Rapport d'information n° 624 (2016-2017) de M. Richard YUNG , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 juillet 2017
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LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU
RAPPORTEUR SPÉCIAL
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AVANT-PROPOS
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PREMIÈRE PARTIE : LES INSTITUTS
FRANÇAIS DE RECHERCHE À L'ÉTRANGER, UN OUTIL AU SERVICE DU
RAYONNEMENT SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE DANS LE MONDE
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I. UN RÉSEAU UNIQUE AU MONDE,
HÉRITÉ DE L'HISTOIRE DIPLOMATIQUE ET SCIENTIFIQUE DE LA
FRANCE
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A. VINGT-SEPT INSTITUTS FRANÇAIS DE
RECHERCHE À L'ÉTRANGER RÉPARTIS DANS LE MONDE
ENTIER
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1. Les IFRE sont présents sur tous les
continents, avec une implantation particulièrement marquée sur le
pourtour méditerranéen et au Moyen Orient
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2. Des objets d'études variables, même
si de grandes constantes se dégagent
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a) L'archéologie, mission originelle de
nombreux IFRE
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b) Les sciences humaines et sociales, une vocation
ancienne encouragée tant par le ministère de l'Europe et des
affaires étrangères que par le CNRS
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c) L'existence d'autres champs de
compétences propres à certains IFRE
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d) L'interdisciplinarité, un atout à
cultiver
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a) L'archéologie, mission originelle de
nombreux IFRE
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3. La coexistence des IFRE avec les unités
de service et de recherche à l'étranger propres au CNRS ainsi
qu'avec les grands établissements scientifiques français à
l'étranger n'apparaît guère cohérente
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4. Un réseau sans véritable
équivalent dans le monde, même si l'Allemagne possède elle
aussi un nombre important d'établissements de recherche à
l'étranger
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5. Une carte à rationaliser et à
faire évoluer en fonction des grandes évolutions
géopolitiques mondiales
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1. Les IFRE sont présents sur tous les
continents, avec une implantation particulièrement marquée sur le
pourtour méditerranéen et au Moyen Orient
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B. LES MISSIONS DES IFRE LEUR CONFÈRENT UN
STATUT À PART AU SEIN DU RÉSEAU DIPLOMATIQUE
FRANÇAIS
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A. VINGT-SEPT INSTITUTS FRANÇAIS DE
RECHERCHE À L'ÉTRANGER RÉPARTIS DANS LE MONDE
ENTIER
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II. UN STATUT ADMINISTRATIF COMPLEXE POUR UN
PARTENARIAT PLUTÔT EFFICACE
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A. LES IFRE SONT PLACÉS SOUS LA DOUBLE
TUTELLE DU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES ET DU CNRS
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1. Le fonctionnement des IFRE est régi par
une convention-cadre conclue entre leurs tutelles dont la dernière
mouture date de 2012
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2. La gouvernance des IFRE s'organise autour de
directeurs dotés d'une forte autonomie et de conseils scientifiques
chargés de les accompagner
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a) Les tutelles des IFRE se concertent de
façon régulière et se retrouvent une fois par an au sein
du comité d'orientation stratégique du réseau
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b) Les directeurs, acteurs-clefs de
l'activité scientifique et administrative des IFRE
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c) Les conseils scientifiques assurent un suivi de
l'action des IFRE
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a) Les tutelles des IFRE se concertent de
façon régulière et se retrouvent une fois par an au sein
du comité d'orientation stratégique du réseau
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1. Le fonctionnement des IFRE est régi par
une convention-cadre conclue entre leurs tutelles dont la dernière
mouture date de 2012
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B. UN STATUT ADMINISTRATIF COMPLEXE, SUSCEPTIBLE
DE SOULEVER DES DIFFICULTÉS PRATIQUES, MAIS DONT LES IFRE SEMBLENT
PLUTÔT S'ACCOMODER
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C. UNE COLLABORATION ENTRE LE MINISTÈRE DE
L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET LE CNRS QUI A PERMIS DE
PROFESSIONNALISER LA RECHERCHE MENÉE AU SEIN DES IFRE ET D'OFFRIR UNE
OUVERTURE INTERNATIONALE AU CNRS
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A. LES IFRE SONT PLACÉS SOUS LA DOUBLE
TUTELLE DU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES ET DU CNRS
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III. EN DÉPIT D'UNE EFFICACITÉ
DIFFICILE À MESURER, LE « RETOUR SUR
INVESTISSEMENT » QU'OFFRENT LES IFRE À LEURS TUTELLES EN
TERMES DE RECHERCHE ET DE DIPLOMATIE D'INFLUENCE NE FAIT GUÈRE DE DOUTE
EU ÉGARD À LA MODESTIE DE LEUR BUDGET
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A. DES SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT QUI DEMEURENT
TRÈS RAISONNABLES, DES RESSOURCES PROPRES À DÉVELOPPER
ENCORE DAVANTAGE
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B. LES RESSOURCES HUMAINES DES IFRE SONT
GÉRÉES SELON DES PROCÉDURES TRÈS
DIVERSIFIÉES ET FONT COHABITER DES PERSONNELS AUX STATUTS TRÈS
DIFFÉRENTS LES UN DES AUTRES
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1. Le recrutement des directeurs, une
procédure rigoureuse
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2. Le recrutement des chercheurs obéit
à des règles très différentes selon qu'ils sont
embauchés par le ministère de l'Europe et des affaires
étrangères ou par le CNRS
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3. Des doctorants et post-doctorants,
formés directement à la recherche sur le terrain, qui
bénéficient de bourses dont la provenance est très
variée
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4. Des personnels administratifs chargés de
faire fonctionner les IFRE avec des moyens réduits
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1. Le recrutement des directeurs, une
procédure rigoureuse
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C. LA MISE EN PLACE D'INDICATEURS PLUS RIGOUREUX
PERMET DE MIEUX MESURER LA PERFORMANCE DES IFRE
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A. DES SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT QUI DEMEURENT
TRÈS RAISONNABLES, DES RESSOURCES PROPRES À DÉVELOPPER
ENCORE DAVANTAGE
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I. UN RÉSEAU UNIQUE AU MONDE,
HÉRITÉ DE L'HISTOIRE DIPLOMATIQUE ET SCIENTIFIQUE DE LA
FRANCE
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SECONDE PARTIE : FAIRE DES INSTITUTS
FRANÇAIS DE RECHERCHE À L'ÉTRANGER UN OUTIL MIEUX
IDENTIFIÉ ET PLUS EFFICACE DE LA DIPLOMATIE SCIENTIFIQUE
FRANÇAISE
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I. MIEUX INTÉGRER LES IFRE DANS LEUR
ENVIRONNEMENT À L'ÉTRANGER
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A. L'APPORT DES IFRE À LA PRISE DE
DÉCISION PUBLIQUE DOIT DEVENIR PLUS TANGIBLE
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1. Les IFRE paraissent plutôt bien
insérés dans le dispositif diplomatique français
présent dans leurs pays d'accueil
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2. Les décideurs publics doivent davantage
s'appuyer sur les résultats des recherches en sciences humaines et
sociales menées par les IFRE
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3. Faire véritablement travailler les IFRE
en réseau
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1. Les IFRE paraissent plutôt bien
insérés dans le dispositif diplomatique français
présent dans leurs pays d'accueil
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B. LE RENFORCEMENT DES LIENS ENTRE LES IFRE ET LES
ÉTABLISSEMENTS DE RECHERCHE DE LEURS PAYS D'ACCUEIL EST AU CoeUR DE LEUR
AVENIR
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1. Multiplier les partenariats les plus
intégrés possibles avec les institutions
étrangères
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2. Encourager la mise en place
d'établissements multinationaux sur le modèle du Centre
Marc-Bloch de Berlin
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3. Développer les partenariats avec les
réseaux d'autres pays, en particulier avec la fondation allemande Max
Weber
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1. Multiplier les partenariats les plus
intégrés possibles avec les institutions
étrangères
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A. L'APPORT DES IFRE À LA PRISE DE
DÉCISION PUBLIQUE DOIT DEVENIR PLUS TANGIBLE
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II. FAIRE MIEUX CONNAÎTRE LES IFRE, EN
FRANCE COMME DANS LEURS PAYS D'ACCUEIL
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A. LA COMMUNICATION DES IFRE, BIEN QU'ELLE AIT
PROGRESSÉ DANS LES ANNÉES RÉCENTES, NE LEUR CONFÈRE
PAS ENCORE UNE VISIBILITÉ SUFFISANTE
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1. Le ministère de l'Europe et des affaires
étrangères, en partenariat avec la fondation Maison des sciences
de l'homme, a consenti des efforts notables ces dernières années
pour accroître la visibilité des IFRE et la valorisation de leurs
recherches
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2. La communication de chaque IFRE doit se
professionnaliser et répondre à un cahier des charges
précis
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3. La diffusion des travaux des IFRE doit
réussir le défi de s'adresser à la fois à la
communauté scientifique mais également à un plus large
public
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4. Digitaliser les fonds documentaire et les
publications
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1. Le ministère de l'Europe et des affaires
étrangères, en partenariat avec la fondation Maison des sciences
de l'homme, a consenti des efforts notables ces dernières années
pour accroître la visibilité des IFRE et la valorisation de leurs
recherches
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B. LES IFRE DOIVENT JOUER UN RÔLE PLUS
IMPORTANT DANS LA FORMATION DES CHERCHEURS EN SCIENCE SOCIALES
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A. LA COMMUNICATION DES IFRE, BIEN QU'ELLE AIT
PROGRESSÉ DANS LES ANNÉES RÉCENTES, NE LEUR CONFÈRE
PAS ENCORE UNE VISIBILITÉ SUFFISANTE
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I. MIEUX INTÉGRER LES IFRE DANS LEUR
ENVIRONNEMENT À L'ÉTRANGER
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LISTE DES DÉPLACEMENTS
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ANNEXE 1
CARTE DES INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE
À L'ÉTRANGER
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ANNEXE 2
DEUX EXEMPLES D'AXES DE RECHERCHE D'INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE À L'ÉTRANGER
N° 624
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2017 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur les Instituts français de recherche à l' étranger (IFRE),
Par M. Richard YUNG,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Les principales observations 1. Le réseau des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) compte actuellement vingt-sept établissements et huit antennes , répartis dans trente-quatre pays , sur tous les continents. Aucune autre grande puissance scientifique ne possède un réseau de cette nature , même si l'Allemagne développe actuellement des structures qui se rapprochent des IFRE. 2. Ce réseau est pour l'essentiel un héritage de l'histoire diplomatique et scientifique de la France . Il n'a pas été conçu avec une vision d'ensemble mais résulte de la création très progressive , tout au long du XX e siècle, d'établissements de recherche français à l'étranger . 3. En 2016, l'ensemble du réseau des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) ne rassemblait que 144 chercheurs et 349 doctorants ou post-doctorants. La plupart des IFRE possèdent donc une taille modeste , voire très modeste . 4. Beaucoup d'IFRE étant issus d'anciennes missions archéologiques, l'archéologie continue à occuper une place essentielle dans les programmes de recherche de onze d'entre eux et est même l'objet d'étude exclusif de deux IFRE. 5. Tous les autres se consacrent aux sciences humaines et sociales : histoire, ancienne comme contemporaine, relations internationales, anthropologie, sociologie, démographie, sciences politiques, etc. La présence au sein des IFRE de chercheurs issus de ces multiples domaines fait d'ailleurs de l'interdisciplinarité en matière de recherche une des caractéristiques essentielles de ce réseau. 6. La carte du réseau des IFRE fait apparaître quelques incohérences et ne paraît pas toujours pleinement en phase avec les évolutions du monde contemporain . En outre, les instituts cohabitent avec d'autres centres de recherche français à l'étranger sans véritable coordination . 7. Depuis 2007, les Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) sont placés sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) , régie par une convention-cadre signée en 2012 et qui fera l'objet d'un renouvellement en 2017. 8. En tant que laboratoires de recherche, ils doivent mener des travaux de recherche en sciences humaines et sociales et former des doctorants et post-doctorants à la recherche par la recherche . 9. Mais les IFRE sont également un acteur central de la diplomatie scientifique de la France , qui vise à utiliser la coopération scientifique pour aider à établir des liens et renforcer les relations entre les sociétés de deux pays , plus particulièrement leurs communautés scientifiques et leurs élites. |
10. Le statut administratif des IFRE est un peu complexe , puisqu'ils abritent à la fois un établissement à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et une unité de service et de recherche (USR) du CNRS. Ce double statut implique des lourdeurs en termes de gestion administrative (double budget, double comptabilité) mais, bon an mal an, les équipes des IFRE semblent s'en accommoder , dans la mesure où la dualité des règles qui les régissent leur permet de faire face avec une certaine souplesse à toutes les situations qui se présentent à elles. 11. En 2016, la dotation budgétaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères consacrée aux IFRE a représenté une somme de 4,79 millions d'euros en exécution (AE=CP) . La somme votée pour 2017 est de 4,80 millions d'euros . Le CNRS, pour sa part, a consacré aux IFRE en 2016 une subvention de fonctionnement de 846 000 euros . Au total, les financements publics en faveur des IFRE , hors masse salariale, se sont donc limités à 5,64 millions d'euros en 2016 , soit un montant de 209 000 euros par IFRE en moyenne . Cette somme apparaît très modeste au regard de l'envergure du réseau des IFRE et de son rôle dans la recherche et la diplomatie scientifique de notre pays . 12. Si le « retour sur investissement » des IFRE en termes de recherche sur les grandes aires culturelles et d'influence scientifique ne fait guère de doutes , leur potentiel demeure sous-exploité. 13. Il apparaît donc indispensable de mieux les valoriser en les faisant davantage participer à la décision publique , en améliorant leur communication , en les incitant à développer des partenariats plus nombreux avec les établissements de recherche de leurs pays d'accueil ou bien encore en les faisant véritablement travailler en réseau . Les recommandations Recommandation n° 1 : afin d'éviter la dispersion, délimiter précisément le champ de compétence de chaque IFRE , en tenant compte des traditions de recherche propres à chaque institut. Recommandation n° 2 : afin de rationaliser le réseau scientifique français à l'étranger, mener une réflexion interministérielle pour évaluer la pertinence d'une inclusion dans le réseau des IFRE des trois unités de service et de recherche à l'étranger du CNRS et des six grands établissements scientifiques français à l'étranger du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Recommandation n° 3 : pour adapter le réseau aux grandes évolutions géopolitiques mondiales, évaluer périodiquement la pertinence de maintenir un IFRE , d'opérer des regroupements entre IFRE ou d'ouvrir des IFRE dans de nouveaux pays. Recommandation n° 4 : pour assurer la sécurité juridique des IFRE, résoudre enfin le lancinant problème de la non-conformité à la loi organique relative aux lois de finances du statut des établissements à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. |
Recommandation n° 5 : pour garantir une plus grande transparence et équité entre chercheurs recrutés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et chercheurs issus du CNRS, harmoniser les procédures de recrutement des chercheurs affectés dans les IFRE , en permettant aux conseils scientifiques d'auditionner et de sélectionner les candidats proposés par le CNRS. Recommandation n° 6 : poursuivre les efforts menés depuis dix ans pour mesurer la performance des IFRE. Recommandation n° 7 : renforcer l'apport des IFRE à la prise de décision publique. Recommandation n° 8 : pour leur permettre d'aborder de concert des problématiques communes et de partager de bonnes pratiques, inciter davantage les IFRE à travailler en réseau , à l'échelle régionale comme mondiale. Recommandation n° 9 : développer davantage les partenariats entre les IFRE et les acteurs scientifiques et universitaires locaux. Recommandation n° 10 : favoriser la création d'instituts français de recherche binationaux sur le modèle du Centre Marc-Bloch de Berlin. Recommandation n° 11 : favoriser les partenariats avec la fondation Max Weber , dans une perspective franco-allemande et, à plus long terme, européenne. Recommandation n° 12 : rebaptiser le réseau des IFRE pour lui donner une visibilité accrue. Recommandation n° 13 : rédiger un cahier des charges relatif à la communication des instituts français de recherche à l'étranger et étudier la mise en place d'une gestion mutualisée de celle-ci. Recommandation n° 14 : afin de mieux ancrer les IFRE dans le paysage de la recherche française, développer des accords de partenariat pérennes entre les IFRE et des universités ou organismes de recherche français. Recommandation n° 15 : mieux faire connaître les IFRE dans les universités et organismes de recherche en France , pour en faire bénéficier le plus de chercheurs en sciences humaines et sociales possible. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
À l'occasion de ses déplacements en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, votre rapporteur spécial avait eu plusieurs fois l'occasion de visiter des centres de recherche français à l'étranger , comme la Maison franco-japonaise de Tokyo , le Centre d'études français sur la Chine contemporaine de Hong Kong ou bien encore l'Institut français de Pondichéry .
En rapportant les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » avec son collègue Éric Doligé, il a pris conscience que ces différents centres de recherche appartenaient tous à un réseau commun méconnu , celui des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) , placés depuis 2007 sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) , et qui se consacrent à la recherche en sciences humaines et sociales .
En tant que rapporteur spécial de la mission, il a donc souhaité en savoir plus sur ces IFRE , qui constituent un objet atypique au sein du dispositif diplomatique français , et s'interroger à la fois sur leur pertinence et sur la qualité de leur gestion .
Pour mener à bien ce contrôle budgétaire , votre rapporteur spécial a entendu les tutelles des IFRE à Paris et a envoyé à chacun de leurs directeurs un questionnaire commun , auquel une bonne partie d'entre eux ont répondu, souvent de façon très complète. Il a également souhaité aller à la rencontre de leurs équipes en visitant le Centre Marc-Bloch de Berlin et le Centre de recherche français de Jérusalem .
À la suite de ces différents échanges, il a acquis la conviction que les IFRE sont des outils utiles de la diplomatie d'influence française , mais qu'il est indispensable de mieux les valoriser pour qu'ils puissent pleinement jouer leur rôle au service de notre pays.
PREMIÈRE PARTIE : LES INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE À L'ÉTRANGER, UN OUTIL AU SERVICE DU RAYONNEMENT SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE DANS LE MONDE
I. UN RÉSEAU UNIQUE AU MONDE, HÉRITÉ DE L'HISTOIRE DIPLOMATIQUE ET SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE
A. VINGT-SEPT INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE À L'ÉTRANGER RÉPARTIS DANS LE MONDE ENTIER
1. Les IFRE sont présents sur tous les continents, avec une implantation particulièrement marquée sur le pourtour méditerranéen et au Moyen Orient
Les Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) sont des établissements scientifiques implantés partout dans le monde et placés sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) .
a) Un réseau présent partout dans le monde
Le réseau des IFRE compte vingt-sept établissements et huit antennes , répartis sur tous les continents (voir carte en Annexe I).
La présence des IFRE est particulièrement forte sur le pourtour de la Méditerranée et au Moyen Orient avec pas moins de huit implantations : Maroc (Centre Jacques Berque de Rabat), Tunisie (Institut de recherche sur le Maghreb contemporain), Égypte (Centre d'études et de documentations économiques, juridiques et sociales du Caire), Israël (Centre de recherche français de Jérusalem), Turquie (Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul), Iran (Institut français de recherche en Iran de Téhéran), Yémen (Centre français d'archéologie et de sciences sociales de Sanaa, qui opère dans les sept pays de la péninsule arabique) et Institut français du Proche-Orient , basé à Beyrouth au Liban , mais qui compte des antennes en Irak , Jordanie , dans les territoires palestiniens et en Syrie (cette implantation étant actuellement fermée).
En Asie , des IFRE sont implantés en Chine (Centre d'études français sur la Chine contemporaine de Hong Kong), au Japon (Maison franco-japonaise de Tokyo), en Thaïlande (Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine de Bangkok) et en Inde (Institut français de Pondichéry et Centre des sciences humaines de Delhi).
L'Asie centrale compte pour sa part deux IFRE , l'Institut français d'études sur l'Asie centrale, basé en Ouzbékistan , mais qui possède des antennes au Tadjikistan , au Kirghizstan et au Kazakhstan , ainsi que la Délégation archéologique française en Afghanistan , basée à Kaboul.
L'Afrique sub-saharienne et orientale compte cinq IFRE : au Soudan (Section française de la direction des antiquités du Soudan à Khartoum), en Éthiopie (Centre français des études éthiopiennes à Addis-Abeba), au Nigeria (Institut français de recherche en Afrique d'Ibadan), au Kenya (Institut français de recherche en Afrique de Nairobi) et en République sud-africaine (Institut français d'Afrique du Sud basé à Johannesburg).
