B. DES PISTES DE SOLUTION
1. Réformer les circuits de commercialisation
a) Une meilleure organisation des producteurs
L'organisation collective des éleveurs spécialisés en viande bovine paraît assez faible : les groupements de producteurs sont peu nombreux et assurent à peine un tiers de la mise en marché. Selon Coop de France, le nombre des organisations de producteurs commerciales a même régressé, passant de 104 en 1999 à 75 à peine en 2009, dans le secteur de la viande bovine, malgré un seuil de reconnaissance de ces organisations assez bas, fixé à 5 000 UGB.
Lors de la discussion de la LMAP, le Parlement avait voté un article proposant d'effectuer un bilan de l'organisation économique des producteurs, d'ici à 2012, dans l'ensemble des filières, afin de cesser de reconnaître les organisations de producteurs ne pratiquant pas le transfert de propriété de la marchandise commercialisée.
L'objectif final d'une meilleure organisation des producteurs consiste en une meilleure valorisation de la production auprès des acheteurs. Or les producteurs ne sont pas unanimement convaincus que les formes collectives de commercialisation apportent aujourd'hui une réelle valeur ajoutée au producteur .
Les organisations de producteurs n'ont sans doute pas atteint la taille critique pour peser réellement sur les marchés, face à un aval très concentré.
Des regroupements plus larges que ceux existant aujourd'hui supposent toutefois que l'OCM unique soit modifiée, afin d'échapper aux règles de la concurrence qui prohibent les ententes.
Votre rapporteur propose d'inciter plus fortement au regroupement des éleveurs ( proposition n° 12 ), afin de pouvoir peser sur l'aval de la filière. Dans cette optique, le versement d'une fraction des primes, comme par exemple la PNSVA, pourrait être subordonné à la participation à une organisation réunissant un certain nombre de producteurs. Par ailleurs, votre rapporteur étant favorable à une plus grande transparence des relations commerciales tout au long de la chaîne d'approvisionnement en viande bovine, il est préconisé d'imposer la transparence des prix et des marges, en particulier des marges de la grande distribution ( proposition n° 11 ).
b) La contractualisation : inciter à produire pour le marché
La contractualisation a constitué l'un des axes majeurs de la LMAP, pour contribuer à mieux organiser les filières. Comme il l'a rappelé lors de la séance du 24 mai 2011, le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, souhaite l'extension de la logique des contrats à la filière viande. Cette contractualisation pourrait être mise en place soit par voie interprofessionnelle, soit, si cette voie n'aboutissait pas, par décret, à l'instar des décrets instituant la contractualisation obligatoire dans les secteurs du lait et des fruits et légumes.
La contractualisation est déjà pratiquée par certains opérateurs et concernerait environ 20 % des ventes des organisations de producteurs.
Il s'agit d'une piste intéressante tant pour les producteurs que pour les industriels.
Certes le contrat ne constitue pas, en tant que tel, une garantie de prix , tant que les transformateurs ne peuvent contractualiser de leur côté avec les GMS, ce qui est regrettable car ceux-ci dépendent de la situation à court terme des marchés. Malgré tout il sécurise le débouché de l'éleveur ainsi que l'approvisionnement de l'industriel et permet aux deux parties de faire l'économie de coûts de négociation importants.
Le contrat permet également de mieux adapter l'offre à la demande , tant dans ses caractéristiques techniques qu'en ce qui concerne les calendriers d'apports. Certains contrats existants offrent une prime lorsque les bêtes fournies correspondent à un poids-cible de carcasse, ou encore en cas d'apport aux périodes creuses, entre octobre et mai. Les abatteurs souhaitent en effet rentabiliser l'outil de production en ayant un volume d'abattage stable sur les différents mois de l'année. Sur le segment des vaches laitières de réforme, il sera cependant difficile d'appliquer la contractualisation.
La pratique contractuelle a permis de renforcer la structuration de la filière ovine , les producteurs étant incités à se regrouper par une prime à la brebis supplémentaire de 3 euros subordonnée à la commercialisation d'au moins 50 % de la production avec trois opérateurs commerciaux, sur la base d'un document prévisionnel de mise en marché fourni par l'éleveur.
