b) L'application du règlement OSP aux régions
S'il est clair que les services de trains régionaux entrent dans le cadre prévu par le règlement OSP, un débat demeure sur la marge de manoeuvre laissée aux régions et par conséquent, sur la pression concurrentielle à laquelle doit s'attendre la SNCF.
Cette question a été examinée dans le rapport remis au Premier Ministre et en partie tranchée par un échange au Sénat.
« Le débat porte essentiellement sur la répartition du pouvoir de décision entre la loi nationale, d'une part et chaque autorité organisatrice locale, d'autre part.
• Une première interprétation part du principe que le règlement OSP n'a pas pour objet principal d'ouvrir à la concurrence le secteur ferroviaire, mais de préciser par des règles de procédure, les conditions dans lesquelles des droits exclusifs peuvent être attribués (...). Elle en tire comme conséquence qu'aucune disposition du règlement n'empêche un État membre de réserver tout ou partie de son marché ferroviaire à l'opérateur historique. Ainsi, le règlement OSP n'aurait pas pour effet de remettre en cause la disposition de l'article 18 de la LOTI, qui confie à la SNCF un monopole d'exploitation du transport de voyageurs sur le réseau ferré national. La loi française pourrait donc tout à fait demeurer en l'état, assurant le monopole de la SNCF pour le transport ferroviaire dans toutes les régions.
Bien entendu elle pourrait aussi être modifiée afin d'autoriser les régions à procéder, si elles le souhaitent, à des mises en concurrence, mais tant que cette modification n'est pas intervenue, il serait tout à fait conforme au règlement OSP que la France maintienne une interdiction de mise en concurrence du transport ferroviaire régional. Il existerait donc un système de « double verrou » : d'une part, la LOTI au niveau national et, d'autre part, le fait que même si la LOTI était modifiée, il y aurait toujours la possibilité pour les conseils régionaux de ne pas souhaiter procéder à une mise en concurrence.
• À l'inverse, selon une seconde interprétation du règlement OSP, ce texte confèrerait, à compter du 3 décembre 2009 - date d'entrée en vigueur prévue par le règlement - à toute autorité organisatrice locale la possibilité de décider à son niveau si elle souhaite ou non recourir à une mise en concurrence pour le choix de l'opérateur.
Dans cette hypothèse, si la loi française n'était pas modifiée en ce sens avant la date indiquée et qu'elle maintenait donc le monopole de la SNCF, elle se trouverait en contradiction avec le règlement OSP. En cas de litige, le juge français aurait alors l'obligation de faire primer le règlement OSP sur la loi française. Il devrait par exemple donner raison à un conseil régional qui aurait passé outre la loi en procédant à une mise en concurrence pour l'attribution du service ferroviaire.
Notons qu'une telle suppression juridique du monopole obligatoire de la SNCF ne signifierait pas automatiquement sa suppression dans les faits au plan local. En effet, il se pourrait parfaitement que la totalité des régions continuent de contractualiser exclusivement avec la SNCF pour les services régionaux de voyageurs, comme le prévoit le règlement OSP. Ce choix de la SNCF pourrait résulter du souhait des régions de ne pas organiser de mise en concurrence ou simplement du fait que la SNCF serait sortie vainqueur des appels d'offres lancés par les régions. »
Quant au gouvernement, il a pris position officiellement en faveur de la première interprétation en répondant à une question orale, le 13 janvier 2009.
