3. Une position du Gouvernement ouverte quant au principe de l'introduction de l'action de groupe dans le droit français mais vigilante quant aux conditions de sa mise en oeuvre
Lors des débats sur le projet de loi de modernisation de l'économie à l'Assemblée nationale, le 11 juin 2008, M. Luc Chatel, alors secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, indiquait que « le Gouvernement a accepté le principe de légiférer en la matière » et que « le Président de la République souhaite que le Gouvernement présente un projet de loi sur une action de groupe équilibrée, évitant les dérives du système à l'américaine, et permettant d'apporter une vraie réponse à des problèmes de consommation courante ». Cette affirmation de principe s'accompagnait du rappel d'un certain nombre d'interrogations non encore résolues sur les contours d'une action de groupe à la française. Cet engagement gouvernemental n'a pas donné lieu à l'élaboration d'un texte de compromis.
Aussi, plus d'un an après, lors de son discours de clôture des assises de la consommation, le 26 octobre 2009, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, a considéré que, « dans un marché libre, au pouvoir des acteurs économiques, doit répondre le contre-pouvoir du consommateur. »
À ce titre, il a d'abord appelé au « renforcement des outils permettant de traiter les litiges entre entreprises et consommateurs, avec comme première action la généralisation de la médiation », en reconnaissant qu'il demeurerait parfois nécessaire d'avoir recours aux procédures judiciaires.
Estimant que la procédure civile de droit commun était peu adaptée en cas de litige concernant un nombre important de consommateurs pour un montant faible de préjudice, il a considéré : « Pour ces cas extrêmes et de dernier recours, je suis favorable à la mise en place d'une action de groupe à la française, précisément encadrée pour éviter les dérives à l'américaine. Ma conviction est que l'instauration d'un tel dispositif dans notre droit est inévitable. » M. Hervé Novelli avait déjà fait état à plusieurs reprises de sa conviction favorable à l'introduction de l'action de groupe dans notre droit.
Vos rapporteurs tiennent à saluer le courage de cette prise de position publique sur un sujet aussi controversé et toujours reporté jusqu'à présent.
M. Hervé Novelli a toutefois posé quatre préalables à l'introduction de l'action en groupe : la réorganisation du mouvement consumériste, le développement de la médiation, la cohérence avec les travaux en cours au niveau communautaire et la sortie de la crise économique actuelle.
Vos rapporteurs considèrent que ces conditions ne constituent pas de réels obstacles à l'introduction de l'action de groupe dans notre droit, mais invitent plutôt à envisager à une mise en place progressive, appuyée sur le rôle des associations de consommateurs agréées. La question ne porte donc plus aujourd'hui sur l'opportunité de créer l'action de groupe, mais sur la manière de l'acclimater dans les meilleures conditions au système juridique français.
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En conclusion, vos rapporteurs affirment que l'alternative posée au législateur ne se limite donc pas à l'inaction ou à l'imitation servile du modèle américain de la « class action » et de ses dérives. Entre ces deux extrêmes, une voie moyenne existe bien pour créer une véritable action groupe à la française, répondant à la fois aux attentes des consommateurs, à la sécurité économique et juridique des entreprises et aux principes de notre droit.