Votre rapporteur recommande donc de développer la contractualisation dans la filière bovine sur le même modèle, en fixant des objectifs de progression des volumes commercialisés sous cette forme ( proposition n° 9 ). La contractualisation doit cependant coexister avec d'autres formes de commercialisation qui offrent une souplesse au marché, en particulier dans le cadre de marchés au cadran. Ceux-ci permettent de donner des indications de prix et contribuent à fluidifier le marché.
2. Trouver de nouveaux débouchés
a) Soutenir la consommation nationale de viande bovine
Avant même de trouver de nouveaux débouchés, il s'agit d'entretenir ceux qui existent déjà. L'interprofession de la viande bovine met en oeuvre une action importante de communication destinée à soutenir l'image des viandes d'origine France.
L'obligation d'indiquer l'origine des viandes vendues au détail constitue au demeurant un puissant outil de valorisation de l'indication d'origine, sous le logo VBF (viande bovine française).
Une communication spécifique sur les races à viande est parfois menée pour valoriser les qualités gustatives des productions de qualité.
Il n'existe cependant pas d'indicateurs permettant de déterminer si ces campagnes ont effectivement un impact sur le grand public. Au minimum, elles permettent de maintenir l'image de la viande bovine française auprès des consommateurs.
Votre rapporteur ne fait pas de la communication sur les viandes une recommandation spécifique, puisqu'elle existe déjà et fait partie des actions menées régulièrement par l'interprofession.
b) Le rapatriement de la valeur ajoutée par l'engraissement
La relance de l'engraissement des jeunes bovins est une piste régulièrement explorée pour améliorer la situation des éleveurs. Elle est défendue notamment par les jeunes agriculteurs.
Cette relance de l'engraissement répond à une volonté de rapatrier la valeur ajoutée sur le territoire national, dans un contexte où les marchés de vif maigre italien ou espagnol montrent des signes d'essoufflement.
Dans une étude datant de 2008 portant sur l'avenir de l'engraissement des jeunes bovins en France, l'Office de l'élevage identifiait les facteurs clefs de succès de projets de renforcement de l'engraissement :
La première difficulté tient aux besoins de trésorerie des exploitants . L'engraissement allonge en effet le délai de présence des animaux sur l'exploitation : au lieu de vendre des broutards entre 8 et 12 mois, l'éleveur doit les garder une année de plus.
La deuxième difficulté tient à la nécessité d'adapter les bâtiments d'élevage à la nouvelle capacité de l'exploitation : les changements de système entraînent des investissements lourds pour adapter l'infrastructure technique de l'élevage.
La troisième difficulté consiste à disposer de davantage d'alimentation animale . Or, la création d'un atelier d'engraissement suppose une autonomie fourragère accrue, par l'adjonction de nouveaux terrains à l'exploitation ou par la mise en culture de surfaces auparavant exploitées comme prairies. Or, les BCAE interdisent le retournement des prairies et empêchent souvent le remplacement de l'herbe par du maïs, aliment plus riche pour le bétail. Par ailleurs, le développement de l'engraissement se heurte à une insuffisante production de protéagineux, rendant nécessaire l'importation de tourteaux de colza, riches en protéines.
La quatrième difficulté tient à la concentration des risques économiques sur l'éleveur : l'engraissement expose davantage l'éleveur aux aléas de la conjoncture, qu'ils soient climatiques ou économiques. Il n'est pas envisageable que le renforcement de l'engraissement se fasse sans garanties pour les producteurs. La fédération nationale bovine propose ainsi la création de caisses de sécurisation de marges, qui servirait d'amortisseur des variations de cours.
Votre rapporteur préconise l'engagement par les pouvoirs publics d'un plan de soutien à l'engraissement. Il souligne néanmoins qu'une telle démarche ne doit pas se faire au détriment de l'export de vif maigre, en particulier vers l'Italie, dont le marché est certes en contraction, mais qui absorbe encore près d'un million de têtes de bétail par an, veaux compris ( proposition n° 6 ).
c) Le développement de l'export
La relative faiblesse dans l'export de viandes fraîches et congelées de la France, au regard de sa production, est un paradoxe.
