B- LA NOUVELLE DIRECTIVE EUROPÉENNE PLUS SATISFAISANTE SUR LES CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES
L'attention des rapporteurs a été attirée par Denis Le Bihan 91 ( * ) et Stanislas Dehaene 92 ( * ) , sur la transposition de la directive européenne sur les champs électro-magnétiques. Ils estimaient que l'adoption du texte en l'état rendrait impossible la réalisation de leur projet.
En effet, adoptée en 2004, la directive européenne 2004/40/CE sur les champs électromagnétiques (CEM), dont la transposition avait été prévue pour le 30 avril 2008, puis repoussée au 20 avril 2012, a pour objectif de restreindre l'exposition professionnelle aux CEM de 0 à 300 GHz, en raison des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, dus aux effets secondaires connus à court terme dans le corps humain. Cette directive a finalement été remplacée par un nouveau projet de directive COM (2011) 348 en date du 14 juin 2011, dont la date de transposition a été repoussée au 30 avril 2014 par une nouvelle directive du 25 janvier 2012.
La nouvelle proposition de directive, tout en abrogeant et remplaçant la directive 2004/40/CE, en conserve l'essentiel des dispositions et principes, mais actualise les limites d'exposition pour prendre en compte les nouvelles données scientifiques, en particulier pour les limites d'exposition à l'IRM dans les hôpitaux.
Dès 2006, la communauté médicale avait fait part à la Commission européenne de ses préoccupations concernant la mise en oeuvre de la directive de 2004, faisant valoir que les valeurs limites d'exposition fixées réduiraient, de façon disproportionnée, l'utilisation et le développement de la technique d'IRM, considérée aujourd'hui comme un instrument indispensable pour le diagnostic et le traitement de plusieurs maladies. D'autres secteurs industriels avaient aussi exprimé, par la suite, leurs préoccupations relatives à l'incidence de la directive sur leurs activités.
Le nouveau texte proposé s'efforce de trouver un équilibre entre protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, d'une part, et flexibilité et proportionnalités adaptées, d'autre part, afin de ne pas entraver inutilement les activités industrielles et médicales et leur développement. Il introduit notamment une flexibilité réduite, mais appropriée, grâce à un système de dérogations limitées, délivrées à l'industrie pour les valeurs déclenchant une action et les valeurs limites.
La proposition prévoit deux dérogations spécifiques : l'une pour les forces armées, l'autre pour les applications médicales IRM. Le paragraphe 4 nouveau de l'article 3, qui a trait aux valeurs limites d'exposition et aux valeurs déclenchant l'action, prévoit ainsi une exemption aux limites d'exposition pour le secteur de l'IRM médicale et ses activités connexes, ce secteur restant soumis à toutes les autres obligations prévues par la directive.
La Commission européenne estime avoir ainsi pris en compte les préoccupations de la communauté scientifique et évité une situation de grande incertitude juridique dans la mesure où la plupart des États-membres n'avaient pas encore transposé la directive initiale. Le Conseil et le Parlement européens ont longuement examiné le cas spécifique de l'IRM avec les experts de nombreux pays-membres (Institut national de recherche et de sécurité -INRS- pour la France) et la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (CIPRNI), organisme mondialement reconnu comme autorité dans le domaine de l'évaluation des effets sur la santé de ce type de rayonnements
Le nouveau report du délai de transposition de la directive et l'absence de fixation de valeur limite d'exposition pour les champs magnétiques statiques, qui constituent une composante essentielle de la technologie d'IRM, devrait apaiser les craintes des chercheurs.
Cependant, la Confédération européenne des syndicats (CES), tout en rappelant son soutien au principe d'une législation contraignante visant à protéger les travailleurs face aux risques liés à l'exposition aux champs électromagnétiques, a émis plusieurs réserves quant au contenu de la proposition, qu'elle juge insuffisamment protectrice 93 ( * ) : « la proposition de directive ne couvre que les effets à court terme de l'exposition. Les effets à long terme sur la santé des travailleurs sont donc négligés, alors même que dans un avis du 31 mai dernier, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) suggère de classer les radiofréquences comme cancérogènes possibles pour l'homme (groupe 2B). En ce qui concerne ce dernier secteur, la CES estime que les progrès dans le domaine du diagnostic médical ne peuvent se dérouler au détriment de la protection de la santé du personnel médical, et plus spécifiquement des opérateurs utilisant des appareils d'imagerie par résonance magnétique (IRM) » .
Aujourd'hui, aucune preuve de nocivité certaine des ondes radiofréquence n'a pu être encore démontrée et il est clair qu'un consensus sur la totalité des effets sur la santé des champs électromagnétiques n'est pas pour demain. Il est pourtant reconnu par les instances internationales et nationales que les CEM peuvent avoir des effets qui risquent de porter préjudice à la santé des travailleurs.
A ce jour il n'existe pas, ou peu, de données sur les niveaux d'exposition dans de nombreuses situations de travail réelles. L'adoption de normes communes d'évaluation de l'exposition reste donc un objectif essentiel pour l'application des dispositions de la directive et pour la réalisation des études épidémiologiques.
Vos rapporteurs estiment que le nouveau projet de directive constitue un bon compromis et offre un dispositif mieux équilibré au regard de la prise en compte du progrès scientifique et de la protection médicale des travailleurs exposés aux champs électromagnétiques. Il leur paraissait en effet impensable de prendre aujourd'hui le risque de se priver de la technologie essentielle de l'IRM, qui a besoin d'être plus développée en France et dont l'absence aurait pour conséquence de favoriser la technique concurrente du scanner, qui comporte elle, des effets sanitaires de radiations ionisantes bien connus.
* 91 Directeur de NeuroSpin au CEA, membre de l'Académie des sciences, professeur au Collège de France, visite des Rapporteurs au centre de NeuroSpin le 18 janvier 2012.
* 92 Directeur de l'unité INSERM-CEA de Neuroimagerie cognitive, Professeur au Collège de France, visite des Rapporteurs à Neurospin le 18 janvier 2012.
* 93 http://www.etui.org/fr/Themes/Sante-et-securite/Actualites/Directive-Champs-electromagnetiques-une-proposition-jugee-insatisfaisante-par-la-CES 17/10/2011