2. Avec l'Union européenne : une relation en mode mineur
L'Union européenne et la Chine ont engagé un dialogue, sur les droits de l'homme, en 1995. Interrompu en 1996, seule année où la motion de non-action chinoise fut mise en échec, il a été repris en 1997, après que l'Union européenne, à l'initiative de la France et de quelques partenaires, eût renoncé à présenter un texte à la Commission des Droits de l'Homme.
Les priorités de l'Union européenne en ce domaine portent sur la ratification par la Chine de la Convention des Nations unies sur les droits civils et politiques ; sur la libération des prisonniers de 1989 toujours détenus ; sur la réforme du système de rééducation par le travail.
Le dialogue Union européenne-Chine sur les droits de l'homme s'organise de façon régulière à l'occasion de sessions biannuelles complétées par des programmes de coopération technique visant à améliorer la situation dans des domaines concrets.
La dernière session a eu pour thème la liberté d'expression en Chine en liaison avec la question de la ratification, par les autorités chinoise, de la Convention des Nations unies sur les droits civils et politiques.
Les évaluations régulières effectuées au sein de l'Union européenne font état de progrès dans certains domaines mais les résultats demeurent bien en deçà des attentes européennes.
Par ailleurs le dossier de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine progresse peu. Plusieurs facteurs empêchent de parvenir à un consensus européen : la pression croissante des Etats-Unis, notamment sur les nouveaux Etats membres ; l'adoption de la loi « anti-sécession » par la Chine ; l'absence, relevée par plusieurs Etats membres (conseils européens de juin 2005 et décembre 2005) de progrès notables en faveur des droits de l'homme en Chine.
Toutefois, lors du sommet Union européenne-Chine de septembre 2005, les Européens ont réaffirmé, à la demande des Chinois « leur volonté de continuer à oeuvrer en vue de la levée de l'embargo » . Le Conseil européen a établi un lien entre, d'une part, l'adoption du code de conduite européen et de la « boîte à outils » (dispositif spécifique pour les pays en sortie d'embargo) et, d'autre part, la levée de l'embargo à l'égard de la Chine.
La levée de cet embargo, soutenue par la France et par l'Italie, n'est pas acquise. Deux points ont été soulignés par les interlocuteurs de la délégation : d'abord cet embargo est plus symbolique que pratique. En effet, il concerne les armes létales, mais n'empêche pas l'exportation de dispositifs technologiques sophistiqués intégrables dans toutes sortes d'armement. Or, c'est précisément ce caractère symbolique qui préoccupe les autorités chinoises, ainsi que cela a été indiqué précédemment. Ce sujet s'inscrit dans le souci de reconnaissance internationale de leur pays. Pour les responsables chinois, la levée de l'embargo s'analyserait essentiellement comme la disparition d'une discrimination dont leur pays souffrirait.
• La reconnaissance du statut d'économie de marché
La France considère comme légitime la demande de la Chine de voir reconnaître ce statut à son système économique, compte tenu des progrès de la transition économique chinoise. La conclusion de ce dossier dépend toutefois des discussions engagées avec la Commission européenne, seule compétente en ce domaine. Celle-ci a fait valoir, lors de la réunion ministérielle Union européenne-Chine de février 2005, que la Chine ne remplissait pas toutes les conditions nécessaires à cette reconnaissance. Le groupe de haut niveau, créé lors du 8 ème sommet Union européenne-Chine, a tenu une première réunion exploratoire, à Pékin fin mars 2006 : le sujet n'a pas avancé et aucun calendrier n'a été fixé, ce que la Chine accepte mal.
La Chine conditionne implicitement la conclusion d'un nouvel accord-cadre de coopération et de partenariat avec l'Union européenne à la solution positive tant de la question de l'embargo que de celle de la reconnaissance de son statut d'économie de marché. Elle souhaiterait dans un premier temps réviser le seul accord commercial et de coopération de 1985, et remettre à plus tard un accord global.
L'Union européenne, quant à elle, refuse une négociation en deux temps sur les aspects d'abord commerciaux et, ensuite, politiques : pour elle, les deux sujets doivent être liés dans le cadre d'un accord global mixte.
Mais l'Union européenne n'est pas considérée par la Chine comme son partenaire essentiel. Les Etats-Unis restent, pour la Chine, le partenaire prioritaire et le partenariat Union européenne-Chine pâtit des difficultés inhérentes à l'élaboration d'une politique étrangère et de sécurité commune, notamment les divergences d'intérêts entre la Commission et les Etats membres. L'absence de politique étrangère européenne intégrée pose à Pékin le problème de la crédibilité d'un partenariat avec l'Union européenne.