Le développement des capacités d'exportation a recueilli un relatif consensus parmi les acteurs de la filière rencontrés par votre rapporteur. Il s'agit au demeurant d'un axe prioritaire mis en avant par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, M. Bruno Le Maire, qui déclarait devant la commission lors de son audition du 12 avril 2011 : « pour la filière de viande bovine, la solution passera par la mise en place d'un GIE export, sinon les contrats continueront à nous passer sous le nez ».
L'enjeu est bien de s'organiser pour être capable de répondre aux demandes des marchés extérieurs . Ainsi, le marché turc a été rouvert en novembre 2010 après quinze années d'interdiction d'importations de bovins vivants justifiées par l'ESB.
Cette demande extérieure offre également l'intérêt de diversifier les débouchés et de permettre la valorisation de pièces qui le sont moins bien sur le marché européen.
La formule du GIE avait été proposée pour regrouper les services de l'État, notamment des douanes, ainsi que les opérateurs publics comme la SOPEXA et Ubifrance, avec les principaux acteurs privés du marché, afin d'unir les forces.
Ce montage s'est heurté cependant aux craintes de certains acteurs de la profession d'empiétement sur leurs libertés commerciales.
En tout état de cause, votre rapporteur souhaite qu'une formule soit trouvée, pour développer de nouveaux débouchés à l'exportation qui sont nécessaires à la filière. Le GIE peut être à cet égard un excellent outil ( proposition n° 7 ).
d) La politique de qualité et les débouchés de proximité
La valorisation de la production passe également par l'identification de la qualité ou du terroir.
La qualité est attestée en viande bovine par l'indication géographique protégée (IGP). Il en existe 21 en viande bovine, selon l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO).
La qualité peut aussi être attestée par le label, du type « label rouge ». Il garantit le respect par le producteur d'un cahier des charges exigeant.
Depuis peu, une autre forme de valorisation est apparue à travers les circuits courts . Leur logique est différente des signes de qualité : il s'agit de réduire le nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur final.
La vente directe est la forme la plus courante du circuit court. En viande bovine, elle suppose le recours de l'éleveur à un prestataire de service pour l'abattage, la découpe et le conditionnement. Enfin, un équilibre doit être trouvé entre commercialisation directe et commercialisation par les petits circuits de distribution traditionnels. Le développement de la vente directe ne doit pas conduire à affaiblir encore plus le petit commerce de proximité.
Enfin, circuits courts comme signes de qualité ont leur utilité mais constituent un marché de niche, l'essentiel de la consommation étant aujourd'hui concentrée sur des produits standardisés et pour lesquels le critère du prix est déterminant pour le consommateur, comme le steak haché.
Votre rapporteur suggère de développer les circuits courts et les filières de qualité ( proposition n° 8 ), en lien avec les bouchers installés sur le territoire qui contribuent à l'image de la production nationale de viande bovine et rejaillissent positivement sur l'ensemble de la filière.
e) La méthanisation : nouveau débouché pour les effluents d'élevage
Déjà pratiquée dans d'autres pays européens comme l'Allemagne, la méthanisation constitue une voie de valorisation des effluents d'élevage alternative à l'épandage direct .
La LMAP a encouragé la création d'unités de méthanisation collective, dont la production est assimilée à un produit agricole du point de vue fiscal et social.
La méthanisation produit du biogaz, qui peut soit être utilisé comme tel soit être transformé en électricité. L'unité de méthanisation produit également un digestat, qui peut être utilisé comme engrais organique et intégré dans le plan d'épandage et qui présente une meilleure valeur agronomique que les effluents bruts. Le digestat est de plus hygiénisé et désodorisé lors de son passage dans le digesteur du méthaniseur.
La France ne compte qu'une dizaine d'unités de méthanisation opérationnelles, contre près de 6 000 en Allemagne.
