B. LE RENFORCEMENT DU RÔLE INTERNATIONAL DE L'EURO

L'objectif de renforcement du rôle international de l'euro a été annoncé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l'état de l'Union, prononcé le 12 septembre dernier. La monnaie unique reste derrière le dollar américain en tant que :

- monnaie de réserve : le dollar conserve une position dominante dans les bilans des réserves de change des banques centrales (60-66 % contre 20-25 % pour l'euro) ;

- instrument de règlement des transactions commerciales : en 2016, si une majorité (55,4 %) des marchandises importées par les Vingt-Huit en provenance de pays tiers était libellée en dollars contre 34,4 % en euros, 49,3 % des marchandises exportées depuis l'Union ont été libellées en euros, pour 32,9 % en dollar. Pour certaines matières premières comme le pétrole, le dollar occupe une position de quasi-monopole : 85,5 % des importations sont en dollars contre 13,7 % en euros. Dans le secteur énergétique, comme dans celui de l'aéronautique civile ou des équipements militaires, le choix des opérateurs européens tend à se porter sur la monnaie du concurrent principal ou du producteur dominant ;

- instrument d'investissement : les actifs financiers sont très largement libellés en dollars. La Réserve fédérale (FED) a, en effet, face à elle, un Trésor unique - celui de l'État fédéral - pour les obligations souveraines, quand la Banque centrale européenne (BCE) est confrontée à une multitude d'émetteurs souverains hétérogènes - les États membres -, dont la qualité du crédit est très inégale. En d'autres termes, le « risque » européen favorise la FED et le dollar.

La Commission européenne a présenté, le 5 décembre dernier, une communication générale et une recommandation destinées à renforcer le rôle de l'euro dans les échanges internationaux. La communication relie cette ambition à la nécessité d'approfondir l'union économique et monétaire en consolidant son architecture, tout en permettant à l'Union bancaire et à l'Union des marchés de capitaux de devenir pleinement efficientes 21 ( * ) . La Commission appelle dans le même temps l'Union à renforcer les infrastructures des marchés financiers européens, et souhaite que la plupart des titres de créances émis au sein de l'Union européenne soient émis en euros. Elle entend également lancer des initiatives dans le secteur financier international :

- poursuivre la coopération en cours entre banques centrales pour sauvegarder la stabilité financière ;

- favoriser l'augmentation de la part de titres de créance libellés en euros émis par des entités européennes ;

- Développer la diplomatie économique pour promouvoir l'utilisation de l'euro et fournir une assistance technique pour améliorer l'accès d'entités étrangères au système de paiement en euros, notamment dans le cadre du plan d'investissement extérieur de l'Union européenne à destination de l'Afrique et des pays du voisinage.

La recommandation insiste, quant à elle, sur le domaine de l'énergie 22 ( * ) . La Commission relève ainsi que 85 % des contrats de long terme en matière énergétique sont libellés en dollars au sein de l'Union européenne. Un plus grand recours à l'euro devrait permettre aux entreprises européennes de bénéficier d'une plus grande autonomie et d'être moins exposées aux actions de justice intentées par des juridictions de pays tiers. Des consultations seront menées dans les prochains mois. Les résultats de celles-ci seront présentés à l'été 2019.

Une telle ambition doit, bien évidemment, être approuvée. Vos rapporteurs rappellent néanmoins que le renforcement du rôle international de l'euro passe avant tout par une réponse aux défis institutionnels et économiques posés par la monnaie commune. À l'initiative de votre commission des affaires européennes, le Sénat a d'ailleurs adopté une résolution précisant les décisions à même de concourir à l'objectif de renforcement du rôle international de la monnaie unique 23 ( * ) :

- parachever l'union économique et monétaire, en mettant notamment en place une capacité budgétaire de la zone euro permettant de résister aux chocs macroéconomiques et de financer des investissements ;

- compléter rapidement l'Union bancaire par une convergence renforcée des systèmes nationaux de garantie des dépôts, qui ne pourrait toutefois remplacer, à terme, la mise en place d'un véritable système européen de garantie des dépôts ;

- mettre en place, dans le cadre de l'Union des marchés de capitaux, une supervision unique des marchés où l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) occuperait un rôle central, étape indispensable vers l'intégration des marchés financiers européens et le renforcement de la stabilité financière.

Ces questions restent toujours en suspens au sein de l'eurogroupe, sa dernière réunion, le 4 décembre dernier, n'ayant permis que de timides avancées, principalement en ce qui concerne l'Union bancaire.


* 21 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen (Sommet euro), au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Vers un renforcement du rôle de l'euro, COM(2018) 796 final, 5 décembre 2018.

* 22 Recommandation de la Commission du 5.12.2018 relative au rôle international de l'euro dans le domaine de l'énergie, C(2018) 8111 final.

* 23 Résolution européenne du Sénat n° 22 (2018-2019) sur l'extraterritorialité des sanctions américaines, 12 novembre 2018, et rapport d'information n° 17 (2018-2019) de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des affaires européennes, 4 octobre 2018.

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