CLÔTURE

Stéphane Artano,
sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon,
président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Monsieur le vice-président,

Mesdames et messieurs,

Chers collègues et amis,

Au terme de cette table ronde, je tiens à remercier une nouvelle fois le président Gérard Larcher de nous avoir fait le grand honneur d'ouvrir cette table ronde et d'avoir parrainé les manifestations qui ont jalonné depuis septembre l'hommage que le Sénat rend cette année à Gaston Monnerville, à l'occasion du 30 ème anniversaire de sa disparition.

Nos vifs remerciements s'adressent d'abord au vice-président du Sénat, Georges Patient, qui a porté ce projet en tant que président de la Société des amis du président Gaston Monnerville, sénateur de Guyane, mais également en tant que citoyen épris d'Histoire républicaine et soucieux de raviver la mémoire d'un homme aux multiples mérites, comme l'ont admirablement montré les interventions de cet après-midi très riche.

Je tiens à saluer aussi l'implication et la mobilisation de l'équipe dont il s'est entouré, et tout particulièrement de messieurs André Bendjebbar et Luc Laventure, qui ont oeuvré pour que cet anniversaire soit un moment de redécouverte de cet homme paradoxalement à la fois illustre et malheureusement méconnu.

Le 8 juillet dernier, les membres de la délégation ont pu vous entendre, messieurs, et mesurer le sérieux et l'ampleur du programme déployé sur plusieurs mois. Nous saluons le travail considérable qui a été accompli afin de le mener à bien.

Cette manifestation n'aurait pas été réussie sans la qualité des intervenants que je tiens à saluer personnellement. Toutes les interventions ont donné un éclairage très intéressant, mais aussi personnel et intime, sur l'homme qu'était Gaston Monnerville. Je commencerai par remercier le président Rodolphe Alexandre, venu spécialement de Guyane, que nous connaissons pour les hautes responsabilités qu'il a exercées, mais peut-être moins en tant que spécialiste de Gaston Monnerville.

Je remercie également chaleureusement madame Annie Robinson Chocho, vice-présidente de la collectivité territoriale de Guyane, qui s'est associée par vidéo, et nos collègues sénateurs du Lot, Angèle Préville et Jean-Claude Requier. D'éminents juristes nous ont également accompagnés : Patrick Lingibé, président de la délégation outre-mer de la Conférence des bâtonniers et Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier du Barreau de Paris. Je remercie également Philippe Martial, secrétaire général de la Société des amis du président Gaston Monnerville et ancien directeur de la Bibliothèque du Sénat, connaisseur reconnu de la vie de Gaston Monnerville.

Je veux également remercier Olivier Serva, président de la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, qui nous honore de sa présence sans oublier « la jeune génération » : Laurent Lise-Cabasset, Félix Beppo et Ramachandra Oviode-Siou. Chacun a eu à coeur de nous révéler « le Gaston Monnerville » qu'ils ont connu personnellement ou découvert avec passion.

À l'instar du titre donné à l'exposition inaugurée le 15 septembre dernier (« Monnerville, une fierté de la République »), la délégation que je préside est donc fière d'avoir organisé et permis la tenue de cette table ronde mettant à l'honneur Gaston Monnerville, homme des territoires et grand républicain.

Notre délégation qui fêtera ses 10 ans en novembre de cette année a, depuis sa mise en place en 2011 sous la présidence de Serge Larcher, entretenu une longue tradition de travaux mémoriels, notamment autour de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition.

Elle a aussi rendu hommage à Aimé Césaire en 2013 avec un colloque sur l'actualité de son oeuvre et de son discours, et a traité dans le cadre de deux colloques remarqués des « chapitres oubliés de l'Histoire de France » et « des champs de bataille aux réécritures de l'histoire coloniale ».

Tous les actes de ces travaux ont été publiés sous l'égide de notre délégation et bien évidemment il en sera de même pour la présente table ronde qui - je le crois - donnera lieu aussi à un document de référence pour les chercheurs et les nouvelles générations.

