CLÔTURE DU COLLOQUE - GÉRARD LARCHER, MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'EMPLOI, AU TRAVAIL ET À L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES

Monsieur le Président de la commission des affaires économiques, Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs les représentants des partenaires sociaux, Mesdames et Messieurs les responsables d'entreprise, les représentants du monde universitaire et les représentants des étudiants, Mesdames et Messieurs,

En cette journée, je me suis occupé de deux segments spécifiques de notre marché de l'emploi. Ce matin, nous avons présenté le plan seniors, qui est le fruit du travail des partenaires sociaux. Il est né d'une discussion interprofessionnelle et d'un accord interprofessionnel. Il s'inscrit dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, fruit de la loi de modernisation sociale. Nous sommes un pays où le taux d'activité des plus de 55 ans est parmi les plus faibles. En effet, pendant longtemps, nous avons fait de l'âge la variable d'ajustement de nos plans sociaux : âge de sortie et âge d'entrée. Et nous avons d'ailleurs prolongé les études ad libitum pour éviter de nous confronter aux réalités du marché de l'emploi.

Qu'on le veuille ou non, le taux d'activité en France est plus faible que chez nos voisins. Le taux de multiplication par rapport au taux de chômage national est très supérieur à celui de l'Allemagne. Les contrats jeunes en entreprises coûtent quelques centaines de millions d'euros. La maîtrise du coût du travail est le fruit du plan de Robien, du plan sur les 35 heures et du plan du Juppé. Elle coûte 19 milliards d'euros d'allégement. Le Conseil d'orientation pour l'emploi travaille sur ce sujet. Mais ceci profite d'abord aux salaires les plus modestes, avec un risque, qui est l'effet de trappe à bas salaires, sur lequel nous devons réfléchir. Aujourd'hui, les contrats jeunes en entreprise, les CIE et les contrats de professionnalisation pour les jeunes ont concerné en 2005 environ 125.000 jeunes de niveau 5 bis et 6, alors que les emplois jeunes concernaient à 75 % d'entre eux des niveaux bac et bac+2 (40 % pour les bac+2). Le public que nous ciblons aujourd'hui rassemble non seulement les jeunes diplômés, mais également ceux qui « galèrent » pour entrer dans l'emploi. Nous devons donc apporter une réponse globale. Voilà pourquoi nous avons mis en place les dispositifs comme les parcours d'accès à la vie active dans l'entreprise.

Notre pays s'est forgé un certain nombre d'outils, et notamment dans la période récente : par exemple, l'accord unanime des partenaires sociaux de septembre 2003 sur le droit individuel à la formation. Il s'agit d'un outil pour demain. Par ailleurs, la validation des acquis de l'expérience, fruit de la loi de modernisation sociale, était encore confidentielle en 2003 (3.000). Son nombre a augmenté à 20.000 en 2004, 60 000 en 2006 et 120.000 en 2007. Il s'agit d'un outil permettant aux personnes qui se formeront tout au long de la vie de valider les acquis de leur expérience. C'est une révolution culturelle. Enfin, le contrat de professionnalisation est aussi le fruit du dialogue avec les partenaires sociaux. C'est également un outil de formation des jeunes et de formation tout au long de la vie, y compris pour les seniors. En somme, nous disposons d'outils pour opérer.

Quelles sont les difficultés ? Tout d'abord, il faut constater une méconnaissance de la part des jeunes diplômés des réalités du marché du travail, de ses règles, de ses modalités d'entrée. Trop nombreux sont les jeunes qui surévaluent l'importance du diplôme au détriment de la motivation, de la connaissance de l'activité et de l'expérience. Il y a, à côté du diplôme, le savoir-faire. A ce premier facteur me semble s'ajouter l'écart entre le diplôme obtenu et le besoin des entreprises. Une étude a été réalisée sur le « taux d'angoisse » des étudiants. Quand le taux d'anxiété était de 7 % pour les étudiants des sciences médicales, il était de 43 % chez les étudiants en sciences humaines. Les étudiants en histoire et en psychologie ont des capacités. Encore faut-il qu'elles se frottent à la dimension de l'expérience et de la professionnalisation. Il y a aussi des écarts entre les diplômes à bac+2 et les diplômes à bac+5. Souvenons-nous que le taux de chômage à la sortie des DUT est inférieur à 5 %. Il faut également souligner la non-représentation de licences et de Masters issus de l'université dans l'univers du recrutement des entreprises.

