B. UNE RÉPONSE NÉCESSAIREMENT MONDIALE
Si, dès 1928, l'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF) a été la première fédération internationale à interdire le recours à des substances stimulantes, l'émergence d'une préoccupation pour les questions de dopage ne date véritablement que des années 1960.
Les premiers contrôles antidopage sont réalisés en 1966 dans le cyclisme par l'UCI (Union cycliste internationale) et dans le football par la Fifa (Fédération internationale de football association) à l'occasion de leur championnat du monde respectif.
Cinq ans après le vote en 1962 d'une résolution condamnant le dopage, le CIO installe sa commission médicale. Chargée de lutter contre le dopage, elle établit la première liste des substances interdites dans le sport dont le contenu évolue au gré de l'émergence de nouveaux produits 175 ( * ) .
Sur ces fondements, l'histoire olympique connaît ses premiers contrôles antidopage en 1968 à l'occasion des Jeux olympiques d'hiver à Grenoble et d'été à Mexico.
Mais la lutte contre le dopage ne se voit attribuer un réel arsenal juridique international qu'à compter des années 1990 et surtout 2000, le continent européen ayant joué un rôle moteur en ce sens.
1. Le rôle moteur de l'échelon européen
Adoptée à Strasbourg le 16 novembre 1989, la Convention du Conseil de l'Europe contre le dopage est demeurée pendant près de dix ans le seul instrument juridique multilatéral destiné à lutter de manière coordonnée contre le dopage dans le sport.
Entrée en vigueur le 1 er mars 1990 et ratifiée par cinquante et un États, elle est ouverte à la signature d'États qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe. 176 ( * )
Dans l'élaboration de leurs règles nationales régissant la lutte contre le dopage, les parties prenantes s'engagent à tenir compte des sept engagements principaux suivants :
- créer un organe de coordination national ;
- réduire le trafic de substances dopantes et l'usage d'agents dopants interdits ;
- renforcer les contrôles antidopage et améliorer les techniques de détection ;
- soutenir les programmes d'éducation et de visibilité ;
- garantir l'efficacité des sanctions prises contre les contrevenants ;
- collaborer avec les organisations sportives à tous les niveaux, y compris au niveau international ;
- recourir aux laboratoires antidopage accrédités.
La convention a été pourvue d'un protocole additionnel entré en vigueur le 1 er avril 2004. L'objectif est de garantir la reconnaissance mutuelle des contrôles antidopage et de mettre en place un système de contrôle obligatoire pour s'assurer des engagements souscrits.
Un groupe de suivi est chargé d'évaluer les modalités de mise en oeuvre de la convention par chaque État-partie et de réexaminer à intervalles réguliers la liste des substances et des méthodes interdites annexée à la convention.
Malgré les faibles moyens dont est demeurée tributaire la mise en oeuvre de la c onvention , celle-ci a certainement marqué une étape importante dans la mobilisation intergouvernementale contre le dopage en donnant du poids au continent européen dans les négociations ayant conduit à l'établissement d'un corpus de règles antidopage négocié au niveau mondial .
Marie-George Buffet indique à ce sujet qu' « il aura fallu tenir des réunions quasi clandestines des ministres des sports, puis des réunions informelles, afin que les États européens exercent une pression positive sur le Comité international olympique (CIO) , pour obtenir la construction de l'Agence mondiale antidopage (AMA) » 177 ( * ) .
2. Un corpus de règles aujourd'hui négocié au niveau mondial
a) L'Agence mondiale antidopage : une révolution majeure
Fondée à Lausanne le 10 novembre 1999 sous la forme d'une fondation indépendante de droit privé suisse, l'Agence mondiale antidopage (AMA) est opérationnelle depuis 2002. Son siège se situe à Montréal. Elle est financée à parts égales par le mouvement olympique et les gouvernements. Son budget s'élevait à environ 26,4 millions de dollars en 2011 .
La mission de l'AMA est de « promouvoir, coordonner, et superviser au niveau international la lutte contre le dopage sous toutes ses formes ». Depuis la création de l'Agence mondiale, le rôle du CIO en matière de lutte contre le dopage demeure circonscrit à la période de compétition olympique.
Son caractère révolutionnaire est lié à son adossement à la Convention internationale contre le dopage dans le sport adoptée à l'unanimité le 19 octobre 2005 par la 33 e Conférence générale de l'Unesco , qui donne une force contraignante aux décisions qu'elle prend et aux règles qu'elle édicte.
Les missions de l'Agence mondiale antidopage L'article 20.7 du code mondial antidopage, distingue huit « rôles et responsabilités de l'AMA » : - adopter et mettre en oeuvre des principes et des procédures conformes au code ; - surveiller la conformité au code de la part des signataires ; - approuver des standards internationaux applicables à la mise en oeuvre du code ; - accréditer et réaccréditer les laboratoires devant procéder à l'analyse des échantillons et habiliter d'autres entités à effectuer cette analyse ; - élaborer et approuver des modèles de bonnes pratiques ; - promouvoir, réaliser, commanditer, financer et coordonner la recherche antidopage et promouvoir l'éducation antidopage ; - concevoir et organiser un programme des observateurs indépendants efficace ; - effectuer les contrôles antidopage autorisés par les autres organisations antidopage et collaborer avec les organisations et agences nationales et internationales compétentes, et notamment faciliter les enquêtes et les investigations. |
Le conseil de fondation de l'AMA constitue l'instance décisionnelle de l'Agence. Il est composé à parts égales de représentants du mouvement olympique et des gouvernements. La prise de décision s'appuie notamment sur les avis de plusieurs comités spécialisés consultatifs comme par exemple le comité « santé, médecine et recherche » qui intervient notamment dans la révision annuelle de la liste des substances et méthodes interdites, dans l'accréditation des laboratoires antidopage dans le monde ou encore dans les règles d'attribution des AUT.
