V. L'ORDONNANCE SUR LA COOPÉRATION AGRICOLE OU COMMENT OUTREPASSER LE PARLEMENT

A. UNE ORDONNANCE VISANT PRINCIPALEMENT À RENFORCER L'INFORMATION DES ASSOCIÉS COOPÉRATEURS

Pris en application de l'article 11 de la loi Egalim, l'ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole modifie le titre II du livre V du code rural et de la pêche maritime relatif au cadre juridique régissant les coopérations agricoles, notamment pour renforcer les informations transmises aux coopérateurs.

1. Un renforcement des obligations d'informations des associés coopérateurs

Le premier objectif de l'ordonnance est, aux termes du rapport au Président de la République relatif à celle-ci, « d'améliorer l'information des associés coopérateurs pour leur permettre de bénéficier des avancées de la contractualisation rénovée ».

Son article 1 er prévoit de nouvelles obligations d'informations des associés-coopérateurs :

- au moment de leur adhésion, ils recevront une information sur les valeurs et les principes coopératifs ;

- une meilleure publicité des modalités de retrait en les incluant dans le document unique récapitulant l'engagement de l'associé-coopérateur ;

- la publication d'informations relatives à la rémunération globale des associés-coopérateurs par l'élaboration par l'organe chargé de l'administration de la coopérative de documents en trois temps :

• avant l'assemblée générale, un document présentant la part des résultats de la société coopérative qu'il propose de reverser aux associés coopérateurs à titre de rémunération du capital social et de ristournes ainsi que la part des résultats des filiales destinée à la société coopérative, en expliquant les éléments pris en compte pour les déterminer ;

• lors de l'assemblée générale, un document donnant des informations sur l'écart entre les prévisions de prix des apports et les prix effectivement payés ainsi que sur l'écart entre ces prix et les indicateurs de coûts de production et de prix de marché figurant dans le règlement intérieur ;

• après l'assemblée générale, dans un délai d'un mois, un document récapitulant la rémunération définitive globale des apports pour chaque associé coopérateur ;

- une information spécifique sur les modalités de gouvernance d'entreprise dans le rapport de l'organe chargé de l'administration à l'assemblée générale ;

- une communication aux associés-coopérateurs du nom des filiales, des administrateurs et des rapports des commissaires aux comptes de ces filiales.

Il définit également le contenu des règlements intérieurs des coopératives en le précisant au niveau de la loi.

Ils devront contenir :

- les règles de composition, de représentation et de remplacement des membres, de quorum, les modalités de convocation, d'adoption et de constatation des délibérations de l'organe chargé de l'administration et le cas échéant des autres instances, statutaires ou non statutaires, mises en place par la coopérative ;

- les critères et modalités de détermination et de révision du prix des apports, comprenant, le cas échéant, les modalités de prise en compte des indicateurs choisis pour calculer ce prix ;

- les modalités de détermination du prix des services ou des cessions d'approvisionnement ;

- les modalités pratiques de retrait de l'associé coopérateur ;

- les modalités du remboursement des parts sociales qui intervient de droit dans le délai maximal prévu par les statuts ;

- les conditions dans lesquelles il peut être recouru à la médiation et, le cas échéant, à tout autre mode de règlement des litiges.

2. Une proportionnalité de l'indemnité de départ en fonction des pertes induites pour la coopérative et la mise en place d'une date d'échéance unique pour tous les engagements du coopérateur

En outre, l'indemnité de départ d'un coopérateur en cas de retrait anticipé devra être proportionné en fonction des pertes induites pour la coopérative et de la durée restant à courir jusqu'à la fin de son engagement.

En cas de changement de mode de production, et si la coopérative ne démontre pas qu'elle rémunère la valeur supplémentaire générée par cette modification, le délai et l'indemnité sont réduits. Ces possibilités sont permises assez largement en cas de passage au label « agriculture biologique », à une « AO, IGP, spécialité traditionnelle garantie », au « label rouge » ou l'obtention de la mention « exploitation de haute valeur environnementale » (troisième niveau ou HVE3).

Enfin, l'ordonnance prévoit la mise en place d'une date d'échéance unique pour tous les engagements de l'associé-coopérateur (coordination entre le bulletin d'adhésion et le contrat d'apport)

3. Un Haut conseil de la coopération agricole aux missions mieux définies

Le Haut conseil de la coopération agricole (HCCA) est chargé de la publication d'un guide sur les bonnes pratiques de gouvernance des sociétés coopératives qu'il actualise chaque année.

Ses pouvoirs de contrôle sont précisés.

Toute modification des statuts d'une coopérative et tout rapport de révision constatant un non-respect des principes coopératifs non suivi par la mise en place de mesures correctives devront être portés à la connaissance du HCCA. S'il reçoit un rapport de révision constatant des non conformités, il en informe le ministre chargé de l'agriculture. Il ordonne la convocation d'une assemblée générale, au besoin aux frais de la coopérative. Sans rétablissement du fonctionnement normal de la coopérative, il demande au juge d'enjoindre les organes de direction de se conformer aux règles.

Le HCCA peut diligenter un contrôle de révision s'il l'estime nécessaire, s'il est saisi par 1/5 ème des membres, si les documents obligatoires ne sont pas transmis aux associés-coopérateurs ou s'il est saisi par des agents chargés des contrôles ou le commissaire aux comptes.

Les agents chargés des contrôles peuvent demander au HCCA de leur rendre un avis sur le fait que les statuts ou le règlement intérieur de la coopérative comportent des dispositions produisant des effets similaires aux clauses minimales des contrats agricoles.

Une commission consultative composée de représentants des syndicats agricoles, des sociétés coopératives et des personnalités qualifiées est adjointe au comité directeur du HCCA. La commission consultative pourra être convoquée à la demande de ses membres ou sur sollicitation du comité dicteur.

Elle rend des avis sur toute question relative à l'application du droit coopératif et au fonctionnement des sociétés coopératives (cas individuels ou fonctionnement global).

4. Vers la fin du rôle du médiateur de la coopération agricole ?

Le médiateur de la coopération agricole ne sera plus nommé par le HCCA mais par le ministre, sur avis simple du comité directeur du HCCA.

Contrairement au projet précédent, ses missions et leur articulation avec celles du médiateur des relations commerciales agricoles ne sont pas tranchées par ordonnance mais seront fixées par décret en Conseil d'État.

Le groupe de suivi estime que prendre une ordonnance pour définir ce point finalement par décret aura probablement fait perdre plus d'un an dans la mise en oeuvre de cette réforme.

Pour rappel, aujourd'hui, le médiateur de la coopération agricole est pleinement compétent sur ces questions si elles concernent un conflit entre un associé coopérateur et sa coopérative. Il doit simplement « tenir compte » des avis et recommandations publiques du médiateur des relations commerciales agricoles.

La volonté du Gouvernement serait de dessaisir le médiateur de la coopération agricole des conflits liés aux prix et aux indemnités de départ pour les transférer au médiateur des relations commerciales agricoles. Or ces conflits couvrent sans doute une très grande majorité des conflits entre un associé-coopérateur et sa coopérative. Ce dessaisissement reviendrait donc à supprimer le médiateur de la coopération agricole.

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