INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La bourse de Shanghai a constitué la une des journaux du monde entier au mois d'août 2015 ; un journal français titrait : « Les Bourses mondiales clôturent en forte baisse après un « lundi noir » à Shanghai ». Au-delà des analyses conjoncturelles, cet événement a confirmé l'extrême imbrication de la Chine dans l'économie mondiale.
Avec une richesse nationale de près de 11 000 milliards de dollars représentant les deux tiers de celle des États-Unis, la Chine est déjà devenue la deuxième puissance économique du monde et tous les analystes s'accordent à dire qu'elle en deviendra la première dans peu d'années.
Quelle est exactement la situation en Chine aujourd'hui ? Quelles sont les conséquences pour la France des évolutions que ce pays connait ? Quelles sont les opportunités pour les entreprises françaises ?
Telles sont les questions que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a souhaité se poser, à côté de ses autres sujets principaux d'études qui étaient relatifs à la Russie, à l'Iran ou aux conséquences du changement climatique.
Pour y répondre, elle a constitué au début de l'année 2015 un groupe de travail présidé par M. Henri de Raincourt et Mme Hélène Conway-Mouret et composé de MM. André Trillard et Bernard Cazeau. Ce groupe de travail a mené des auditions durant le printemps et a effectué un déplacement en Chine en septembre, auquel participait également M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission. Ce déplacement a permis, à Pékin, Guilin et Shanghai, de rencontrer de nombreux acteurs économiques chinois et français, dont le ministre des finances, le gouverneur de la banque centrale, les conseillers du commerce extérieur ou des entrepreneurs installés en Chine, parfois de longue date.
Ce rapport analyse les ressorts et les faiblesses de la spectaculaire émergence économique de la Chine et présente les conclusions - optimistes - des quatre sénateurs du groupe de travail sur les opportunités offertes aux entreprises françaises par la nouvelle croissance chinoise.
Il est suivi d'une conclusion du président de la commission.
I. UNE TRANSFORMATION HISTORIQUE
A. LA POLITIQUE INITIÉE PAR DENG XIAOPING
A la mort de Mao Zedong, la Chine était « un pays isolé, pauvre, rural » 1 ( * ) . Après une période de nouvelles instabilités, Deng Xiaoping, qui avait connu la Longue marche mais aussi subi les persécutions durant la Révolution culturelle, a introduit des réformes profondes qui ont rendu possible une extraordinaire transformation.
Le parti et ses dirigeants mettent en oeuvre une politique pragmatique, symbolisée par la phrase de Deng Xiaoping : « il n'est pas important de savoir si le chat est blanc ou noir, du moment qu'il attrape la souris ».
Les nouveaux dirigeants avaient été envoyés dans les campagnes durant la Révolution culturelle et ont d'abord mis en oeuvre des réformes agraires, notamment par la « décollectivisation ». Ils se sont également inspirés de la situation des voisins de la Chine au dynamisme économique déjà remarquable.
Les paysans, qui produisaient plus et s'enrichissaient, ont été autorisés à développer en parallèle d'autres activités. Ces réformes, qui misaient sur les décisions individuelles et, finalement, « les forces du marché », ont été étendues aux zones urbaines à partir de 1984.
Des zones économiques spéciales ont été établies, en s'appuyant sur des avantages fiscaux et une réglementation et une bureaucratie moins strictes. Des joint-ventures avec des sociétés étrangères ont été autorisées pour attirer des investissements et des technologies. Les efforts fournis dès la création de la République populaire en matière d'éducation permettaient aux entreprises de trouver des employés instruits. Le mouvement a été amorcé et s'est développé grâce aux investissements provenant de Chinois de l'étranger.
A la fin des années 90, les industries d'Etat commencent à être privatisées. Au cours de ces mêmes années, le quasi-servage qui liait les paysans à leur village a été supprimé et l'absence de permis autorisant de résider de façon permanente dans les zones urbaines devenait moins handicapante, tout en étant maintenue.
* 1 « Histoire de la Chine, des origines à nos jours », John K. Fairbank et Merle Goldman, Tallandier.