Le retard français s'explique par la faiblesse des tarifs de rachat de l'électricité produite à partir du biogaz, qui se situent entre 10 et 15 centimes d'euro par kWh, contre 15 à 26 centimes d'euro par kWh en Allemagne.
Il s'explique aussi par l'importance de l'investissement que représente l'installation d'une unité de méthanisation. Variable selon la taille de l'équipement, l'investissement est estimé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie à 5 000 euros le kWe pour une installation de 100 kWe, soit un investissement de 500 000 euros, sans compter les investissements de raccordement au réseau électrique existant, qui peuvent être élevés.
Par ailleurs, les exploitations ont besoin d'être alimentées régulièrement. Or les éleveurs ne récupèrent plus de lisier lorsque les bêtes sont en pâture. La gestion technique reste donc une difficulté.
Lors de son déplacement en Corrèze, votre rapporteur a rencontré un groupe d'agriculteurs, porteurs d'un projet de construction d'une unité de méthanisation collective, en partenariat avec les collectivités territoriales, qui pourraient compléter les apports au méthaniseur par des déchets ménagers de ville si la réglementation le permettait. Un tel projet est probablement porteur de valeur ajoutée pour les agriculteurs. Mais il est difficile pour les agriculteurs de dégager des moyens financiers suffisant pour assumer seuls la charge de l'investissement, nécessitant l'intervention de soutiens de l'État et des collectivités.
Votre rapporteur suggère également de mobiliser les moyens du deuxième pilier de la PAC pour encourager de tels dispositifs.
3. Maîtriser les coûts de production et les risques
a) Limiter les coûts administratifs et les coûts environnementaux
Pour maîtriser les coûts de production, il s'agirait aussi, sans sacrifier les objectifs sanitaires et environnementaux, de lever certaines contraintes qui pèsent sur les exploitations.
La Fédération nationale bovine a ainsi fait part de son étonnement devant la persistance de normes plus sévères en France qu'en Allemagne, en matière d'exploitations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Alors que les textes européens ne l'imposent pas, la France a ainsi mis en place un seuil d'entrée dans le régime d'autorisation des ICPE en élevage bovin à 50 vaches laitières et 100 vaches allaitantes, faisant peser sur tout projet d'agrandissement d'élevage un risque de refus, au terme de procédures longues et coûteuses.
Par ailleurs, les règles de BCAE interdisent de retourner les prairies permanentes et limitent la possibilité de le faire pour les prairies temporaires . Or une gestion plus souple des prairies permettrait de produire davantage d'aliments pour le bétail et favoriserait l'engraissement. Il ne s'agit pas de remettre en cause le modèle français d'élevage à l'herbe mais de laisser des marges de souplesse aux éleveurs, pour qu'ils puissent optimiser la gestion technique de leur exploitation.
Votre rapporteur suggère donc de rechercher une meilleure conciliation entre normes environnementales et impératifs de compétitivité économique ( proposition n° 13 ). On pourrait notamment souhaiter que soit effectuée une revue des normes environnementales qui s'appliquent aux élevages et que les normes obsolètes ou inutile soient abrogées. En outre, les nouvelles normes devraient faire l'objet d'une étude d'impact environnemental et socio-économique, afin de ne les imposer que lorsqu'elles sont réellement nécessaires et ne menacent pas la survie des exploitations.
b) Agir sur les abattoirs
L'outil d'abattage est essentiel aux territoires ruraux et il est nécessaire de maintenir une proximité avec les élevages qui fournissent les bêtes. L'existence de petits établissements n'entre pas en contradiction avec la recherche de rentabilité, notamment lorsque ces établissements constituent l'un des maillons des circuits courts.
Un soutien aux petits établissements pourrait être envisagé dans le cadre des pôles d'excellence rurale (PER), du fait de leur rôle en matière d'aménagement du territoire.
En outre, l'amélioration de la compétitivité des abattoirs passe par une action sur le coût du travail. Il ne s'agit en aucun cas d'aligner le régime français sur le régime allemand, qui s'apparente fortement à du dumping social.