Cinq IFRE sont également installés en Europe , en Grande-Bretagne (Maison française d'Oxford), en République Tchèque (Centre français de recherche en sciences sociales de Prague), en Russie (Centre d'études franco-russe de Moscou) et en Allemagne (Centre March Bloch de Berlin et Institut français d'histoire en Allemagne à Francfort-sur-le-Main).
L'Amérique latine , enfin, compte deux IFRE : le Centre d'études mexicaines et centraméricaines basé au Mexique et qui compte une antenne au Guatemala , et l'Institut français d'études andines, basé à Lima au Pérou , mais qui possède également des antennes en Colombie , en Bolivie et en Équateur .
b) La création des IFRE s'est échelonnée tout au long du XXe siècle
Ce réseau s'est constitué progressivement , sans vision d'ensemble ni plan préconçu , à partir d'initiatives parfois individuelles et sur la base de partenariats avec les autorités locales .
Les dates de création de chacun des vingt-sept IFRE sont précisées dans le tableau ci-après.
Chronologie de l'ouverture des vingt-sept IFRE
Ville/Pays |
IFRE |
Date de création |
Kaboul (Afghanistan) |
DAFA |
1922 |
Tokyo (Japon) |
MFJ |
1924 |
Istanbul (Turquie) |
IFEA |
Institut français d'archéologie fondé en 1930 |
Oxford (Royaume-Uni) |
MFO |
1946 |
Lima + Bogota-Quito-la Paz |
IFEA |
1948 |
Jérusalem |
CRFJ |
1952 |
Addis-Abeba (Éthiopie) |
CFEE |
Mission archéologique française en Éthiopie fondée en 1955 |
Pondichéry (Inde) |
IFP |
1955 |
Mexico (Mexique) |
CEMCA |
1961 |
Khartoum (Soudan) |
SFDAS |
1967 |
Le Caire (Égypte) |
CEDEJ |
1968 |
Nairobi (Kenya) |
IFRA |
1977 |
Francfort (Allemagne) |
IFRA-SHS |
Mission Historique Française en Allemagne (MHFA) fondée en 1977 |
Hong Kong (Chine) |
CEFC |
Antenne de sinologie fondée en 1978 |
Sanaa (Yémen) relocalisé au Koweït en 2015 |
CEFAS |
1982 |
New-Delhi (Inde) |
CSH |
1983 |
Téhéran (Iran) |
IFRI |
1983 |
Ibadan (Nigéria) |
IFRA |
1990 |
Prague (République Tchèque) |
CEFRES |
1991 |
Rabat (Maroc) |
CJB |
1991 |
Berlin (Allemagne) |
CMB |
1992 |
Bichkek (Kirghizistan) |
IFEAC |
1992 |
Tunis (Tunisie) |
IRMC |
1992 |
Johannesburg (Afrique du Sud) |
IFAS-recherche |
1995 |
Bangkok (Thaïlande) |
IRASEC |
2001 |
Moscou (Russie) |
CEFR |
2001 |
Beyrouth -Amman-Jerusalem-Erbil (Irak) |
IFPO |
2003- Fusion de 3 instituts nés respectivement en 1922, 1946 et 1977 |
Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Si l'ouverture des IFRE s'est échelonnée dans le temps de façon très graduelle , et a été soumise aux vicissitudes des relations diplomatiques entre la France et les États d'accueil, il est possible de distinguer plusieurs sous-ensembles .
Certaines missions anciennes telles que la mission archéologique française en Iran, ancêtre de l'Institut français de recherche en Iran (IFRA), la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) ou l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) ont été créées dans le cadre des missions archéologiques orientales . D'autres, à l'instar de la Maison franco-japonaise (MFJ), sont nées de l'initiative d'un ambassadeur , en l'occurrence Paul Claudel.
Plusieurs centres de recherche en Asie et en Afrique, tels que l'Institut français de Pondichéry (IFP) ou la Section française des antiquités du Soudan (SFDAS), ont été créés au moment des indépendances , pour développer une coopération scientifique de haut niveau avec les nouveaux États .
Enfin, l'ouverture de plusieurs centres a accompagné les grandes mutations géopolitiques contemporaines .
La création du Centre Marc Bloch de Berlin (CMB), de l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (IFEAC) ou du Centre d'études franco-russe (CEFR) ont visé notamment à mieux connaître les pays de l'ex-bloc de l'Est et à développer une coopération scientifique étroite avec eux , dans le contexte de la chute du mur de Berlin et de la disparition de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).
Dans le même ordre d'idées, la création de l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC) visait à doter la France d'une institution à même de nourrir la recherche en sciences humaines et sociales sur une région du monde en pleine émergence .
c) La plupart des IFRE sont de très petites structures, même si quelques-uns d'entre eux possèdent une taille plus significative
La plupart des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) possèdent une taille modeste , voire très modeste .
Ainsi, la Maison Franco-Japonaise (MFJ) de Tokyo, si elle accueille des doctorants et post-doctorants pour des périodes limitées, ne compte que cinq chercheurs et quatre personnels administratifs recrutés localement.
Le Centre d'études mexicaines et centraméricaines (CEMCA) ne rassemble pour sa part que six chercheurs statutaires , une quinzaine de chercheurs associés (non présents sur place), quatre doctorants et onze agents administratifs de droit local .
À l'inverse, quelques centres , minoritaires, se distinguent par une taille plus importante .
Le Centre Marc-Bloch (CMB) de Berlin, dans lequel s'est rendu votre rapporteur spécial, rassemble ainsi vingt chercheurs statutaires , trois chercheurs affiliés , cinquante-sept chercheurs associés (non présents sur place), sept doctorants financés par le CMB et cinquante-trois doctorants rattachés (non financés par le CMB).
L'Institut français de Pondichéry (IFP), le plus gros des IFRE, compte pour sa part vingt-cinq chercheurs statutaires et dix doctorants , auxquels s'ajoutent quarante-sept personnes salariées par le centre à des titres divers : techniciens, secrétaires mais également chercheurs accueillis pour des périodes courtes.
2. Des objets d'études variables, même si de grandes constantes se dégagent
a) L'archéologie, mission originelle de nombreux IFRE
Ainsi qu'il a été rappelé supra , de nombreux IFRE ont été fondés dans le cadre des missions archéologiques françaises à l'étranger et onze d'entre eux continuent à consacrer une grande partie de leurs ressources , humaines et financières, à l'archéologie 1 ( * ) , deux s'y consacrant même de façon exclusive (la DAFA en Afghanistan et la SFDAS au Soudan).
Ces IFRE mènent des fouilles en continu dans leurs pays d'implantation mais jouent également un rôle essentiel d'appui logistique aux missions archéologiques françaises qui se rendent dans leurs pays d'accueil pour une période de temps donnée.
Le directeur de la SFDAS résume de façon très complète le rôle joué par son institut en appui aux missions archéologiques françaises : « la SFDAS effectue toutes les démarches administratives (demande de visas, traduction de documents, enregistrement à la police, permis de fouille en amont de l'arrivée, demande d'importation de matériel, etc.) des missions de fouilles .
« Elle organise avec les chefs de mission la logistique sur place et met à disposition du matériel et des véhicules . Pour les missions directement affiliées au centre, elle participe également financièrement aux travaux de terrain et aux analyses post-fouilles .
« Elle offre également un cadre éditorial pour la publication de travaux archéologiques sous la forme de monographies ou d'articles dans la revue du Service des Antiquité qu'elle édite.
« Enfin, les membres de la SFDAS contribuent à titre personnel au logement de la plupart des missions de fouilles afin d'alléger les budgets et de les allouer principalement aux travaux scientifiques ».
Les IFRE qui se consacrent à l'archéologie constituent également des lieux de formation et d'échange entre archéologues français et étrangers .
Ainsi, le DAFA propose aux scientifiques afghans des formations aux techniques de l'archéologie et à celles de la restauration de matériel archéologique (conservation et restauration de sculptures et de peintures murales par exemple).
La SFDAS est sans doute encore davantage intégrée au sein de la communauté archéologique soudanaise, dans la mesure où elle appartient au service des Antiquités du Soudan , son directeur étant responsable devant le directeur des Antiquités du Soudan.
L'archéologie française à l'étranger La promotion de l'archéologie française à l'étranger est une mission ancienne de la diplomatie française : l'intérêt des diplomates pour l'archéologie se manifeste dès 1843, lorsque les consuls de France à Mossoul, Paul-Émile Botta et Victor Place, découvrent le site de Khorsabad. En 1877, c'est au tour du consul de France à Bassora, Ernest de Sarzec, de révéler la civilisation sumérienne sur le site de Tello. Ce processus s'est poursuivi jusqu'aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, qui ont vu se sceller ce lien grâce à la création, sous l'action du général de Gaulle et de l'archéologue Henri Seyrig, de la commission consultative des recherches archéologiques françaises à l'étranger, la « Commission des fouilles ». Cette instance née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale rassemble les meilleurs spécialistes des aires géographiques et périodes concernées pour évaluer chaque année la qualité scientifique des projets de recherche et proposer les grandes orientations scientifiques à suivre à l'étranger. C'est ainsi qu'en 2016, 160 missions ont été financées sur les cinq continents, dont 12 projets dirigés par de jeunes archéologues qui témoignent du renouvellement générationnel des équipes. Les missions archéologiques, déployées dans plus de 70 États partenaires, répondent à plusieurs grands enjeux. Elles génèrent une intense coopération scientifique et universitaire à travers l'attribution de bourses, la création d'un réseau de recherche international et l'intégration en grand nombre de chercheurs locaux dans les fouilles. Des équipes pluridisciplinaires et internationales, engagées sur des recherches conjointes sur le terrain, se constituent à travers le monde. Jouissant d'une reconnaissance internationale pour la qualité de leurs productions, pour leur capacité d'innovation, mais aussi pour le dialogue qu'elles favorisent avec les pays hôtes, les missions archéologiques sont un atout diplomatique pertinent dans un contexte de mondialisation des échanges et de mise en danger croissante des hauts lieux de la civilisation, à la fois par les hommes et par le climat. Les partenariats que l'archéologie crée sur le terrain dans la durée permettent parfois le maintien ou la réouverture du dialogue par-delà les évolutions politiques du pays hôte. Les relations entretenues entre les archéologues français et leurs homologues étrangers ne cessent pas brutalement lorsqu'un conflit éclate. Au contraire, même si les activités de terrain doivent cesser pour un temps, l'activité scientifique et le lien avec les archéologues du pays sont maintenus via des publications communes, l'organisation de journées d'étude, la formation des étudiants et de professionnels du patrimoine. C'est grâce à la continuité de ce partenariat que les activités de terrain peuvent ensuite reprendre à la fin des conflits. Les missions françaises ont, de plus, les capacités de monter rapidement un projet pour des fouilles de sauvetage si les enjeux scientifiques sont importants, ce qui contribue au rayonnement du savoir-faire français en recherche et en protection du patrimoine. En effet, la protection du patrimoine dans les pays en danger est depuis plusieurs années une préoccupation majeure de la diplomatie française et du Président de la République (Conférence d'Abou Dhabi sur la protection du patrimoine en danger de décembre 2016). Enfin, les activités des missions archéologiques suscitent une importante coopération muséale qui permet d'intéresser un large public à cette discipline. L'archéologie française à l'étranger est donc à la croisée de la coopération universitaire, scientifique et culturelle, mais aussi un vecteur de tourisme et de rayonnement national. Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères |
b) Les sciences humaines et sociales, une vocation ancienne encouragée tant par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères que par le CNRS
Chaque IFRE possède plusieurs axes de recherche , comme le montrent les exemples du Centre français des études éthiopiennes (CFEE) et de l'Institut français d'Afrique du Sud (IFAS) présentés en annexe 2.
À l'exception de la DAFA en Afghanistan et de la SFDAS au Soudan, tous les IFRE consacrent une part essentielle de leurs activités de recherche aux sciences humaines et sociales en général : histoire, ancienne comme contemporaine, relations internationales, anthropologie, sociologie, démographie, sciences politiques, etc.
Leurs travaux, qui ont naturellement vocation à porter sur les zones géographiques et les sociétés qui abritent chaque IFRE, s'inscrivent dans le cadre des études aréales , c'est-à-dire des études des grandes aires culturelles , dont l'Institut des sciences humaines et sociales (Inshs) du CNRS , qui assure la tutelle des IFRE au sein du CNRS, a fait l'une de ses priorités en matière de recherche .
Les études contemporaines menées dans les IFRE portent souvent sur de grandes problématiques susceptibles d'intéresser décideurs politiques et diplomates , telles que les migrations, les radicalités, le fait religieux, les études urbaines ou bien encore l'environnement et le développement durable.
Les études historiques portent sur l'histoire, la mémoire, le patrimoine ou les vestiges archéologiques des pays d'accueil.
Pleinement inclus, surtout depuis que le CNRS est devenue leur cotutelle, dans la vie de la recherche françaises, leurs travaux s'inscrivent pour une bonne part d'entre eux dans le cadre du défi n°8 de la Stratégie nationale de recherche (SNR) intitulé « Sociétés innovantes, intégratives et adaptatives » , et correspondent en particulier à ses orientations n° 30 « Étude des cultures et des facteurs d'intégration » ainsi que n° 33 « Innovations sociales, éducatives et culturelles » .
c) L'existence d'autres champs de compétences propres à certains IFRE
Si les sciences humaines et sociales sont la raison d'être des IFRE , certains instituts, au cours de leur histoire, ont développé des spécificités , qui ont même conduit certains d'entre eux à se spécialiser dans des sciences « dures » .
Ainsi, l'Institut français de Pondichéry (IFP) a développé un axe de recherche « Écologie et changement climatique » qui s'inscrit dans le défi SNR « Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique » en s'appuyant sur son département d'écologie qui élabore des programmes de recherche interdisciplinaire sur le climat et la gestion de l'eau .
Dans le même ordre d'idée, le professeur Frédéric Thibault-Starzyk, directeur de recherche au CNRS actuellement à la tête de la Maison française d'Oxford (MFO), qui est lui-même chimiste, spécialiste de spectroscopie en catalyse, projette d'élargir les disciplines d'études de l'institution qu'il dirige actuellement aux sciences physiques .
Sans se prononcer sur le bien-fondé de ce projet, qui est probablement parfaitement justifié, votre rapporteur spécial estime néanmoins qu'il peut être légitime de s'interroger sur le champ des recherches qui doivent être celles des IFRE .
À cet égard, il considère que l'archéologie et les sciences humaines et sociales doivent rester au coeur de leur champ de compétences .
Naturellement, il ne s'agit pas de renoncer aux spécialisations acquises au cours des décennies , comme c'est le cas en matière d'écologie et de gestion de l'eau à l'Institut français de Pondichéry (IFP).
Mais il est plus circonspect sur la création d'axes de recherche radicalement nouveaux , ne prenant pas appui sur des recherches passées menées au sein d'un IFRE donné, dont la pérennité pourrait être menacée au départ du directeur qui les aurait mis en place .
En outre, de tels axes de recherche seraient susceptibles de venir brouiller l'identité du réseau des IFRE , qui souffrent déjà d'un déficit de lisibilité et de notoriété .
Recommandation n° 1 : afin d'éviter la dispersion, délimiter précisément le champ de compétence de chaque IFRE , en tenant compte des traditions de recherche propres à chaque institut. |
d) L'interdisciplinarité, un atout à cultiver
Les zones frontières entre les disciplines se révélant particulièrement fécondes en matière de recherche, la quête de l'interdisciplinarité est aujourd'hui reconnue comme une priorité des politiques de recherche de tous les grands pays industrialisés .
Les IFRE, qui rassemblent des chercheurs issus de nombreuses disciplines, se prêtent tout particulièrement à cet exercice et leurs tutelles sont très attentives à encourager la multiplication des initiatives en faveur du développement de l'interdisciplinarité .
Les directeurs des IFRE sont ainsi invités à mettre en place des axes de recherche susceptibles de relever de plusieurs matières .
Ainsi, l'axe de recherche « Pouvoirs en exercice : configurations et représentations » élaboré par le Centre Marc-Bloch (CMB) de Berlin intègre trois groupes de recherche distincts : « Individu, société et culture à l'époque nationale-socialiste », « L'Europe comme espace de communication : médias, espaces publics et émotions » et « Action publique et circulation des savoirs », qui font appel à des disciplines très diverses .
La participation à des projets interdisciplinaires de l'Agence nationale de la recherche (ANR) peut être également une occasion particulièrement propice à un travail commun de chercheurs issus de disciplines différentes .
L'équipe du Centre March-Bloch a ainsi présenté à votre rapporteur spécial, lors de sa visite du Centre, le projet « AlgoDiv » , qui bénéficie de financements de l'ANR sur la période 2016-2019, et rassemble des chercheurs venus d'horizons très variés .
Le projet « AlgoDiv » Ce projet vise à clarifier les acceptions de la notion de « diversité informationnelle » en associant étroitement informaticiens et chercheurs en sciences sociales. Il cherchera à répondre à des questions telles que : sommes-nous de plus en plus enfermés dans des « bulles informationnelles » qui rétrécissent notre horizon en cachant des informations qui pourraient nous surprendre ou nous déranger ? Les algorithmes peuvent-ils être neutres ? Quels sont les desseins de ceux qui pourraient les « biaiser » ? Quelles sont les conséquences du guidage algorithmique sur l'autonomie et le libre arbitre des internautes ? Source : Centre Marc-Bloch |
L'interdisciplinarité apparaît en effet comme une source de progrès scientifiques considérables et la qualité des travaux menés par les IFRE ne peut que se nourrir de sa pratique quotidienne , favorisée par la grande diversité des parcours des chercheurs et étudiants qui viennent y séjourner.
3. La coexistence des IFRE avec les unités de service et de recherche à l'étranger propres au CNRS ainsi qu'avec les grands établissements scientifiques français à l'étranger n'apparaît guère cohérente
Notre pays dispose d'autres établissements de recherche à l'étranger qui, bien que n'appartenant pas au réseau des IFRE, remplissent des missions qui se rapprochent considérablement de celles des IFRE .
Le CNRS dispose ainsi de trois unités de service et de recherche à Naples (le centre Jean Bérard), à Alexandrie (le centre d'Études Alexandrines) et à Karnak (le Centre franco-égyptien d'étude des Temples de Karnak), qu'il partage avec deux Écoles françaises à l'étranger (l'École française de Rome et l'Institut français d'archéologie orientale, citées infra ) et avec le Conseil suprême des antiquités de la République Arabe unie d'Égypte .
Le CNRS possède également trois unités mixtes internationales en partenariat avec des institutions étrangères , à Los Angeles (avec l'Université de Californie - UCLA), à Tucson (avec la University of Arizona ) et à Dakar (avec l'Université Cheikh Anta Diop et l'Université de Bamako au Mali).
Enfin, le CNRS travaille en collaboration avec les six grands établissements scientifiques français placés sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, dit « réseau des Écoles françaises à l'étranger » : l'École française de Rome, l'Institut français d'archéologie orientale du Caire, l'École française d'Athènes, l'École biblique de Jérusalem, la Casa de Velázquez et l'École française d'Extrême Orient.
L'accord interministériel de décembre 2000 relatif aux IFRE (voir infra ) les prend d'ailleurs en compte, puisqu'il stipule que « la mise en réseau des IFRE prend en compte l'existence des Écoles françaises à l'étranger tout comme ces dernières prennent en considération l'existence des instituts ».
Les Écoles françaises à l'étranger Les Écoles françaises à l'étranger constituent un réseau de cinq établissements d'enseignement supérieur et de recherche régis par le décret n° 2011-164 du 10 février 2011. Établies à l'étranger, en Grèce (École française d'Athènes, 1846), en Italie (École française de Rome, 1875), en Égypte (Institut français d'archéologie orientale, Le Caire, 1880), en Asie du Sud-Est (École française d'Extrême-Orient, Paris, 1898) et en Espagne (Casa de Velázquez, Madrid, 1920), elles remplissent une triple mission de formation, de recherche et de diffusion en sciences humaines et sociales. Elles accueillent des jeunes chercheurs au niveau doctorat ou post-doctorat, s'appuient sur une communauté de chercheurs confirmés, français ou étrangers, et publient une centaine de volumes par an. Elles développent dans les pays d'accueil des réseaux de collaboration et de coopération qui font d'elles des acteurs irremplaçables de la recherche française à l'étranger. Relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, les Écoles françaises à l'étranger sont placées sous la tutelle scientifique de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres ainsi que sous celles de l'Académie des Beaux-Arts pour la section artistique de la Casa et de l'Académie des Sciences Morales et Politiques pour l'École de Rome. |
Elles sont dotées chacune d'un conseil d'administration et d'un conseil scientifique, ainsi que d'un conseil artistique pour la Casa. Par convention, elles ont créé en janvier 2015 un comité des directeurs avec présidence tournante, instance de réflexion et de proposition du réseau. Depuis 2013 elles sont représentées à la Conférence des Présidents d'Universités (CPU). Source : site Internet des Écoles françaises à l'étranger |
Si les trois unités mixtes internationales du CNRS, qui se consacrent aux sciences « dures », ont sans doute un objet un peu éloigné de celui des IFRE, les autres établissements cités supra , qui se consacrent à l'archéologie ainsi qu'aux sciences humaines et sociales , ressemblent de manière troublante aux IFRE .