Enfin, il y a dans trop d'entreprises la crainte de recruter un jeune diplômé. Il faut mutuellement changer de représentations, aussi bien chez les jeunes que dans les entreprises. Certaines représentations ne sont pas construites sur des réalités. Les uns ne sont pas les adversaires des autres. Nous avons la responsabilité, ensemble, de nous apprivoiser. L'apprivoisement passe d'abord par le respect et la reconnaissance. C'est l'inverse de la domestication. C'est un partage d'utilité, ensemble.

Le ministère de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur et le ministère du travail ont amélioré le dispositif d'orientation vers des filières en fonction des besoins du marché du travail. Nous prenons en compte les réalités du marché national et les réalités du marché régional. Les Maisons de l'emploi restent à construire ! Les partenaires sociaux doivent utiliser ces Maisons de l'emploi pour mieux analyser les réalités du marché du travail.

En même temps, il faut renforcer la transparence de l'évaluation des débouchés des filières. Il y a un formidable décalage entre les écoles et les universités, entre la formation professionnelle et la formation académique. Il faut se confronter aux réalités.

Par ailleurs, j'ai entendu beaucoup d'alternance. L'alternance du CAP au bac+5 est une grande voie de formation. Aujourd'hui, elle concerne 17 % des jeunes après le bac, soit 63.000 jeunes. Notre objectif est de 100.000.

Notre objectif est un CFA par université. Nous pensons que la filière professionnelle est à l'égal des filières plus classiques.

M'adressant aux entreprises et au président de l'UPA, c'est surtout les PME qui aujourd'hui portent l'alternance. Les PME sont huit fois plus actives que les grandes entreprises. Quand nous demandons aux entreprises d'avoir 1 % de leurs effectifs en formation en alternance en 2006, 2 % en 2007 et 3 % en 2008, nous voulons que les entreprises accueillent des jeunes, ce qui permettrait d'ouvrir 150.000 postes d'ici à la fin de l'année 2008.

Enfin, en ce qui concerne les stages, les stages ne doivent pas constituer un détournement du contrat de travail. Nous avons légiféré sur cette question. Nous sortirons un décret à ce sujet. En effet, nous pensons que le stage s'inscrit dans une expérience, mais aussi dans un cursus pédagogique. Il doit être un élément du cursus permettant ensuite de déboucher sur un véritable contrat de travail. Le stage devrait comprendre les éléments suivants : convention obligatoire, obligation de l'encadrement du stage, évaluation du stage, tutorat.

Pour contribuer à l'insertion, il faut absolument que les universités, à l'instar des grandes écoles et de l'université de Sophia-Antipolis, créent un module de recherche d'emploi et des forums de rencontre entre leurs étudiants et les recruteurs. Les grandes écoles ont su créer des réseaux permettant la rencontre. Les universités devraient procéder de même, à la manière également de Sophia-Antipolis et d'autres. Il faut créer un espace d'insertion professionnelle qui accompagne l'étudiant dans son embauche et dans ses difficultés.

Voilà l'action que nous souhaitons conduire. Il peut vous sembler étrange que ce soit le ministre délégué au travail et à l'emploi qui vienne parler de ces sujets, mais il faut insister sur le fait que nous avons engagé un travail conjoint avec monsieur le ministre de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur dans la commission des affaires économiques du Sénat, c'est-à-dire dans un lieu où l'on débat de l'économie, de l'entreprise, de la création d'entreprise. Il est en effet temps que nous abattions les cloisons entre nous, entre les jeunes étudiants et les entreprises. Il faut savoir que dans les dix ans qui viennent, 40 % des entreprises aujourd'hui devront être reprises. Qui en assurera la succession ? A partir de 2010, nous connaîtrons des problèmes liés au baby-boom des années 1945-1950. Cette réalité peut être une chance et une opportunité si nous savons préparer les ressources humaines et si nous parvenons à sortir de schémas anciens.

Je vous remercie.

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