2. Des travaux nombreux n'ayant donné lieu qu'à des modifications limitées de l'organisation judiciaire
Deux tentatives de réforme avaient été engagées au cours des trois dernières décennies.
En 1990, le garde des sceaux, M. Henri Nallet, avait souhaité de fusionner les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance en un tribunal de grande instance départemental. Cependant, face à l'opposition des élus locaux et à l'hostilité des acteurs de la justice, la réforme avait finalement été transformée en une généralisation du système du juge unique.
En 1997, Mme Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, avait fait connaître son intention de moderniser le fonctionnement du service public de la justice, « dont l'évolution de la carte judiciaire constitu[ait] un élément essentiel ». Une consultation nationale sur la carte judiciaire avait été organisée auprès des chefs de cour et de juridiction ainsi que des préfets. En 1998, était installée une « mission carte judiciaire », placée auprès du directeur des services judiciaires et chargée de conduire des réflexions sur la réorganisation du réseau de juridictions. Au final; cette démarche n'avait abouti qu'à une réforme de la carte des tribunaux de commerce en 1999.
Travaux et réflexions menés sur l'organisation judiciaire Ces projets de réforme se sont accompagnés de nombreuses réflexions : - en 1967, le rapport Bardon sur l'organisation et le fonctionnement des cours et tribunaux judiciaires, proposait de calquer le ressort des cours d'appel sur le découpage des régions et envisageait la suppression des tribunaux dont le rendement était jugé insuffisant pour parvenir, par la concentration des moyens, à une amélioration des performances du service public de la justice ; - en 1973, le rapport Sardon de la direction des services judiciaires tendait à mettre en conformité les implantations des juridictions avec la démographie ; - en 1980, le rapport du député Jean Foyer ou comment donner aux juridictions les moyens de faire face à leurs charges, présenté au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, préconisait, entre autre, une réforme de la carte judiciaire ; - en 1980, garde des sceaux Alain Peyrefitte envisageait, en raison du rapprochement de leurs compétences respectives, de remplacer les TI et TGI par une juridiction unique, le tribunal de première instance ; - En 1991, le rapport du sénateur Jean Arthuis, présenté au nom d'une commission de contrôle présidée par le sénateur Hubert Haenel 9 ( * ) , concluait à la nécessité d'une départementalisation des tribunaux de grande instance et d'une réforme de la carte judiciaire ; - En 1994, le rapport établi par le comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice, présidé par M. Jean-François Carrez, proposait une réforme globale de la carte judiciaire en identifiait notamment une centaine de juridictions à supprimer car « ne répondant plus à un réel besoin » ; - en 1995, dans un nouveau rapport, la chancellerie dressait un panorama proche de celui du rapport Carrez de 1994, mais excluait de procéder à une réforme globale, arguant de la faiblesse des économies budgétaires que générerait la suppression des 100 plus petites juridictions ainsi que des difficultés d'aménagement du territoire et du besoin de proximité. Elle optait en revanche pour des adaptations substantielles dont une partie se retrouva dans le projet de réforme de l'État et le plan présenté par le garde des sceaux en 1996 ; - Le plan de modernisation du 27 juin 1996 de M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, n'envisageait, quant à lui, aucune réforme directe de la carte judiciaire. En revanche, il proposait de faire évoluer l'implantation judiciaire par d'autres moyens comme le guichet unique, les audiences foraines ou le télétravail. Lors de son audition au Sénat le 1 er octobre 1996 10 ( * ) , le ministre de la justice, confirma qu'il fallait « mener (l') exercice d'accroissement des moyens et de modernisation de la justice dans une carte judiciaire pour l'essentiel inchangée » ; - Élaborée en mars 1996, une synthèse des orientations proposées par les ministères en matière de réforme de l'État envisageait plusieurs évolutions en rapport avec la carte judiciaire pour remédier aux « inégalités du service public de la justice entre les tribunaux » : une simplification de l'organisation des tribunaux de première instance, interprétée comme une fusion possible des TGI et des TI ainsi que, « dans le cadre des dispositions prévues dans la loi de programme quinquennale (...), les adaptations raisonnables à apporter à l'implantation de l'appareil judiciaire, y compris les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes » ; - En 1996, le rapport des sénateurs Jolibois et Fauchon 11 ( * ) réaffirmait la nécessité d'une rationalisation la carte judiciaire « qui prenne acte des évolutions durables du flux en supprimant au moins la centaine de juridictions identifiées par le rapport Carrez [...] et en créant des chambres et des juridictions