Faire coexister , avec des tutelles différentes, avant tout pour des raisons historiques, ces différents réseaux de recherche à l'étranger qui font face aux mêmes problématiques n'apparaît pas pleinement satisfaisant .
Une réflexion interministérielle associant ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et CNRS devrait être menée afin d'étudier la possibilité de fusionner ces réseaux ou, a minima, de les faire plus étroitement travailler ensemble .
Recommandation n° 2 : afin de rationaliser le réseau scientifique français à l'étranger, mener une réflexion interministérielle pour évaluer la pertinence d'une inclusion dans le réseau des IFRE des trois unités de service et de recherche à l'étranger du CNRS et des six grands établissements scientifiques français à l'étranger du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche . |
4. Un réseau sans véritable équivalent dans le monde, même si l'Allemagne possède elle aussi un nombre important d'établissements de recherche à l'étranger
La France n'est pas le seul pays à avoir développé des réseaux d'établissements consacrés au moins en partie à la recherche en sciences humaines et sociales, mais aucun d'entre eux ne paraît avoir la densité, l'ancienneté ni l'ancrage dans les sociétés d'accueil qui est celui des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) .
L'Allemagne , dotée elle aussi d'une tradition d'excellence dans le domaine des sciences humaines et sociales, est probablement le pays qui dispose du modèle le plus proche de celui des IFRE , même s'il s'en distingue à de nombreux égards, en faisant intervenir une pluralité d'acteurs .
Les instituts allemands en sciences humaines à l'étranger de la fondation Max Weber ( Max Weber Stiftung - Deutsche Geisteswissenchaftliche Institute in Ausland ), qui ressemblent en partie aux IFRE, sont au nombre de dix .
Ils sont implantés, pour deux d'entre eux, à Paris , mais également à Londres , à Moscou , à Rome , à Varsovie , à Washington , à Tokyo , à Beyrouth et à Istanbul . La fondation Max Weber est une fondation de droit public du gouvernement fédéral allemand . En pratique, elle est placée sous la tutelle du ministère allemand de l'éducation et de la recherche.
Le réseau de la fondation Max Weber apparaît donc nettement moins étendu que celui des IFRE .
Mais l'Allemagne dispose également d'un autre outil de recherche à l'étranger avec la société Max Planck , créée en 1948, et qui possède des centres de recherche à l'étranger qui se consacrent à la fois aux sciences « dures » et aux sciences humaines et sociales , avec des centres tels que la Bibliotheca Hertziana - Max Planck Institute for art history de Rome ou le Max Planck Institute Luxembourg for international, european and regulatory procedural law de Luxembourg .
Enfin, l'Allemagne est en train de développer en Inde , en Amérique latine et en Afrique du Sud un nouveau réseau de « Merian international centres for advanced studies in the humanities and social science » , eux aussi consacrés aux sciences humaines et sociales.
En dehors de l'Allemagne, aucun pays ne paraît disposer de réseaux d'établissements de recherche analogue à celui des IFRE , les réseaux des British International research institutes (BIRI) et des Council of american overseas research centres (CAORC) n'ayant pas du tout la même étendue .
Cependant, localement, des institutions de recherche, publiques ou privées, appartenant à tel ou tel pays, sont susceptibles d'être présentes sur le terrain et d'apparaître comme des partenaires des IFRE français .
Ainsi, le Centre de recherche français à l'étranger de Jérusalem (CRFJ) cohabite à la fois avec le Kenyon Institute britannique (l'ancienne British school of archaeology ) et avec l' Albright Institute américain .
Malgré tout, les cas du Centres d'études mexicaines et centraméricaines (CEMCA), du Centre français des études éthiopiennes (CFEE) ou bien de la Section française de la direction des antiquités du Soudan (SFDAS), qui sont les seules institutions de recherche étrangères établies en permanence dans leur pays d'accueil - ce qui est source de rayonnement scientifique pour notre pays , ne sont pas rares .
5. Une carte à rationaliser et à faire évoluer en fonction des grandes évolutions géopolitiques mondiales
L'excellente qualité des travaux menés par les IFRE et leur indéniable rayonnement au sein des communautés scientifiques et de l' intelligentsia de leur pays d'accueil (voir infra ), ne doit pas empêcher le débat sur les évolutions envisageables du réseau .
Une première interrogation peut porter sur la taille critique minimale d'un IFRE . Un institut qui n'accueille qu'une poignée de chercheurs est-il en mesure de mener des travaux de recherche ambitieux et de participer activement à la diplomatie scientifique de la France ?
Cette interrogation ne préjuge naturellement pas de la réponse à lui apporter : si la présence de cette institut est une richesse pour notre pays , tant sur le plan diplomatique que scientifique, il faut le conserver , mais en envisageant soit de renforcer ses effectifs , soit de le transformer en antenne d'un autre centre situé dans la même région géographique , afin de réaliser des économies d'échelle et de lui assurer un rayonnement scientifique supérieur .
Du reste, c'est bien ce qui a été réalisé en 2003 lors de la création de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO ) : celui résulte en effet du regroupement de trois instituts jusque-là indépendants , l'Institut français d'études arabes de Damas (IFEAD, fondé en 1922), l'Institut français d'archéologie de Beyrouth (créé en 1946), devenu l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO) en 1976 et le Centre d'études et de recherche sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC), établi en 1977.
Chacun de ces trois anciens instituts sont devenus un département de l'IFPO , à savoir les départements de l'histoire de l'Antiquité et de l'archéologie (DAHA), des études arabes, médiévales et modernes (DEAMM) et des études contemporaines (DEC). Si chaque département a pu conserver une identité propre , tous bénéficient désormais d'une politique scientifique commune et de quatre services d'appui à la recherche et à sa valorisation mutualisés .
Dès lors, il n'est pas interdit de penser qu'une telle solution pourrait être envisagée dans d'autres contextes .
Est-il indispensable de disposer de deux IFRE en Allemagne ou ne serait-il pas souhaitable de fusionner le Centre Marc-Bloch de Berlin et l'Institut français d'histoire en Allemagne, basé à Francfort-sur-le-Main ? Une collaboration plus étroite entre le Centre Jacques-Berque de Rabat et l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain , qui formaient jusqu'à une date récente un centre unique, ne pourrait-elle être pertinente ?
La seconde interrogation légitime peut porter sur les évolutions de la carte du réseau des IFRE .
Comme rappelé supra , les grandes mutations géopolitiques du début des années 1990 ont été accompagnées par l'ouverture de nouveaux IFRE dans des pays où les sciences humaines et sociales françaises ne disposaient pas de lieux d'accueil. Ne faudrait-il pas éventuellement ouvrir de nouveaux IFRE dans des pays porteurs , tels que le Brésil ou l'Indonésie ?
Recommandation n° 3 : pour adapter le réseau aux grandes évolutions géopolitiques mondiales, évaluer périodiquement la pertinence de maintenir un IFRE , d'opérer des regroupements entre IFRE ou d'ouvrir des IFRE dans de nouveaux pays . |
B. LES MISSIONS DES IFRE LEUR CONFÈRENT UN STATUT À PART AU SEIN DU RÉSEAU DIPLOMATIQUE FRANÇAIS
L'accord signé le 7 février 2012 entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) prévoit que les Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) « ont pour mission la recherche, la formation par la recherche et la valorisation .
« Ils contribuent également au renforcement de la coopération scientifique entre les établissements et institutions françaises de recherche et leurs partenaires , dans les pays où ils sont implantés ».
Ces différentes caractéristiques font indéniablement des IFRE des opérateurs très particuliers du ministère de l'Europe et des affaires étrangères , au regard des missions classiques qui sont celles du Quai d'Orsay.
Mais la diplomatie scientifique apparaît bien aujourd'hui comme un aspect essentiel de la diplomatie d'influence , du « soft power », d'un grand pays industrialisé.
1. La recherche en sciences humaines et sociales à l'étranger sous tous ses aspects : enquêtes de terrain, participation au débat d'idées et formation à la recherche par la recherche
À l'instar de tous les autres laboratoires en sciences humaines et sociales du CNRS , les IFRE sont chargés d'une triple mission de recherche , de diffusion de la science et de formation à la recherche par la recherche .
Les travaux de recherche , extrêmement divers, menés au sein des IFRE visent à contribuer aux progrès de la connaissance dans de multiples disciplines , ainsi qu'il a été indiqué supra : archéologie, histoire, relations internationales, sciences politique, sociologie, anthropologie, développement durable, climat, etc.
Les résultats de ces travaux ont vocation à être publiés dans des revues à comité de lecture et dans des ouvrages savants , mais également à être diffusés le plus largement possible aux décideurs ainsi qu'au grand public, via l'organisation de colloques , de journées d'études et de séminaires .
Enfin, les IFRE sont un lieu de formation des jeunes chercheurs , français comme étrangers, à qui ils offrent un accès exceptionnel au terrain . L'objectif est de permettre à la France de disposer d'une expertise scientifique de haut niveau sur la plupart des grandes aires culturelles du monde , dont peu de grandes puissances sont en mesure de bénéficier aujourd'hui.
Pour réaliser ces différentes missions, ils peuvent s'appuyer sur des bibliothèques parfois exceptionnelles , à l'instar de celle de l'Institut français du Proche-Orient, qui comprend 125 000 ouvrages , 10 000 cartes , 800 titres de périodiques et 50 000 photographies ou de celle de l'Institut français de Pondichéry, qui possède la plus riche collection au monde de manuscrits shivaïtes (relatifs au dieu Shiva), courant de l'hindouisme très présent dans le sud de l'Inde et qui a été classée par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) comme « mémoire du monde » .
Dans certains cas, tout ou partie de ces fonds peuvent même être rendus accessibles au public , comme en témoigne le projet d'ouverture d'une maison de la presse que porte le Centre français des études éthiopiennes (CFEE), dont le but est de mettre à disposition , en version papier comme en version numérique, le fonds de presse éthiopienne du centre en langues anglaises et amharique.
Mais ce qui fait toute leur originalité et leur spécificité par rapport aux autres unités de recherche du CNRS est leur participation à la diplomatie d'influence de la France .
2. Un outil précieux de la diplomatie d'influence
a) La diplomatie scientifique, maillon essentiel de la diplomatie d'influence
La diplomatie d'influence, également appelée « soft power » 2 ( * ) , vise à agir sur les décisions de politique intérieure ou étrangère d'un autre État ou, symétriquement, à agir sur la perception que des publics étrangers ciblés ont d'un État . Ses résultats sont par nature très difficiles à apprécier. Plus prosaïquement, elle vise à la promotion de l'image de la France et donc à la défense de ses intérêts , qu'ils soient économiques , linguistiques ou culturels .
La diplomatie scientifique , à laquelle le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a consacré en janvier 2013 un rapport stratégique intitulé « Une diplomatie scientifique pour la France » 3 ( * ) , fait pleinement partie de la diplomatie d'influence .
Selon la définition qu'en donne le docteur Vaughan Turekian, directeur du Centre pour la diplomatie scientifique mis en place en 2009 par l' American Association for the Advancement of Science , la diplomatie scientifique se caractérise par « l'utilisation et l'application de la coopération scientifique pour aider à établir des liens et renforcer les relations entre les sociétés , notamment dans les domaines où il pourrait ne pas y avoir d'autres moyens d'approche au niveau officiel ».
Elle s'adresse avant tout aux communautés scientifiques des pays partenaires , mais également à leurs élites , sensibles à l'excellence de la recherche française.
En matière de sciences humaines et sociales , les récents succès de l'ouvrage Le capital au XXI e siècle 4 ( * ) de l'économiste Thomas Piketty et celui de l' Histoire mondiale de la France 5 ( * ) de l'historien Patrick Boucheron attestent d'ailleurs du maintien d'un fort rayonnement intellectuel de notre pays .
Cette diplomatie scientifique passe d'abord par la production de connaissances nouvelles et par la publication de travaux de recherche témoignant des qualités de la recherche française et de son ambition universaliste .
Elle s'exprime également par la tenue de conférences , de colloques , de séminaires , voire par une expression dans les médias locaux et internationaux , et de façon générale, par la participation la plus large possible au débat d'idées , dans le pays d'accueil comme à l'international.
À cet égard, les interventions régulières dans les médias de M. Jean-François Pérouse , directeur de l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) d'Istanbul, contribuent à valoriser son institut et ses travaux et à faire connaître la pensée française en Turquie tout en informant avec précision le public français sur les évolutions de la société turque contemporaine .
Enfin, l'influence française à l'étranger en matière de recherche se traduit par la création de programmes de formation en faveur des étudiants et chercheurs français à l'étranger , mais également par la participation à ces programmes d'étudiants et de chercheurs étrangers .
Au total, la diplomatie scientifique doit permettre de créer, dans une perspective de long terme, des liens forts et des réseaux entre scientifiques français et étrangers , aptes à nourrir des partenariats entre institutions , à faciliter la mobilité internationale des chercheurs français et à favoriser une saine émulation de nature à stimuler toujours davantage l'excellence de la recherche française .
De façon plus diffuse, la diplomatie scientifique est un atout considérable dans l'appui aux grands objectifs internationaux de la France , tels que la lutte contre le réchauffement climatique, le combat contre l'extrémisme islamiste, l'aide au développement ou bien encore la maîtrise des flux migratoires.
b) Un rôle et une place très variables suivant les pays et les contextes
Outre leur taille et le dynamisme de leurs équipes, c'est bien sûr l'environnement politique , économique , social , scientifique et culturel dans lequel ils s'insèrent qui détermine le rayonnement et la place que sont en mesure d'occuper les IFRE dans leurs pays d'accueil .
Le Centre de recherche français à Jérusalem (CRFJ) sera ainsi difficilement en mesure d'influencer les chercheurs et les décideurs israéliens par des travaux de sciences politiques ou de sociologie relatifs à la société israélienne , dans la mesure où les spécialistes israéliens de ces disciplines évoluent dans un environnement scientifique de très haut niveau.
Mais les compétences de ses chercheurs sont très recherchées en matière d'archéologie préhistorique ou d'étude des manuscrits de la mer Morte , pour ne citer que deux exemples.
À l'inverse, dans des pays qui disposent d'une recherche et d'institutions académiques de moins haut niveau , les IFRE sont en mesure de jouer un rôle intellectuel et scientifique de premier plan et ce, même s'ils sont de taille modeste.
Ils peuvent même constituer des espaces de liberté précieux dans des pays gouvernés par des pouvoirs autoritaires , même s'ils tendent généralement, dans les contextes les plus difficiles, à concentrer leur recherches sur des sujets éloignées de l'actualité politique ou sociale la plus brûlante .
Le maintien d'une coopération scientifique permet alors d'entretenir des liens avec les autorités , même dans un contexte géopolitique difficile , ce qui représente un atout diplomatique très précieux pour notre pays .
Le directeur d'un institut situé dans un pays « sensible » évoque en des termes particulièrement éclairants l'influence que procure à la France l'activité archéologique de son établissement : « [mon institut] constitue un important outil de dialogue qui, au-delà des retombées scientifiques, permet de construire une relation d'estime et de confiance .
« Nos ambassadeurs successifs nous font souvent la réflexion que face aux responsables gouvernementaux [de notre pays d'accueil], les premières discussions portent fréquemment sur les dernières avancées en matière de coopération archéologique et les projets à venir d'expositions internationales .
« Dans un pays souffrant d'un déficit d'image particulièrement important sur le plan international, tout le monde , jusqu'au Président, est sensible à la possibilité d'afficher les richesses patrimoniales du pays au coeur d'une grande capitale occidentale ».
La diplomatie scientifique , dont les IFRE sont l'instrument par excellence, permet donc de préserver un minimum de relations diplomatiques là où les relations d'État à État sont difficiles .
II. UN STATUT ADMINISTRATIF COMPLEXE POUR UN PARTENARIAT PLUTÔT EFFICACE
A. LES IFRE SONT PLACÉS SOUS LA DOUBLE TUTELLE DU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU CNRS
1. Le fonctionnement des IFRE est régi par une convention-cadre conclue entre leurs tutelles dont la dernière mouture date de 2012
Ainsi qu'il a été rappelé supra , les Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) ont été créés progressivement au cours du XX e siècle sous la tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères .
Le caractère très spécifique des IFRE au sein du réseau diplomatique français et le caractère peu habituel de leurs missions au regard de celles du Quai d'Orsay a conduit le ministère à vouloir partager avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche la responsabilité de ces instituts , au carrefour de la politique étrangère et de la politique de la recherche de la France.
L'accord interministériel du 5 décembre 2000 conclu entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'éducation et le ministère de la recherche relatif à l'organisation des Instituts de recherche français à l'étranger a fait de leur gestion un enjeu interministériel puis l'article 4 de l'avenant n° 2 du 3 mars 2006 à cette convention les a transformés en Unités mixtes d'Instituts français de recherche à l'étranger (UMIFRE) placés sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) .
Pour organiser cette double tutelle, le ministère et le CNRS ont conclu un premier accord-cadre le 20 avril 2007 . Celui-ci étant arrivé à échéance le 20 avril 2011, un nouvel accord-cadre a été signé le 7 février 2012 . La conclusion d'un nouvel accord-cadre interviendra en 2017 .
Ces accords-cadres successifs ont défini l e statut administratif des UMIFRE , les conditions de leur création et de leur fermeture , leurs missions , l'affectation des moyens , leur direction , leur suivi , leur évaluation , la propriété intellectuelle des résultats de leurs recherches et les conditions dans lesquels ils pourraient conclure des partenariats avec d'autres institutions .
Un comité de suivi , composé de représentants du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du CNRS est chargé d'assurer la continuité de l'application de cet accord .
2. La gouvernance des IFRE s'organise autour de directeurs dotés d'une forte autonomie et de conseils scientifiques chargés de les accompagner
a) Les tutelles des IFRE se concertent de façon régulière et se retrouvent une fois par an au sein du comité d'orientation stratégique du réseau
Le réseau des IFRE est supervisé au ministère de l'Europe et des affaires étrangères par la direction de la culture, de l'enseignement et du réseau (DCERR) de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (DGM).
Au sein du CNRS, c'est le département Europe et affaires internationales de l'Institut des sciences humaines et sociales (Inshs) , qui assure la tutelle des Unités mixtes d'Instituts français de recherche à l'étranger (UMIFRE), la Délégation régionale Michel-Ange de Paris se chargeant des aspects budgétaires , comptables et financiers .
Les deux tutelles se retrouvent au sein d'un comité d'orientation stratégique chargé de veiller au bon fonctionnement du réseau des IFRE et qui se réunit au moins une fois par an .
Ce comité d'orientation stratégique fixe les orientations géopolitiques des instituts , rédige les lettres de mission des directeurs et formule un avis sur les budgets et les comptes des instituts .
b) Les directeurs, acteurs-clefs de l'activité scientifique et administrative des IFRE
Mais sur le terrain, ce sont les directeurs des IFRE , nommés conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et par le CNRS, selon une procédure précisée infra , qui jouent un rôle clef dans l'animation scientifique et administrative de leur institut . Pour ce faire, ils disposent d'une forte autonomie .
Chaque directeur, qui est à la fois le directeur de l'établissement à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le directeur de l'unité de service et de recherche (USR) du CNRS (voir infra ) reçoit à sa nomination une lettre de mission cosignée par ses tutelles . Il peut être suspendu voire démis de ses fonctions en cas de manquement grave à ses obligations .
Si l'organisation scientifique et financière de chaque IFRE est susceptible de présenter certaines particularités, tous les directeurs d'IFRE se voient garantir une totale indépendance scientifique de la part de leurs tutelles . Ce sont eux qui déterminent les axes de recherche de leur institut .