Le Gouvernement s'est engagé, devant l'Assemblée nationale, à porter dans le cadre de la loi de finances pour 2012 un dispositif d'allègement de charges sur le travail permanent, après les allègements de charges sur le travail agricole temporaire ou saisonnier, mis en place début 2011 dans le cadre du collectif budgétaire 2010.
Votre rapporteur souhaite que la réflexion ne s'arrête pas aux portails des fermes mais s'étende à l'outil industriel, sans lequel notre élevage sera en difficulté ( proposition n° 4 ).
c) Gérer les risques économiques à tous les échelons de la filière
La gestion des risques est une condition de survie des exploitations agricoles, dans un contexte marqué par une plus grande variabilité des prix des produits agricoles, mais aussi des prix des intrants. Lorsque ces variations vont en sens inverse, la trésorerie des éleveurs est vite exsangue.
La gestion des risques économiques est donc essentielle, et cette thématique a été au coeur de la discussion de la LMAP au printemps 2010. Elle appelle quatre types de réponses.
(1) La contractualisation inter filières pour maîtriser le coût de l'alimentation animale
Sur une base volontaire, 15 organisations professionnelles agricoles, représentant les secteurs de la production végétale, de l'alimentation animale et de l'élevage, ont conclu le 15 juin 2011 un accord-cadre visant à amortir les effets des hausses de cours des matières premières.
Plusieurs contrats type ont été élaborés, d'une part entre collecteurs de grains et fabricants d'aliments et, d'autre part, entre fabricants d'aliments et éleveurs, prévoyant des modalités de lissage des prix de marché et un abaissement du coût de couverture du risque prix. Il est également prévu de favoriser des contrats de livraison physique entre céréaliers et éleveurs par l'entremise et sous la garantie de l'organisme stockeur.
Cet accord vise à couvrir 25 % des volumes destinés à l'alimentation animale et, à terme, 40 % de ces volumes.
Un tel dispositif était nécessaire pour permettre l'utilisation du mécanisme de modération volontaire des marges élaboré le 3 mai 2011, sous l'égide du ministère de l'agriculture. Il s'agit là d'une modalité bienvenue de couverture du risque prix.
(2) L'assurance des fourrages
L'autonomie alimentaire des exploitations repose largement sur les fourrages. Or l'abondance de ceux-ci dépend de conditions climatiques.
S'il existe des produits d'assurance récolte pour les grandes cultures, la viticulture ou les fruits et légumes, il n'y en a pas en matière de fourrages. La couverture du risque par les assurances privées dépend d'une réassurance, compte tenu de l'importance de l'exposition en cas d'événement climatique majeur sur le territoire, comme une sécheresse.
Si la LMAP avait prévu la remise par le Gouvernement d'un rapport étudiant les conditions de mise en oeuvre d'une réassurance publique, ce rapport n'a toujours pas été présenté au Parlement.
Pour autant, une assurance des fourrages constituerait un élément de sécurisation des éleveurs qui, en cas de sécheresse, subissent une double peine : la réduction de leurs disponibilités propres et la nécessité d'acheter sur le marché les rations manquantes au prix fort. Dans le contexte de sécheresse, certains éleveurs sont contraints d'acheter leur paille jusqu'à 150 euros la tonne, contre une quarantaine d'euros au plus en temps normal.
(3) La couverture du risque sanitaire par des fonds de mutualisation
Les fonds de mutualisation ont été prévus par le bilan de santé de la PAC. Une enveloppe de 40 millions d'euros de crédits a été dégagée, mais ne peut toujours pas être utilisée, les dispositifs permettant l'alimentation et le fonctionnement d'un fond national n'ayant pas encore été créés.
Ces fonds sont sensés être alimentés par des cotisations professionnelles, en complément du financement public, qui peut atteindre jusqu'à 65 %, en application du bilan de santé de la PAC. Leur but est de permettre aux éleveurs de faire face aux conséquences économiques des crises sanitaires.
Suite aux crises successives ayant nécessité des abattages massifs de cheptel, par application du principe de précaution, les pouvoirs publics comme les professionnels ont pris conscience de la nécessité de tels outils.
