B. UN ÉTAT DE SANTÉ RELATIVEMENT BON MAIS UN SENTIMENT DE BIEN-ÊTRE DÉGRADÉ
1. Les étudiants se déclarent de façon générale en bonne santé
Les étudiants se déclarent globalement en bonne ou très bonne santé. Selon la LMDE 11 ( * ) , c'est le cas de 82 % des étudiants , dont 26 % estiment être en très bonne santé. Ils sont 2 % à considérer leur état de santé comme mauvais. Si l'OVE ne constate pas de dégradation dans le temps de l'état de santé des étudiants, les chiffres qu'il fournit sont un peu moins optimistes : 72,7 % des étudiants seraient globalement satisfaits de leur état de santé 12 ( * ) .
Très peu d'étudiants sont confrontés à des problèmes spécifiques de santé. Moins de 5 % sont atteints d'un handicap ou d'une maladie chronique. Ils sont donc moins consommateurs de soins que la population dans son ensemble.
De façon générale, l'appréciation de l'état de santé est moins bonne chez les femmes que chez les hommes . Cette différence entre les sexes se retrouve au niveau du nombre de consultations médicales et du taux de souscription à une complémentaire santé. Elle est par ailleurs mise en évidence dans les études menées à l'échelle de l'ensemble de la population de plus de dix-huit ans.
Les jeunes tendent à porter un jugement plus négatif sur leur état de santé à mesure qu'ils avancent dans leurs études . Une telle observation est corroborée par une étude dirigée par le service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (Sumpps) de l'université de Grenoble. Cette dégradation serait notamment liée à une forme de souffrance psychologique dont les principaux facteurs sont la crainte de la précarité et l'inquiétude sur les débouchés futurs.
Principaux résultats de l'enquête
réalisée par l'observatoire de la santé
Créé en 2005, l'observatoire de la santé des étudiants de Grenoble mène chaque année une enquête auprès d'un échantillon d'étudiants représentatifs d'un niveau d'études. Trois niveaux sont concernés : les étudiants en première et deuxième années de licence ; ceux inscrits en première année de master. L'objectif est de pouvoir apprécier l'évolution de la perception de leur état de santé à mesure qu'ils progressent dans leur cursus. Les primo-inscrits ont des comportements nettement plus protecteurs de leur santé que les jeunes du même âge (alcool, tabac, cannabis, sport...) : ils sont trois fois moins nombreux à fumer régulièrement et deux fois moins à connaître des ivresses. Une augmentation nette de la consommation de produits psychoactifs (alcool, tabac, cannabis) peut être constatée chez les étudiants de deuxième année de licence : le taux de consommateurs réguliers d'alcool est multiplié par deux et celui des ivresses régulières par trois, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Dans le même temps, la pratique sportive diminue. La consommation d'alcool et de cannabis des garçons en première année de master se stabilise tandis qu'elle augmente chez les filles, conduisant à un rapprochement des comportements entre les deux sexes. La proportion d'étudiants souffrant de troubles psychiques augmente de façon significative. Elle apparaît essentiellement liée aux inquiétudes relatives à l'insertion professionnelle. |
2. Les jugements sont plus nuancés concernant le sentiment de bien-être
Si l'état de santé des étudiants est globalement bon, c'est en revanche le sentiment de mal-être qui doit retenir l'attention.
Les étudiants peuvent en effet se trouver dans des situations de fragilité particulière liées aux changements qu'implique la vie étudiante , notamment au fait de quitter le domicile parental, ainsi qu'au rythme et aux exigences de leur cursus dans l'enseignement supérieur.
Les études menées montrent que les sentiments de stress, d'isolement ou les difficultés à trouver le sommeil sont relativement répandus au sein de la population étudiante. L'enquête 2010 de l'OVE a ainsi permis d'interroger les étudiants sur des difficultés qu'ils avaient pu ressentir au cours de la semaine précédant les réponses au questionnaire.
