II. UN NOUVEAU CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR LA PÉRIODE 2017-2019
Le présent projet de contrat d'objectifs et de moyens est le troisième sur lequel votre commission est appelée à se prononcer, après le COM pour la période 2011-2013 et celui pour la période 2014-2016.
A. UNE DIMENSION STRATÉGIQUE INSUFFISANTE, UN DOCUMENT IMPARFAIT
1. Un COM pour une seule année pleine
Il faut d'emblée souligner cette aberration : le nouveau contrat d'objectif et de moyens est établi pour les trois années 2017-2018-2019 ; au moment où il sera adopté, au cours du mois de novembre 2018 , il ne restera donc qu'une seule année pleine d'application, 2019 .
Cette situation vide quelque peu de son sens l'existence de ce COM prévu par l'article 1 er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat afin d'organiser le contrôle de l'Etat sur son opérateur, avec un droit de regard du Parlement. C'est d'autant plus étonnant qu'une feuille de route de l'aide au développement française et de l'AFD existe pour une période allant jusqu'en 2022, date à laquelle, selon l'engagement présidentiel, l'aide au développement devrait atteindre 0,55% du PIB, et surtout que l'AFD a adopté en septembre 2018 un plan d'orientations stratégiques qui couvre la période 2018-2022 .
Pour l'essentiel, le présent COM ne fait donc que valider les presque deux années déjà écoulées depuis la date à laquelle il est censé débuter, ce qui est d'autant plus regrettable que des décisions importantes et qui n'avaient pas été prévues dans le précédent COM sont intervenues pendant cette période. C'est le cas en particulier de l'absorption d'Expertise France par le groupe AFD, décidée lors du CICID de février 2018 sans avoir été prévue ni par la loi ni par un autre engagement préalable, et qui est validée a posteriori dans le présent COM.
2. Un manque persistant de vision stratégique
La France manque d'une vision stratégique globale de son aide au développement , telle qu'elle pourrait s'exprimer à travers un document unique, validé par l'ensemble des instances concernées.
Le présent projet de COM fait certes régulièrement référence au relevé de conclusion du CICID de février 2018, comme si ce dernier constituait une telle stratégie globale de l'Etat en matière d'aide au développement. Pourtant, comme le souligne le récent rapport Berville 1 ( * ) , il n'en est rien : « Il s'agit [le CICID] toutefois davantage d'une « photographie » des priorités politiques françaises du moment, susceptibles de changer à l'occasion du CICID suivant, que d'une stratégie à proprement parler ». Il existe d'autres références. Ainsi, le cadre d'intervention transversal « climat et développement 2017-2 » de l'AFD prend pour cadre de référence non pas le CICID, mais le plan climat du gouvernement du 6 juillet 2017 porté par le ministre de la Transition écologique et solidaire. Ce plan, qui concerne l'ensemble de l'action de l'État, et donc aussi sa dimension extérieure, n'est à l'inverse pas cité en référence dans les orientations du dernier CICID (février 2018).
Le rapport Berville montre également que la vision stratégique de l'État et de l'AFD est essentiellement sectorielle , la France disposant de stratégies à quatre ou cinq ans dans les secteurs considérés comme prioritaires. Or, dans la plupart de ces secteurs, il existe à la fois des stratégies de l'État et des stratégies de l'AFD , ces dernières prenant le nom de Cadres d'intervention transversaux (CIT) ou Cadres d'intervention sectoriels (CIS). Le rythme de production des stratégies de l'État et de l'AFD et le contenu de ses documents ne sont pas forcément articulés et il est fréquent que les stratégies de l'AFD précèdent les stratégies de l'État, comme par exemple dans le domaine des fragilités. Ainsi, « La production stratégique représente tant pour le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères que pour l'Agence française de développement un investissement intellectuel conséquent et apparaît trop peu rationalisée, coordonnée et mutualisée. La superposition de différentes stratégies sectorielles et le décalage dans les rythmes de production soulignent l'évidente absence d'une stratégie unique, globale et cohérente de l'Etat ».
Le présent COM vient donc s'ajouter à ces différents cadres de référence. Or, loin qu'il s'en dégage une cohérence d'ensemble qui pourrait l'apparenter à un document stratégique, il constitue plutôt, d'une part, une sorte de compilation de l'ensemble des attentes exprimées à l'égard de l'AFD par le pouvoir exécutif et dans une moindre mesure par le législateur et, d'autre part, un recensement des grandes tendances de l'aide au développement portées par la communauté internationale.
3. Un projet de COM imparfait
Le document présenté à votre commission s'apparente parfois à un « projet de projet » de COM : plusieurs éléments paraissent en effet incomplets ou insuffisants en l'état.
Ainsi, plusieurs objectifs du COM sont associés à des indicateurs qui ne comportent pas de cible chiffrée :
- l'indicateurs n° 2 intitulé « Montant des versements de l'AFD sur prêts et subventions rapporté au montant du reste à verser au 31/12 de l'année n-1 » : il est seulement indiqué que ce ratio « augmentera progressivement sur la période » ;
- l'indicateur n°10, relatif aux financements mobilisés pour la gouvernance, prévoit une cible d'activité annuelle pour 2018 et 2019, mais aussi pour 2020, alors même que cette année n'est pas couverte par le COM !
- s'agissant de l'indicateur n° 16 (« montant des ressources tierces mobilisées en complément du groupe AFD »), l'AFD ne dispose pas encore d'un système de comptabilisation permettant de proposer une cible chiffrée ;
- l'indicateur n°19 (« nombre de projets soutenus par la facilité de financement des collectivités territoriales françaises ») ne comporte pas non plus de cible ;
- l'indicateur n°26, relatif au « plafond d'ETP moyens » pour 2019 « sera précisé dans le cadre des discussions sur le budget 2019 de l'AFD » .
En outre, le COM ne comporte pas le chiffre des effectifs de l'AFD prévus pour 2019. La partie relative aux moyens de l'agence est également insuffisamment développée.
* 1 Un monde commun, un avenir pour chacun, rapport sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, Hervé Berville, député, août 2018.