D'ailleurs, les professionnels eux-mêmes avaient organisé des caisses mutuelles, alimentées par leurs seules cotisations. Cependant, ces caisses se révèlent vite insuffisantes face à l'ampleur des sommes en jeu et les effets en cascade des crises.
La mise en place d'un fonds national de mutualisation se heurte en outre à la question de l'implication de l'aval des filières dans le circuit de financement. Les industriels sont réticents à contribuer à un outil dont ils ne bénéficieront pas directement en cas de crise sanitaire, alors qu'eux-mêmes subiront, au même titre que les agriculteurs, les conséquences de la crise sur leur chiffre d'affaires.
Ces difficultés ne doivent pas décourager la mise en place effective d'un fonds sanitaire, géré et alimenté au niveau national, et assurant un minimum de solidarité entre les filières ovine, bovine, porcine ou avicole.
(4) Une piste pour l'avenir : les caisses de sécurisation de marge
La proposition de créer des caisses de sécurisation de marges a été présentée par la Fédération nationale bovine et Coop de France.
La sécurisation des marges permettrait de donner plus de garanties aux producteurs désireux de se lancer dans l'engraissement.
Le mécanisme, dont le financement reste à préciser, repose sur une garantie apportée aux producteurs, dans le cadre d'une contractualisation avec leurs acheteurs, de bénéficier d'une rémunération supérieure de 10 centimes d'euro au coût de production qui est le leur.
La caisse de sécurisation de marge intervient lorsque les cours de marché s'écartent à la hausse ou à la baisse d'une bande de fluctuation définie, d'environ 0,80 euros.
La vertu du système serait de contribuer à stabiliser les cours de deux manières : d'abord en garantissant une sorte de prix minimum au producteur et ensuite en empêchant les mouvements de panique qui conduisent à des anticipations de vente par les producteurs, qui ne font que déprimer encore un peu plus les marchés.
Votre rapporteur préconise de mettre en oeuvre une action énergique pour gérer les risques économiques à tous les étages de la filière et, en particulier au niveau de la production ( proposition n° 5 ).
4. Poursuivre l'investissement dans les territoires ruraux et favoriser l'installation
a) Le PMBE, un soutien essentiel à l'investissement dans l'outil de production
Lancé en 2005, le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) s'élève, sur la période 2007-2012, à 800 millions d'euros. Socle principal de la politique de soutien à l'investissement dans le secteur de l'élevage, il est cofinancé par l'État et le Fonds européen d'aménagement et de développement rural (FEADER), bras financier du deuxième pilier de la PAC.
Ce plan avait pour objectif initial d'aider 100 000 exploitations, compte tenu de l'état de vétusté des bâtiments constaté au début des années 2000. Les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) sont également éligibles aux aides du PMBE.
Ce plan a également été un puissant outil d'aide à la mise aux normes des élevages, notamment celle relative à la gestion des effluents d'élevage.
L'objectif consistait à apporter une aide massive sur des opérations nécessitant des financements importants, de l'ordre de 50 000 à 100 000 euros.
Ce programme est doté de 30 millions d'euros par an environ au budget de l'État, soit plus de 200 millions d'euros sur l'ensemble de la période. Sa sous-exécution actuelle résulte de la réticence de plus en plus grande des éleveurs à s'engager dans des opérations lourdes financièrement, dans un contexte de grande incertitude quant à leur avenir.
Votre rapporteur suggère cependant de mener une politique volontariste de renforcement du PMBE, avec l'objectif d'en faire un instrument de compétitivité et pas seulement de mise aux normes. Quatre objectifs pourraient lui être assignés : l'aide à la méthanisation, l'amélioration de la performance économique des exploitations, l'amélioration des conditions de travail de l'éleveur et le bien-être animal ( proposition n° 3 ).
b) Aider à l'installation des jeunes et trouver de nouveaux outils de financement
D'après les jeunes agriculteurs, 24 % des éleveurs en viande bovine avaient moins de 40 ans en 2007. Le défi du renouvellement des générations, qui se pose pour l'agriculture en général en France, est donc encore plus décisif dans l'élevage.