L'ambassadeur de France dans le pays où est implanté un IFRE donné est le garant de la mission du directeur de l'IFRE dans ce pays , celui-ci étant tenu de l'informer , lui ou son représentant (le conseiller de coopération et d'action culturelle, voire le conseiller pour la science et la technologie), des activités de l'IFRE.
c) Les conseils scientifiques assurent un suivi de l'action des IFRE
Les IFRE sont répartis en huit pôles régionaux , qui disposent chacun d'un conseil scientifique , composé au minimum de dix personnalités scientifiques françaises et étrangères nommées intuitu personae pour moitié par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et pour moitié par le CNRS pour quatre ans , éventuellement renouvelables une fois.
Les huit pôles régionaux des IFRE - Maghreb ; - Égypte, Soudan, péninsule arabique ; - Proche-Orient ; - Turquie, Iran, Asie centrale ; - Europe ; - Amérique latine ; - Asie ; - Afrique. |
Chacun des conseils scientifiques examine la politique des IFRE de son pôle régional . Il émet un avis motivé sur les compétences scientifiques de chaque candidat au poste de directeur , puis, une fois celui-ci nommé, le conseille sur les demandes d'aide spécifiques à la recherche en fonction des priorités de recherche de l'IFRE.
Il auditionne et propose également au ministère de l'Europe et des affaires étrangères la nomination des chercheurs affectés à l'IFRE par le ministère (voir infra ).
B. UN STATUT ADMINISTRATIF COMPLEXE, SUSCEPTIBLE DE SOULEVER DES DIFFICULTÉS PRATIQUES, MAIS DONT LES IFRE SEMBLENT PLUTÔT S'ACCOMODER
1. Les IFRE sont des établissements à autonomie financière, un statut qui pose toujours des difficultés au regard de la loi organique relative aux lois de finances
Ainsi que le précise l'accord interministériel du 5 décembre 2000 conclu entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la recherche relatif à l'organisation des Instituts de recherche français à l'étranger, les IFRE sont dotés de l'autonomie financière .
Juridiquement, ce sont donc des établissements à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères , un statut dont bénéficient également d'autres services en charge de la diplomatie française d'influence, et en particulier le réseau des Instituts français . La liste des EAF est fixée par un arrêté du 24 janvier 2011 qui fait l'objet d'une actualisation tous les ans 6 ( * ) .
Le statut des EAF, prévu par un décret du 24 août 1976 7 ( * ) , prévoit notamment que ceux-ci ne disposent pas de la personnalité morale mais peuvent conserver les recettes qu'ils perçoivent grâce à leur activité (subventions des autorités locales, mécénat, etc.) et employer des agents non soumis au plafond d'emplois ministériel . Il est généralement considéré comme efficace et adapté aux établissements de petite taille à l'étranger .
Ces dernières années, plusieurs rapports parlementaires 8 ( * ) et de la Cour des comptes ont toutefois mis en lumière la fragilité juridique de ce statut au regard des dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) .
De fait, il n'est pas conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaires , qui prévoient l'enregistrement intégral des recettes et dépenses dans le budget général de l'État et la non affectation des recettes à des dépenses .
À la suite de ces réflexions, plusieurs pistes d'évolution du statut des EAF ont été examinées par le département en concertation avec le ministère du budget, telles que leur transformation en établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ou bien encore la mise en place de circuits financiers complexes pour leurs ressources propres (attributions de produits, fonds de concours).
Aucune solution satisfaisante n'ayant été trouvée , le Gouvernement a décidé au premier semestre de n'apporter que quelques retouches au décret n° 76-832 du 24 août 2016, rendues effective par la publication du décret n° 2017-655 du 27 avril 2017 9 ( * ) .
Le statut des EAF a donc été maintenu et avec lui l'incertitude juridique qui menace sa pérennité , même si un groupe de travail conjoint du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances devrait être créé pour réfléchir à l'évolution de ce statut .
Recommandation n° 4 : pour assurer la sécurité juridique des IFRE, résoudre enfin le lancinant problème de la non-conformité à la loi organique relative aux lois de finances du statut des établissements à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères . |
2. Les IFRE sont également des unités de service et de recherche du CNRS, ce qui implique une double gestion administrative fastidieuse
Le CNRS est composé de dix Instituts , dont l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) , dont relèvent les IFRE.
Cet Institut, à l'instar des neuf autres Instituts du CNRS, est lui-même composé d'unités de service et de recherche (USR) 10 ( * ) , autrement dit, de laboratoires , au sein desquels sont regroupés des équipes de chercheurs , d'ingénieurs , de techniciens , de personnels administratifs , d'enseignants-chercheurs et d'étudiants de troisième cycle universitaire (doctorants et post-doctorants).
C'est dans ces laboratoires que sont concrètement menés les travaux de recherche , la valorisation de leurs résultats , leur diffusion et la formation par et pour la recherche.
Depuis la signature du premier accord-cadre du 20 avril 2007 conclu entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS, tous les IFRE accueillent en leur sein une unité de service et de recherche (USR) de l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS .
Ils hébergent donc deux structures administratives distinctes , un établissement à autonomie financière (EAF) et un USR 11 ( * ) , dotés chacun de personnels , d'un budget et d'une comptabilité séparés , ce qui est source de complexité et peut rendre leur gestion plus difficile au quotidien , en particulier lorsqu'il s'agit de structures ne comptant qu'un nombre très réduit de personnels administratifs.
Dans le même temps, cette dualité de règles permet aux IFRE , bon an mal an, de jongler avec les règles de leurs deux budgets pour faire face à toutes leurs dépenses de façon régulière : emplois de personnels locaux , régie de recettes et de dépenses grâce au statut d'EAF d'une part, facilités de gestion offertes par le statut d'USR d'autre part.
Les explications fournies par un directeur d'IFRE dans ses réponses au questionnaire que lui avait adressé votre rapporteur spécial permettent de résumer le sentiment général : « la cotutelle se traduit principalement par la mise en place et le traitement de deux budgets distincts , obéissant chacun à des règles comptables et à des calendriers différents pour traiter chacune des deux subventions.
« En outre, les règles comptables qui s'appliquent à la subvention du ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'ont pas été pensées pour un centre de recherche à l'étranger et s'avèrent particulièrement inadaptées à la nature de nos dépenses (frais de mission pour chercheur invité par exemple). Symétriquement, les règles comptables qui s'appliquent au budget CNRS ne permettent pas de prendre en charge les dépenses de proximité .
« Au total, la gestion simultanée de deux budgets permet certes de trouver une solution à la plupart des besoins de l'IFRE , mais au prix d'une débauche de travail sans proportion avec les montants des dépenses impliquées ».
Dès lors, faut-il chercher à faire évoluer ce modèle administratif chronophage et intellectuellement peu satisfaisant pour un esprit cartésien ? Ou s'en accommoder en constatant qu'il permet , vaille que vaille, aux équipes administratives des IFRE de faire fonctionner convenablement leurs établissements ?
Bien qu'un observateur extérieur ne puisse qu'être frappé par le niveau de complexité administrative induite par la gestion des IFRE au regard du montant somme toute très faible de leurs budgets (voir infra ), préconiser une forme juridique unique pour les IFRE alors que la pérennité de leur statut d'établissement à autonomie financière (EAF) n'est toujours pas assurée engendrerait probablement plus de difficultés qu'elle ne résoudrait de problèmes : ainsi que le résume un autre directeur d'IFRE, la dualité administrative des instituts « ne facilite pas leur administration, mais elle est gérable ».
Votre rapporteur spécial se limitera donc à sa seule proposition n° 4 en ce qui concerne le statut administratif des IFRE.
C. UNE COLLABORATION ENTRE LE MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET LE CNRS QUI A PERMIS DE PROFESSIONNALISER LA RECHERCHE MENÉE AU SEIN DES IFRE ET D'OFFRIR UNE OUVERTURE INTERNATIONALE AU CNRS
1. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères bénéficie de l'expertise scientifique du CNRS
La gestion par le seul ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'un réseau d'institut de recherche pouvait à bien égard apparaître comme une anomalie , tant ces établissements présentent des caractéristiques différentes de celle des autres structures gérées par le ministère , et en particulier les postes diplomatiques.
La conclusion, particulièrement bienvenue, à partir de 2007, des accords-cadres relatifs aux IFRE avec le CNRS a tout d'abord permis au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de faire des IFRE des établissements consacrés à la recherche répondant à toutes les exigences du principal opérateur de la recherche française en termes d'excellence scientifique : niveau des productions scientifiques, périmètre des travaux de recherche, développement des partenariats avec les institutions des pays d'accueil, candidature aux appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de la Commission européenne, contribution à la formation à la recherche par la recherche, etc.
Comme le résume le directeur de l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA), la tutelle du CNRS a « introduit de nouveaux standards , obligé à réorganiser la structure des équipes [des IFRE] selon les critères auxquels les équipes de recherche de la métropole sont soumis et s'est traduite par l'introduction de problématiques plus comparatives et réflexives , ainsi que par un plus grand souci des protocoles méthodologiques ».
Le directeur du Centre français des études éthiopiennes (CFEE) abonde dans le même sens, estimant que « cette « banalisation » des IFRE , une unité CNRS (presque) comme les autres (en métropole), éligible pour des affectations de chercheurs et ingénieurs, pour des formations de personnels, pour des candidatures à des contrats de financement de la recherche (ANR, ERC, etc.) ou pour l'accès à des plateformes numériques (OpenEdition, Huma-Num, etc.) était le meilleur service que le CNRS pouvait rendre à nos IFRE ».
Le CNRS a également obtenu dans l'accord-cadre du 7 février 2012 que les IFRE soient désormais évalués par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) , à l'instar des autres établissements universitaires et scientifiques français.
L'ensemble de ces exigences a permis d'améliorer significativement la performance scientifique des IFRE et d'en faire des lieux de recherche de haut niveau et non pas seulement des plateformes d'accueil visant à faciliter l'accès aux terrains étrangers pour les chercheurs , ce que certains d'entre eux tendaient à être.
Enfin, le fait d'être devenus des unités de service et de recherche (USR) du CNRS, c'est-à-dire des structures opérationnelles de recherche, a donné aux IFRE , comme le relevait le directeur du CFEE cité supra , accès aux mêmes financements de recherche et aux mêmes ressources que les autres unités de recherche du CNRS : possibilité de recevoir des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens et des personnels administratifs du CNRS en affectation, éligibilité à tous les appels d'offre de recherche du CNRS, accès aux infrastructures de recherche, formation des personnels, etc.
2. Les IFRE offrent au CNRS un outil de rayonnement international en sciences humaines et sociales
Si la conclusion de l'accord-cadre entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS a permis de doter la recherche scientifique menée dans les IFRE d'une plus grande crédibilité scientifique et d'améliorer les moyens qui lui étaient consacrés , elle a également représenté pour le CNRS une formidable opportunité d'internationaliser ses recherches en sciences humaines et sociales , ambition qui figure parmi ses priorités.
Pour lui, les IFRE représentent désormais un outil important de mobilité de ses chercheurs et de formation doctorale par la recherche et fournissent un cadre exceptionnel au développement des études aréales .
À cet égard, les IFRE jouent un rôle très important dans les trois groupements d'intérêt scientifique (GIS) 12 ( * ) Études aréales créés depuis 2011 , à savoir le GIS « Moyen Orient Mondes musulmans », le GIS « Études africaines en France » et le GIS « Études asiatiques ».
Les IFRE, enfin, en tant qu'outil de la diplomatie scientifique française, fournissent au CNRS, à travers leurs recherches, leurs colloques ou leurs séminaires, un espace de diffusion de ses travaux auprès des scientifiques étrangers et du public cultivé .
III. EN DÉPIT D'UNE EFFICACITÉ DIFFICILE À MESURER, LE « RETOUR SUR INVESTISSEMENT » QU'OFFRENT LES IFRE À LEURS TUTELLES EN TERMES DE RECHERCHE ET DE DIPLOMATIE D'INFLUENCE NE FAIT GUÈRE DE DOUTE EU ÉGARD À LA MODESTIE DE LEUR BUDGET
A. DES SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT QUI DEMEURENT TRÈS RAISONNABLES, DES RESSOURCES PROPRES À DÉVELOPPER ENCORE DAVANTAGE
En 2016, la dotation budgétaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères consacrée aux IFRE a représenté, selon le rapport annuel de performances pour 2016 de la mission « Action extérieure de l'État », une somme de 4,79 millions d'euros en exécution (AE=CP) , soit une diminution de - 5 % des crédits par rapports aux montants votés en loi de finances initiale (5,05 millions d'euros) . La somme votée pour 2017 est de 4,80 millions d'euros .
Cette dotation, qui représente environ 180 000 euros par institut , est destinée, selon les documents annexés au projet de loi de finances pour 2017, à financer des dépenses de fonctionnement des vingt-sept IFRE. En pratique, elle sert surtout à financer des dépenses de proximité : loyer, eau, électricité, téléphone, fournisseurs locaux, aides à la mobilité internationale des doctorants et post-doctorants, etc.
Cette somme s'impute sur les crédits de l'action 4 « Attractivité et recherche » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » , qui porte par ailleurs la subvention pour charges de service public de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Campus France.
Le CNRS, pour sa part, a consacré aux IFRE en 2016, selon les services de l'Institut des sciences humaines et sociales (Inshs), une subvention de fonctionnement de 846 000 euros , à laquelle il convient d'ajouter 8,2 millions d'euros qui correspondent aux traitements bruts de ses personnels affectés au sein du réseau des IFRE . La subvention de fonctionnement du CNRS sert surtout à financer les missions (chercheurs invités pour des missions de terrain par exemple) et toutes dépenses payables en France (aides à la publication par exemple).
Au total, les financements publics en faveur des IFRE , hors masse salariale, se sont donc limités à 5,64 millions d'euros en 2016 , soit un montant de 209 000 euros par IFRE en moyenne . Cette somme apparaît très modeste au regard de l'envergure du réseau des IFRE et de son rôle dans la recherche et la diplomatie scientifique de notre pays .
Exemples de subventions de fonctionnement du CNRS et du
MEAE
perçues par des IFRE
13
(
*
)
en
2016
(en milliers d'euros)
IFPO |
CRFJ |
IFEA |
IFP |
CJB |
|
MEAE |
905 |
135,2 |
189 |
355,1 |
188,7 |
CNRS |
145,5 |
102,2 |
43,9 |
31 |
26 |
Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial
Parallèlement, les IFRE sont parvenus à obtenir 4,8 millions d'euros de ressources propres hors dotations du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du CNRS en 2016, soit près de la moitié de leurs ressources dédiées au financement de leurs dépenses de fonctionnement, qui ont représenté au total 10,4 millions d'euros en 2016.
Le tableau ci-dessous, relatif au budget de fonctionnement du Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ) permet de donner une idée des principaux postes de recettes et de dépenses d'un IFRE . Pour obtenir son budget consolidé , il convient d'ajouter 1 183 114 euros de masse salariale supportée par le CNRS et 139 000 euros de masse salariale supportée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères .
Exemple du budget de fonctionnement 2016
du Centre
de recherche français de Jérusalem
(en euros)
Subvention CNRS |
135 240 |
Subvention MEAE |
102 249 |
Remboursement TVA |
28 000 |
Ressources propres |
67 000 |
Total recettes |
332 489 |
Loyer TTC |
149 105 |
Frais de fonctionnement |
50 709 |
Missions administratives |
5 412 |
Aides à la mobilité étudiante |
44 349 |
Dépenses d'action scientifique |
44 349 |
Total dépenses |
298 272 |
Source : Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ)
Alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères fait l'objet depuis de nombreuses années d'une diminution régulière de ses crédits , et que, de l'avis général, le CNRS devrait avoir le plus grand mal à s'engager davantage financièrement en faveur des IFRE , leur bon fonctionnement et, a fortiori, leur développement , reposera donc à l'avenir sur le dynamisme de leurs ressources propres .
Celles-ci peuvent être de plusieurs natures.
Les IFRE peuvent tout d'abord obtenir des subventions de la part des autorités ou des institutions universitaires et de recherche de leurs pays d'accueil , à l'instar du ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche (BMBF) qui contribue depuis 2001 au financement du Centre Marc-Bloch de Berlin. C'est du reste également l'une des raisons pour lesquelles la conclusion de partenariats avec les établissements scientifiques de leurs pays d'accueil doit être une priorité absolue pour les IFRE (voir infra ).
Ils peuvent également bénéficier du mécénat de fondations privées , comme le Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ), qui a bénéficié de 2013 à 2015 d'une subvention de 210 000 euros de la fondation Bettencourt Schueller pour financer des mobilités étudiantes ou la Section française de la direction des antiquités du Soudan (SFDAS) qui a perçu en 2016 298 500 euros de financements provenant de différents partenaires (Haute autorité des musées du Qatar, Musée d'histoire naturelle de New York, Fondation Giorgini, etc.).
Ce recours au mécénat et ces partenariats avec des institutions muséales doivent être développé et encouragé avec vigueur par les tutelles des IFRE .
Un enjeu très important pour les IFRE est également d'essayer d'obtenir des financements en répondant aux appels à projets internes au CNRS , mais également à ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du Conseil européen de la recherche (ERC) , le succès obtenu à ces appels à projets très sélectifs étant par ailleurs une reconnaissance de l'excellence scientifique d'un projet .
En 2016, année faste pour lui, le Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ) a pu ainsi bénéficier de 30 000 euros au titre du programme ANR SILPAST 14 ( * ) , de 16 000 euros au titre de deux projets de recherche du CNRS relatifs aux migrations de Français en Israël ainsi qu'aux stratégies de communication de Daesh et de 4 000 euros grâce au programme ERC Open Jerusalem 15 ( * ) , l'un des trois projets ERC obtenu par le CRFJ au cours de ces cinq dernières années, ce qui, au regard de sa taille très réduite, constitue une très belle performance .
Autre exemple de réussite, celle du Centre français des études éthiopiennes (CFEE), qui fait actuellement partie de deux consortiums lauréats de financements quadriennaux de l'ANR 16 ( * ) qui apporteront au CFEE 121 000 euros sur quatre ans .
Si votre rapporteur spécial est bien conscient de la difficulté d'obtenir de tels financements , dans un contexte où le taux de sélection des appels à projets de l'ANR a atteint un niveau extrêmement bas pour cause de disette budgétaire, il considère néanmoins qu'il est du devoir des directeurs des IFRE de pousser leurs chercheurs à candidater au maximum à des appels à projets compétitifs qui permettent de faire vivre leurs instituts et de les confronter aux exigences très relevées qui sont celles de ce type de procédures .
B. LES RESSOURCES HUMAINES DES IFRE SONT GÉRÉES SELON DES PROCÉDURES TRÈS DIVERSIFIÉES ET FONT COHABITER DES PERSONNELS AUX STATUTS TRÈS DIFFÉRENTS LES UN DES AUTRES
1. Le recrutement des directeurs, une procédure rigoureuse
Les vingt-sept directeurs des IFRE sont recrutés pour des mandats de deux ans , renouvelables ensuite deux fois pour des durées d'un an , soit des mandats de quatre ans au maximum . Ils sont détachés auprès du ministère de l'Europe et des affaires étrangères , qui assure leur rémunération.
Ainsi qu'il est précisé supra , ils ont chacun un rôle fondamental, tant sur le plan scientifique que sur le plan administratif , dans l'animation de leur IFRE, d'où l'importance stratégique de choisir les meilleurs candidats possibles . Fort heureusement, les candidats sont nombreux , tant ces postes apparaissent intéressants et valorisants pour leurs détenteurs .
Les nominations et les renouvellements des directeurs sont proposés au ministère de l'Europe et des affaires étrangères par le comité d'orientation stratégique des IFRE , après publication des vacances de poste et audition des candidats.
2. Le recrutement des chercheurs obéit à des règles très différentes selon qu'ils sont embauchés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ou par le CNRS
Les chercheurs recrutés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères sont entendus après examen de leur dossier par deux rapporteurs et sélectionnés par le conseil scientifique dont relève l'IFRE dans lequel ils souhaitent venir travailler .
Ils bénéficient d'un contrat de deux ans , renouvelable pour une année et éventuellement une quatrième année .
Le processus de recrutement du ministère implique également la direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau (DCERR) , qui assure la tutelle administrative des IFRE ainsi que les directions géographiques et le Centre d'analyse et de prospective , auxquels leurs travaux de recherche sur les sociétés contemporaines sont systématiquement transmis.