Sentiment de bien-être des étudiants dans
la semaine
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|
Part des étudiants interrogés ayant répondu positivement |
|
Impression de fatigue |
76,2 % |
Sentiment de tension ou nervosité |
48,8 % |
Troubles du sommeil |
38,4 % |
Sentiment de tristesse ou de déprime |
35,0 % |
Sentiment de solitude ou d'isolement |
25,6 % |
Rien de cela |
12,8 % |
Source : OVE |
Ainsi que le souligne la LMDE, le sentiment de mal-être est fortement corrélé à l'appréciation que fait l'étudiant de sa capacité à réussir ses études et à s'insérer professionnellement : les personnes qui sont satisfaites de leur cursus et sereines quant à leur avenir professionnel ont d'autant plus de chances de se déclarer bien portantes.
Toujours selon la LMDE, 12 % des étudiants déclarent avoir consommé des médicaments psychotropes (anxiolytique, somnifère, antidépresseur) au cours des douze derniers mois. La même proportion a indiqué avoir déjà pensé au suicide au cours de la même période.
Lors de son audition, l'OVE a insisté d'une part, sur une tendance à l'augmentation du sentiment de mal-être dans la population étudiante , d'autre part, sur le fait que cette notion est encore peu explorée dans les enquêtes statistiques.
Partant du constat que la souffrance psychologique des étudiants est insuffisamment connue et prise en charge, une enquête de la LMDE menée en 2007 a tenté de mieux définir le phénomène 13 ( * ) . Si la grande majorité des étudiants interrogés se sont déclarés bien portants, 17 % présentaient une souffrance psychologique diffuse ou liée à une situation difficile mais temporaire et 8 % avaient des troubles sévères de l'anxiété ou de l'humeur. Trois catégories de facteurs de risques ont été identifiées : des facteurs individuels sociodémographiques liés notamment à l'âge, au sexe ou au niveau de revenu ; des facteurs découlant du déroulement du cursus dans l'enseignement supérieur ; des facteurs comportementaux relatifs à la vie sociale et affective des étudiants.
3. Certains étudiants étrangers sont dans une situation particulière de fragilité
L'attention de vos rapporteurs a été portée sur la situation particulière des étudiants étrangers venant de pays autres que ceux de l'Union européenne. Ces jeunes sont bien souvent confrontés à des difficultés financières ainsi qu'à un isolement important auxquels ils sont de surcroît insuffisamment préparés.
Cette situation se double d'une grande complexité du parcours administratif . En particulier, ces étudiants doivent effectuer deux visites médicales au moment de leur arrivée en France : une visite organisée par les services de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour obtenir le visa de long séjour valant titre de séjour ; une autre au sein de l'université dans le cadre de la médecine préventive.
L'ensemble de ces difficultés peut bien souvent conduire à une dégradation de l'état de santé physique et psychologique de ces étudiants.
Lors de son audition, l'Adssu a par ailleurs insisté sur la situation particulière de certains étudiants étrangers qui ne peuvent prétendre au régime étudiant en raison de leur âge mais rencontrent également des difficultés pour accéder à la CMU-c. Les frais de santé de ces personnes devraient normalement être couverts par les compagnies d'assurance auprès desquelles ils ont souscrit un contrat dans leur pays d'origine mais ces dernières refusent parfois de prendre en charge certains soins. Des exemples ont notamment été cités de refus de prise en charge d'opérations ou d'accouchement. Si ces situations apparaissent relativement isolées, elles mobilisent fortement les équipes des Sumpps et traduisent la nécessité d'assurer un meilleur accès au système de couverture maladie français des étudiants étrangers.
Résumé Si les étudiants sont dans leur très grande majorité en bonne santé, l'appréciation qu'ils portent sur leur bien-être est plus nuancée. La situation de certains étudiants étrangers confrontés à des difficultés financières, à l'isolement et à des démarches administratives complexes, doit être particulièrement prise en compte. Proposition Améliorer les conditions d'accueil des étudiants étrangers en France, notamment en simplifiant leur parcours administratif une fois leur visa accordé. |
* 11 Enquête précitée sur la santé et les conditions de vie des étudiants.
* 12 Observatoire de la vie étudiante, Enquête conditions de vie des étudiants, 2010.
* 13 Enquête menée auprès de 4 200 étudiants affiliés à la LMDE pour la gestion de leur régime obligatoire de sécurité sociale, tirés au sort dans sept académies.