IV. QUELLES CONSÉQUENCES, QUELLES OPPORTUNITÉS POUR LA FRANCE ?
Alors que l'économie, et en particulier l'industrie française, ont particulièrement souffert, comme beaucoup d'économies occidentales, du modèle chinois fondé sur des exportations massives à bas coût, la réorientation vers une croissance plus qualitative et tournée vers la consommation et les services peut offrir des opportunités indéniables. Certes, cette transition entraîne aussi une croissance moins forte qu'auparavant pour la Chine, mais les « volumes » sont conséquents.
De par sa taille démographique et économique, la Chine se situe naturellement « hors catégorie » et ne peut donc de fait être considérée comme un concurrent au sens traditionnel du terme.
La France doit dépasser la notion de concurrence pour entrer dans une logique partenariale, exigeante mais forte.
A. DONNER LA PRIORITÉ AUX SECTEURS D'ACTIVITÉ « GAGNANT-GAGNANT » : VALEUR AJOUTÉE DE LA FRANCE ; BESOINS DE LA CHINE
En 2014, la part de marché française en Chine atteint 1,4 %, devant l'Italie et le Royaume-Uni mais derrière l'Allemagne (5,3 %). Les exportations se sont élevées à 16,2 milliards d'euros en 2014 et les importations à 42,5 milliards, soit un déficit commercial de 26,3 milliards d'euros pour la France.
Depuis plusieurs années, la France a réorganisé sa politique de soutien à l'export, en particulier par la réorganisation des acteurs administratifs et par le redéploiement du réseau diplomatique vers les pays émergents dont la Chine. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a organisé un colloque relatif à la diplomatie économique le 9 juillet 2015 4 ( * ) .
La Chine fait partie des pays concernés par les quatre « familles prioritaires » définies depuis 2012 pour mettre l'accent sur des secteurs économiques spécifiques :
- mieux se nourrir. La demande chinoise en produits agroalimentaires évolue : le développement économique entraîne un changement de régime alimentaire et la sécurité alimentaire devient une préoccupation essentielle de la population ;
- mieux se soigner. Dans le domaine de la santé , les besoins sont très importants, tant en termes d'organisation du système, par exemple dans la gestion et le fonctionnement des hôpitaux, que de produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux,...).
Les dépenses de santé sont passées de 156 milliards de dollars en 2006 à presque 700 milliards cette année, avec une population désormais couverte quasiment à 100 % par une assurance santé. Plusieurs segments sont fermés aux entreprises étrangères, comme les vaccins, mais certaines entreprises françaises, comme BioMérieux dont le groupe de travail a visité un centre de recherche et de production à Shanghai, sont très bien installées et sont particulièrement dynamiques ;
- mieux vivre en ville. La France dispose d'une offre d'excellence dans les domaines de la ville durable (eau-assainissement, déchets, construction, transports et énergie).
Or si la Chine est confrontée dans certaines zones à une bulle immobilière, elle a planifié la poursuite de l'urbanisation. Celle-ci atteint environ 50 %, chiffre qui peut différer sensiblement selon que l'on comptabilise les migrants ruraux ne disposant pas de « hukou » urbain, et elle devrait atteindre 60 % dans les cinq ou dix prochaines années. Cet objectif crée des besoins immenses en matière d'aménagement urbain, principalement dans les « petites » villes de quelques millions d'habitants... mais aussi dans les métropoles existantes pour améliorer la gestion des services publics locaux ;
- mieux communiquer. Dans l'industrie des nouvelles technologies et de la communication, la Chine connait un réel dynamisme, mais la France peut apporter, dans certains créneaux, de réels atouts, notamment en matière de sécurité numérique (cybersécurité, communications, identité) ou de la lutte contre la grande criminalité (sécurisation des billets de banque et des titres d'identité, technologies anti-contrefaçon,...). En outre, le groupe de travail a pu mesurer, en visitant les locaux de l'agence Fred et Farid à Shanghai, que des Français pouvaient réussir à développer une activité particulièrement dynamique, en l'espèce dans le secteur de la communication digitale .
Ainsi, le secteur de l'agroalimentaire, y compris l'importante question pour les Chinois de la sécurité alimentaire, le secteur de la santé, du médico-social et de la protection sociale en général ou encore le secteur de la gestion des services publics locaux ou de l'aménagement urbain durable constituent des opportunités où la France dispose d'expertise et d'entreprises dynamiques.
On peut aussi mentionner le développement, là aussi exponentiel, du tourisme : 100 millions de Chinois ont voyagé à l'étranger en 2014 et y ont dépensé 165 milliards de dollars.
* 4 Site internet du Sénat : http://videos.senat.fr/video/videos/2015/video29354.html