L'installation en viande bovine ne bénéficie pas d'un soutien moins fort que dans les autres secteurs, alors que l'importance des capitaux qu'il est nécessaire de mobiliser pour une reprise est plus forte que dans de nombreux autres types d'exploitation. Le capital d'exploitation comprenant le cheptel peut ainsi s'élever à plusieurs centaines de milliers d'euros.
L'accroissement moyen de la taille des exploitations durant les quinze dernières années a entraîné à due concurrence des besoins de financement en hausse.
Or la baisse des revenus d'exploitation contrarie la capacité des éleveurs à autofinancer leurs investissements.
Par ailleurs, les durées d'amortissement des emprunts, sur 10 à 12 ans maximum, sont trop courtes et les annuités de remboursement pèsent trop lourdement sur les comptes d'exploitation.
Sans aller jusqu'à suggérer une dotation jeune agriculteur (DJA) différenciée pour l'élevage allaitant, votre rapporteur souhaite que de nouveaux outils de financement soient encouragés, pour permettre le financement à long terme des investissements et l'étalement de la charge financière dans le temps ( proposition n° 14 ).
5. Préserver un soutien public consistant à l'élevage et parvenir à mieux réguler les marchés
a) Le soutien public reste nécessaire
La réforme de la PAC pour la période 2014-2020 est encore très incertaine, concernant tant les montants qui y seront consacrés que les mécanismes de soutien qui seront retenus. Une première proposition de la Commission européenne, parue le 29 juin 2011, propose de faire baisser d'environ 4 milliards d'euros les crédits consacrés au premier pilier sur les sept années des nouvelles perspectives financières. Le second pilier verrait son enveloppe rester stable, autour de 12 milliards d'euros par an.
Au delà de son souhait de voir la PAC non pas sacrifiée mais confortée par l'Union européenne dans la période qui s'ouvre, votre rapporteur rappelle le caractère essentiel de l'aide couplée, la PMTVA, pour favoriser le maintien du troupeau allaitant.
Faute d'aide, il est probable que la production de viande bovine, peu rentable, serait abandonnée. Or la durée pour reconstituer un cheptel est longue et la réduction de la taille du troupeau allaitant national aurait probablement des effets irréversibles.
Les propositions de nouvelle architecture des aides communautaires au secteur agricole ne seront rendues publiques par la Commission européenne qu'à l'automne 2011. Mais sans attendre, votre rapporteur souligne son souhait que l'aide couplée soit maintenue dans la future PAC ( proposition n° 1 ).
b) Appliquer à la viande bovine le cadre général de régulation réclamé pour l'agriculture
Enfin, la PAC est caractérisée par le démantèlement progressif, depuis 1992, des outils de régulation des marchés. Celui de la viande bovine n'y a pas échappé, empêchant toute intervention régulatrice efficace pour faire face aux crises conjoncturelles.
Le Sénat a mis en place un groupe de travail sur la PAC à la mi-2010. Dans son rapport publié fin 2010 28 ( * ) , ce groupe de travail a souhaité que la future PAC conserve des outils de régulation, en améliorant leur efficacité et leur réactivité.
Votre rapporteur plaide dans le même sens et estime que l'ensemble des interventions, de l'aide au stockage privé au stockage public, en passant par les restitutions aux exportations et droits de douane, doit être maintenu et que le fonctionnement des outils existants doit être amélioré afin de parvenir à une réelle régulation des marchés ( proposition n° 2 ).
Au delà de ces outils, votre rapporteur estime que la survie de l'élevage bovin passe par la recherche d'une régulation internationale des échanges agricoles qui ne saurait s'accommoder de distorsions massives de concurrence, en particulier de niveaux très différents d'exigences sanitaires sur la production domestique au regard de la production importée.
* 28 Redonner du sens à la PAC, Rapport d'information n° 102 (2010-2011) de MM. Jean BIZET , Jean-Paul EMORINE , Mmes Bernadette BOURZAI et Odette HERVIAUX , fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission de l'économie, déposé le 10 novembre 2010.