ANNEXE 2 : LA DÉFINITION D'ORIGINE DES DÉLÉGUÉS DE L'ETAT
Note du 4 octobre 1993 du préfet Paul Bernard à Mme Simone Veil, ministre d'Etat, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville sur les délégués de l'Etat dans le Rhône
MISSION POUR LA POLITIQUE
DE LA VILLE .
MA/MB
D1638
Lyon, le 4 octobre 1993
LE PREFET DE LA REGION RHONE-ALPES
PREFET DU
RHÔNE
à
Madame le Ministre des Affaires Sociales,
de la Santé et de la Ville
Cabinet
OBJET : Délégués de l'Etat dans le Rhône
Dans le Rhône, j'ai mis en place, depuis deux ans dans certains quartiers, un Délégué de l'Etat dans 16 quartiers en Développement Social Urbain.
Fonctionnaires de haut niveau, issus d'un service déconcentré de l'Etat (DDASS, DDE, DDJS, DDPJJ, Education Nationale, Trésorerie Générale, DDTE, DRASS) ou de la Préfecture et continuant à exercer leurs fonctions dans leur service d'origine, ils consacrent, au minimum, trois demi-journées par semaine à un quartier en difficultés dans lequel ils sont le relais et la vigie de l'Etat.
71, rue MOLIERE - 69003 LYON - Téléphone : 72.61.60.55 - Télécopie : 72.61.64.52
Adresse Postale : 106. rue Pierre CORNEILLE - 69419 LYON CEDEX 03
Ils constituent une expérience d'interministérialité originale et unique en France.
Depuis le début de cette expérience, j'ai fait établir, chaque année, un bilan qui a permis d'adapter au fur et à mesure les missions de ces fonctionnaires.
Dans le cadre de grands axes de la Politique de la Ville que le Gouvernement vient d'arrêter pour lutter contre la ségrégation urbaine et définis dans la circulaire commune du Ministre des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville et du Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, j'ai estimé utile de redéfinir de manière plus précise le rôle des délégués de l'Etat et d'améliorer, dans la mesure du possible, leurs conditions de travail.
I
• LE ROLE DES DELEGUES DE L'ETAT
Les Délégués de l'Etat sont chargés d'assurer dans les quartiers la coordination de l'action de tous les services déconcentrés participant à la Politique de la Ville afin que l'Etat parle d'une seule voix.
Cette mission qui marque la volonté de l'Etat d'être plus efficace dans une politique territorialisée est unanimement appréciée par les élus locaux.
A ce titre, ils sont invités à toutes les instances locales qui traitent des thèmes prioritaires de la politique de la ville :
- conseils de quartier pour la participation des habitants ;
- groupe de direction pour toutes les décisions importantes d'aménagement de l'espace et de l'amélioration de l'habitat ainsi que pour le développement des services dans les quartiers ;
- CLEF, CLI et PLIE éventuellement pour le développement économique favorisant l'insertion sociale et professionnelle des habitants ;
- CCPD pour la prévention de la délinquance ;
- conseil de zone dans les ZEP.
Cela ne signifie pas qu'ils assistent systématiquement à toutes ces réunions mais, étant informé de leur tenue, ils peuvent organiser la concertation qui permet à tout fonctionnaire qui y assistera de porter la parole de l'Etat et non pas celle de son service d'origine uniquement.
Ensuite, ils jouent un rôle de médiateur actif.
Porteurs de l'intérêt du quartier, ils assurent une médiation entre les différents services de l'Etat dont les objectifs peuvent parfois ne pas être tout à fait convergents à l'échelle d'un quartier.
Au nom de la solidarité nationale et de la lutte contre l'exclusion, ils sont également médiateurs entre l'Etat et les collectivités locales dont les intérêts sur le quartier peuvent être divergents. Ils travaillent pour cela en relation étroite avec les chefs de projet.
Il ne s'agit pas, pour les délégués de l'Etat, de remplacer les services déconcentrés dans leur rôle spécifique mais, dès qu'ils sont avertis d'une divergence de vue ou d'un dysfonctionnement, de provoquer une réunion de concertation pour tenter de régler, au niveau du quartier, le problème.
En ce sens, ils pallient un manque de territorialisation réelle de certains services déconcentrés. S'ils n'y parviennent pas, ils en réfèrent au Sous-Préfet, chargé de mission pour la politique de la ville qui recherchera la solution à un niveau plus élevé.
Dans tous les cas, ils facilitent les relations et la mise en oeuvre des objectifs avec les élus locaux et entre services de l'Etat.
Mais toutes ces missions ne peuvent être assurées convenablement que parce que les délégués de l'Etat sont à l'écoute des habitants, notamment par le biais des associations de quartier.
