c) Une longue route qui produit une certaine lassitude dans l'opinion publique
La Croatie a signé son accord d'association avec l'Union européenne il y a plus de 10 ans et nombreuses sont les voix à Zagreb pour souligner la lenteur du processus d'adhésion.
Il est vrai que plusieurs facteurs ont retardé les négociations, parmi lesquels figurent l'opposition slovène liée au contentieux frontalier slovéno-croate ou encore l'insuffisante coopération, au sens de certains Etats membres, de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Bien que juridiquement indépendant du processus d'adhésion (même si le chapitre 23, ouvert en juin 2010, comporte un critère « coopération avec le TPIY »), le déferrement des criminels de guerre croates au Tribunal pénal international a en réalité pesé sur le processus d'adhésion.
Certains États membres de l'Union européenne ont un temps considéré que la coopération du gouvernement croate avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie était insuffisante, ce qui a retardé l'ouverture des négociations. A cet égard, l'arrestation, en décembre 2005, en Espagne, du général croate Ante GOTOVINA (commandant de l'opération « Tempête » en 1995, offensive militaire menée par les forces croates pour reprendre le contrôle de l'enclave serbe de la Krajina), recherché depuis des années par le Tribunal pénal international et soupçonné de massacres de civils, mais admiré par beaucoup de Croates, a été une étape déterminante permettant au gouvernement de l'époque de faire la preuve de sa pleine coopération avec les services du tribunal.
De même, le procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a plusieurs fois mis en cause la célérité des autorités croates à lui faire parvenir les documents (« carnets d'artillerie ») relatifs à l'opération «Tempête », dans le cadre de l'instruction de ce procès. « Le Bureau du Procureur exhorte les autorités croates à mener à bien leurs enquêtes administratives et à fournir des explications détaillées sur ce qu'il est advenu de ces documents », soulignait ainsi l'évaluation du procureur BRAMMERTZ en novembre 2010. Ce manque de coopération a longtemps retardé l'ouverture du chapitre 23 sur la justice et les droits fondamentaux.
Certains responsables politiques croates ont déclaré à vos rapporteurs que la durée du processus d'adhésion était une cause directe de l'effritement du soutien populaire, en Croatie, au projet d'adhésion à l'Union européenne.
Alors qu'elle rassemblait, au début des années 2000, près de 80 % d'opinions favorables, la popularité de l'adhésion à l'Union européenne est au plus bas depuis 5 ans : un sondage mené juste après le verdict du procès GOTOVINA a même pour la première fois donné un pourcentage de personnes favorables à l'adhésion inférieur à 50 %, pour n'atteindre que 44,6 %, alors que ceux qui s'opposent à l'adhésion étaient 41,8 % et les indécis 13,6 %.
On estime toutefois à Zagreb que l'annonce de la date de fin de négociations et la campagne d'information du Gouvernement devraient faire remonter la popularité de l'adhésion.
D'ailleurs un dernier sondage en date du 26 mai indique déjà une remontée des opinions favorables à l'adhésion : il fait état de 56 % de oui à l'adhésion contre 39 % de non ; seuls 5 % seraient sans opinion.
Les hauts responsables rencontrés à Zagreb par vos rapporteurs se montrent pourtant plutôt optimistes sur les résultats du référendum, qui devrait, selon l'estimation de Mme PUSIC, présidente de la commission nationale du Sabor sur l'adhésion à l'Union européenne, recueillir entre 50 et 60 % de votes favorables.