2. Une incapacité des acteurs locaux à répondre à la demande de logements
Le logement des Franciliens fait l'objet de jugements et d'opinions contrastés. L'importance de la demande insatisfaite, la hausse des prix et des loyers, les inégalités de répartition du logement social, la faiblesse de la construction sont autant de manifestations de cette crise qui affecte surtout ceux qui sont confrontés à la nécessité de déménager.
Le défaut d'organisation des compétences en matière de logement joue sans conteste un rôle dans la crise qui affecte l'Île-de-France. Celle-ci, installée depuis plusieurs années, fait l'objet d'un diagnostic dressé et partagé par les différents acteurs en charge du logement. La réforme de la gouvernance en matière de logement figure parmi les recommandations admises par tous.
Alors que le paysage intercommunal francilien se développe, on assiste à la construction d'un ensemble de politiques locales de l'habitat déclinées au sein des territoires intercommunaux. Celles-ci restent toutefois hétérogènes et l'intercommunalité ne couvre pas l'ensemble de la région ni la totalité de l'agglomération. Par ailleurs, de nombreuses intercommunalités se sont construites sur des territoires trop restreints pour que l'exercice de cette compétence fasse sens.
On peut constater que, pour nombre d'entre elles, la compétence logement n'est pas encore une priorité, même si celle-ci fait partie des compétences naturelles de ces intercommunalités. Dans la région, trois communautés d'agglomération seulement ont demandé la délégation des aides à la pierre, alors que le mouvement est beaucoup plus ample hors Île-de-France.
En l'état actuel, on peut donc considérer que le développement de l'intercommunalité en Île-de-France n'a pas permis de constituer des structures de taille pertinente capables de mobiliser des moyens significatifs pour mener une action efficace en matière de logement.
3. La nécessité d'intégrer la gestion du foncier à toute stratégie en matière de logements
La crise du logement qui touche l'ensemble de l'Île-de-France et la persistance, voire l'aggravation, des déséquilibres sociaux au sein du territoire régional, confirment la nécessité de conduire une politique de l'habitat à l'échelle de l'agglomération. C'est à cette échelle qu'il sera possible de lutter contre les mécanismes de ségrégation qui sont à l'oeuvre.
Si la nécessité de construire 60 000 logements chaque année en Île-de-France constitue un objectif partagé par beaucoup, la lecture des politiques locales (à travers les PLH ou les PLU) pour répondre à cet objectif montre que nous sommes loin du compte. Pour l'instant, les propositions ne semblent pas encore à la hauteur des enjeux. Certes, le Président de la région, Jean-Paul Huchon, propose la création d'un SLIF sur le modèle du STIF mais il reste encore à préciser quelles seraient les compétences exactes de cette nouvelle institution. Par ailleurs, le niveau régional ne semble pas évident pour conduire une politique du logement.
Une difficulté importante à résoudre concerne en particulier l'articulation entre la politique du logement et la compétence du foncier. Ainsi, si l'on observe les réponses des maires de la petite couronne au questionnaire qui leur a été envoyé par l'Observatoire de la décentralisation, on peut constater que 55 % d'entre eux estiment que le Grand Paris devrait être compétent en matière de logement mais seulement 25 % se disent prêts à partager la maîtrise du foncier avec cette nouvelle collectivité. On constate donc une dissociation entre, d'une part, la volonté de mettre en commun des compétences et des financements afin de mener une politique efficiente en matière de logement et, d'autre part, la volonté des communes de garder la main sur la gestion de leur patrimoine foncier.
Or, la question du foncier est à la base de la crise du logement que connaît l'Île-de-France. Si les constructions sont insuffisantes, c'est notamment du fait de la rareté et des prix des terrains or, le prix d'un terrain repose sur les droits attachés à ce terrain. Aujourd'hui, comme le remarque l'économiste et urbaniste Vincent Renard 31 ( * ) , le droit attaché à un terrain est négocié entre les autorités locales et les constructeurs alors qu'il y a trente ans, c'est l'État qui décidait. Dans ces conditions, ce sont les collectivités territoriales qui décident et certaines privilégient un effort de construction important alors que d'autres peuvent avoir un comportement malthusien. Ces divergences de comportements sont à l'origine d'incohérences dans une zone de forte densité comme l'agglomération parisienne. Pour Vincent Renard « en France, le pouvoir local étant plutôt malthusien au niveau de la commune, c'est au niveau de l'agglomération que l'on peut observer des formes de responsabilisation sur le plan du foncier » .
Or, la décentralisation de 1982 a fait le choix de la commune comme acteur principal du pouvoir urbain. Cette décision est aujourd'hui lourde de conséquences, la plupart des agglomérations étant dépourvues de pouvoir urbain stratégique. La situation apparaît d'autant plus compromise que le permis de construire constitue la pierre angulaire de toute politique d'urbanisme.
* 31 « L'urbanisme et le foncier », entretien avec Vincent Renard, Esprit, février 2008.