Selon le ministère, les candidats doivent présenter les caractéristiques suivantes :
- mener des travaux de recherche de haut niveau scientifique en lien avec le programme de recherche de l'IFRE demandé ;
- être bien insérés dans le système français de la recherche ;
- être familiers des enjeux régionaux et disposer d'un solide sens politique ;
- être attentifs au débat d'idées et à la valorisation des travaux scientifiques .
Au total, en 2016, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères employait 46 chercheurs sur ses crédits.
L'Institut des sciences humaines et sociales du CNRS (InSHS), pour sa part, affecte ou met à disposition des IFRE des chercheurs du CNRS ou en délégation au CNRS, sélectionnés sur examen par la commission en charge de leur champ disciplinaire d'un projet de recherche correspondant à la durée de l'affectation , sans consultation du Conseil scientifique dont relève l'IFRE . En 2016, 49 chercheurs et 10 enseignants-chercheurs du CNRS étaient affectés dans les IFRE .
Enfin, quelques chercheurs (12 en 2016) sont directement salariés par les IFRE sur leurs ressources propres 17 ( * ) .
Au total, sans compter les directeurs, les IFRE comptaient donc en 2016 117 chercheurs et enseignants-chercheurs en activité dans le réseau . Avec les directeurs, ils accueillaient 144 chercheurs .
Si la procédure de recrutement mise en place par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères paraît plutôt transparente , celle du CNRS, en revanche, n'est pas pleinement satisfaisante et ne permet à aucune instance de disposer d'une vision consolidée des recrutements de chercheurs opérés pour les IFRE .
Si mettre en place un processus de recrutement entièrement commun aux deux tutelles serait probablement un objectif trop ambitieux et complexe à mettre en oeuvre, il semble en revanche nécessaire de donner au conseil scientifique dont relève chaque IFRE le pouvoir d'auditionner et de sélectionner les candidats aux postes de chercheurs présentés par le CNRS , et non pas seulement ceux proposés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Recommandation n° 5 : pour garantir une plus grande transparence et équité entre chercheurs recrutés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et chercheurs issus du CNRS, harmoniser les procédures de recrutement des chercheurs affectés dans les IFRE , en permettant aux conseils scientifiques d'auditionner et de sélectionner les candidats proposés par le CNRS . |
3. Des doctorants et post-doctorants, formés directement à la recherche sur le terrain, qui bénéficient de bourses dont la provenance est très variée
Les doctorants et post-doctorants sont accueillis par les IFRE sous des statuts divers.
Certains d'entre eux bénéficient d'une allocation sur le budget des IFRE qui peut durer de quelques mois à un ou deux ans . Dans ce cas, l'IFRE d'accueil procède lui-même à leur recrutement (publication de l'offre, constitution d'un jury), sous le contrôle du conseil scientifique dont il relève, qui doit valider l'attribution des bourses .
Si le taux de sélection est variable d'un IFRE à un autre , celui-ci est en moyenne très élevé (il est ainsi de 25 % au Centre de recherche français de Jérusalem), ce qui permet de sélectionner des étudiants très motivés , dotés de projets de recherche précis et d'un excellent niveau académique .
Parallèlement, le CNRS propose lui aussi des dispositifs de mobilité dans le réseau des IFRE aux doctorants et post-doctorants inscrits dans ses écoles doctorales .
L'Institut des sciences humaines et sociales (Inshs) du CNRS ouvre également chaque année quatre contrats doctoraux internationaux de 36 mois , pour lesquels les candidatures sont évaluées par une commission composée de membres de sa direction et d'experts extérieurs. Le principe de cet appel est que le sujet doit être élaboré dans le cadre d'un partenariat entre une unité mixte de recherche du CNRS basée en France et un IFRE et que le doctorant sera affecté dans l'unité mixte située en France mais devra effectuer 20 mois de mission sur 36 au sein de l'IFRE .
Enfin, de nombreuses institutions - École des hautes études en sciences sociales (EHESS), fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH), universités françaises ou locales , proposent également des bourses de mobilité à leurs étudiants , qui peuvent ainsi financer leur passage dans un IFRE.
Au total, on comptait en 2016 51 post-doctorants et 298 doctorants accueillis dans les IFRE , soit un total de 349 doctorants et post-doctorants , ce qui témoigne de la place essentielle de la formation à la recherche par la recherche dans les missions remplies par les IFRE au quotidien .
4. Des personnels administratifs chargés de faire fonctionner les IFRE avec des moyens réduits
Pour assurer la gestion administrative , financière , budgétaire et comptable des IFRE, mais également leur communication ou la numérisation de leurs collections , les directeurs des IFRE peuvent s'appuyer sur des équipes administratives , souvent de taille très réduite , sans le dévouement desquelles les instituts ne pourraient fonctionner , compte tenu de leurs moyens très limités .
Ces personnels peuvent être des ingénieurs , techniciens et personnels administratifs (ITA) du CNRS , détachés par leur institution dans les IFRE (ils étaient 14 en 2016) ou des personnels de droits local , recrutés grâce au statut d'établissement à autonomie financière (EAF) des IFRE. En 2016, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères employait également 4 personnels administratifs expatriés dans le réseau des IFRE .
C. LA MISE EN PLACE D'INDICATEURS PLUS RIGOUREUX PERMET DE MIEUX MESURER LA PERFORMANCE DES IFRE
La mesure de la performance en matière de recherche est par définition un exercice difficile , et qu'il convient de relativiser. Il existe néanmoins un certain nombre d'indicateurs couramment utilisés dans le monde entier pour tenter de l'apprécier .
La conclusion de l'accord-cadre entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS a d'ailleurs permis à ce dernier de mettre en place des processus d'évaluations des travaux de recherche menés dans les IFRE analogues à ceux qu'il utilise pour mesurer l'activité de l'ensemble de ses unités de service et de recherche (USR) .
Le nombre de publications dans des revues à comité de lecture , critère d'évaluation de la recherche le plus universel, est devenu le principal indicateur de l'activité des IFRE (indicateur bibliométrique) .
Il convient toutefois de le manier avec une certaine prudence , dans la mesure où le passage par un IFRE ne représente parfois qu'une étape dans le projet de recherche d'un chercheur , qui pourra être conduit à publier le résultat de ses travaux après son retour en France, sans que l'IFRE au sein duquel il a travaillé ne soit crédité de ses publications .
Parallèlement, les IFRE ont été incités à candidater beaucoup plus régulièrement aux appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du Conseil européen de la recherche (ECR) . Outre l'apport de financements bienvenus dans un contexte de ressources budgétaires rares, la réussite à ces appels à projets constitue une reconnaissance très significative de l'excellence des projets récompensés .
Toujours aux fins de mieux évaluer la performance des IFRE, le CNRS a obtenu en 2011 que le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) 18 ( * ) effectue une évaluation pluriannuelle des IFRE .
Au premier semestre 2017, le Centre français des études éthiopiennes (CFEE) d'Addis-Abeba, l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC) de Bangkok et l'Institut français du Proche Orient (IFPO) de Beyrouth ont ainsi fait l'objet d'une évaluation par le Haut conseil.
Si la qualité des recherches menées dans les IFRE est difficile à apprécier, leur action en matière de diplomatie scientifique , et, plus largement, de diplomatie d'influence, l'est au moins tout autant .
Outre le nombre de leurs publications, celle-ci peut être appréciée par le nombre de conférences , de colloques , de débats , de journées d'études ou d'expositions qu'organisent les IFRE ou auxquels ils participent .
Elle peut l'être également en mesurant l'audience de leurs sites internet , de leurs comptes sur les réseaux sociaux , par la présence médiatique de leurs membres dans les médias de leur pays d'accueil ou dans les médias français .
Le nombre et la qualité des partenariats noués avec les universités et organismes de recherche locaux est naturellement un indicateur incontournable .
Enfin, le directeur du Centre français des études éthiopiennes (CFEE) invite à s'intéresser « au recensement des projets dans lesquels des équipes françaises parviennent à se positionner comme partenaires privilégiés des autorités locales grâce à la confiance qu'elles ont gagné au fil de leur engagement scientifique de longue haleine dans le pays ».
Dans le cas de son centre, il cite de très nombreux exemples probants , tels que le recours par la Banque mondiale à des archéologues français et au CFEE pour servir d'experts dans la valorisation touristique du site de Lalibela , l'appel du Premier ministre au CFEE et à des historiens français pour le projet de valorisation et de numérisation des archives de la primature , etc.
L'ensemble de ces données sont réclamées à chacun des vingt-sept IFRE dans le cadre de la rédaction de leur rapport annuel d'activité , qui est examiné par le conseil scientifique de leur pôle régional .
Cet examen peut être l'occasion de comparer entre eux les niveaux d'activité des différents IFRE et de mettre en lumière certains dysfonctionnements .
Recommandation n° 6 : poursuivre les efforts menés depuis dix ans pour mesurer la performance des IFRE . |
SECONDE PARTIE : FAIRE DES INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE À L'ÉTRANGER UN OUTIL MIEUX IDENTIFIÉ ET PLUS EFFICACE DE LA DIPLOMATIE SCIENTIFIQUE FRANÇAISE
I. MIEUX INTÉGRER LES IFRE DANS LEUR ENVIRONNEMENT À L'ÉTRANGER
A. L'APPORT DES IFRE À LA PRISE DE DÉCISION PUBLIQUE DOIT DEVENIR PLUS TANGIBLE
1. Les IFRE paraissent plutôt bien insérés dans le dispositif diplomatique français présent dans leurs pays d'accueil
Dans leurs pays d'accueil, les IFRE font partie du dispositif diplomatique français , qui inclut notamment l'ambassade, les consulats, l'Institut français, ou bien encore, lorsqu'elle est présente, l'Agence française de développement (AFD). Ils peuvent également tisser des liens avec les lycées français ou les réseaux de l'Alliance française.
D'un point de vue hiérarchique, l'ambassadeur du poste est chargé de garantir l'indépendance scientifique de l'institut , dont le directeur est placé sous l'autorité du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) .
Le directeur de l'institut est censé être convié aux réunions du service de coopération et d'action culturelle (SCAC) , à celles des chefs de service de l'ambassade ainsi que, le cas échéant, à celles de la chancellerie diplomatique . Surtout, il a vocation à faire partie des personnes systématiquement présente (ou représentées) au conseil d'influence du poste dont il dépend.
Les réponses apportées par les directeurs des IFRE au questionnaire qu'il leur a fait parvenir ont donné le sentiment à votre rapporteur spécial que les interactions des directeurs et chercheurs des IFRE avec le reste du dispositif diplomatique français de leurs pays d'accueil , bien que perfectibles et étroitement liées aux relations interpersonnelles susceptibles d'être développées par les uns et les autres, étaient dans l'ensemble plutôt satisfaisante s.
Un directeur qualifie ainsi ses chercheurs « d'interlocuteurs naturels de la chancellerie diplomatique » tandis qu'un autre se félicite que « les bonnes relations au sein du « dispositif France » soient propices aux échanges formels et informels entre les diverses composantes de celui-ci , dans le respect des particularités de chacune ».
De fait, la bonne qualité de ces relations est essentielle pour permettre aux IFRE de remplir l'intégralité des missions qui sont les leurs .
Car s'ils ne sont pas des think tanks de l'ambassade, ne sont pas tenus de répondre à des « commandes » de l'ambassadeur et doivent pouvoir mener leurs travaux de recherche en bénéficiant d'une complète autonomie scientifique , il paraît clair que leur appartenance au réseau diplomatique français doit les conduire à être sensibles aux thématiques qui intéressent directement les responsables des postes .
Une empathie mutuelle, une bonne compréhension des contraintes et des attentes des uns et des autres, est donc indispensable pour que diplomates et chercheurs puissent mutuellement bénéficier de leur présence sur les mêmes terrains extérieurs , ce qui est l'une des vocations des IFRE.
La collaboration avec les Instituts français paraît également bonne et les échanges très denses .
Quasiment toutes les réponses des directeurs au questionnaire sont positives sur ce point et présentent des exemples de projets menés en commun : journées consacrées au cinquantenaire des accords migratoires franco-turcs organisées par l'Institut français d'études andines (IFEA) et l'Institut français de Turquie en avril 2015, tenue des conférences publiques intitulées « Les rendez-vous de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) » dans les locaux de l'Institut français du Liban, participation de l'Institut français de Pondichéry (IFP) à la préparation du festival « Bonjour India », etc.
Un problème relevé toutefois par certains directeurs : la trop grande proximité entre les dénominations « Institut français » et « Institut français de recherche à l'étranger » affecte la lisibilité du dispositif diplomatique français dans les pays où ces deux types d'établissements sont présents . Raison de plus pour réfléchir à une évolution du nom des IFRE, que propose infra votre rapporteur spécial.
Au total, les IFRE paraissent donc plutôt bien intégrés dans le réseau diplomatique français au niveau local .
Mais leur impact sur la prise de décision publique semble encore trop peu perceptible et doit être renforcé .
2. Les décideurs publics doivent davantage s'appuyer sur les résultats des recherches en sciences humaines et sociales menées par les IFRE
Ainsi qu'il a été rappelé supra , même s'ils ne sont pas des think tanks , les IFRE sont étroitement associés au travail des chancelleries diplomatiques et des services de coopération et d'action culturelle des ambassades de France , qu'ils doivent nourrir de leurs analyses .
Mais les IFRE entretiennent également un dialogue régulier avec leurs autorités de tutelle , c'est-à-dire avec la direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau (DCERR) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi qu'avec la direction de l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS.
Une grande partie de leurs publications sont ainsi transmises par le DCERR au Centre d'analyse et de prospective du ministère , dont la participation « à l'orientation des activités des instituts français de recherche à l'étranger et à leur valorisation » constitue l'une des missions.
Le Centre d'analyse et de prospective du
ministère de l'Europe
Créé en 1973, le centre d'analyse et de prospective du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, est chargé, en vertu du III de l'article 3 du décret n° 2012-1511 du 28 décembre 2012 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères de « préparer les décisions du ministre par l'analyse des évolutions à moyen et long terme des relations internationales et des questions qui les influencent, notamment religieuses, migratoires et démographiques. Il fait appel, le cas échéant, à des organismes publics ou privés et à des personnes choisies pour leurs compétences. Il participe à l'orientation des activités des instituts français de recherche à l'étranger et à leur valorisation ». |
Elles sont également transmises aux directions régionales du ministère , dont les responsables rencontrent par ailleurs régulièrement les directeurs et chercheurs des IFRE qui travaillent dans les pays qu'ils suivent .
Malgré l'existence de ces circuits administratifs visant à diffuser les résultats des travaux de recherche menés par les IFRE, votre rapporteur spécial a le sentiment , à la lecture des réponses apportées par les directeurs des instituts à son questionnaire, qu'il serait possible d'associer encore davantage les IFRE à la prise de décision publique , eux qui travaillent sur des thématiques d'une brûlante actualité pour les pouvoirs publics , tels que les migrations, les radicalisations, la préservation du patrimoine en danger ou bien encore l'urbanisme.
Dans cette perspective, il serait souhaitable que les tutelles des IFRE et leurs directeurs reprennent pleinement à leur compte les conclusions du rapport de l'Alliance nationale des sciences humaines et sociales (Athéna) relatif aux Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s'en protègent remis au secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche en mars 2016 19 ( * ) .
Dans ce rapport, les membres de l'Alliance Athéna faisaient le constat que la recherche en sciences humaines et sociales , pourtant très riche en France, était trop mal connue des décideurs publics , qui demeuraient parfois prisonniers de schémas intellectuels anciens , voire périmés , susceptibles de nuire à la qualité de leurs réponses aux grands défis du monde contemporain : « [les attentats survenus sur le sol français en 2015] ont mis en évidence les difficultés que rencontrent les décideurs publics à utiliser au mieux , et dans l'intérêt de la nation qui les a financés , les résultats , massifs et variés , de la recherche publique .
« Ces difficultés les amènent parfois à se reposer, soit sur une expertise interne à l'appareil d'État, qui est souvent limitée, soit sur des acteurs privés, agissant dans le cadre d'associations, de fondations ou de think tanks , qui ont acquis un statut d'expert dont la base scientifique est très variable et dont l'indépendance n'est pas toujours garantie ».
Et de conclure : « il est à présent indispensable de lancer une réflexion sur ce paradoxe français qu'est la quasi ignorance mutuelle de deux mondes , celui des chercheurs en sciences humaines et sociales , et celui des politiques ».
Pour remédier à ce problème, les auteurs du rapport proposent de développer une interface opérationnelle qui puisse jouer un rôle d'intermédiaire (« broker ») entre chercheurs et décideurs politiques , en s'inspirant par exemple du rôle joué par la Leopoldina , en Allemagne, qui transforme les idées des chercheurs en propositions d'action, selon la logique « from ideas to statements » 20 ( * ) .
Les chercheurs des IFRE bénéficient d'une situation exceptionnelle par rapport aux autres chercheurs en sciences humaines et sociales dans la mesure où ils sont rattachés à des structures qui dépendent du ministère de l'Europe et des affaires étrangères .
Ils doivent donc se trouver à l'avant-garde de cette nouvelle relation entre chercheurs en science humaines et sociales et décideurs politiques qui reste à construire en France.
À l'échelon local, les services des ambassades se doivent d'avoir systématiquement recours aux analyses des chercheurs des IFRE pour améliorer leur compréhension des grandes problématiques de leurs pays de résidence .
À l'échelon central, le Centre d'analyse et de prospective doit jouer un rôle de « broker » entre chercheurs des IFRE et les directions régionales , mais également à l'intention du cabinet du ministre , afin que l'immense potentiel de savoirs et de connaissance développé par la recherche ne demeure pas trop souvent sous-exploité .
Recommandation n° 7 : renforcer l'apport des IFRE à la prise de décision publique . |
3. Faire véritablement travailler les IFRE en réseau
Un enjeu crucial pour chacun des vingt-sept IFRE ainsi que pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS, est de faire en sorte que les IFRE forment un véritable réseau et non une simple juxtaposition d'établissements uniquement régis par un accord de partenariat entre leurs tutelles.
Or, votre rapporteur spécial a eu le sentiment, à la lecture des réponses que lui ont fait parvenir les directeurs des IFRE aux questions qu'il leur avait posé sur ce point, que beaucoup d'IFRE demeuraient trop isolés et ne bénéficiaient pas assez des multiples opportunités susceptibles d'être offertes par un véritable travail en commun , nourri par des collaborations multiples et fécondes, un directeur évoquant même « un réseau d'IFRE qui n'a de réseau que le nom ».
Naturellement, un certain nombre de travaux communs menés entre différents IFRE existent d'ores et déjà.
La publication depuis trois ans des Cahiers des IFRE en est le signe le plus visible (voir infra ) et pourrait inspirer la naissance d'autres publications communes limitées à des aires géographiques, par exemple un Cahier des IFRE d'Afrique.
Il arrive également que des évènements scientifiques soient organisés en commun .
Le Centre Marc-Bloch de Berlin a ainsi accueilli en janvier 2017 une journée d'études consacrée aux « radicalisations » à laquelle ont participé certains de ses chercheurs, mais également des chercheurs issus de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) , de l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) ou bien encore de l'Institut français de recherche en Afrique (IFRA) du Nigéria .
Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui a appuyé l'organisation de cet évènement particulièrement éclairant dans le contexte sécuritaire actuel, « la journée a permis de mettre en commun les travaux menés par des IFRE implantés dans des contextes différents et adoptant des approches différenciées ».
Une candidature commune à un appel à projet européen (ERC) ou de l'Agence nationale de la recherche (ANR) peut également s'avérer une excellente occasion pour des IFRE d'unir leurs forces .
Trois IFRE d'Afrique ont ainsi présenté et remporté ensemble en 2015 un projet ANR GLOBAFRICA financé à hauteur de 400 000 euros sur trois ans : ce projet multidisciplinaire consiste à repenser l'intégration de l'Afrique avec le reste du monde sur le temps long , afin d'aboutir à une vision plus équilibrée des relations qu'entretenait l'Afrique avec les autres continents avant la traite du XVIII e siècle et le colonialisme du XIX e siècle.
En 2011-2013, le projet ANR Fabricamig (fabrique des migrations) avait conduit le Centre d'études mexicaines et centraméricaines (CEMCA) à travailler conjointement avec l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) sur une étude comparée des migrations en Amérique centrale et sur la rive sud de la Méditerranée .
De telles initiatives sont excellentes et doivent absolument être encouragées par les tutelles des IFRE afin qu'elles puissent se multiplier et ne pas demeurer exceptionnelles . Les réunions régionales des conseillers de coopération et d'action culturelle (CCAC) peuvent être des lieux très utiles de coordination des travaux et projets des IFRE , mais ne sauraient être les seuls lieux d'animation du réseau.