Pourtant l'évolution de la relation euro-chinoise peut se fonder sur une base solide de relations politiques, économiques et scientifiques.
L'Union européenne et la Chine ont célébré le trentième anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques en mai 2005 ; « le partenariat global », établi entre l'Union européenne et la Chine en 1998, évolue vers un « partenariat stratégique » depuis 2003. Le 8 ème sommet Union européenne-Chine a eu lieu en septembre 2005 à Pékin et a permis d'engager des négociations concernant la signature d'un nouvel accord cadre contenant des clauses dites de « troisième génération » (droits de l'homme, terrorisme, migration).
En termes économiques, les difficultés ne doivent pas être sous-évaluées, au vu du déficit commercial de l'Union européenne ou des contentieux sur le textile et la chaussure, par exemple. Mais les liens demeurent toutefois solides : l'Union européenne est devenue, en 2004, le premier partenaire commercial de la Chine et le montant du commerce bilatéral s'est élevé, cette année-là, à 177,3 milliards d'euros. La Chine est, depuis 2002, le 2 ème partenaire commercial de l'Union européenne après les Etats-Unis.
Les relations scientifiques et technologiques progressent. Le sommet euro-chinois de septembre 2005 a été marqué par l'instauration d'un « partenariat » sur le changement climatique, avec l'adoption d'une déclaration conjointe dans ce domaine. Les deux parties se sont engagées à renforcer leur collaboration dans le domaine des sciences et de la technologie et leurs échanges dans le domaine de l'éducation (programme Erasmus-Mundus, forum Union européenne-Chine sur l'enseignement supérieur en 2005). Par ailleurs, l'appui de la Chine au projet européen Iter de réacteur à fusion thermonucléaire et les perspectives relatives à l'entrée de la Chine dans le programme Galiléo de positionnement et navigation par satellite soulignent l'intérêt de la Chine pour la coopération scientifique avec l'Europe. Dans le domaine spatial, les interlocuteurs de la délégation ont également souligné le manque de moyens du programme satellitaire chinois, lancé à très bas coût, ainsi que les impasses de la coopération avec les Etats-Unis. Ils ont salué la qualité de la coopération menée avec l'Agence spatiale européenne et ont souhaité qu'elle se renforce.
Les interlocuteurs de la délégation ont également souhaité voir se renforcer les liens de collaboration avec l'Union européenne dans le domaine de « l'environnement, des sciences et des technologies ».
Le 6 ème sommet du forum du dialogue entre l'Europe et l'Asie (ASEM) a réuni, les 9 et 10 septembre 2006, 13 pays asiatiques et les Etats membres de l'Union européenne. A cette occasion, Mme Ferrero-Waldner, commissaire européenne chargée des relations extérieures, a déclaré : « nous voulons un partenariat stratégique avec la Chine, nous voulons vraiment travailler avec la Chine, car nous sommes deux géants sur la scène internationale. La Chine est un partenaire très précieux pour nous et l'émergence de la Chine est absolument une grande opportunité pour l'Europe ».
Lors de cette rencontre, le Premier ministre chinois et le Président de la Commission européenne se sont engagés à approfondir le partenariat stratégique entre la Chine et l'Union européenne et décidé de lancer les négociations sur un nouvel accord de partenariat destiné à remplacer l'accord de 1985 tout en élargissant sa portée.
Toutefois, cet optimisme doit être nuancé. Du côté européen, en effet, la levée de l'embargo sur les ventes d'armes n'est toujours pas à l'ordre du jour ; quant à la reconnaissance du statut d'économie de marché à la Chine, la Commission européenne a indiqué qu'il s'agissait d'une question « technique » et que la « clé pour que Bruxelles reconnaisse ce statut » était de « répondre aux critères présentés par les Européens ».
Du côté chinois, le Premier ministre, M. Wen Jiabao, a évoqué la nécessité d'une coopération intensifiée pour un développement économique mondial équilibré et a principalement axé son intervention sur le besoin de sécurité et de stabilité énergétique, remarquant que les querelles géopolitiques ne devraient pas bloquer l'approvisionnement mondial en énergie.
Ce dialogue cordial ne débouche pas sur des avancées réellement satisfaisantes. Si l'Union européenne ne veut pas être évincée au profit des Etats-Unis, elle doit impérativement et unanimement privilégier une vision plus politique que technocratique de la relation euro-chinoise.
Si l'Union européenne n'exprime pas une vision politique commune et cohérente, elle y perdra en crédibilité à l'égard d'un pays, dont les liens avec elle ne pourront égaler ceux qui l'unissent à Washington car, vu de Pélin, ils n'apparaissent que comme la somme des relations bilatérales qui lient la Chine à chaque pays européen.