Travaillant pour certains sur le quartier, y étant présents régulièrement pour d'autres, les délégués de l'Etat sont un relais indispensable pour faire circuler l'information du quartier vers la Préfecture et inversement.
Réunis une fois par semaine autour du Sous-Préfet ville, ils apportent des renseignements utiles sur les réalités du terrain et les initiatives locales. En retour, ils reçoivent des informations sur les politiques mises en oeuvre par l'Etat qu'ils diffusent dans les quartiers.
En dehors de ces réunions, ils alertent le Sous-Préfet ville de tout événement qui pourrait avoir des conséquences graves, ce qui lui permet de saisir immédiatement le responsable du service concerné par le problème.
Le rôle de délégué de l'Etat représente une importante somme de travail et les engagements personnels dans cette fonction sont remarquables.
Même si cette mission est vécue comme passionnante, il ne faut pas négliger les difficultés matérielles d'exécution qu'elle présente.
Diverses mesures ont été prises pour tenter d'y remédier.
II - LEURS CONDITIONS DE TRAVAIL
La fonction de délégué de l'Etat est vécue de manière unanime comme enrichissante pour l'activité du service d'origine et pour la capacité d'action et de compréhension des questions traitées qu'elle donne aux fonctionnaires qui l'occupent.
Les délégués de l'Etat soulignent l'intérêt que représentent pour eux la possibilité de faire mieux connaître leur service, l'existence d'une véritable équipe interministérielle de délégués et la constitution progressive de réseaux locaux qu'ils peuvent mobiliser rapidement.
Mais, à court terme, l'impact de ces nouvelles fonctions est encore faible sur la carrière et la rémunération.
J'ai demandé aux chefs de service de prendre en compte, de manière plus systématique, cette fonction dans les perspectives de promotion de ces agents.
Par ailleurs, j'ai présenté plusieurs délégués de l'Etat à la nomination de Chevalier de l'Ordre National du Mérite.
La fonction de délégué de l'Etat entraîne des frais personnels supplémentaires, ne serait ce que pour les déplacements. Une prime spécifique de 1.000F/mois leur est versée (au titre des services publics de proximité) mais elle ne couvre que partiellement les frais réellement engagés.
Enfin, l'exercice de ces missions pose quelques problèmes aux services.
Certains Délégués de l'Etat ont des responsabilités importantes dans l'activité de leur service et sont légitimement soucieux de ne pas la freiner ce qui rend très complexes la gestion de leur temps et les possibilités d'aménagements concrets qui leur permettraient d'exercer leurs fonctions de délégués de l'Etat sans prendre trop sur leur temps libre (DDPJJ, Secrétaire en chef de Sous-Préfecture).
A la D.D.A.S.S., compte tenu de la faiblesse des effectifs, le directeur souhaiterait que les deux délégués de l'Etat soient officiellement détachés à mi-temps à la Préfecture et que le poste ainsi libéré soit pourvu.
D'autres services, en revanche, ont pu créer un dispositif spécifique à la politique de la ville : D.D.T.E., D.D.E., Education Nationale, Trésorerie Générale.
Pour améliorer la circulation de l'information, j'ai mis en place, dans le cadre de la messagerie télématique de la Préfecture, une boîte aux lettres spécifique pour les délégués de l'Etat.
A partir de janvier 1994, ils bénéficieront d'une salle de réunion qui leur sera réservée et dans laquelle ils pourront trouver documentation et photocopieuse.
En dehors des aspects matériels qu'ils évoquent très peu, les délégués de l'Etat ont exprimé le souhait d'avoir des temps de réflexion sur leurs pratiques.
A cet effet, j'ai invité plusieurs sociologues et philosophes compétents dans le domaine de la politique de la ville à rencontrer au cours de dîners-débats ces fonctionnaires hors du commun. M. le Professeur DUBET du C.N.R.S. et M. JAZOULI (Banlieuescopies) m'ont déjà fait connaître leur accord de principe. J'attends la réponse de M. BOURDIEU.
En outre, Mme AYME, Sous-Préfet, chargé de mission pour la politique de la ville, va organiser chaque trimestre une journée de formation sur un thème relatif à la politique de la ville (Insertion et développement économique et social fin 1993, pour commencer) en direction des délégués de l'Etat qui se sont, pour la plupart, formés empiriquement au prix d'un investissement personnel très fort.
Tel est le point sur cette expérience qui me semble devoir être valorisée et je compte sur votre appui pour que la reconnaissance des mérites qui s'attachent à l'exercice de ces fonctions de délégués de 1'Etat puisse être prise en compte au niveau national.
Le Préfet
Paul BERNARD