Je vous précise que notre cycle de commémoration n'est pas complétement achevé. Comme en novembre 2019, lors du prochain Congrès des maires, une Rencontre avec les maires ultramarins sera organisée cette année au Sénat, sous le haut patronage du président Gérard Larcher. Elle mettra à l'honneur la place des outre-mer dans les travaux du Sénat, en particulier à travers les activités de la Délégation sénatoriale aux outre-mer. Cette manifestation sera aussi l'occasion de rendre un nouvel hommage à Gaston Monnerville, un ultramarin qui a présidé le Conseil de la République puis le Sénat au total plus de 20 ans !

Luc Laventure . - Avant de donner la parole au président Georges Patient, je souhaite aussi remercier la direction de la Bibliothèque et des archives, et la direction de la Communication du Sénat ainsi que l'équipe d'Outremers 360.

Georges Patient,
sénateur de la Guyane,
vice-président du Sénat,
président de la Société des amis de Gaston Monnerville (SAPGM)

Je voulais commencer par des remerciements mais le président Stéphane Artano et Luc Laventure m'ont devancé. Je remercie le président Stéphane Artano qui est à l'origine de cette table ronde qui s'inscrit dans le cycle de manifestations que nous organisons pour le 30 ème anniversaire de la mort de Gaston Monnerville. Je veux aussi remercier tous les intervenants, dont certains sont venus de très loin, ainsi que les participants qui nous ont rejoints.

Avant de terminer, je voudrais revenir sur deux points qui me tiennent à coeur.

Le premier peut paraître anecdotique mais il ne l'est pas tout à fait car il nous oblige à ouvrir les yeux et à faire face à des questions qui traversent assez souvent depuis quelques années le débat public.

J'ai été, assez brutalement mis en cause dans la presse, il y a quelques semaines, à propos de deux panneaux de l'exposition « Gaston Monnerville, une fierté de la République ». Ces panneaux donnent à voir un certain nombre de caricatures de presse qui mettent en scène Gaston Monnerville, soit dans ses relations - pas toujours harmonieuses, on en conviendra - avec le général De Gaulle, avec des allusions à une Afrique de caricature - singes, sorciers nus - soit comme une sorte de « petit nègre » sur le modèle d'une ancienne publicité de poudre chocolatée - Y'a bon -. Ces caricatures ont existé. Elles témoignent d'une époque que je pense révolue. Elles témoignent aussi de la liberté de la presse et c'est heureux.

Je tiens à répéter ici que nous n'avions pas de raisons de passer sous silence cette vision satirique de Gaston Monnerville, et de ne pas évoquer les vexations qui lui ont été infligées en raison de la couleur de sa peau (et donc d'une « africanité » fantasmée). Gaston Monnerville avait sur ce point un regard distancié, dont nous pourrions encore nous inspirer et donc éviter de donner à ces caricatures, vieilles de soixante ans, plus d'importance qu'elles ne peuvent en avoir...

Je ne veux pas, en disant cela, minimiser les manifestations, y compris très actuelles, d'un racisme assumé, mais je pense sincèrement que ce ne sont pas les caricatures de Gaston Monnerville qui risquent de nourrir ce racisme.

Il était important pour nous de ne pas présenter Gaston Monnerville de façon édulcorée, de ne pas construire une espèce d'hagiographie désincarnée ; il était important de situer sa vie et son action dans le contexte social et politique qui a été le sien ; il était important de donner à cette exposition une profondeur historique. Quel objectif aurions-nous servi en laissant « sous le tapis » cette image que la presse satirique - amie ou ennemie de Gaston Monnerville, d'ailleurs - donnait de lui ? Quel objectif servirions-nous en ne mentionnant pas que les origines antillo-guyanaises de Gaston Monnerville et la couleur de sa peau ont pu parfois lui porter préjudice ? Et que pourrait-on penser de nous si nous n'étions pas aussi capables de dire que jamais, nulle part, personne ne peut être réduit à la couleur de sa peau ?