C'est à tous les niveaux administratifs que la mise en réseau des IFRE doit être stimulée : les tutelles doivent régulièrement organiser à Paris des réunions des directeurs , ceux-ci devraient voir figurer dans leurs lettres de mission parmi leurs objectifs celui de développer des partenariats avec d'autres IFRE , a minima au niveau régional, mais également dans une perspective plus large, dans la mesure où de nombreuses problématiques , du réchauffement climatique aux migrations en passant par le terrorisme islamiste concernent tous les continents .
Recommandation n° 8 : pour leur permettre d'aborder de concert des problématiques communes et de partager de bonnes pratiques, inciter davantage les IFRE à travailler en réseau , à l'échelle régionale comme mondiale. |
B. LE RENFORCEMENT DES LIENS ENTRE LES IFRE ET LES ÉTABLISSEMENTS DE RECHERCHE DE LEURS PAYS D'ACCUEIL EST AU CoeUR DE LEUR AVENIR
1. Multiplier les partenariats les plus intégrés possibles avec les institutions étrangères
Chaque Institut français de recherche à l'étranger (IFRE) a vocation à s'intégrer , voire à se fondre de la façon la plus efficace possible dans l'environnement universitaire et scientifique de son pays d'accueil .
Dans cette perspective, le développement de partenariats très étroits avec les établissements de leurs pays d'accueil fait pleinement partie des objectifs assignés aux directeurs des IFRE dans leurs lettres de mission.
Ces partenariats peuvent être limités dans le temps et correspondre à un objet précis .
Ainsi le Centre d'études et de documentations économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) du Caire a conclu un accord technique avec la Bibliothèque d'Alexandrie pour numériser ses archives , soit un million de coupures de presse collectées entre 1970 et 2010. Ce projet a permis la création d'un portail en ligne qui met désormais à la disposition du public un fonds documentaire exceptionnel .
Autre exemple, sur le plan scientifique cette fois, des chercheurs de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) ont participé à des projets en sciences humaines et sociales financées par le programme de recherche CEDRE , mis en place par un accord de coopération franco-libanais qui date de 1997.
Mais ces partenariats peuvent, et selon votre rapporteur spécial, doivent, être encore plus ambitieux et avoir vocation à devenir permanents .
Au cours des dernières années plusieurs instituts ont ainsi noué des relations extrêmement fortes avec des institutions de leurs pays d'accueils , au point parfois d'être hébergés dans leurs murs .
Si le cas du Centre Marc-Bloch apparaît comme un aboutissement possible de cette dynamique que votre rapporteur spécial appelle de ses voeux (voir infra ), il n'est pas le seul IFRE à avoir su mettre en place des relations de travail très privilégiées avec des partenaires étrangers .
Grâce à une convention signée le 21 novembre 2014 entre l'Ambassade de France en République Tchèque, le CNRS, l'Université Charles de Prague et l'Académie des sciences de la République Tchèque, le Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) de Prague est désormais uni avec ces deux partenaires tchèques au sein d'une plateforme franco-tchèque en sciences humaines et sociales baptisée « Plateforme CEFRES » . Depuis décembre 2015, le CEFRES est d'ailleurs installé dans les bâtiments de l'Académie des sciences .
La Maison française d'Oxford constitue un autre exemple d'intégration très réussie d'un IFRE dans un environnement universitaire et scientifique local , puisque celle-ci est hébergée par l'Université d'Oxford , à laquelle elle est étroitement associée.
La Maison franco-japonaise de Tokyo constitue un cas encore plus spécifique, puisque elle possède depuis 1924 parmi ses statuts juridiques celui de fondation privée reconnue d'utilité publique de droit japonais et qu'elle héberge vingt-sept sociétés savantes franco-japonaises .
Dans les trois cas, les partenariats portent sur la mise en place de projets de recherche scientifique communs , sur la formation des jeunes chercheurs locaux , sur l'organisation de colloques ou bien encore de séminaires d'enseignement .
Si les formes que revêtent ces partenariats sont variables, tous présentent les mêmes avantages pour les IFRE : une meilleure insertion sur le terrain , une plus grande influence , davantage de moyens .
Leur développement doit donc être une priorité tant pour leurs directeurs que pour leurs tutelles .
Recommandation n° 9 : développer davantage les partenariats entre les IFRE et les acteurs scientifiques et universitaires locaux . |
2. Encourager la mise en place d'établissements multinationaux sur le modèle du Centre Marc-Bloch de Berlin
Le Centre Marc-Bloch (CMB) de Berlin , que votre rapporteur spécial a visité, apparaît à bien des égards comme hors norme au sein du réseau des IFRE , tant par sa taille que par son statut juridique.
Bénéficiant pleinement du caractère unique de la relation franco-allemande qu'il contribue à nourrir en retour, il pourrait représenter le modèle à atteindre pour les autres IFRE , pour peu que le contexte géopolitique dans lequel chacun d'entre eux évolue s'y prête.
Le CMB a été fondé en 1992 , dans le contexte de la réunification allemande , sur décision du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, suite à un avis favorable rendu lors du sommet franco-allemande d'octobre 1990.
Il disposait à l'origine du seul statut administratif d'établissement à autonomie financière (voir supra ). À compter de 1997, il a également accueilli une structure opérationnelle de recherche du CNRS, qui est ensuite devenue une unité de service et de recherche .
Depuis 2007, il est, à l'instar de tous les autres IFRE, régi par les dispositions des deux conventions conclues entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS pour la gestion de ces instituts et son directeur est à la fois le directeur de l'établissement à autonomie financière (EAF) et celui de l'unité de service et de recherche (USR), double poste auquel il est nommé par chacune des deux tutelles pour la partie qui la concerne.
Le Centre Marc-Bloch s'est très vite fondu dans l'environnement universitaire et scientifique berlinois et le ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche (BMBF) a contribué dès 2001 à son financement : sa participation annuelle était de 455 000 euros en 2013 .
Enfin, en mars 2011, le CMB a signé une convention de coopération , renouvelée en 2016, avec l'Université Humboldt de Berlin qui lui confère le prestigieux statut d'« An-Institut » auprès de cette université , gage d'un partenariat très étroit . Un professeur de l'université Humboldt, nommé directeur de l'« An-Institut », est chargé d'animer la coopération entre l'université et le CMB .
Mais la véritable transformation du CMB , qui est encore loin d'avoir révélé toutes ses potentialités, s'est produite en 2015 lorsque le centre est devenu une institution binationale .
Suite aux recommandations de l'AERES 21 ( * ) et de son homologue allemand, le Wissenschaftsrat , qui avaient tous deux procédé à une évaluation du centre en 2012, ses tutelles ont décidé de le doter d'un troisième statut juridique , celui de gemeinütziger Verein , c'est-à-dire d'association reconnue d'utilité publique de droit allemand . La signature des statuts de ce Verein très symbolique s'est produite au cours du Conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu à Berlin le 31 mars 2015.
Alors qu'il apparaissait jusqu'ici comme trop franco-français, cette transformation a permis de pérenniser le Centre , de garantir son avenir et de consolider sa dimension internationale grâce à une hausse de la participation financière des institutions allemandes , à un plus grand degré d'investissement du BMBF dans son fonctionnement et à un renforcement des effectifs de chercheurs et doctorants allemand , conformément aux orientations qui avaient été formulées par le Wissenschaftsrat .
Le contexte franco-allemand était par nature le plus propice à la création de ce type d'institut de recherche sui generis que constitue désormais le Centre Marc-Bloch et une telle évolution serait impensable dans de très nombreux pays d'implantation des IFRE.
Pour autant, votre rapporteur spécial plaide pour que le modèle du Centre Marc-Bloch devienne un objectif pour chacun des IFRE susceptible de devenir une institution partagée avec le pays d'accueil , pour peu naturellement que celui-ci contribue financièrement à son fonctionnement et garantisse une entière liberté et une absence totale de contrôle politique sur les recherche qui y seront menées .
Recommandation n° 10 : favoriser la création d'instituts français de recherche binationaux sur le modèle du Centre Marc-Bloch de Berlin. |
3. Développer les partenariats avec les réseaux d'autres pays, en particulier avec la fondation allemande Max Weber
Ainsi que votre rapporteur spécial l'a exposé supra , l'Allemagne est le seul pays qui possède des réseaux d'établissements de recherche en sciences humaines et sociales qui se rapprochent du réseau des IFRE , en particulier avec les instituts allemands en sciences humaines à l'étranger de la fondation Max Weber .
Dès lors, dans un souci de plus grande efficacité , de mutualisation et pour améliorer la force d'influence des réseaux de nos deux pays , il semblerait pertinent d'envisager de développer entre eux des partenariats très étroits , voire, à moyen terme, de créer des établissements franco-allemands de recherche , qui pourraient préfigurer des établissements européens de recherche en sciences humaines et sociales , à partir des instituts français et allemands qui sont présents dans les mêmes villes, comme Moscou, Beyrouth, Istanbul ou Tokyo.
Recommandation n° 11 : favoriser les partenariats avec la fondation Max Weber , dans une perspective franco-allemande et, à plus long terme, européenne. |
II. FAIRE MIEUX CONNAÎTRE LES IFRE, EN FRANCE COMME DANS LEURS PAYS D'ACCUEIL
A. LA COMMUNICATION DES IFRE, BIEN QU'ELLE AIT PROGRESSÉ DANS LES ANNÉES RÉCENTES, NE LEUR CONFÈRE PAS ENCORE UNE VISIBILITÉ SUFFISANTE
Jusqu'à une date relativement récente, les instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) n'étaient pas assez valorisés par leurs tutelles et souffraient d'un cruel déficit de notoriété .
Si une prise de conscience semble s'être opérée ces dernières années, le réseau demeure encore trop méconnu et devrait faire l'objet de mesures vigoureuses destinées à améliorer sa visibilité , en France comme à l'étranger.
1. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en partenariat avec la fondation Maison des sciences de l'homme, a consenti des efforts notables ces dernières années pour accroître la visibilité des IFRE et la valorisation de leurs recherches
Afin de donner aux IFRE une plus grande visibilité , le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a chargé depuis 2004 la fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH) d'assurer la communication institutionnelle du réseau , financée par une dotation de 25 000 euros du ministère .
La fondation Maison des sciences de l'homme La fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH) est une fondation reconnue d'utilité publique qui a été créée en 1963 par Fernand Braudel pour contribuer au rayonnement international des sciences humaines et sociales françaises. Dans cette perspective, elle propose de nombreux services à une large communauté internationale de chercheurs : diffusion de leur production scientifique, accès à des dispositifs de mobilité, accueil de collègues étrangers à la Maison Suger au coeur du Quartier Latin, accès à une bibliothèque de référence en sciences humaines et sociales, etc. La FMSH participe également à de grands programmes internationaux tels que le Collège d'études mondiales. Depuis 2015, elle appartient à la communauté d'universités et établissements (COMUE) Université Sorbonne Paris Cité. Source : site internet de la Fondation Maison des sciences de l'homme |
Cette communication passe d'abord par le site internet www.ifre.fr , entièrement refondu en juin 2015 , dont la FMSH assure l'entretien et mesure la fréquentation . Selon les chiffres fournis par la fondation, celle-ci a augmenté de 10 % entre 2015 et 2016 , passant de 40 000 à 45 000 visiteurs annuels . Sur la même période, le nombre d'ouverture de sessions a augmenté de 12 % et celui de pages vues de 20 % .
Au total, le site compte quelque 30 000 pages , nombre qui augmente automatiquement à chaque publication ou dépôt de nouveaux documents par les IFRE.
La FMSH utilise également les réseaux sociaux pour assurer la promotion des IFRE . La page Facebook du réseau compte ainsi 5 400 abonnées et 5 500 mentions « j'aime » . Le compte Twitter , pour sa part, sert depuis septembre 2016 à diffuser les publications des instituts dans le but de les faire connaître à d'autres milieux que ceux de la recherche : journalistes, grand public, etc.
Enfin, la FMSH publie depuis début 2015 « Les Cahiers des IFRE », recueils d'articles de chercheurs des IFRE consacrés à une problématique contemporaine . À ce jour, trois numéros ont été publiés : « Urbanisme et dérèglement climatique » en février 2015, « L'Afrique dans la globalisation » en décembre 2015 et « Migrations, reconfigurations » en décembre 2016.
Parallèlement, la direction de la communication et de la presse du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui est chargée de mettre à jour le site www.diplomatie.gouv.fr, a enfin mis en place une page de présentation du réseau des IFRE ainsi qu'un renvoi vers le site www.ifre.fr , afin d'assurer une meilleure valorisation de ce sous-ensemble peu connu du réseau diplomatique français .
Le CNRS, de son côté, joue au quotidien un rôle relativement modeste dans la valorisation des IFRE, même s'il veille à faire figurer leurs activités en interne dans le Journal du CNRS .
Si la refonte du site Internet des IFRE et la mise en place d'un accès dédié sur le site du ministère de l'Europe et des affaires étrangères constituent des progrès tangibles , la communication du réseau des IFRE au niveau global demeure perfectible. Une hausse du rythme de parution des « Cahiers des IFRE » serait par exemple une initiative louable .
Mais comme l'ont souligné plusieurs directeurs dans leurs réponses au questionnaire que votre rapporteur spécial leur avait fait parvenir, le nom « Institut français de recherche à l'étranger » est sans doute en lui-même beaucoup trop administratif pour véritablement valoriser ce réseau et représente un fardeau en termes de communication . S'ajoute en outre le problème de sa trop grande proximité avec celui des Instituts français .
Dès lors, il pourrait être souhaitable de le faire connaître sous un label plus porteur , tel que par exemple le réseau des « Instituts Fernand Braudel » ou des « Instituts Michel Foucault », pour reprendre les noms de deux grands intellectuels qui ont contribué au rayonnement mondial des sciences humaines et sociales françaises au cours de la seconde moitié du XX e siècle. Un nom plus neutre pourrait également être imaginé .
Recommandation n° 12 : rebaptiser le réseau des IFRE pour lui donner une visibilité accrue. |
2. La communication de chaque IFRE doit se professionnaliser et répondre à un cahier des charges précis
Tant les réponses au questionnaire que les visites qu'il a pu effectuer sur leurs sites Internet ont laissé à penser à votre rapporteur spécial que la communication individuelle des IFRE n'était pas actuellement à la hauteur de la qualité de leur travail scientifique et du dynamisme de leur programmation en termes de colloques, débats, séminaires, etc.
Il lui paraît donc indispensable que cette communication fasse l'objet d'un cahier des charges précis des tutelles mentionnant ce que doivent contenir leurs sites internet et rendant obligatoire une présence effective sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter .
En outre, il est indispensable que les directeurs des IFRE s'approprient les comptes Facebook et Twitter du réseau pour publier leurs offres d'emplois, appels à contribution et annonces évènementielles, dans la mesure où ces comptes sont susceptibles de leur offrir un niveau d'exposition très supérieur à celui qu'ils sont susceptibles d'atteindre par leur propre moyens.
Ceci étant dit, le problème du manque de personnels administratifs dont pâtissent les IFRE ne doit pas être minimisé. Dès lors, pourquoi ne pas procéder à une mutualisation complète de tous leurs moyens de communication ?
Une solution consistant à ce que la cellule de valorisation des IFRE de la FMSH soit étoffée pour pouvoir être en mesure de gérer tous les sites et comptes sur les réseaux sociaux des vingt-sept IFRE devrait être sérieusement étudiée .
Recommandation n° 13 : rédiger un cahier des charges relatif à la communication des instituts français de recherche à l'étranger et étudier la mise en place d'une gestion mutualisée de celle-ci. |
3. La diffusion des travaux des IFRE doit réussir le défi de s'adresser à la fois à la communauté scientifique mais également à un plus large public
La diffusion des travaux des IFRE s'effectue dans les cercles scientifiques par des publications dans des revues , de préférence des revues à comité de lectures .
Mais plusieurs IFRE possèdent également des supports de publication qui leur sont propres , que ceux-ci soient des revues papiers ou soient rendus publics en format numérique .
L'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC) de Bangkok édite ainsi de nombreuses monographies , évaluées par des comités de lecture, et publiées en partenariat avec des éditeurs reconnus. Parallèlement, il publie sur son site des Carnets et Notes de l'IRASEC destinées au public intéressé par les analyses de ses chercheurs sur cette région du monde en pleine mutation .
Le Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC), pour sa part, publie une revue interdisciplinaire trimestrielle intitulée Perspectives chinoises , adossée à un comité de lecture, qui traite de sujets politiques, économiques, sociaux et culturels sur la Chine contemporaine. Cette revue, qui vise à mettre l'actualité en perspective grâce à l'expertise des chercheurs du centre , est également éditée en anglais, afin d'assurer une plus large diffusion.
L'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) d'Istanbul publie sur son site internet les Dossiers de l'IFEA , qui visent à analyser une question d'actualité ainsi que des Dipnots (notes de bas de page en turc), notes et réflexions destinées à approfondir des sujets relatifs à la Turquie et au Caucase .
Autre exemple, les Presses de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) assurent la publication d'une quinzaine de titres tous les ans (auxquels il faut ajouter les coéditions), susceptibles de porter sur l'ensemble du champ des sciences humaines et sociales, qui viennent enrichir les quelques 600 titres publiés depuis 1922 par les institutions françaises de recherche au Proche-Orient dont il est l'héritier.
Enfin, les conférences organisées par les IFRE peuvent être l'occasion de valoriser leurs travaux . En juin 2016 a ainsi eu lieu au Centre d'études franco-russe (CFER) de Moscou la présentation du livre de deux anciens du réseau des IFRE, Marlène Laruelle (post-doctorante à l'IFEAC de Tachkent en Ouzbékistan) et Jean Radvanyi (ancien directeur du CFER), La Russie : entre peurs et défis .
Toutes les démarches de valorisation des travaux des chercheurs des IFRE citées supra doivent être soutenues et les tutelles devraient veiller à ce que tous les IFRE développement des supports analogues , ce qui est presque toujours, mais pas systématiquement, le cas.
4. Digitaliser les fonds documentaire et les publications
Outre leurs sites internet, les IFRE utilisent de plus en plus les plateformes en « open edition » comme OpenEdition Freemium , un programme pour le développement de l'édition scientifique en libre accès dans le domaine des sciences humaines et sociales (revues, livres, carnets de recherche, annonces scientifiques).
C'est là l'un des aspects de ce que l'on appelle les « humanités numériques » , domaine dans lequel l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) s'est particulièrement investi, au point de créer en 2017 un poste de « responsable des humanités numériques » , après avoir déjà créé en 2008 un poste de « responsable médiateur des ressources électroniques ».
Dans le numéro n° 86 de la revue « Arabesques » 22 ( * ) , le premier titulaire du poste, Jean-Christophe Peyssard, résume les enjeux et les opportunités de ce défi que doivent relever les chercheurs en sciences humaines et sociales , et en particulier ceux des IFRE : « depuis 2008, l'IFPO a mis en place un dispositif cohérent de communication scientifique numérique , a amorcé la numérisation des fonds , a fait entrer les publications dans l'ère de l'édition électronique et a formé ses membres aux enjeux et pratiques des outils numériques connectés pour les sciences humaines et sociales ».
S'il est bien conscient que tous les IFRE ne disposent pas des mêmes moyens que l'IFPO, votre rapporteur spécial ne peut que saluer la démarche ambitieuse de cet institut et inviter les autres IFRE , dans la mesure du possible, à suivre son exemple .
B. LES IFRE DOIVENT JOUER UN RÔLE PLUS IMPORTANT DANS LA FORMATION DES CHERCHEURS EN SCIENCE SOCIALES
1. Mieux faire connaître les IFRE dans les universités et organismes de recherche
À l'heure actuelle, les instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) apparaissent comme trop isolés au sein du monde de la recherche française .
Naturellement, le fait que le CNRS soit devenu co-gestionnaire du réseau et ait implanté dans chaque IFRE une unité de service et de recherche a constitué un progrès considérable .
En outre, les membres des conseils scientifiques des IFRE participent souvent à l'élaboration de leurs projets de recherche et mettent au service de leurs chercheurs leurs réseaux et leur expertise , voire répondent avec eux à des appels à projets , que ce soient ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou du Conseil européen de la recherche (ERC).
Mais les IFRE demeurent trop peu connus des communautés universitaires et de recherche .