nouvelles là où les besoins sont évidents ». Cette réforme devait s'étaler sur dix ans et permettre ultérieurement une spécialisation effective au sein des TGI. Elle devait s'accompagner de la création de chambres détachées et prévoir la tenue d'audiences foraines, lorsque la présence physique du juge était indispensable. Les auteurs appelaient à ce que « toute mesure concrète modifiant substantiellement les implantations actuelles [soit] précédée d'une concertation avec toutes les instances concernées » ; - en 1997, le rapport de M. Francis Casorla au garde des sceaux proposait une réflexion sur l'amélioration de l'accès à la justice par la mise en place d'un guichet unique de greffe et la simplification des juridictions de première instance ; - en 2001, un rapport d'information de M. Patrick Devedjian 12 ( * ) sur les moyens des services judiciaires rappelait « l'impérieuse nécessité d'une poursuite de la réforme de la carte judiciaire », axée sur la spécialisation des juridictions et la modernisation des équipements judiciaires ; - en 2001, lors des « Entretiens de Vendôme », menés par le garde des sceaux, Mme Marylise Lebranchu, la question de la réforme de la carte judiciaire était de nouveau abordée à travers une réflexion sur « la redéfinition des missions et des méthodes de travail des juridictions ainsi que sur leur meilleure adéquation aux besoins des citoyens ». Elle partait du postulat que « la demande de droit, la répartition de la population, les techniques de communication, [avaient] évoluéì tandis que la localisation des juridictions restait stable. La création des maisons de justice et du droit et des antennes de justice, qui offraient de nouveaux services tels que la médiation et l'accès au droit, [avaient] contribueì aÌ rendre le droit et la justice plus accessibles. [...] Cependant, au-delàÌ des ajustements sur la localisation de certaines implantations judiciaires, une réflexion d'ensemble [était] nécessaire sur les missions des juridictions. » |
Après 1958, aucune circonstance particulière (sortie de guerre, difficultés financières particulièrement lourdes) n'a été de nature à décider les gouvernements en place, à prendre le risque de susciter l'opposition des élus locaux et des professionnels. Seules quelques modifications ponctuelles ont été adoptées durant cette période.
Une vingtaine de tribunaux a été créée pour répondre à l'encombrement de certaines juridictions : 4 cours d'appel (Reims en 1967, Metz en 1973, Versailles en 1975, Papeete en 1981 13 ( * ) ), 3 tribunaux de grande instance (Bobigny, Nanterre et Créteil en 1967), 8 tribunaux d'instance (Cagnes-sur-Mer, Aulnay-sous-Bois, Juvisy, Puteaux, Ecouen, Saint-Palais, Auray et Elbeuf), 4 tribunaux de commerce (Créteil, Bobigny, Douai et Foix) et un tribunal mixte de commerce à Cayenne, ainsi que, dans les années 2000, 17 tribunaux pour enfants 14 ( * ) .
Des implantations judiciaires sans véritable activité ont été supprimées : 142 greffes détachés en 1991 et 11 conseils de prud'hommes en 1992.
Seule la carte des tribunaux de commerce a fait l'objet d'une redéfinition importante avec la suppression de 36 tribunaux en 1999 15 ( * ) , et la fermeture de 7 autres tribunaux en 2005 16 ( * ) .
En 2002, la justice de proximité a été mise en place par la loi du 9 septembre 2002 17 ( * ) , pour finalement être supprimée par la loi du 13 décembre 2011 18 ( * ) applicable au 1 er janvier 2013.
* 9 Rapport de la commission de contrôle chargée d'examiner les modalités d'organisation et les conditions de fonctionnement des services relevant de l'autorité judiciaire, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 13 décembre 1990 (n° 357, 1990-1991).
* 10 Audition par la mission d'information de la commission des lois chargée d'évaluer les moyens de la justice, présidée par M. Charles Jolibois et dont le rapporteur était M. Pierre Fauchon.
* 11 Rapport fait au nom de la mission d'information de la commission des lois chargée d'évaluer les moyens de la justice (n° 49, 1996-1997).
* 12 Rapport n° 3282 déposé le 26 septembre 2001 par la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, en conclusion d'une mission d'évaluation et de contrôle.
* 13 Une cour d'appel a été créée à Cayenne après la réforme de la carte judiciaire par le décret n° 2011-1877 du 14 décembre 2011 modifiant l'organisation judiciaire en Guyane. Le nombre total de cours d'appel s'établit désormais à 36.
* 14 Création de 15 tribunaux pour enfants par le décret n° 2002-576 du 23 avril 2002, complété par le décret n° 2006-118 du 31 janvier 2006 qui crée le tribunal pour enfants de Bonneville et le décret n° 2006-979 du 1er août 2006 portant création du tribunal pour enfants de Soissons.
* 15 Décret n° 99-659 du 30 juillet 1999 portant suppression de 36 tribunaux de commerce, entré en vigueur le 1 er janvier 2000.
* 16 Décret n° 2005-624 du 27 mai 2005 portant suppression de tribunaux de commerce.
* 17 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.
* 18 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.