II. L'ACCOMPAGNEMENT EN SANTÉ DES ÉTUDIANTS AU COURS DE LEUR CURSUS
A. DES SERVICES DE MÉDECINE PRÉVENTIVE CONFRONTÉS À L'INSUFFISANCE DES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS
1. L'évolution du cadre réglementaire...
Le suivi sanitaire des étudiants est effectué au sein des universités par les services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (Sumpps/Siumpps).
Il existe cinquante-neuf Sumpps et Siumpps répartis sur l'ensemble du territoire 18 ( * ) . Dix d'entre eux sont des services interuniversitaires, c'est-à-dire rattachés à plusieurs universités, et douze dépendent d'un pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).
Créés dans leur forme actuelle par la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur 19 ( * ) , ils ont vu leurs modalités de gouvernance ainsi que leurs compétences largement modifiées par un décret du 7 octobre 2008 20 ( * ) . Ce texte a notamment permis de réaffirmer la place des Sumpps comme services de l'université et de clairement les distinguer des services de médecine scolaire.
Les principales règles relatives à
l'organisation et à la gouvernance
Les statuts du service sont adoptés par le conseil d'administration ou les conseils d'administration des universités cocontractantes (dans le cas de services interuniversitaires). Le directeur du Sumpps est obligatoirement un médecin. Auparavant nommé par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, il l'est depuis le décret de 2008 par le président de l'université de rattachement compétent, après avis du ou des conseils d'administration concernés. Placé sous l'autorité du président de l'université, il est assisté d'un conseil du service. Ce conseil est présidé par le président de l'université et comprend des personnels soignants, des représentants de l'administration et du corps enseignant, des représentants des étudiants ainsi que des personnalités qualifiéesLe directeur a notamment pour mission de rédiger chaque année un rapport annuel présenté au conseil du service, au conseil des études et de la vie étudiante (Cevu) et éventuellement au comité d'hygiène et de sécurité (CHS). C'est le président de l'université de rattachement qui arrête le budget du Sumpps après avis du ou des conseils d'administration. |
Selon la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP), le décret du 7 octobre 2008 avait pour objet de clarifier, élargir et renforcer les missions des Sumpps . Celles-ci sont désormais clairement énumérées et réparties entre missions obligatoires et facultatives.
Six missions doivent être obligatoirement exercées par les Sumpps.
La première consiste en l'organisation d'au moins un examen préventif par étudiant au cours de ses trois premières années d'études dans l'enseignement supérieur. Auparavant, cet examen devait être effectué dès la première année. L'examen doit permettre une approche globale de la situation de l'étudiant, à la fois médicale, psychologique et sociale. Il est également l'occasion de proposer à l'étudiant des mesures de prévention, notamment de vaccination et de dépistage.
Les Sumpps doivent par ailleurs assurer une visite médicale à tous les étudiants exposés à des risques particuliers , en raison de la nature de leurs études.
Ils ont également pour mission de contribuer au dispositif d'accompagnement et d'intégration des étudiants handicapés dans l'établissement. Les Sumpps ont ainsi vocation à travailler en lien avec les missions handicap et donnent un avis obligatoire pour les aménagements aux concours et examens.
La participation aux instances de régulation de l'hygiène et de la sécurité fait également partie des missions obligatoires des Sumpps. A cette fin, les directeurs de Sumpps sont membres de droit du comité d'hygiène et de sécurité (CHS) de l'université.
Les Sumpps contribuent à impulser et coordonner des programmes et des actions d'éducation à la santé , en jouant un rôle de conseil et de relais avec les partenaires, notamment dans le cadre des plans d'accès aux soins de premier recours.
Ils développent enfin des programmes d'études et de recherches sur la santé des étudiants , notamment des études épidémiologiques.
A ces missions obligatoires s'ajoutent un certain nombre de compétences facultatives.
Les Sumpps peuvent effectuer, pour le compte de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), l'examen médical obligatoire prévu pour certains étudiants étrangers . Lorsque cela fait partie de la politique définie par l'université en matière de santé, ils peuvent participer aux actions de médecine du sport ainsi qu'à la médecine de prévention des personnels . Ils ont la possibilité de contribuer à l'organisation de la gestion de dispositifs d'urgence et d'alerte sanitaire .
Un changement important consiste en la capacité qui leur est officiellement reconnue de se constituer en centres de santé . Ce statut a pour conséquence principale de les autoriser formellement à exercer une activité de soins et non plus seulement de prévention. En pratique, un certain nombre de Sumpps délivraient déjà des soins sans avoir le statut de centre de santé.