Des partenariats ponctuels existent , en particulier avec les établissements dont sont issus les directeurs des IFRE. Mais ceux-ci sont fragiles et généralement abandonnés avec l'arrivée d'un nouveau directeur .
De fait, très rares sont les IFRE qui ont mis en place de véritables partenariats , dans la durée , avec des universités , des communautés d'universités et établissements (COMUE) ou des organismes de recherche français .
Les deux seuls exemples à ce jour semblent être :
- le partenariat qui est en train de se mettre en place entre l'Université d'Aix-Marseille et le Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ) et l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) de Tunis ;
- le partenariat entre l'université Paris-Diderot et le Centre d'études mexicaines et centraméricaines (CEMCA) de Mexico .
Le fait qu'un réseau de vingt-sept instituts de recherche ne dispose que de deux accords de partenariat avec des institutions de recherche français est très décevant : le développement de ce type de partenariats , sources d'échanges scientifiques, de mouvements de chercheurs et d'apports de financements complémentaires, doit devenir une priorité pour les directeurs des IFRE et pour leurs tutelles .
Recommandation n° 14 : afin de mieux ancrer les IFRE dans le paysage de la recherche française, développer des accords de partenariat pérennes entre les IFRE et des universités ou organismes de recherche français . |
De façon générale, le réseau des IFRE est trop peu connu et identifié par la communauté des chercheurs , à l'exception de ceux qui sont véritablement spécialisés dans les études aréales, en particulier au sein de l'Institut des sciences humaines et sociales (Inshs) du CNRS.
Il est donc essentiel que tant le ministère de l'Europe et des affaires étrangères que le CNRS veillent à mieux les valoriser auprès de l'ensemble des établissements de recherche français , en insistant sur le fait qu'ils peuvent offrir à leurs étudiants comme à leurs chercheurs un accès au terrain et un encadrement de très grande qualité .
Recommandation n° 15 : mieux faire connaître les IFRE dans les universités et organismes de recherche en France , pour en faire bénéficier un maximum de chercheurs et d'étudiants en sciences humaines et sociales. |
2. Les IFRE doivent devenir un lieu de recherche et de formation par la recherche incontournable pour tous les chercheurs français qui doivent mener des travaux de terrain à l'international
C'est en visitant des IFRE, en allant à la rencontre de leurs équipes, que votre rapporteur spécial a pleinement pris conscience des ressources que ceux-ci pouvaient apporter à nos chercheurs en sciences humaines et sociales .
De fait, nombre d'entre eux, pour peu que leur travail porte sur un sujet qui concerne en tout ou partie des pays étrangers, ont besoin de se rendre sur le terrain pour confronter leurs hypothèses à des réalités complexes souvent difficiles à saisir depuis la France.
Dans cette perspective, les IFRE leur offrent une plateforme incomparable et une ouverture sur le monde particulièrement précieuse dans leurs disciplines que sont l'archéologie, l'histoire, les relations internationales, la sociologie ou bien encore l'anthropologie.
Au sein des équipes souvent resserrées des IFRE se nouent des liens intellectuels qui perdurent par la suite et peuvent se matérialiser par le titre de « chercheur associé », qui permet aux chercheurs qui ont séjourné dans un IFRE de garder des relations étroites avec celui-ci et d'en nouer de nouvelles avec les chercheurs qui lui ont succédé .
Du reste, ces chercheurs associés sont appelés à réaliser de nouveaux séjours dans leur IFRE de rattachement , voire dans d'autres IFRE , tant la recherche est faite d'incessants allers retours entre le terrain et le travail intellectuel de rédaction d'études , d'articles et d'ouvrages savants .
De même, un ou plusieurs séjours dans les IFRE constituent un temps de formation par la recherche très marquant pour les doctorants et post-doctorants qui parviennent à en bénéficier . Ils peuvent en profiter pour nouer des liens précieux avec des chercheurs plus chevronnés , liens qu'ils pourront d'autant plus consolider que leurs IFRE d'accueil auront mis en place des réseaux d'anciens pensionnaires (« alumni »).
Votre rapporteur spécial a d'ailleurs été très sensible à l'importance qu'accordaient les directeurs qui lui ont répondu à cette mission essentielle qu'est la formation à la recherche des futures générations de chercheurs .
D'où l'importance de veiller à ce que les différents systèmes de bourses destinés à financer leur accueil dans les IFRE demeurent suffisamment significatifs pour que puisse se poursuivre ce processus de transmission indispensable .
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 juillet 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Richard Yung, rapporteur spécial, sur les Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE).
M. Richard Yung , rapporteur spécial . - En rapportant les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », Éric Doligé et moi avons découvert que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères possédait des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE), qui se consacrent à la recherche en sciences humaines et sociales, placés également depuis 2007 sous la tutelle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Cela nous a paru étonnant et j'ai souhaité en savoir davantage sur ces instituts, que j'avais pour certains d'entre eux déjà eu l'occasion de visiter, en particulier la Maison franco-japonaise de Tokyo, le Centre d'études français sur la Chine contemporaine de Hong Kong ou bien encore l'Institut français de Pondichéry.
Pour mener à bien ce contrôle budgétaire, j'ai entendu les tutelles des IFRE à Paris et j'ai envoyé à chacun de leurs directeurs un questionnaire commun, auquel une bonne partie d'entre eux ont répondu, souvent de façon très complète. J'ai également souhaité aller à la rencontre de leurs équipes en visitant le Centre Marc-Bloch de Berlin et le Centre de recherche français de Jérusalem.
À la suite de ces différents échanges, j'ai acquis la conviction que les IFRE sont des outils utiles de la diplomatie d'influence française, mais qu'il est indispensable de mieux les valoriser pour qu'ils puissent pleinement jouer leur rôle au service de notre pays.
Le réseau des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) compte actuellement vingt-sept établissements et huit antennes, répartis dans trente-quatre pays, sur tous les continents. Aucune autre grande puissance scientifique ne possède un réseau de cette nature, même si l'Allemagne développe actuellement des structures qui se rapprochent des IFRE.
Les IFRE sont particulièrement nombreux sur le pourtour de la Méditerranée et au Moyen-Orient, mais on en trouve également dans les autres régions du monde.
Ce réseau est pour l'essentiel un héritage de l'histoire diplomatique et scientifique de la France. Il n'a pas été conçu avec une vision d'ensemble mais résulte de la création très progressive, tout au long du XX e siècle, d'établissements de recherche français à l'étranger.
Certains d'entre eux, souvent les plus anciens, tels que l'Institut français de recherche en Iran (IFRA), la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) ou l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) ont été créés dans le cadre des missions archéologiques orientales.
Par la suite, plusieurs IFRE ont été créés au moment des indépendances - je pense à l'Institut français de Pondichéry ou bien encore à la Section française des antiquités du Soudan (SFAS), pour développer une coopération scientifique de haut niveau avec les nouveaux États.
Enfin, l'ouverture de plusieurs centres a accompagné les grandes mutations géopolitiques contemporaines.
La création du Centre Marc-Bloch de Berlin (CMB), de l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (IFEAC) ou du Centre d'études franco-russe (CEFR) ont visé notamment à mieux connaître les ex-pays du bloc de l'Est et à développer une coopération scientifique étroite avec eux, dans le contexte de la chute du mur de Berlin et de la disparition de l'URSS.
En 2016, l'ensemble du réseau des Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) ne rassemblait que 144 chercheurs et 349 doctorants ou post-doctorants. La plupart des IFRE possèdent donc une taille modeste, voire très modeste.
Le Centre d'études mexicaines et centraméricaines (CEMCA) ne rassemble ainsi que six chercheurs statutaires, une quinzaine de chercheurs associés (non présents sur place), quatre doctorants et onze agents administratifs de droit local.
À l'inverse, quelques centres, minoritaires, se distinguent par une taille plus importante.
Le Centre Marc-Bloch de Berlin, rassemble ainsi vingt chercheurs statutaires, trois chercheurs affiliés, cinquante-sept chercheurs associés, sept doctorants financés par le CMB et cinquante-trois doctorants rattachés (non financés par le CMB).
Les IFRE mènent des travaux de recherche dont les objets varient beaucoup d'un centre à l'autre, mais de grandes tendances se dégagent.
Comme je vous l'ai dit, beaucoup d'entre eux sont issus d'anciennes missions archéologiques, ce qui explique que l'archéologie continue à occuper une place essentielle dans les programmes de recherche de onze d'entre eux et soit même l'objet d'étude exclusif de deux IFRE.
Tous les autres se consacrent aux sciences humaines et sociales : histoire, ancienne comme contemporaine, relations internationales, anthropologie, sociologie, démographie, sciences politiques, etc. La présence au sein des IFRE de chercheurs issus de ces multiples domaines fait d'ailleurs de l'interdisciplinarité en matière de recherche une des caractéristiques essentielles de ce réseau.
L'Institut français de Pondichéry, dispose enfin, cas unique, d'un département de sciences « dures » consacré aux questions d'écologie et de gestion de l'eau.
Durant la préparation de ce rapport, j'ai été frappé par la coexistence du réseau des IFRE et de celui des six Écoles françaises à l'étranger - École française de Rome, École française d'Athènes, etc. - placées sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, spécialisées elles aussi en sciences humaines et sociales et en archéologie. Le fait que ces deux réseaux demeurent distincts alors qu'ils ont tant en commun me semble poser un problème de cohérence. C'est pourquoi je plaide pour qu'une réflexion interministérielle soit menée afin d'évaluer la pertinence d'une inclusion dans le réseau des IFRE de ces six Écoles.
Les missions des IFRE leur confèrent un statut très particulier au sein du réseau diplomatique français, puisqu'ils doivent mener des travaux de recherche en sciences humaines et sociales et former des doctorants et post-doctorants à la recherche par la recherche, ce qui est peu courant au sein des organismes chapeautés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis 2007, le CNRS assure leur cotutelle, en vertu d'une convention-cadre signée avec le ministère en 2012 et qui fera l'objet d'un renouvellement cette année. D'après tous les témoignages que j'ai pu recueillir, cette implication du CNRS dans le réseau des IFRE depuis dix ans est unanimement saluée.
Mais ce qui fait toute l'originalité des IFRE par rapport aux autres unités de recherche du CNRS est précisément leur participation à la diplomatie d'influence de la France, c'est-à-dire à la promotion de notre pays et à la défense de ses intérêts économiques, linguistiques et culturels.
Les IFRE sont en effet un acteur central de la diplomatie scientifique de la France, dont la feuille de route a été dressée par un rapport du Quai d'Orsay de juin 2013, et qui vise à utiliser la coopération scientifique pour aider à établir des liens et renforcer les relations entre les sociétés de deux pays, plus particulièrement leurs communautés scientifiques et leurs élites.
Si la place des IFRE dans leur pays d'accueil varie suivant leur taille et le contexte local, j'ai pu constater qu'ils étaient tous bien implantés et participaient activement au rayonnement scientifique de la France, même si, comme je vous l'expliquerai dans quelques instants, leur potentiel demeure sous-exploité.
Le statut administratif des IFRE est un peu complexe, puisqu'ils abritent à la fois un établissement à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et une unité de service et de recherche (USR) du CNRS. Ce double statut implique des lourdeurs en termes de gestion administrative (double budget, double comptabilité) mais, bon an mal an, les équipes des IFRE semblent s'en accommoder, dans la mesure où la dualité des règles qui les régissent leur permet de faire face avec une certaine souplesse à toutes les situations qui se présentent à elles.
Même si j'ai été frappé par la débauche d'énergie administrative que nécessite la gestion des IFRE, pour des sommes parfois dérisoires, l'urgence ne me semble pas être à la création d'un statut juridique unique qui risquerait de créer plus de difficultés qu'il n'apporterait de solutions, mais à la clarification juridique du statut des établissements à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui concerne également le réseau des Instituts français.
De fait, de nombreux rapports parlementaires et des rapports de la Cour des comptes ont mis en évidence son incompatibilité avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en raison du non-respect des principes d'unité et d'universalité budgétaire. Il est temps à présent que le ministère se mette d'accord avec la direction du budget pour assurer la pérennité des EAF, en résolvant ce problème juridique.
En 2016, la dotation budgétaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères consacrée aux IFRE a représenté une somme de 4,79 millions d'euros en exécution (AE=CP), soit une diminution de 5 % des crédits par rapports au montant voté en loi de finances initiale (5,05 millions d'euros). La somme votée pour 2017 est de 4,80 millions d'euros. Elle s'impute sur les crédits de l'action 04 « Attractivité et recherche » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».
Cette dotation, qui représente environ 180 000 euros par institut, est destinée, selon les documents annexés au projet de loi de finances pour 2017, à financer des dépenses de fonctionnement, hors programme de recherche, des vingt-sept IFRE.
Le CNRS, pour sa part, a consacré aux IFRE en 2016 une subvention de fonctionnement de 846 000 euros.
Au total, les financements publics en faveur des IFRE, hors masse salariale, se sont donc limités à 5,64 millions d'euros en 2016, soit un montant de 209 000 euros par IFRE en moyenne.
En ce qui concerne la masse salariale, je ne dispose malheureusement pas du montant des traitements versés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Je peux en revanche vous dire que le CNRS versait en 2016 8,2 millions d'euros de traitements bruts à l'ensemble de ses personnels en poste dans les IFRE.
Au total, les sommes que j'évoque apparaissent très modeste au regard de l'envergure du réseau des IFRE et de son rôle dans la recherche et la diplomatie scientifique de notre pays.
De mon point de vue, le « retour sur investissement » des IFRE en termes de recherche sur les grandes aires culturelles et d'influence scientifique, ne fait donc guère de doutes.
Parallèlement, les IFRE sont parvenus à obtenir 4,8 millions d'euros de ressources propres hors dotations du ministère des affaires étrangères et du CNRS en 2016, soit près de la moitié de leurs ressources dédiées au financement de leurs dépenses de fonctionnement.
Alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères fait l'objet depuis de nombreuses années d'une diminution régulière de ses crédits, et que, de l'avis général, le CNRS devrait avoir le plus grand mal à s'engager davantage financièrement en faveur des IFRE, leur bon fonctionnement et, a fortiori, leur développement, reposera donc à l'avenir sur le dynamisme de leurs ressources propres.
Celles-ci peuvent être de plusieurs natures.
Les IFRE peuvent tout d'abord obtenir des subventions de la part des autorités ou des institutions universitaires et de recherche de leur pays d'accueil, à l'instar du ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche (BMBF) qui contribue depuis 2001 au financement du Centre Marc-Bloch de Berlin.
Ils peuvent également bénéficier du mécénat de fondations privées, comme le Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ), qui a bénéficié de 2013 à 2015 d'une subvention de 210 000 euros de la fondation Bettencourt Schueller pour financer des mobilités étudiantes. Ce recours au mécénat doit être développé et encouragé avec vigueur par les tutelles des IFRE.
Enfin, un enjeu très important pour les IFRE est également d'essayer d'obtenir des financements en répondant aux appels à projets internes au CNRS, mais également à ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du Conseil européen de la recherche (ERC), le succès obtenu à ces appels à projets très sélectifs étant par ailleurs une reconnaissance de l'excellence scientifique d'un projet.
J'en viens à présent à la nécessité de faire des IFRE un outil mieux identifié et plus efficace de la diplomatie scientifique française.
Même si les interactions des directeurs et chercheurs des IFRE avec le reste du dispositif diplomatique français de leur pays d'accueil sont dans l'ensemble plutôt satisfaisantes, je crois néanmoins qu'il serait possible d'associer encore davantage les IFRE à la prise de décision publique, eux qui travaillent sur des thématiques d'une brûlante actualité pour les pouvoirs publics, tels que les migrations, les radicalisations, la préservation du patrimoine en danger ou bien encore l'urbanisme.
À l'échelon local, les services des ambassades se doivent d'avoir systématiquement recours aux analyses des chercheurs des IFRE pour améliorer leur compréhension des grandes problématiques de leurs pays de résidence.
À l'échelon central, le Centre d'analyse et de prospective du Quai d'Orsay doit jouer un rôle d'intermédiaire opérationnel entre les chercheurs des IFRE et les directions régionales, mais également à l'intention du cabinet du ministre, afin que l'immense potentiel de savoirs et de connaissance développé par la recherche ne demeure pas trop souvent sous-exploité.
Deuxième axe de travail : une véritable mise en réseau des IFRE, dont beaucoup demeurent trop isolés et ne bénéficient pas assez des multiples opportunités susceptibles d'être offertes par un véritable travail en commun.
Si des initiatives ponctuelles existent déjà, c'est à tous les niveaux administratifs que la mise en réseau des IFRE doit être stimulée : les tutelles doivent régulièrement organiser à Paris des réunions des directeurs et ceux-ci devraient voir figurer dans leurs lettres de mission, parmi leurs objectifs, celui de développer des partenariats avec d'autres IFRE, a minima au niveau régional, mais également dans une perspective plus large, dans la mesure où de nombreuses problématiques, du réchauffement climatique aux migrations en passant par le terrorisme islamiste concernent tous les continents.
Troisième objectif : le développement de partenariats les plus étroits possibles avec les établissements universitaires et scientifiques de leurs pays d'accueil, portant sur la mise en place de projets de recherche scientifique communs, sur la formation des jeunes chercheurs locaux, sur l'organisation de colloques ou bien encore de séminaires d'enseignement.
Un exemple de ce type d'insertion dans la société du pays d'accueil est sans doute le Centre Marc-Bloch de Berlin, que j'ai visité dans le cadre de la préparation de ce rapport. Depuis 2015, celui-ci abrite un gemeinütziger Verein , une association reconnue d'utilité publique de droit allemand. À ce titre, il reçoit des financements allemands et accueille chercheurs et étudiants allemands.
C'est pourquoi je plaide pour que le modèle du Centre Marc-Bloch représente un objectif pour chacun des IFRE susceptible de devenir une institution partagée avec le pays d'accueil, pour peu naturellement que celui-ci contribue financièrement à son fonctionnement et garantisse une entière liberté et une absence totale de contrôle politique sur les recherche qui y seront menées.
Quatrième axe de travail : améliorer la communication des IFRE. Celle-ci, à laquelle contribue la Fondation Maison des sciences de l'homme, a marqué d'importants progrès ces dernières années avec la mise en ligne d'un nouveau portail internet dédié aux IFRE en 2015, une présence plus affirmée sur les réseaux sociaux et la création d'une publication commune, intitulée « Les cahiers des IFRE ».
Mais la communication locale des IFRE reste très insuffisante et surtout, leur nom, qui prête à confusion puisqu'il ressemble à celui des Instituts français, constitue un réel handicap en termes de visibilité.
Il me paraît donc indispensable de rebaptiser le réseau des IFRE, de préciser les obligations qui pèsent sur eux en matière de communication et d'étudier la mise en place d'une gestion mutualisée de celle-ci.
Dernier grand chantier, enfin : donner une place plus importante aux IFRE dans le champ de la recherche française en sciences humaines et sociales.
En effet, les IFRE demeurent trop peu connus des communautés universitaires et de recherche.
De fait, seuls deux IFRE à ce jour ont mis en place de véritables partenariats, dans la durée, avec des universités, des communautés d'universités et d'établissements (COMUE) ou des organismes de recherche français.
Le fait qu'un réseau de vingt-sept instituts de recherche ne dispose que de deux accords de partenariat avec des institutions de recherche français est très décevant : le développement de ce type de partenariats, sources d'échanges scientifiques, de mouvements de chercheurs et d'apports de financements complémentaires, doit devenir une priorité pour les directeurs des IFRE et pour leurs tutelles.
De façon générale, il est essentiel que tant le ministère de l'Europe et des affaires étrangères que le CNRS veillent à mieux valoriser les IFRE auprès de l'ensemble des établissements de recherche français, en mettant en exergue le fait qu'ils peuvent offrir à leurs étudiants comme à leurs chercheurs un accès au terrain et un encadrement de très grande qualité.
Pour finir, je souhaitais souligner devant vous que les IFRE font un travail remarquable et qu'ils constituent un formidable lieu de formation pour nos jeunes chercheurs. C'est donc un réseau qu'il faut maintenir et soutenir.
M. Claude Nougein . - Je voudrais revenir sur le budget de ces établissements. Je souhaiterais en particulier obtenir des précisions sur leur masse salariale.
Je crois comprendre qu'il y a un total de 144 chercheurs affectés dans les IFRE. Or, rien que dans le centre de Berlin, en additionnant tous les effectifs que vous nous avez indiqués, on atteint environ une centaine de personnes. Pouvez-vous éclaircir ces chiffres ? Et nous donner l'effectif total de ces centres, incluant, en plus des chercheurs, les secrétaires, les assistants, etc. ?