Le comité exécutif de l'AMA assume quant à lui un rôle de direction et de gestion de l'Agence.
Compte tenu de la représentation unifiée du continent européen dans les instances décisionnelles de l'AMA (un représentant au comité exécutif et cinq au conseil de fondation), la nécessité de concevoir une stratégie à l'échelon européen a motivé la mise en place en 2003 au sein du Conseil de l'Europe du Comité ad hoc européen pour l'AMA (Cahama) . Instance de coordination réunissant des experts des États-parties, il élabore une position commune et donne mandat aux six représentants européens membres des organes statutaires pour la défendre.
La convention est entrée en vigueur le 1 er février 2007. Au 13 mai 2013, la convention compte 174 États-parties 178 ( * ) .
La convention renvoie explicitement aux principes du code mondial antidopage et pose un certain nombre de principes sur lesquels les États-parties s'engagent à :
- limiter l'offre de substances ou méthodes interdites dans le sport ;
- faciliter les contrôles antidopage et soutenir les programmes nationaux de tests antidopage ;
- retirer tout appui financier aux sportifs et aux personnels d'encadrement qui commettent une violation du règlement antidopage ainsi qu'aux organisations sportives qui ne se conforment pas au CMA ;
- encourager les producteurs et les distributeurs de compléments alimentaires à développer « des pratiques optimales » pour l'étiquetage, la commercialisation et la distribution des produits qui pourraient contenir des substances interdites ;
- encourager la mise en oeuvre de programmes d'éducation antidopage à l'intention des sportifs en général.
À travers le fonds volontaire pour l'élimination du dopage dans le sport, la convention permet par ailleurs à l'Unesco d'accorder dans certaines conditions une aide financière aux États-parties dans l'élaboration de programmes d'éducation et de prévention du dopage ou pour renforcer les moyens de lutte contre le dopage dans des pays dont les moyens de lutte sont particulièrement faibles 179 ( * ) .
La conférence des parties, qui se réunit en principe tous les deux ans, assure un suivi de la convention.
b) Le code mondial antidopage
Adopté à l'unanimité le 5 mars 2003 par la deuxième conférence mondiale sur le dopage, le code mondial antidopage (CMA) est entré en vigueur le 1 er janvier 2004.
Il vise à établir des règles communes relatives au dopage dans tous les sports de tous les pays que doivent respecter l'ensemble des fédérations sportives internationales et les organisations de lutte contre le dopage des différents pays signataires.
Le CMA formule en particulier les règles imposées aux organisations antidopage en matière de contrôle, d'analyse, de gestion des résultats et de sanctions.
La définition du dopage retenue dans le code revêt un caractère étendu, ne se limitant pas à l'usage d'une substance ou d'une méthode interdite.
La définition du dopage retenue dans le code mondial antidopage (2009) Le CMA définit le dopage comme « une ou plusieurs violations des règles antidopage énoncées aux articles 2-1 à 2-8 » du code : - présence d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans un échantillon du sportif ; - usage ou tentative d'usage par un sportif d'une substance interdite ou d'une méthode interdite ; - refus de se soumettre ou fait de ne pas se soumettre à un prélèvement d'échantillon ; - violation des exigences applicables en matière de contrôles hors compétitions ; - falsification ou tentative de falsification du contrôle de dopage ; - possession de substances ou méthodes interdites ; - trafic ou tentative de trafic de substance interdite ou de méthode interdite ; - administration ou tentative d'administration d'une substance ou méthode interdite. |
Là encore, soulignons l'importance majeure du code mondial, qui permet une harmonisation des règles, absolument fondamentale pour l'équité entre les sportifs, pour lesquels le terrain de jeu est planétaire.
Le CMA est assorti des « standards internationaux » qui édictent les principales règles techniques obligatoires permettant la mise en oeuvre du code et des « modèles de bonnes pratiques et lignes directrices » qui n'ont pas, quant à elles, d'effet contraignant. Il pose ainsi les jalons du processus d'harmonisation des pratiques et de partage d'outils communs dans lequel est entrée la lutte contre le dopage.
Après une première révision entérinée par le conseil de fondation de l'AMA le 17 janvier 2007, le code fait actuellement l'objet d'une nouvelle procédure de révision .
Celle-ci doit trouver son aboutissement à la conférence de Johannesburg (12-15 novembre 2013) pour une application de la version révisée à compter du 1 er janvier 2015.
C'est la raison pour laquelle, votre rapporteur, conscient qu'il y a là une fenêtre d'opportunité unique, s'est permis de formuler un certain nombre de propositions tendant à la modification du code mondial.
* 175 Les stimulants et les analgésiques y ont été inclus en 1971, les stéroïdes anabolisants en 1974, la testostérone et la caféine en 1982, les bêtabloquants et les autotransfusions sanguines en 1985, les diurétiques en 1987 et l'EPO en 1990.
* 176 Elle a été adoptée à ce titre par l'Australie, le Belarus, le Canada et la Tunisie. Voir http://www.coe.int/t/dg4/sport/Doping/convention_fr.asp#TopOfPage
* 177 Audition du 20 mars 2013.
* 178 Voir http://www.unesco.org/eri/la/convention.asp?language=F&KO=31037
En France, la ratification est intervenue sur le fondement de la loi n° 2007-129 du 31 janvier 2007.
* 179 L'actif du fonds s'élève à environ 3 millions de dollars US. Voir http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/anti-doping/fund-for-the-elimination-of-doping-in-sport/