autres pays asiatiques.
Par ailleurs, l'évolution démographique est un problème majeur. Le nombre de naissances par mois est évalué à un million et plus de 15 millions de personnes arrivent chaque année sur le marché du travail, qui ne peut les absorber malgré un taux de croissance économique élevé. Le chômage urbain est en augmentation constante. L'économie chinoise est loin d'atteindre un rythme de création d'emplois qui correspondrait à la croissance de son produit intérieur.
De plus, d'ici une vingtaine d'années, on estime à quelque 200 millions le nombre de paysans qui viendront travailler dans le secteur industriel, ce qui risque d'aggraver les problèmes sociaux.
Un autre problème lié à l'évolution démographique a été exposé à votre délégation. Compte tenu du strict contrôle des naissances, la Chine va connaître un problème de vieillissement accéléré à partir de 2025 : le rapport était de 8 actifs par retraité en 1978, il est de 5,3, aujourd'hui, et sera de 2,3 (estimation) en 2030. « La Chine risque de devenir vieille avant de devenir riche ».
Ainsi, le financement des retraites et celui d'une « sécurité sociale » naissante constituent de fortes hypothèques sur l'avenir de l'économie intérieure et accentuent le besoin d'une croissance économique soutenue.
- L'impact international de la question des Droits de l'Homme
La communauté internationale est légitimement préoccupée par la situation des droits de l'homme en Chine, notamment par le recours fréquent à la peine de mort (souvent en violation des normes minimales internationalement reconnues), à la torture et à la détention arbitraire, ainsi qu'à la « rééducation par le travail ». S'y ajoutent la non reconnaissance des droits civils, politiques ou syndicaux, du respect des libertés d'expression culturelle, politique et religieuse...
La Chine est en pleine contradiction, partagée entre le libéralisme économique et l'autoritarisme politique. Elle fait valoir son refus de voir s'appliquer sur son territoire une vision exclusivement « occidentale » de ces droits et revendique sa différence pour une vision « adaptée » des droits de l'homme. Pour elle, à une conception ethnocentriste des droits de l'homme devraient se substituer des approches diverses, respectant les spécificités culturelles et historiques.
On conçoit que, dans ces conditions, le dialogue entre l'Occident et la Chine sur ce point progresse lentement ; la prudence des engagements illustre la complexité du problème.
La déclaration conjointe franco-chinoise, adoptée le 26 octobre 2006 à l'issue du déplacement en Chine du Président de la République française, prévoit ainsi « d'intensifier le dialogue constructif sur les droits de l'homme ». Les deux pays soulignent « la nécessité de promouvoir et de protéger les droits de l'homme (...) en respectant l'universalité de ces droits et estiment que tout en tenant compte des spécificités de chacun (...) », les Etats se doivent « de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales ».