N° 584

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) par le groupe de travail sur l' Inde , un partenaire stratégique ,

Par MM. Ladislas PONIATOWSKI et Rachid TEMAL,

Co-présidents

MM. Hugues SAURY, Olivier CIGOLOTTI et Joël GUERRIAU,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

L'ESSENTIEL

1. Affirmer le caractère inclusif et ouvert de la stratégie indopacifique française .

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale parue en 2017, accorde une place importante à l'indopacifique, région qui s'étend des côtes est-africaines à la façade occidentale des Amériques et où les intérêts de la France et de ses partenaires européens croissent rapidement. Il existe une publication du ministère de la défense présentant la stratégie de défense française en indopacifique. En revanche, la France ne dispose pas d'un livre blanc des affaires stratégiques présentant sa vision géostratégique.

Un tel document aurait pourtant l'intérêt de poser la doctrine française et faciliter ainsi sa diffusion auprès des pays riverains de la zone indopacifique qui manifestent parfois de l'incompréhension face au positionnement de la France comme puissance riveraine d'équilibre de la zone, et ne souhaitent pas se trouver pris dans une logique d'affrontement de blocs concurrents dans la zone.

Première proposition : Rédiger un Livre blanc sur la vision de la France dans la zone indopacifique.

2. Soutenir l'affirmation de l'Inde, grande démocratie parlementaire et partenaire stratégique de la France, comme puissance d'équilibre régionale et internationale .

L'Inde défend le respect du droit international comme modalité de règlement pacifique des différends internationaux. Cette conception partagée avec la France, mais aussi avec l'Australie, autre partenaire stratégique français de la zone indopacifique, est garante de stabilité et de croissance. Ceci passe par le soutien de la candidature de l'Inde au Conseil de sécurité élargi des Nations unies, mais aussi à la Commission de l'océan Indien (COI). Le renforcement de la coopération trilatérale Paris-New Dehli-Canberra pourra être mis en oeuvre dans le cadre de l'Indian Ocean Naval Symposium (IONS) que préside la France en 2020, favorisant l'interopérabilité de ces trois marines.

S'il est exclu qu'un pays tiers intervienne dans le règlement de ses conflits transfrontaliers (avec la Chine dans l'Himalaya), ni dans la gestion de ses relations de voisinage (avec le Pakistan), ou encore dans le traitement du statut de ses territoires (Cachemire) ou de ses minorités religieuses (loi sur la nationalité), l'arrimage fort de l'Inde au concert des nations et au respect du droit international est à la fois gage de stabilité interne et régionale et une assurance de progrès dans des domaines tels que la protection de l'environnement ou le soutien aux populations fragiles. L'Inde, signataire de la COP 21, a ainsi créé, avec le soutien de la France, l'Alliance internationale solaire et oeuvre pour garantir la préservation des milieux naturels et des ressources halieutiques.

Deuxième proposition : Soutenir l'Inde puissance d'équilibre dans le concert des Nations, en appuyant sa candidature au CSNU), à la commission de l'océan Indien et à l'indian naval symposium (IONS).

3. Renforcer le dialogue stratégique dans le domaine de la défense et du nucléaire civil .

L'implantation de six EPR en Inde est un enjeu stratégique en raison, tant de la sensibilité des technologies concernées, que du besoin indien de sécurisation de son approvisionnement énergétique. Ce volet énergétique du partenariat stratégique, vieux d'une décennie déjà, est lent à se concrétiser. Le projet de coopération entre EDF et Nuclear Power Corporation of India (NPCIL) a été signé en mars 2018. Un suivi particulier de ce dossier est nécessaire. Dans ce domaine, des discussions au plus haut niveau pourraient permettre d'assurer aux autorités indiennes le plein engagement de l'État français.

De même, dans le domaine de l'armement, un accord intergouvernemental avait permis de solder la procédure d'achat de 36 Rafale. Pour ce type de relations impliquant des transferts de technologies dans le cadre des compensations industrielles (ou offset) prévues en contrepartie de la commande indienne, la procédure d'accord de gouvernement à gouvernement doit bénéficier de la solidarité interministérielle afin de garantir l'attractivité de la candidature française aux appels d'offre indiens, lorsqu'ils ne sont pas remplacés par des productions domestiques.

Enfin, la coopération bilatérale dans le domaine de la défense progressera d'autant plus aisément qu'un socle juridique stable applicable aux militaires de chaque pays sera défini, applicable dans l'océan Indien (en application de l'accord de soutien logistique réciproque) comme sur la base de Mérignac où sont formés les pilotes indiens du Rafale. L'établissement d'un accord de statut des forces à l'étranger, ou Status of Forces Agreement (SOFA), formalisant l'entente juridique entre un pays et une nation étrangère stationnant des forces armées dans ce pays est en effet la traduction de la confiance que les partenaires s'accordent.

Troisième proposition : Consolider le partenariat par la signature d'accord d'État à État dans le domaine de la défense et par la mise en oeuvre d'actions de diplomatie parlementaire dans le secteur de l'énergie nucléaire civil.

4. Agir de façon pragmatique dans le domaine économique : devenir partenaire de la politique du « fabriquer en Inde », en s'appuyant sur des secteurs force

La politique dite « Make in India », ou fabriquer en Inde, sortira plus prioritaire que jamais de la crise économique mondiale induite par la pandémie de covid-19. Dans ce contexte, la France, dont les groupes et entreprises ont fait très tôt le choix de l'internationalisation au long cours, s'implantant sur les marchés en croissance, doit devenir partenaire de cette politique indienne, sans naïveté. Les transferts de technologie, de savoir-faire découlant du « Make in India » obligent à maintenir un effort considérable en recherche et développement pour rester un partenaire intéressant, notamment dans l'optique du développement d'exportations depuis l'Inde vers les pays de la zone indopacifique.

Le dialogue innovant mis en oeuvre par New Delhi et Paris pour résoudre les éventuels blocages dus aux droits de douane, aux barrières fiscales ou toutes autres normes doit encore s'enrichir pour permettre de maximiser l'ouverture du marché indien aux entreprises françaises, et réciproquement. Les entreprises françaises ont de réelles opportunités à approfondir ou saisir dans les secteurs de l'industrie pharmaceutique, des énergies renouvelables, du développement urbain et des villes intelligentes, ou encore les secteurs numérique ou spatial, reposant sur de très hautes technologies duales. L'action de l'AFD priorisant les secteurs d'excellence et d'expertise français est limitée par les modalités de son intervention en Inde. L'aboutissement de la procédure de révision de l'accord de coopération encadrant les activités de l'AFD, afin de pouvoir intervenir par des prêts directs auprès des entreprises publiques rattachées aux États est une priorité.

Quatrième proposition : Bâtir une stratégie économique accompagnant le « Make in India » s'appuyant sur des modalités d'intervention renforcées par l'AFD.

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