3. L'absence d'analyse consensuelle
Une analyse commune des situations doit, en tout état de cause, précéder la question du partage des coûts. Or, l'Union européenne ne dispose pas des moyens d'une analyse commune des crises, qui permette de s'accorder sur les objectifs et les moyens d'une éventuelle intervention.
Ainsi que l'a souligné M. Manservisi devant vos rapporteurs, l'expertise se trouve dans les services des Etats membres. Le recours accru à des experts nationaux détachés permettrait de confronter les compétences, les analyses et les points de vue entre les Etats membres, mais aussi avec les différentes institutions européennes.
4. Les efforts à consentir pour la France
La relation historique de la France avec certains pays d'Afrique est à la fois, pour nos partenaires européens, un atout et un handicap. Tout en faisant droit à notre pays de sa réelle connaissance du terrain et en lui sachant gré d'assurer, en cas de besoin, l'évacuation de leurs ressortissants des théâtres de crise, ils le soupçonnent d'utiliser l'Union européenne pour maintenir son influence et ses intérêts, tout en partageant les coûts politiques et financiers.
Par ailleurs, ainsi que cela a été souligné à plusieurs reprises par les interlocuteurs de votre délégation, la France communique peu, ou mal, sur sa politique africaine, que ce soit avec ses partenaires africains ou européens. Certains reproches peuvent être pour partie justifiés : la France est en pleine mutation de sa politique africaine. D'autres ne sont pas exempts d'hypocrisie : la France est présente en grande partie par défaut de l'implication d'autres Etats.
La présence sur le terrain des partenaires européens doit donc être systématiquement recherchée, dans les opérations, mais aussi dans les bases françaises ou dans les écoles de formation à vocation régionale. Vos rapporteurs ont pu constater, lors de leur visite au Sénégal, que ce mouvement s'amorçait. Il doit être soutenu.
Il concourt en effet à une appréhension plus concrète et plus pragmatique mais aussi plus politique des situations, qui se démarque du tableau parfois simpliste dépeint par certaines ONG ou organisations en exil dans les capitales occidentales.
La formation des armées locales est un sujet consensuel, dont la nécessité est largement reconnue et qui pourrait faire l'objet d'une meilleure coopération. À l'heure où le Portugal envisage de mettre sur pied une école de maintien de la paix, comparable à celle d'Accra au Ghana ou de Koulikoro au Mali, une réflexion et une action européennes dans ce domaine sont envisageables.
Ces échanges supposent également le développement du bilinguisme dans les écoles militaires africaines à vocation régionale : ce n'est pas tant la langue française qu'elles doivent s'attacher à promouvoir qu'un modèle de savoir-faire et de « savoir-être » militaires. Que ces structures soient accessibles tant à des stagiaires qu'à des formateurs anglophones est une nécessité.
Dans un premier temps, la recherche d'une plus grande implication de l'échelon européen dans la recherche de la stabilité et de la sécurité en Afrique peut paraître représenter plus de coûts que de bénéfices : A terme toutefois, ce changement d'échelle est indispensable à un partenariat équilibré entre l'Europe et l'Afrique, pour apporter une réponse crédible à des sujets difficiles.