III. QUELLE FUTURE GESTION DE L'EAU EN FRANCE ?
A. LES CONCLUSIONS DU VARENNE AGRICOLE DE L'EAU ET DE L'ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Le « Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique » est une démarche de concertation avec les parties prenantes (agriculteurs, associations environnementales, élus et pouvoirs publics, experts) lancée par le Gouvernement en mai 2021 pour anticiper les effets du changement climatique sur l'agriculture, notamment vis-à-vis de la ressource en eau, et identifier les réponses possibles.
Les travaux du Varenne partent des prévisions de l'étude Explore 2070 et du constat d'épisodes de grêle plus fréquents, de pluies diluviennes et de sécheresses précoces qui perturbent les cycles de culture et menacent la souveraineté alimentaire de la France.
Ces travaux ne se limitent pas à une réflexion sur l'agriculture irriguée, mais englobent l'ensemble des enjeux liés au changement climatique. En effet, les surfaces irriguées en France ne représentent que 1,6 million d'hectares, soit une faible part de la surface agricole utilisée, constante depuis 20 ans. Les prélèvements pour l'irrigation atteignent environ 3 km 3 par an, contre 4,5 km 3 par an au début des années 2000. Cependant, ils interviennent principalement dans des périodes où l'eau est rare, exacerbant les conflits d'usage.
Les travaux, qui se sont achevés en février 2022, étaient structurés autour de trois thématiques examinées dans le cadre de trois groupes de travail distincts :
- Thématique 1 : se doter d'outils d'anticipation et de protection dans le cadre de la politique globale de gestion des aléas climatiques ;
- Thématique 2 : renforcer la résilience de l'agriculture en agissant notamment sur les sols, les variétés, les pratiques culturales et l'efficience de l'eau d'irrigation ;
- Thématique 3 : partager une vision raisonnée des besoins et de l'accès aux ressources en eau mobilisables pour l'agriculture sur le long terme.
Plusieurs mesures et orientations ont été annoncées à l'issue du Varenne. Certaines visent à mieux connaître les besoins et les ressources en eau pour l'agriculture. Afin de mieux appréhender au niveau français les conséquences hydrologiques des derniers scénarios climatiques du GIEC, une étude prospective Explore 2, destinée à actualiser les données de l'étude Explore 2070 de 2012, a été lancée et devrait rendre ses conclusions d'ici 2024. Une expertise nationale est également annoncée pour mieux identifier les volumes prélevables en période de hautes eaux, dans le but de constituer des réserves d'eau hivernales.
D'autres mesures visent à agir rapidement. Ainsi, les filières s'engagent à établir des stratégies d'adaptation au changement climatique visant à économiser l'eau et à améliorer l'efficience de ses utilisations. Elles seront déclinées en plans d'actions et appuyées par le réexamen par l'État de certaines règlementations, comme l'irrigation des vignes. Une réforme de l'assurance-récolte et des outils de couverture des agriculteurs face aux risques climatiques a été annoncée lors du Varenne et a fait l'objet d'un projet de loi, déposé en décembre 2021 et adopté définitivement moins de trois mois plus tard, pour renforcer la résilience économique des exploitations. Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), outils mis en place à la suite des Assises de l'eau de 2019, sont encouragés et accélérés, en donnant au préfet coordonnateur de bassin le pouvoir de fixer un délai au-delà duquel il peut mettre un terme à la phase de concertation si un accord n'est pas obtenu. La valorisation par l'agriculture des eaux usées traitées est également encouragée à travers des expérimentations. Une optimisation de la mobilisation des retenues d'eau existantes est annoncée, mais le Varenne ne va pas jusqu'à recommander la création de nouvelles retenues. Enfin, des moyens supplémentaires ont été annoncés pour financer des appels à projets et des programmes visant à adapter les pratiques et techniques culturales, en utilisant tous les leviers disponibles.
Afin de suivre la mise en oeuvre du Varenne et favoriser le lien entre l'État et les territoires, un délégué interministériel à l'eau devrait être nommé par le Gouvernement.