J'entendais il y a peu l'ancien ministre Robert Badinter, à propos des persécutions antisémites du régime de Vichy, dire : « La vérité, il faut toujours la rappeler ». Bien entendu. Il faut s'en souvenir et ne pas avoir peur. S'en souvenir pour ne pas avoir peur.

Je crois pour ma part que l'exposition de ces dessins satiriques racistes - disons-le - devrait avoir pour rôle de nous pousser à réfléchir, à comprendre, à manifester notre esprit critique.

Bref, on nous fait un mauvais procès... Et si la stature de Gaston Monnerville n'a pas été entamée il y a soixante ans par des dessins satiriques, elle ne le sera pas non plus aujourd'hui. Nous tous qui avons à coeur de rendre définitivement justice à Gaston Monnerville dans cette République qui nous rassemble, essayons donc, chacun pour notre part, à tous niveaux, à tous moments, d'inciter nos concitoyens à savoir et à comprendre pour mieux débattre, plutôt qu'à l'oubli et à l'invective. Relisons Aimé Césaire : « Nous sommes de ceux qui refusent d'oublier, nous sommes de ceux qui refusent l'amnésie même comme méthode. Nous sommes tout simplement du parti de la dignité et du parti de la fidélité. »

Le deuxième point que je voudrais évoquer est qu'il convient de rendre définitivement justice à Gaston Monnerville.

C'est en effet ce que je souhaite depuis au moins quatre ans, depuis qu'on m'a fait l'honneur de me nommer président de la Société des amis du président Gaston Monnerville. C'est ce que je demande encore ici et aujourd'hui et vous êtes nombreux maintenant à soutenir cet espoir : je demande qu'on ouvre à Gaston Monnerville la porte du Panthéon, ce temple laïc de la République française.

Lorsqu'en 1991 le sénateur Roger Lise et l'ancien député Gabriel Lisette (qui fit graver en 1988 sur les murs du Panthéon les noms de Toussaint Louverture et de Louis Delgrès) ont créé la société des amis du président Gaston Monnerville pour honorer sa mémoire et son héritage, ils étaient bien conscients de la nécessité de le faire pour contrer l'oubli programmé de ce président du Sénat.

Il est grand temps en effet que la République soit un peu moins timide pour intégrer à sa « légende des siècles » sa diversité native. Félix Éboué et Victor Schoelcher sont au Panthéon. Aimé Césaire s'y trouve aussi symboliquement. Joséphine Baker, résistante et très engagée dans le combat contre le racisme, y sera le mois prochain. Tant mieux, mais c'est encore bien peu pour signifier ce que la France doit aux grands hommes et femmes issus de ses territoires ultramarins. C'est encore bien peu, si l'on considère qu'un de ces grands hommes est aussi une des plus grandes figures politiques de la deuxième moitié du XX e siècle, et une référence majeure pour la société contemporaine.

Il est bien évident qu'on n'accueille pas au Panthéon un homme, ou une femme, pour la seule couleur de sa peau ou pour son lieu de naissance... Mais on peut pourtant considérer ces éléments, dans la mesure où ils ont pu lui donner, dans sa vie, ses décisions, ses épreuves, ses accomplissements, un caractère particulier, une dimension supplémentaire.

Je veux donc ici porter témoignage de la nécessité de rendre l'honneur suprême à un homme dont la trajectoire fut à tous points de vue exceptionnelle, à un homme, tout entier et toute sa vie, dévoué au service de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, à un homme qui fit honneur à la République, et auquel celle-ci peut et doit manifester sa reconnaissance.

Je demande donc solennellement à Monsieur le Président de la République de prendre la décision d'ouvrir les portes du Panthéon à Gaston Monnerville.

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