Sénat - Séance du mardi 13 janvier 2009 Question orale de M. Hubert HAENEL sur les conséquences du règlement OSP M. Hubert Haenel. Ma question, madame la secrétaire d'État, pourrait se résumer ainsi : dans quels délais et dans quelles conditions s'appliquera en France le règlement OSP, c'est-à-dire le règlement relatif aux obligations de service public ? Quand les conseils régionaux pourront-ils ou devront-ils mettre en concurrence l'opérateur historique, la SNCF, sur tout ou partie des lignes dont ils sont autorités organisatrices de transport ? Cette question est le prolongement de la mission que m'a confiée le Premier ministre sur l'état des lieux et l'avenir de la régionalisation ferroviaire. (...) Au cours de cette mission, j'ai été confronté à des interprétations différentes, quant à l'application du règlement OSP, entre les services du ministère, la Commission européenne, qui renvoie à une interprétation franco-française, les services de certains conseils régionaux, la SNCF et les autres opérateurs de transport, c'est-à-dire la concurrence qui se profile à l'horizon. Ce règlement, qui instaure une période de transition de dix ans à compter de son entrée en vigueur à la fin de l'année 2009, suscite d'ores et déjà de nombreuses interrogations. Tout d'abord, l'application du règlement OSP débouchera-t-elle sur l'obligation, pour l'autorité organisatrice de transport, de soumettre à la concurrence l'attribution des contrats de service public de transports ferroviaires régionaux et de longue distance ? Si tel n'était pas le cas et si, par conséquent, le règlement OSP donne effectivement aux autorités organisatrices la liberté de choisir l'opérateur et les modalités d'attribution du service public ferroviaire, par attribution directe ou par appel d'offres, n'y aurait-il pas une incompatibilité entre ce texte communautaire et le maintien de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, la LOTI ? Serait-il alors nécessaire, pour rendre effective cette liberté de choix, de modifier la LOTI avant la fin de la période de transition, soit avant 2019 ? Enfin, pouvez-vous confirmer que la date de 2014, prévue à l'article 8.1 dudit règlement communautaire, correspond à celle de l'élaboration du rapport de la Commission européenne sur l'état d'avancement de la réforme des contrats de service public et qu'elle n'a donc aucune conséquence en termes d'évolution du droit applicable ? Autrement dit, pouvez-vous nous assurer que les autorités organisatrices de transport ne seront pas obligées, à partir de cette date, de recourir à la procédure de mise en concurrence ? Comme vous l'imaginez bien, madame la secrétaire d'État, votre réponse est d'importance, car elle fixera une fois pour toutes, du moins je l'espère, la doctrine gouvernementale en la matière. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet , secrétaire d'État chargée de l'écologie. (en remplacement de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux transports).(...) L'organisation des services ferroviaires ne devrait pas être affectée substantiellement par le règlement OSP, dont l'objet est non pas d'anticiper l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs, mais d'« instaurer un cadre légal en matière d'octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour les contrats de service public », comme le précise son considérant 25. Cette ouverture relèverait, le cas échéant, d'une modification de la directive 91/440. C'est la raison pour laquelle le règlement OSP prévoit, en son article 5.6, une exception à la règle générale d'appel d'offres pour l'attribution des contrats de chemin de fer, à l'exception de quelques modes ferroviaires comme le métro ou le tramway. En toute hypothèse, le règlement OSP ne remet pas en cause le monopole légal conféré à la SNCF par l'article 18 de la loi d'orientation des transports intérieurs pour les services ferroviaires intérieurs de voyageurs sur le réseau ferré national. Ainsi, notamment, les autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs ne pourront se prévaloir du règlement OSP pour lancer des appels d'offres afin de confier les services de voyageurs à d'autres opérateurs que la SNCF. En l'absence de modification de la législation française, ces services doivent être réalisés par la SNCF , dans le cadre des dispositions de la loi LOTI ou, pour l'Île-de-France, de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des services de transports dans la région parisienne. Enfin, (...) entre le 3 décembre 2014 et le 3 juin 2015, les États membres de l'Union européenne fourniront un rapport d'avancement de la réforme . (...) Cette disposition vise à permettre à la Commission de vérifier que les États membres prennent bien les mesures nécessaires pour appliquer progressivement, durant la période de transition, les modalités d'attribution des contrats de service public prévues par le règlement OSP. Elle n'a pas pour objet ou pour effet - j'y insiste - d'obliger les autorités organisatrices de transport ferroviaire régional à soumettre l'attribution des contrats des TER, c'est-à-dire des trains express régionaux, à appel d'offres, ni à compter de cette date ni à compter d'une date ultérieure . M. Hubert Haenel. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui mettra fin, du moins je l'espère, à des interrogations, à des doutes, voire à certaines tentations. En effet, le Parlement aura bientôt à examiner un projet de loi relatif à l'autorité de régulation des transports ferroviaires, et j'imagine que d'aucuns s'efforceront d'aller plus loin que les dispositions proposées, en y incluant, par voie d'amendement, une réorganisation du système ou l'expérimentation de la mise en concurrence. Madame la secrétaire d'État, votre réponse, qui était attendue, sera sans doute « décortiquée » et commentée. En tout cas, j'espère que la doctrine du Gouvernement est fixée une fois pour toutes, pour les services de l'État, sans exception, pour la Commission européenne, pour la SNCF, pour les conseils régionaux et, bien entendu, pour les nouveaux entrants. |
Ainsi, le gouvernement affirme-t-il clairement sa doctrine : « Le règlement OSP ne remet pas en cause le monopole légal confié à la SNCF par le LOTI ».
Toutes les ambiguïtés ne sont pas levées pour autant.