Jusqu'à la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 22 juillet 2009 21 ( * ) , un Sumpps souhaitant devenir centre de santé devait effectuer une demande d'agrément auprès de l'autorité administrative compétente. Depuis cette loi, la constitution en centre de santé est simplement soumise au respect de certaines conditions techniques de fonctionnement.
Selon le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Recherche et enseignement supérieur » annexé au projet de loi de finances pour 2013, quatorze Sumpps sont aujourd'hui constitués en centres de santé .
Ce statut présente un certain nombre d'avantages pour les Sumpps. Il permet en premier lieu d'apporter une réponse plus adaptée aux demandes des étudiants , qui portent essentiellement sur la fourniture de soins. L'activité de prévention n'en est pas pour autant négligée et peut au contraire se trouver stimulée du fait d'une fréquentation accrue des Sumpps. Ces derniers deviennent par ailleurs plus visibles pour les étudiants et davantage attractifs auprès de certains professionnels.
En revanche, la transformation d'un Sumpps en centre de santé apparaît source de lourdeurs administratives et de gestion , liées en particulier à la mise en place du tiers payant. Les réticences de certains personnels qui n'avaient été habitués qu'à exercer une activité de prévention ont également parfois été signalées à vos rapporteurs.
Article L. 6323-1 du code de la santé publique relatif aux centres de santé Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. Ils assurent des activités de soins sans hébergement et mènent des actions de santé publique ainsi que des actions de prévention, d'éducation pour la santé, d'éducation thérapeutique des patients et des actions sociales et pratiquent la délégation du paiement du tiers mentionné à l'article L. 322-1 du code de la sécurité sociale. Ils peuvent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse dans le cadre d'une convention conclue selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2 et dans les conditions prévues aux articles L. 2212-1 à L. 2212-10 du présent code. Ils constituent des lieux de stages pour la formation des différentes professions de santé. Ils peuvent soumettre à l'agence régionale de santé et appliquer les protocoles définis à l'article L. 4011-2 dans les conditions prévues à l'article L. 4011-3.
Ils sont créés et gérés soit par
des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités
territoriales, soit par des établissements de santé.
Les centres de santé élaborent un projet de santé incluant des dispositions tendant à favoriser l'accessibilité sociale, la coordination des soins et le développement d'actions de santé publique. Le projet médical du centre de santé géré par un établissement de santé est distinct du projet d'établissement. Les médecins qui exercent en centre de santé sont salariés. Les centres de santé sont soumis pour leur activité à des conditions techniques de fonctionnement prévues par décret, après consultation des représentants des gestionnaires de centres de santé. Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles, en cas de manquement compromettant la qualité et la sécurité des soins dans un centre de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé peut : - enjoindre au gestionnaire du centre d'y mettre fin dans un délai déterminé ; - en cas d'urgence tenant à la sécurité des patients ou de non-respect de l'injonction, prononcer la suspension immédiate, totale ou partielle, de l'activité du centre, assortie d'une mise en demeure de prendre les mesures nécessaires ; - maintenir cette suspension jusqu'à ce que ces mesures aient pris effet. |
Malgré la clarification apportée par le décret de 2008 au champ de compétences des Sumpps, certaines lacunes persistent. Ainsi, tous les Sumpps n'ont pas le statut de centres de vaccination alors même que cette mission est au coeur de leur rôle de prévention.
2. ... ne s'est pas accompagnée d'une augmentation significative des moyens des Sumpps...
Les principaux financements destinés aux Sumpps sont la dotation versée par l'Etat et les droits payés par les étudiants inscrits à l'université , inclus dans les frais globaux de scolarité.
La dotation de l'Etat n'a que peu augmenté au cours des dernières années . Elle est retracée de façon relativement floue dans le PAP « Recherche et enseignement supérieur » puisqu'elle n'est pas distinguée d'autres dotations destinées à l'animation sportive et culturelle ainsi qu'aux étudiants handicapés. Selon les données fournies par la DGESIP, cette dotation s'est établie à 5,2 millions d'euros pour l'année 2009-2010.
Depuis 2009, et conformément au principe d'autonomie des universités, la participation de l'Etat n'est plus fléchée mais est versée dans le cadre d'une dotation globale . Les universités sont donc libres d'accentuer ou non l'effort réalisé par l'Etat en direction des Sumpps. La DGESIP estime que les pratiques sont très variables selon les universités.