M. Michel Canevet . - Le travail montre que notre pays possède des établissements scientifiques parfois peu connus disséminés partout dans le monde.
Je voulais d'abord savoir s'il existe une forme de direction ou de coordination globale du dispositif français à l'étranger. Autrement dit, les ambassadeurs assurent-ils une cohérence d'ensemble de la présence française dans les pays où se trouvent des IFRE ?
On s'aperçoit également, en écoutant le rapporteur spécial, qu'il existe des établissements de recherche placés pour les uns sous la tutelle du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, et pour les autres sous la tutelle du ministère chargé des affaires étrangères et européennes. N'y aurait-il pas un intérêt à avoir un seul ministère de référence et à mettre en place une véritable coordination de l'ensemble de ces établissements français ? Cela ne donnerait-il pas plus de cohérence à la présence française à l'étranger ?
Enfin, existe-t-il des liens entre les lycées français ou les Alliances françaises et ces vingt-sept centres de recherche, ce qui permettrait de mutualiser un certain nombre de moyens, d'éviter des phénomènes de déperdition et de mieux valoriser le travail de l'ensemble de ces institutions ?
M. Éric Doligé . - J'aimerais livrer un témoignage au sujet des IFRE.
En tant que président du groupe interparlementaire d'amitié France-Soudan, qui a longtemps fonctionné au ralenti en raison des tensions diplomatiques qui existaient entre la France et ce pays, j'ai participé récemment à un déplacement à Khartoum avec Jeanny Lorgeoux et Louis Duvernois.
Nous avons consacré notre première visite à la section française de la direction des antiquités du Soudan, qui porte en réalité la quasi-totalité du fonctionnement de cette direction. Son rôle diplomatique est extrêmement important alors qu'elle dispose de moyens infimes. Elle doit compter un ou deux ressortissants français seulement, le reste du personnel étant mis à disposition par la direction des antiquités du Soudan, et ses moyens financiers viennent en partie de la France, mais surtout du Soudan, voire d'autres pays. Cette section a permis de maintenir les liens avec le Soudan, dans des conditions parfois difficiles.
De fait, la France est le seul pays à avoir bâti ce type de relation avec le Soudan et à s'être assuré une présence à l'intérieur d'un organisme officiel soudanais. Aujourd'hui, cette structure est très efficace : elle permet bien sûr au Soudan de retrouver ses racines mais également de conserver de bonnes relations avec la France. Si le contexte diplomatique se détend, ces relations archéologiques pourraient même favoriser le développement des relations économiques entre nos deux pays.
M. Vincent Éblé . - La question essentielle au sujet de ces Instituts français de recherche à l'étranger porte sur la forme que prennent la coordination et la répartition des rôles entre eux et d'autres outils de la présence française à l'étranger dans des domaines très proches.
Dès le début de son intervention, Richard Yung nous a expliqué que plusieurs IFRE se sont créés autour de l'archéologie, un domaine dans lequel la France a une expertise tout à fait avérée.
Or, nous avons d'autres outils spécialisés dans l'archéologie à l'étranger, parfois bien plus puissants que ces Instituts : il s'agit des Écoles françaises à l'étranger, que le rapporteur spécial a d'ailleurs évoquées. Leur siège se trouve à Paris, mais elles sont implantées dans différents pays, dans lesquels j'ai pu me déplacer. Ces Écoles, dont les moyens n'ont rien d'excessif, sont placées sous la tutelle du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Du coup, je m'interroge, à l'instar du rapporteur spécial, sur la possibilité d'instaurer des liens plus étroits et une coordination véritable entre les IFRE et ces Écoles.
Le propre de notre commission de finances étant de veiller à la rationalisation de la dépense publique, je me demande également si une mutualisation des moyens serait envisageable, ce qui permettrait des économies financières, mais également en termes de temps et d'expertise technique. En outre, celle-ci favoriserait probablement l'influence et la diffusion des travaux des IFRE, grâce à l'utilisation d'un site internet partagé. Le travail de Richard Yung a-t-il permis d'envisager des pistes d'amélioration de l'influence de notre présence intellectuelle et de recherche à l'international.
Mme Michèle André , présidente . - Je souhaitais revenir sur le sujet de l'archéologie, car c'est souvent par ce biais que l'on s'intéresse à ces Instituts, en particulier au Moyen-Orient. Je me demandais si celui de Damas fonctionne réellement et s'il permet de maintenir une présence française en Syrie ? Les archéologues français étaient en effet très présents dans ce pays avant la guerre, y compris à Palmyre.
Le trafic d'antiquités et d'objets d'art est pratiqué par nombre de combattants présents sur le terrain : ils se financent grâce à leur vente. On entend parfois que les destructions du site de Palmyre, retransmises à la télévision, étaient un peu mises en scène afin de masquer le trafic de morceaux entiers des édifices qui, en réalité, ont été revendus.
M. Richard Yung , rapporteur spécial . - Les centres français d'archéologie du Moyen-Orient ont tous été regroupés en un seul, basé à Beyrouth, l'Institut français du Proche-Orient. Outre le Liban, son champ d'action recouvre la Syrie, la Jordanie et les territoires palestiniens, pays dans lesquels sont implantées ses antennes. Celle de Damas a été fermée au début de la guerre, mais la France assure toujours sa protection car il s'y trouve encore des collections et une bibliothèque importantes.
Pour répondre à Claude Nougein, les chercheurs associés, que j'ai mentionnés pour information, ne font pas partie du personnel des IFRE. Ce sont des chercheurs qui ont souvent séjourné dans un IFRE et ont souhaité conserver un lien scientifique avec lui. Ils peuvent être amenés à y effectuer de courts séjours de terrain mais sont rémunérés par leur université ou leur organisme de recherche en France.
L'effectif des chercheurs effectivement employés dans les IFRE, dont une majorité est rémunérée par le CNRS, s'élève à 144 personnes, et celui des personnels administratifs à 90 personnes environ. S'ajoutent à eux 250 doctorants et post-doctorants qui perçoivent une bourse très modeste.
M. Vincent Delahaye . - ... pour des frais de personnels du CNRS qui représentent 8,2 millions d'euros. Mais ces frais n'incluent ni les bourses ni les traitements des personnels employés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Richard Yung , rapporteur spécial . - En effet. Mais ces chiffres sont très raisonnables.
Il existe une coordination interne au réseau des IFRE, assurée par leurs tutelles via un comité d'orientation stratégique qui se réunit une à deux fois par an pour fixer leurs orientations scientifiques et procéder à leurs évaluations.
En revanche, aucune cohérence n'est assurée avec les Écoles françaises à l'étranger, qu'il s'agisse de celle de Rome, de celle d'Athènes, etc. Ces Écoles mènent une vie séparée du réseau des IFRE. C'est pourquoi je propose dans mon rapport la mise en place d'un travail interministériel visant à étudier un rapprochement de ces différents établissements de recherche.
Lors de nos auditions, les représentants des IFRE ne se sont guère montrés favorables à l'idée de définir un statut juridique unique pour leurs établissements, car la dualité actuelle de leurs statuts leur assure une certaine souplesse dans leur gestion. Du reste, comme je vous l'ai dit, la situation peut être encore plus complexe, puisque trois systèmes coexistent au centre Marc-Bloch de Berlin : c'est à la fois un établissement à autonomie financière du ministère des affaires étrangères, une unité de service et de recherche du CNRS et un Verein allemand. Le comptable de ce centre doit indéniablement faire preuve d'une certaine agilité intellectuelle.
Je partage l'opinion d'Éric Doligé sur la pertinence de notre centre au Soudan. Il assure effectivement une présence politique et diplomatique utile dans un pays où peu de moyens sont consacrés à la recherche : sa présence confère à notre pays une place très importante dans le domaine des antiquités soudanaises.
La commission a donné acte de sa communication à M. Richard Yung et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Ministère des affaires étrangères et du développement international
Ø Direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau (DCERR)
- M. Pierre LANAPATS, directeur adjoint.
Ø Sous-direction de l'enseignement supérieur et de la recherche
- M. Patrick COMOY, sous-directeur adjoint.
Ø Sous-direction de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR)
- Mme Maëlle SERGHERAERT, chef de pôle des sciences humaines et sociales, archéologie et patrimoine.
Ø DGM/DCERR/ESR
- M. Alexander MURUGASU, rédacteur Coopération Afghanistan, Iran, Turquie, Russie, Asie centrale, Caucase.
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
- M. Patrice BOURDELAIS, directeur de l'Institut des sciences humaines et sociales ;
- M. Anthony ALY, responsable des affaires publiques.
Fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH)
- Mme Marta CRAVERI, directrice Pôle international ;
- Mme Marion FANJAT, coordinatrice du Pôle international ;
- Mme Magdeleine WALGER, chargée de mission pour la valorisation du portail des IFRE.
Liste des directeurs d'IFRE ayant répondu au questionnaire de votre rapporteur spécial
- M. David AMBROSETTI, CFEE-Addis-Abeba - Centre français des études éthiopiennes ;
- M. Vincent FRANCIGNY, SFDAS-Khartoum - Section française de la Direction des antiquités du Soudan ;
- Mme Catherine GOUSSEFF, CMB-Berlin - Centre Marc Bloch - Centre franco-allemand de recherche en sciences sociales ;
- M. Eberhard KIENLE, IFPO - Institut français du Proche-Orient ;
- M. Frédéric LANDY, IFP-Pondichéry - Institut français de Pondichéry ;
- Mme Françoise LESTAGE, CEMCA - Mexico - Centre français d'études mexicaines et centraméricaines ;
- M. Julien LOISEAU, CRFJ-Jérusalem - Centre de recherche français de Jérusalem ;
- Mme Sabrina MERVIN, CJB-Rabat - Centre Jacques Berque pour les études en sciences humaines et sociales ;
- M. Pierre MONNET, IFHA-Francfort - Institut français d'histoire en Allemagne ;
- M. Michel MOUTON, CEFAS-Sanaa - Centre français d'archéologie et de sciences sociales de Sanaa ;
- M. Djamel OUBECHOU, IFRI-Téhéran Institut français de recherche ;
- M. Jean-François PEROUSE, IFEA-Istanbul, Institut français d'études anatoliennes G. Dumézil ;
- Mme Cécile SAKAI, MFJ-Tokyo - Maison franco-japonaise ;
- Mme Claire Thi-Liên TRAN, IRASEC - Institut de recherche sur l'Asie du sud-est contemporaine ;
- M. Thomas VERNET, IFAS-Johannesburg - Institut français d'Afrique du Sud.
LISTE DES DÉPLACEMENTS
- Centre Marc-Bloch (CMB) de Berlin ;
- Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ).
ANNEXE 1
CARTE DES
INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE
À L'ÉTRANGER
ANNEXE 2
DEUX
EXEMPLES D'AXES DE RECHERCHE D'INSTITUTS FRANÇAIS DE RECHERCHE À
L'ÉTRANGER
Source : réponses au questionnaire commun adressé par votre rapporteur spécial aux directeurs des IFRE
Centre français des études éthiopiennes (CFEE)
Axe 1 « Environnement, échanges et techniques dans la longue durée ». Le CFEE soutient et anime des missions de recherches de géophysique, de paléontologie et de préhistoire, qui documentent sur la longue durée les changements environnementaux (géophysiques, géologiques, biologiques, climatiques) et sociaux (les cultures matérielles et leurs circulations) dans la Corne de l'Afrique. Cet axe réunit trois programmes (Dynamiques du rifting dans l'Afar ; Mission paléoanthropologique dans l'Omo ; Préhistoire récente dans la Corne de l'Afrique).
Axe 2 « Matérialités, cultures de l'écrit et histoire orale ». Cet axe réunit les projets portant sur les recherches d'archéologie historique et les travaux sur les sources écrites et orales de l'histoire éthiopienne. Deux programmes composent cet axe : « Archéologie historique en Éthiopie (Antiquité, Moyen Âge, période moderne) : formations politiques, cultures, religions » et « Écritures de l'histoire et pratiques de l'écrit dans la Corne : strates, intersections, décloisonnements (Histoire, philologie, littérature) ».
Axe 3 « Transformations sociales et politiques dans la Corne contemporaine ». Le CFEE anime un nombre croissant de travaux portant sur la construction de l'État et les transformations de la société politique en Éthiopie et dans la Corne de l'Afrique. Trois thématiques principales sont privilégiées : « Les migrations de / dans la Corne de l'Afrique (anthropologie, géographie, histoire, sociologie, science politique) » ; « L'État développemental au concret : discours, idéologies et pratiques étatiques dans l'Éthiopie contemporaine (géographie, histoire, sociologie, science politique) ; « Paix et sécurité : conflits dans la Corne, opérations de paix, organisations internationales ».
Enfin, un Axe transversal permet de croiser les différentes disciplines sur deux thématiques : « la Construction du patrimoine en Éthiopie » ; et « Femmes et genre dans la Corne de l'Afrique : constructions et dynamiques sociales ».
Institut français d'Afrique du Sud
Axe 1 « Archéologie et préhistoire », qui comporte les programmes « Paléoanthropologie, évolution des hominidés », « Archéologie et études pluridisciplinaires des Middle et Late Stone Age, archéologie historique » et « Art rupestre ». Cet axe privilégie des approches pluridisciplinaires dans l'étude de l'évolution du genre Homo, et de l'âge de pierre, en lien avec la diffusion des populations et des cultures techniques en Afrique australe, mais aussi en géomorphologie et dans toutes les disciplines des paléosciences.
Axe 2 « Histoire médiévale, moderne, et contemporaine des sociétés de l'Afrique austral » qui comporte les programmes « Connexions à longue distance, intégration de l'Afrique australe dans les circulations atlantiques et indo-océaniques, circulations matérielles et culturelles depuis le Ier millénaire », « Histoire sociale et histoire impériale, hiérarchies sociales et raciales, esclavage » et « Enjeux contemporains de la mémoire en Afrique australe, régimes d'historicité, construction des savoirs ». C'est dans le cadre de cet axe qu'a été mis en place le programme ANR sur la thématique de l'histoire globale de l'Afrique subsaharienne avant la colonisation (ANR Globafrica sur la période 2014-2019), qui a la particularité, unique, d'associer trois IFRE d'Afrique sub-saharienne : l'IFRA-Nigeria, l'IFRA-Nairobi et l'IFAS-Recherche. Ainsi il contribue très efficacement à décloisonner les problématiques, à rapprocher les spécialistes (notamment établis en Afrique) et enfin à animer l'unité de service et de recherche commune à ces trois IFRE.
Axe 3 « Dynamiques contemporaines : études urbaines, mutations démocratiques et économiques », avec les programmes « Géographie et études urbaines, développement historique des villes, gouvernance, accès aux services publics, sécurité, justice spatiale, droit à la ville, mémoires urbaines », « Études migratoires, frontières, xénophobie », « Transformations démocratiques en Afrique australe, dynamiques électorales, transformation de la citoyenneté, politiques de l'identité, processus de construction nationale », « Émergence et captation des ressources, politiques économiques, économie comparée du développement, travail » et « Éducation, jeunesse, mouvements sociaux ». Historiquement champ privilégié d'investigation de l'IFAS, les études urbaines sont l'objet chaque année de nombreux travaux de doctorants, post-doctorants et chercheurs associés à l'IFRE. Celui-ci a porté plusieurs programmes dans ce domaine depuis sa création (par exemple programme « Sécurité et dynamiques urbaines » de 2003 à 2007, en partenariat avec l'IFRA-Nigeria et l'IFRA-Nairobi).
Ces axes de recherche s'inscrivent le cadre des grandes thématiques développées par la stratégie nationale de la recherche (SNR). On peut rattacher ces thématiques au défi 6 « Transports et systèmes urbains durables », orientations 22 à 25 sur les observatoires de la ville, les nouvelles conceptions de la mobilité, les outils et technologiques au service de la ville durable. Par ailleurs la thématique « intégration et résilience des infrastructures et des réseaux urbains » correspond à la majeure partie de l'axe 3. Le défi 8 « Sociétés innovantes, intégratives et adaptatives », et plus particulièrement l'orientation 30 « Étude des cultures et des facteurs d'intégration », complète les actions de cet axe 3.
* 1 Parmi eux figurent notamment l'IFEA en Turquie, l'IFEA à Lima, le CECMA au Mexique ou bien encore l'IFPO au Proche-Orient.
* 2 Ce concept est issu de l'ouvrage Bound to lead (1990) du professeur américain Joseph Nye.
* 3 Une diplomatie scientifique pour la France , rapport de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, janvier 2013.
* 4 Le Capital au XXI e siècle , Thomas Piketty, Le Seuil, 2013.
* 5 Histoire mondiale de la France , ouvrage collectif sous la direction de Patrick Boucheron, Le Seuil, 2017.
* 6 À noter le cas unique de l'Institut français d'Afrique du Sud-recherche (IFAS), qui n'est pas par lui-même un établissement à autonomie financière (EAF), mais constitue la section « recherche » de l'Institut français d'Afrique du Sud, qui, quant à lui, est un EAF.
* 7 Décret n° 76-838 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle à l'étranger.
* 8 Rapport d'information de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture réalisé par Mme Geneviève Colot, députée, mai 2010 - Rapport d'information du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger réalisé par M. François Loncle et Mme Claudine Schmid, députés, novembre 2013.
* 9 Décret n° 2017-655 du 27 avril 2017 modifiant le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération.
* 10 Le CNRS compte quelque 1 100 unités de service et de recherche (USR).
* 11 Le cas du Centre Marc-Bloch de Berlin, qui héberge également deux structures administratives supplémentaires, à savoir un Verein et un An-Institut de droit allemand, est un cas spécifique qui sera abordé infra .
* 12 Un groupement d'intérêt scientifique est un contrat de recherche à durée temporaire d'une durée moyenne de quatre ans rassemblant plusieurs partenaires scientifiques.
* 13 IFPO : Institut français du Proche-Orient - CRFJ : Centre de recherche français de Jérusalem - IFEA : Institut français d'études anatoliennes - IFP : Institut français de Pondichéry - CJB : Centre Jacques-Berque de Rabat.
* 14 Ce projet porté par Michèle Baussant, chercheuse affectée au CRFJ pour la période 2015-2018, est intitulé « SILPAST - Silenced past: mediations and social appropriations of the past in immigration and post-conflict societies ». Il porte sur les formes de refoulement et de réappropriation du passé, envisagées dans une perspective anthropologique, dans des sociétés profondément marquées par l'expérience migratoire et/ou par la conflictualité.
* 15 Ce programme, obtenu en 2014 par Vincent Lemire, enseignant-chercheur en délégation au CRFJ de 2012 à 2014, intitulé « Opening Jerusalem archives : for a connected history of « citadinite » in the Holy City (1840-1940) » porte sur le recensement, l'analyse et la mise en relation des différents fonds d'archive intéressant l'histoire de Jérusalem entre 1840 et 1940, qu'ils soient préservés à Jérusalem ou ailleurs dans le monde (Turquie, Italie, Russie, Éthiopie, etc.).
* 16 Le premier, aux côtés de l'EHESS à Paris et du Forschungszentrum Gotha de l'Université d'Erfurt, est un projet franco-allemand ANR-BMBF ETHIOMAP intitulé « Cartographic sources and territorial transformations of Ethiopia since the late 18th century » (2016-2019, 185 000 euros alloués, dont 44 500 euros pour le CFEE sur quatre ans). Le projet entend interroger le rôle de la cartographie dans la construction de l'État en Éthiopie. Le second est un projet soumis par Anne Delagnes et Jean-Renaud Boisserie sur la culture matérielle des premiers hominidés (« Oldowan ») à l'extrême-sud de l'Éthiopie, sélectionné par l'ANR (2017-2020), avec une dotation pour le CFEE s'élevant à 77 000 euros.
* 17 1 chercheur à l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain de Tunis, 1 chercheur au Centre français d'archéologie et de sciences sociales de Sanaa, 9 chercheurs au Centre des sciences humaines de Delhi et 1 chercheur à la Délégation archéologique française en Afghanistan.
* 18 Autorité administrative indépendante créée par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche et qui a succédé à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES).
* 19 Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s'en protègent, alliance Athéna, mars 2016.
* 20 Les programmes Topics and Policy de la Science Policy Centre de la Royal Society en Grande-Bretagne ou le Van Leer Jerusalem Institute en Israël jouent des rôles analogues de « brokers » entre chercheurs et décideurs politiques.
* 21 L'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, devenu en 2013 Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.
* 22 Arabesques, n° 86, juillet - août -septembre 2017.