3. Un système en suspens
La loi de défense sociale de 1964 est aujourd'hui en suspens. Le 21 avril 2007, le Parlement belge a en effet adopté une loi « relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental » appelée à remplacer la loi de défense sociale et qui ne fait plus mention de ce terme dans son intitulé.
La nouvelle loi, dont la maturation a été très longue, est notamment issue des critiques formulées contre le système actuel, et en particulier contre les commissions de défense sociale, dont les décisions sont jugées contradictoires ou stéréotypées. Certains faits divers ont accéléré le processus, en particulier le meurtre de deux enfants en 2006 pour lequel a été condamné à la prison à perpétuité un homme qui avait fait l'objet d'un internement pendant trois ans avant d'être libéré.
La loi du 21 avril 2007 apporte des modifications essentielles aux textes en vigueur :
la définition des troubles justifiant un internement est substantiellement transformée. L'article 8 dispose en effet que « les juridictions d'instruction, sauf s'il s'agit d'un crime ou d'un délit politique ou de presse, et les juridictions de jugement peuvent ordonner l'internement d'une personne :
« - qui a commis un fait qualifié crime ou délit punissable d'une peine d'emprisonnement et
« - qui, au moment du jugement, est atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et
« - pour lequel le danger existe qu'elle commette de nouvelles infractions en raison de son trouble mental » ;
la phase d'observation est remplacée par une expertise psychiatrique dont les contours sont très précisément définis puisque la loi elle-même dispose qu'elle est réalisée afin d'établir « à tout le moins :
« 1. qu'au moment des faits et au moment de l'expertise, la personne était atteinte d'un trouble mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes ;
« 2. qu'il existe une possibilité de lien causal entre le trouble mental et les faits ;
« 3. que, du fait du trouble mental, la personne risque de commettre de nouvelles infractions ;
« 4. que la personne peut être traitée, suivie, soignée et de quelle manière, en vue de sa réintégration dans la société » ;
les commissions de défense sociale sont supprimées et leurs missions confiées aux tribunaux de l'application des peines, à charge pour ceux-ci de s'entourer d'avis d'experts ;
les différents régimes permettant de quitter l'établissement d'internement sont précisés (permissions de sortie, congés, détention limitée, surveillance électronique, libération à l'essai, libération définitive) et leurs conditions d'octroi sont définies de manière plus rigoureuse. Ainsi, les permissions de sortie ne peuvent être accordées que s'il n'existe pas de contre-indication concernant l'amélioration suffisante du trouble mental, le risque que l'interné se soustraie à l'exécution de l'internement, le risque qu'il commette des infractions graves, le risque qu'il importune les victimes. Toutes les décisions de sortie relèvent du tribunal de l'application des peines.
La loi du 21 avril 2007 devait entrer en vigueur dix-huit mois après sa publication, mais cette échéance a été reportée au 1 er février 2012, compte tenu de l'ampleur des mesures d'application à prendre . L'une des difficultés réside en particulier dans l'insuffisance du nombre de places en établissement de défense sociale, qui conduit à ce que près d'un tiers des internés soient en fait maintenus dans les annexes psychiatriques des établissements pénitentiaires pendant des durées parfois très longues (la Belgique a d'ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour ce motif). De nouveaux établissements de défense sociale pourraient ouvrir à Gand et Anvers.
Le système belge de prise en charge des auteurs d'infractions atteints de troubles mentaux est donc à la croisée des chemins, la défense sociale s'apprêtant à subir une mutation importante dans les années à venir.