La participation des étudiants au fonctionnement des Sumpps s'est longtemps établie à 4,57 euros, un montant resté fixe entre 2001 et 2012. A partir de la rentrée 2012, celui-ci passe à 5 euros 22 ( * ) .
Selon les données fournies dans le rapport d'activité 2009-2010, les ressources des Sumpps se répartissaient globalement de la façon suivante :
Ressources des services de médecine
préventive
|
||
(en euros) |
||
Montant |
Part
|
|
Subvention du ministère de l'enseignement supérieur |
5 179 911 |
34 % |
Participation des étudiants |
6 011 540 |
39 % |
Autres ressources |
4 166 837 |
27 % |
Total |
15 358 288 |
100 % |
Source : DGESIP |
De l'avis général des personnes rencontrées par vos rapporteurs, ces ressources sont clairement insuffisantes pour permettre aux Sumpps de mener des actions ambitieuses , que ce soit en termes de prévention ou de soins. Les représentants de l'Adssu ont ainsi souligné qu'il leur était impossible de répondre à certaines demandes des étudiants, par exemple pour des soins dentaires ou d'ophtalmologie, en raison des coûts matériels que nécessiterait un suivi médical approprié.
L'absence de fléchage des crédits conduit en outre à faire très largement dépendre le dynamisme des Sumpps du portage politique de l'université tout en rendant difficile le suivi des dotations allouées par la DGESIP.
3. ... ni d'une clarification du statut des personnels
Au cours de l'année 2009-2010, seuls 28 % des directeurs disposaient d'un contrat à durée indéterminée (CDI). En outre, seuls huit directeurs sur cinquante-trois étaient présents à temps plein dans le service.
Statut des directeurs des Sumpps pour l'année 2009-2010 |
||
Nombre |
Pourcentage |
|
Contrat à durée déterminée (CDD) |
18 |
34 % |
Contrat à durée indéterminée (CDI) |
15 |
28 % |
Titulaire de la fonction publique |
10 |
19 % |
Vacation |
5 |
9 % |
Autre |
3 |
6 % |
Poste vacant |
2 |
4 % |
Total |
53 |
100 % |
Source : Bilan d'activité des Sumpps/Siumpps, année universitaire 2009-2010 |
Cette situation est particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement des Sumpps. En effet, le manque de stabilité à la tête du service nuit à l'engagement d'une dynamique de long terme et à la mise en place de projets ambitieux.
En dehors des directeurs, les Sumpps comptaient au total 1 010 agents en 2009-2010.
Tout comme pour les directeurs, les statuts de ces personnels sont très variables et parfois précaires. Si les médecins et les psychologues sont tous recrutés et gérés par les Sumpps, ce n'est le cas que d'une infirmière sur deux et d'une assistante sociale sur quatre. Plus de 13 % des assistantes sociales sont mises à disposition par les Crous.
La conférence des présidents d'universités (CPU) a rédigé un guide des bonnes pratiques pour le recrutement et la gestion des personnels non titulaires des Sumpps en partenariat avec l'Adssu. Cependant, ainsi que le reconnaît la DGESIP, son application est très variable d'une université à l'autre.
Le statut précaire d'un certain nombre de personnels est directement lié au manque de moyens des Sumpps. Il leur est en effet difficile d'être attractifs auprès des personnels et de proposer des perspectives de carrière et d'évolution des rémunérations intéressantes.
Résumé Malgré les évolutions intervenues au cours des années récentes pour mieux définir leurs missions, les Sumpps souffrent d'un manque chronique de moyens financiers ainsi que de la précarité d'une partie de leurs personnels. Propositions Accroître leur rôle en termes de vaccination. Mettre fin aux situations de précarité des personnels. Renforcer les moyens budgétaires, dans le cadre contraint des finances publiques. Développer l'animation d'un réseau des Sumpps pour renforcer le pilotage et l'échange d'informations et de bonnes pratiques. |
* 18 Les données chiffrées disponibles sur les Sumpps proviennent pour l'essentiel du bilan d'activité de l'année 2009-2010. Il a été réalisé par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle à partir des informations communiquées par 53 Sumpps.
* 19 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.
* 20 Décret n° 2008-1026 du 7 octobre 2008 relatif à l'organisation et aux missions des services universitaires et interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé.
* 21 Loi n° 2009-879 du 22 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
* 22 Arrêté du 19 juillet 2012 fixant le montant du droit annuel représentant la participation des étudiants aux dépenses de la médecine préventive de l'enseignement supérieur.